
Les actions technologiques ressentent de plein fouet les effets du repli des marchés. Kim Parlee accueille Vitali Mossounov, gestionnaire de portefeuille et analyste des technologies mondiales à Gestion de Placements TD, pour discuter de ce qu’il anticipe pour le secteur et déterminer si l’on risque une répétition de l’éclatement de la bulle technologique des années 2000.
[MUSIQUE DE MONEYTALK]
La récente volatilité des marchés a été particulièrement rude pour le secteur technologique autrefois très dynamique, et les grands noms affichent une baisse proche de 20 %. Pour tenter de savoir si le pire est derrière nous, j’accueille Vitali Mossounov, analyste des technologies mondiales et gestionnaire de portefeuille à Gestion de Placements TD. Vitali, le marché a été mis à très rude épreuve ces deux derniers mois. Quand on s’est parlé la dernière fois, il a trois mois, le secteur des technologies avait déjà entamé une correction. Mais ces 90 derniers jours, la situation s’est vraiment détériorée pour ce secteur dans son ensemble. Qu’est-ce qui a changé?
C’est vraiment allé de mal en pis. Je me souviens vous avoir parlé virtuellement il y a 90 jours. On disait que le secteur des technologies était en repli mais que le marché global tenait encore bon. On observe maintenant une correction importante du marché, et plus qu’importante dans le secteur de la technologie.
Qu’est-ce qui a changé? Pas vraiment de changements, mais une aggravation. C’est ce que Mike disait. Le spectre de l’inflation est de plus en plus menaçant. La Fed continue de mettre la pression, du moins de nous effrayer. En fin de compte, on se demande si ça va entraîner une grave récession qui va mettre fin à la fête. Et toutes les valeurs ont commencé à baisser.
Si on prend les secteurs un par un, on voit qu’il reste quelques endroits où se réfugier, comme les services publics ou les biens de consommation de base. Les investisseurs sont craintifs. Ce sont des flux de trésorerie disponibles stables. Mais tout ce qui a trait à l’économie réelle, la technologie, les services financiers, la consommation sont durement touchés.
On parle des secteurs où l’on peut encore se réfugier. Vous avez parlé des services publics, et aussi de l’énergie. Mais ça ne se présente pas bien pour le secteur technologique.
Pour ce qui est de l’énergie, on comprend bien que les investisseurs s’y engouffrent en raison de l’actualité dramatique. Mais tous les secteurs qui profiteraient normalement d’une solide économie de consommation sont en difficulté, et c’est un euphémisme.
Vous avez dit que, dans le secteur de la technologie, il y a en fait deux marchés en ce moment. Qu’entendez-vous par là?
Oui, tout à fait. Dans les technologies, les investisseurs réduisent fortement leur horizon de placement, car l’avenir leur fait peur. Que recherchent-ils? Ils recherchent la sécurité. On trouve cette sécurité dans les grandes entreprises. Dans des sociétés très rentables. Si on prend les sociétés dont la capitalisation boursière dépasse 100 milliards de dollars et les sociétés qui sont très rentables, on a fixé la limite à des marges bénéficiaires de 20 %.
Oui.
Elles sont toujours en baisse. Elles accusent un fort recul de 20 %.
Oui. Je vais faire une pause pour montrer un tableau qui illustre ce que vous dites. Mais continuez.
Si vous regardez les petites sociétés de moins de 100 milliards de dollars dont la rentabilité est insuffisante, c’est là que les choses se gâtent. Certaines ont plongé de 40 %, même celles qui étaient très prisées et qui avaient atteint des sommets ces deux dernières années.
Oui. Et certains pensent que le pire est peut-être encore à venir dans les mois qui viennent. On verra. On verra. La période d’annonce des bénéfices est terminée. Et les sociétés qui ont manqué un tant soit peu la cible l’ont payé très cher. Quelles grandes conclusions tirez-vous de tout cela?
C’est difficile de résumer les annonces de bénéfices. La technologie reste un secteur très disparate où il se passe beaucoup de choses. On en revient toujours aux cinq géants technologiques et on regarde leurs résultats. En général, ils s’en sortent bien ou très bien. Mais le trimestre a été un peu houleux et les résultats sont mitigés.
D’accord.
Du bon et du moins bon. Dans l’ensemble, soyons justes : ils ont augmenté leurs ventes de 15 %. C’est nettement supérieur au marché. C’est nettement supérieur au S&P 500. Mais on note quelques petites anicroches ici et là. C’est le même thème qui revient. Les investisseurs ont peur de l’avenir. L’incertitude est vive. Ils écourtent l’horizon de placement. Une anicroche peut porter un coup fatal à votre action dans le contexte actuel.
Regardons quelques chiffres du trimestre. Commençons par Microsoft, qui me semble-t-il a mieux résisté que les autres jusqu’ici. Que nous montre ce graphique, et comment interprétez-vous l’annonce des bénéfices?
On passe en revue nos graphiques habituels sur la croissance globale des revenus. On regarde la demande pour les produits et services. Microsoft a toujours été un modèle de constance dans le secteur. Ce trimestre ne déroge pas à la règle, avec 20 % de croissance des ventes et bénéfices. Et c’est conforme aux attentes, qui sont représentées par la barre du milieu. Et devinez quoi? En effet, Microsoft a résisté. Et même très bien résisté. Les investisseurs ont récompensé les résultats. Le titre a progressé de 5 % le lendemain. Mais je crois qu’on sait ce qui s’est passé ensuite. Les données fondamentales passent à la trappe. C’est le thème de l’incertitude. On oublie les résultats et la peur reprend le dessus.
Oui. On arrive à la corrélation positive parfaite, où toutes les valeurs évoluent ensemble. Mais aujourd’hui, les bénéfices sont bons. Qu’en est-il d’Amazon? Voit-on la même trajectoire?
Le marché a eu du mal à analyser les résultats d’Amazon. Si vous regardez le chiffre d’affaires, des félicitations sont de rigueur, parce que les ventes ont augmenté de 9 % en valeur constante. Il y a un an, elles ont progressé de 40 % parce que tout le monde faisait la même chose, on magasinait en ligne. Donc tout de même une croissance de 9 %. C’est très, très bien. Et si le marché a réagi si horriblement et que l’action a plongé de 14% le lendemain, c’est à cause de la rentabilité.
Amazon a évoqué quelques points noirs. Elle a déclaré que beaucoup de choses échappaient à son contrôle, mais que d’autres non. Mais les facteurs négatifs se multiplient. On a trop construit. Il y a des coûts supplémentaires et des inefficiences. On a embauché trop de personnel. Il y a les problèmes de chaîne d’approvisionnement. Les confinements en Chine. Le transport de marchandises est plus cher. Tout se conjugue et, en fin de compte, il ne reste plus beaucoup de profits. Les investisseurs ne sont pas enchantés de cette situation. Ils ne croient pas la direction sur parole quand elle dit que les choses vont s’améliorer.
Oui. Ils veulent des preuves. Et les déclarations sur le surplus d’employés, c’est un signal d’alerte d’un point de vue économique. Mais c’est un autre sujet.
Ils ont embauché à tour de bras l’an dernier.
Oui. Oui. Oui. C’est un facteur. Il ne me reste qu’une trentaine de secondes. Les gens voient ce repli et ça leur rappelle la bulle Internet des années 2000. Comparable? Pas comparable?
Cette question revient à chaque correction dans le secteur technologique. Je crois que beaucoup de gens veulent presque que ça se produise. Je pense qu’il faut être prudent. Le succès à long terme repose surtout sur l’achat de titres d’excellentes sociétés en payant un prix juste, sans surpayer. Les sociétés technologiques font aujourd’hui partie intégrante de la vie des consommateurs et des entreprises. Ce sont d’excellentes sociétés, riches en liquidités. Ces liquidités augmentent. On en a mentionné deux il y a quelques instants.
La situation était très différente en 2000, même avec les valeurs sûres de l’époque. On en revient aux évaluations. Le prix que vous payez pour un actif est très important. Aujourd’hui, ces mêmes sociétés génèrent environ 20 fois plus de bénéfices. C’est une prime d’environ 20 % par rapport au cours du marché. Revenons en 2000. On payait presque le double de la prime, de l’évaluation de l’action moyenne. Je ne vais même pas vous donner le chiffre en terme absolu, car c’est choquant. La catégorie des valeurs sûres de base a donc énormément changé.
Oui. Il y a eu beaucoup d’évolution depuis.
Absolument.
Vitali, c’est toujours un plaisir. Merci.
De même.
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