Les grands producteurs de sables bitumineux du Canada forment une alliance sans précédent pour atteindre des émissions de gaz à effet de serre nettes nulles. Kim Parlee et Amy West, chef mondiale, groupe Finance durable et Transitions d’entreprises, Valeurs Mobilières TD, discutent de la façon dont le Canada peut mener la transition vers un monde sans carbone.
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La semaine dernière, les producteurs canadiens de sables bitumineux ont annoncé une alliance inédite en vue de réduire à zéro les émissions de gaz à effet de serre. Ce type d’initiative public-privé pourrait-il faire du Canada un chef de file mondial en matière d’enjeux ESG? Quel est le rôle des entreprises canadiennes dans la transition à un monde sans carbone? Amy West est chef mondiale du groupe Finance durable et Transitions d’entreprises à Valeurs Mobilières TD. Elle nous rejoint de New York. Amy, merci beaucoup d’être avec nous. Je vais entrer dans le vif du sujet. On est en période de grands changements.
Le projet d’oléoduc Keystone XL est officiellement enterré, ce qui a ébranlé l’Alberta. Les grands producteurs de sables bitumineux de l’Alberta se sont engagés ensemble envers la carboneutralité. Comment voyez-vous cette évolution?
Oui. D’abord, merci de m’avoir invitée. Il ne fait aucun doute qu’en préparation de la conférence sur le climat qui aura lieu en novembre en Écosse, on réfléchit de plus en plus aux moyens de parvenir à un monde à zéro émission nette. Dans tous les conseils d’administration et salles de direction, les enjeux ESG sont désormais prioritaires. Un vrai changement s’est opéré par rapport aux années précédentes. Et ça dépasse le cadre des sociétés d’énergie. Dans de nombreux secteurs, les entreprises annoncent maintenant des cibles de carboneutralité. Cette transition, comme toutes les transitions, présente des défis et des opportunités.
Dans le cas de l’initiative des producteurs de sables bitumineux qui a été annoncée la semaine dernière, c’est extrêmement encourageant de voir de grandes sociétés d’énergie canadiennes annoncer officiellement une alliance pour concrétiser cette cible de zéro émission nette. Et c’est encore plus encourageant de voir qu’elles ont l’appui du gouvernement fédéral et des provinces, parce qu’il va falloir du soutien au niveau des programmes et des infrastructures pour développer et étendre ces programmes de réduction des émissions.
Je dois dire qu’à mon sens, le Canada est particulièrement bien placé pour assurer le leadership dans cette transition énergétique. On possède l’expertise technique requise pour être un chef de file, mais aussi une main-d’œuvre hautement éduquée et qualifiée. Ce ne serait pas surprenant si un certain nombre des nouvelles initiatives et technologies actuellement développées au pays devenaient des vecteurs de création d’emploi et de nouvelles opportunités.
Les acteurs du marché des capitaux savent mieux que quiconque que le changement est source d’opportunités. C’est très vrai. Vous parliez du nombre d’entreprises qui s’inscrivent dans cette démarche. J’ai vu des statistiques disant que 20 % des entreprises, pas seulement celles du secteur de l’énergie, se sont fixées une cible de zéro émission nette. Pardon – 20 % des grandes entreprises. Comment vont-elles s’y prendre? Vous avez parlé des gens et de la technologie, mais que faudra-t-il mettre en œuvre?
C’est exactement la raison pour laquelle le groupe Finance durable et Transitions d’entreprises que je dirige a été créé à Valeurs Mobilières TD. Nous essayons vraiment d’analyser les moyens d’aider nos clients dans leur parcours. Je dois d’abord dire qu’il n’y a pas de solution miracle ou toute faite pour atteindre la carboneutralité. Chaque entreprise devra trouver sa voie. Mais d’après ce que disent nos clients, il est clair que la plupart des entreprises auront trois possibilités pour atteindre leurs objectifs.
Premièrement, mettre au point elles-mêmes des technologies pour rester concurrentielles dans un monde à zéro émission nette. Deuxièmement, acquérir des entreprises ou des technologies qui accéléreront ces initiatives. Ou troisièmement investir dans des crédits-carbone pour compenser leur empreinte carbone. Et de mon point de vue, je pense que beaucoup de clients feront les trois.
Quand on parle de la carboneutralité, des crédits-carbone et de la taille de ce marché... Depuis quelque temps, on entend parler des moyens de commencer à négocier ce genre de choses. Ce marché existe-t-il vraiment? Est-ce que ça s’en vient, et est-ce que ça accélérera un peu les choses?
Actuellement, le marché du carbone en est clairement à ses balbutiements. Même si on a établi un marché réglementé pour les crédits-carbone, le marché volontaire a encore beaucoup de chemin à parcourir avant de devenir un marché liquide comme pour les autres produits de base. Je pense qu’à l’avenir, les crédits-carbone vérifiés vont prendre de plus en plus d’importance, parce que si on considère le chemin vers la carboneutralité et la façon dont on demande aux entreprises de rendre compte de leurs émissions, la compensation carbone va jouer un rôle important dans la façon dont nos clients atteignent leurs objectifs de carboneutralité.
Que faudra-t-il faire pour injecter cette liquidité et faire vraiment démarrer ce marché?
Plusieurs choses. Il va falloir davantage de participants. Les banques comme la TD négocient déjà sur les marchés du carbone réglementés. Nous explorons activement les marchés volontaires. Nous travaillons aussi avec les clients pour créer des crédits de compensation de carbone vérifiés et crédibles. Je crois qu’on assiste à beaucoup de progrès très positifs sur la façon d’augmenter l’offre de crédits-carbone, mais nous le faisons d’une manière vérifiable.
Nous procédons de manière stratégique pour pouvoir affirmer que ces crédits ne sont pas seulement des crédits d’évitement. Il va vraiment s’agir de crédits de réduction. Je crois qu’en bâtissant une structure autour de la compensation carbone, avec peut-être même l’établissement un méta-registre, la liquidité de ce marché pourra évoluer considérablement et il sera possible de l’exploiter.
Amy, le Canada peut-il prospérer – pas seulement survivre, mais prospérer pendant la transition vers un monde sans carbone?
Tout à fait. Par exemple, le captage et la séquestration du carbone est une technologie très prometteuse qui capture le dioxyde de carbone et le séquestre dans le sol. Elle peut potentiellement réduire les émissions de CO2, mais c’est aussi une technologie émergente dans laquelle le Canada a fait preuve d’un grand leadership. Non seulement par l’entremise de ses entreprises en démarrage, dont un certain nombre mènent la marche à l’échelle mondiale, mais le Canada a aussi été choisi par des sociétés d’énergie internationales pour réaliser des projets pilotes et des investissements technologiques dans ce domaine. Non seulement le Canada peut survivre, mais je pense que le pays est bien placé pour prospérer dans un monde à faibles émissions de carbone.
J’aimerais parler de la TD, la première banque nord-américaine à avoir atteint la carboneutralité en 2010. Elle vise maintenant zéro émission nette de gaz à effet de serre d’ici 2050. Mais en même temps, la TD est un acteur financier important dans le secteur de l’énergie. Alors comment trouver un équilibre? Quelle est la stratégie de la TD pour financer le secteur de l’énergie de l’Alberta? Tout en atteignant quand même les cibles de son plan d’action pour le climat?
D’accord. La TD a adopté et continuera d’adopter une approche équilibrée. Bien que la TD prenne au sérieux son rôle dans la transition à la carboneutralité et que pour nous, ça fait partie de notre permis social d’exercer nos activités, nous continuerons toujours de soutenir nos clients. Nous ne nous retirerons d’aucun secteur. Notre priorité, c’est de fournir des conseils sur les pratiques gagnantes et de trouver les moyens d’intégrer les attentes du marché à l’échelle de nos équipes de direction et de nos activités, mais aussi d’intégrer l’évolution des réglementations. Comment les intégrer dans notre stratégie d’entreprise?
Il y aura donc ce que nous faisons du côté des prêts, mais c’est surtout une question beaucoup plus vaste, une question de partenariat. Parce que lorsque nos clients atteindront leur cible de zéro émission nette, ils aideront la TD à atteindre ses objectifs aux trois phases d’élimination des émissions de son plan d’action sur les changements climatiques.
Amy, il ne me reste plus qu’une minute, mais je tiens à poser cette dernière question. Le groupe que vous dirigez, en plus d’un autre groupe à la TD, a été choisi par le gouvernement canadien comme conseiller pour la toute première émission d’obligations vertes. Pouvez-vous nous en dire un peu plus?
Nous sommes très heureux de collaborer avec le gouvernement du Canada dans le cadre de son tout premier programme d’obligations vertes. C’est bien sûr un sujet dont on parle depuis longtemps. Mais quand on voit une organisation de calibre mondial comme le gouvernement entrer sur ce marché alors qu’il n’y a pas encore d’obligations souveraines vertes nord-américaines... c’est vraiment prendre un rôle de leadership. Dans l’ensemble, la TD est un chef de file dans le secteur des obligations vertes, un souscripteur clé sur le marché canadien des obligations vertes en particulier, depuis sa création en 2014.
Quand on regarde la stratégie du Canada et son ambitieux programme de carboneutralité et de réduction des émissions de 40 à 45 % d’ici 2030, c’est selon moi une autre étape dans l’accélération des flux de capitaux vers ces initiatives dont le Canada aura besoin pour être compétitif, mais aussi pour démontrer qu’il a sa place aux côtés des autres pays du G7 dans la lutte contre la crise climatique. Nous sommes donc ravis de jouer un rôle dans cette initiative.
Et nous avons hâte de voir les résultats. Nous nous retrouverons pour en parler. Amy, merci beaucoup d’avoir été des nôtres.
Merci à vous.
[MUSIQUE]
Le projet d’oléoduc Keystone XL est officiellement enterré, ce qui a ébranlé l’Alberta. Les grands producteurs de sables bitumineux de l’Alberta se sont engagés ensemble envers la carboneutralité. Comment voyez-vous cette évolution?
Oui. D’abord, merci de m’avoir invitée. Il ne fait aucun doute qu’en préparation de la conférence sur le climat qui aura lieu en novembre en Écosse, on réfléchit de plus en plus aux moyens de parvenir à un monde à zéro émission nette. Dans tous les conseils d’administration et salles de direction, les enjeux ESG sont désormais prioritaires. Un vrai changement s’est opéré par rapport aux années précédentes. Et ça dépasse le cadre des sociétés d’énergie. Dans de nombreux secteurs, les entreprises annoncent maintenant des cibles de carboneutralité. Cette transition, comme toutes les transitions, présente des défis et des opportunités.
Dans le cas de l’initiative des producteurs de sables bitumineux qui a été annoncée la semaine dernière, c’est extrêmement encourageant de voir de grandes sociétés d’énergie canadiennes annoncer officiellement une alliance pour concrétiser cette cible de zéro émission nette. Et c’est encore plus encourageant de voir qu’elles ont l’appui du gouvernement fédéral et des provinces, parce qu’il va falloir du soutien au niveau des programmes et des infrastructures pour développer et étendre ces programmes de réduction des émissions.
Je dois dire qu’à mon sens, le Canada est particulièrement bien placé pour assurer le leadership dans cette transition énergétique. On possède l’expertise technique requise pour être un chef de file, mais aussi une main-d’œuvre hautement éduquée et qualifiée. Ce ne serait pas surprenant si un certain nombre des nouvelles initiatives et technologies actuellement développées au pays devenaient des vecteurs de création d’emploi et de nouvelles opportunités.
Les acteurs du marché des capitaux savent mieux que quiconque que le changement est source d’opportunités. C’est très vrai. Vous parliez du nombre d’entreprises qui s’inscrivent dans cette démarche. J’ai vu des statistiques disant que 20 % des entreprises, pas seulement celles du secteur de l’énergie, se sont fixées une cible de zéro émission nette. Pardon – 20 % des grandes entreprises. Comment vont-elles s’y prendre? Vous avez parlé des gens et de la technologie, mais que faudra-t-il mettre en œuvre?
C’est exactement la raison pour laquelle le groupe Finance durable et Transitions d’entreprises que je dirige a été créé à Valeurs Mobilières TD. Nous essayons vraiment d’analyser les moyens d’aider nos clients dans leur parcours. Je dois d’abord dire qu’il n’y a pas de solution miracle ou toute faite pour atteindre la carboneutralité. Chaque entreprise devra trouver sa voie. Mais d’après ce que disent nos clients, il est clair que la plupart des entreprises auront trois possibilités pour atteindre leurs objectifs.
Premièrement, mettre au point elles-mêmes des technologies pour rester concurrentielles dans un monde à zéro émission nette. Deuxièmement, acquérir des entreprises ou des technologies qui accéléreront ces initiatives. Ou troisièmement investir dans des crédits-carbone pour compenser leur empreinte carbone. Et de mon point de vue, je pense que beaucoup de clients feront les trois.
Quand on parle de la carboneutralité, des crédits-carbone et de la taille de ce marché... Depuis quelque temps, on entend parler des moyens de commencer à négocier ce genre de choses. Ce marché existe-t-il vraiment? Est-ce que ça s’en vient, et est-ce que ça accélérera un peu les choses?
Actuellement, le marché du carbone en est clairement à ses balbutiements. Même si on a établi un marché réglementé pour les crédits-carbone, le marché volontaire a encore beaucoup de chemin à parcourir avant de devenir un marché liquide comme pour les autres produits de base. Je pense qu’à l’avenir, les crédits-carbone vérifiés vont prendre de plus en plus d’importance, parce que si on considère le chemin vers la carboneutralité et la façon dont on demande aux entreprises de rendre compte de leurs émissions, la compensation carbone va jouer un rôle important dans la façon dont nos clients atteignent leurs objectifs de carboneutralité.
Que faudra-t-il faire pour injecter cette liquidité et faire vraiment démarrer ce marché?
Plusieurs choses. Il va falloir davantage de participants. Les banques comme la TD négocient déjà sur les marchés du carbone réglementés. Nous explorons activement les marchés volontaires. Nous travaillons aussi avec les clients pour créer des crédits de compensation de carbone vérifiés et crédibles. Je crois qu’on assiste à beaucoup de progrès très positifs sur la façon d’augmenter l’offre de crédits-carbone, mais nous le faisons d’une manière vérifiable.
Nous procédons de manière stratégique pour pouvoir affirmer que ces crédits ne sont pas seulement des crédits d’évitement. Il va vraiment s’agir de crédits de réduction. Je crois qu’en bâtissant une structure autour de la compensation carbone, avec peut-être même l’établissement un méta-registre, la liquidité de ce marché pourra évoluer considérablement et il sera possible de l’exploiter.
Amy, le Canada peut-il prospérer – pas seulement survivre, mais prospérer pendant la transition vers un monde sans carbone?
Tout à fait. Par exemple, le captage et la séquestration du carbone est une technologie très prometteuse qui capture le dioxyde de carbone et le séquestre dans le sol. Elle peut potentiellement réduire les émissions de CO2, mais c’est aussi une technologie émergente dans laquelle le Canada a fait preuve d’un grand leadership. Non seulement par l’entremise de ses entreprises en démarrage, dont un certain nombre mènent la marche à l’échelle mondiale, mais le Canada a aussi été choisi par des sociétés d’énergie internationales pour réaliser des projets pilotes et des investissements technologiques dans ce domaine. Non seulement le Canada peut survivre, mais je pense que le pays est bien placé pour prospérer dans un monde à faibles émissions de carbone.
J’aimerais parler de la TD, la première banque nord-américaine à avoir atteint la carboneutralité en 2010. Elle vise maintenant zéro émission nette de gaz à effet de serre d’ici 2050. Mais en même temps, la TD est un acteur financier important dans le secteur de l’énergie. Alors comment trouver un équilibre? Quelle est la stratégie de la TD pour financer le secteur de l’énergie de l’Alberta? Tout en atteignant quand même les cibles de son plan d’action pour le climat?
D’accord. La TD a adopté et continuera d’adopter une approche équilibrée. Bien que la TD prenne au sérieux son rôle dans la transition à la carboneutralité et que pour nous, ça fait partie de notre permis social d’exercer nos activités, nous continuerons toujours de soutenir nos clients. Nous ne nous retirerons d’aucun secteur. Notre priorité, c’est de fournir des conseils sur les pratiques gagnantes et de trouver les moyens d’intégrer les attentes du marché à l’échelle de nos équipes de direction et de nos activités, mais aussi d’intégrer l’évolution des réglementations. Comment les intégrer dans notre stratégie d’entreprise?
Il y aura donc ce que nous faisons du côté des prêts, mais c’est surtout une question beaucoup plus vaste, une question de partenariat. Parce que lorsque nos clients atteindront leur cible de zéro émission nette, ils aideront la TD à atteindre ses objectifs aux trois phases d’élimination des émissions de son plan d’action sur les changements climatiques.
Amy, il ne me reste plus qu’une minute, mais je tiens à poser cette dernière question. Le groupe que vous dirigez, en plus d’un autre groupe à la TD, a été choisi par le gouvernement canadien comme conseiller pour la toute première émission d’obligations vertes. Pouvez-vous nous en dire un peu plus?
Nous sommes très heureux de collaborer avec le gouvernement du Canada dans le cadre de son tout premier programme d’obligations vertes. C’est bien sûr un sujet dont on parle depuis longtemps. Mais quand on voit une organisation de calibre mondial comme le gouvernement entrer sur ce marché alors qu’il n’y a pas encore d’obligations souveraines vertes nord-américaines... c’est vraiment prendre un rôle de leadership. Dans l’ensemble, la TD est un chef de file dans le secteur des obligations vertes, un souscripteur clé sur le marché canadien des obligations vertes en particulier, depuis sa création en 2014.
Quand on regarde la stratégie du Canada et son ambitieux programme de carboneutralité et de réduction des émissions de 40 à 45 % d’ici 2030, c’est selon moi une autre étape dans l’accélération des flux de capitaux vers ces initiatives dont le Canada aura besoin pour être compétitif, mais aussi pour démontrer qu’il a sa place aux côtés des autres pays du G7 dans la lutte contre la crise climatique. Nous sommes donc ravis de jouer un rôle dans cette initiative.
Et nous avons hâte de voir les résultats. Nous nous retrouverons pour en parler. Amy, merci beaucoup d’avoir été des nôtres.
Merci à vous.
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