Kim Parlee discute avec Michael Craig, chef, Répartition des actifs, Gestion de Placements TD, des grandes actualités boursières de la semaine et des possibles répercussions à long terme.
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La semaine est très chargée pour les marchés, entre les élections, les déboires immobiliers en Chine et, bien sûr, la Fed. Et on n’est que mercredi. Michael Craig va nous aider à faire la part des choses. Il est chef, Répartition des actifs et Produits dérivés, à Gestion de Placements TD. Mike, merci d’être des nôtres.
Beaucoup à passer en revue. Merci de nous aider à y voir plus clair. J’aimerais qu’on parle d’abord de la Fed, qui s’apprête à ralentir le rythme de ses achats d’actifs, possiblement d’ici le mois de novembre. Et elle envisage une hausse des taux l’an prochain. Qu’est-ce que ça signifie, selon vous?
La Fed a fait deux annonces importantes aujourd’hui. D’abord, elle va sans doute diminuer ses achats d’actifs dès novembre, à un rythme bien plus rapide que les investisseurs ne l’anticipaient. Les achats d’obligations pourraient cesser d’ici la mi-2022. À l’origine, on anticipait peut-être environ 110 milliards de dollars par mois sur 12 mois, jusqu’à la fin 2022. Mais apparemment, ce sera fini d’ici la mi-2022.
L’autre annonce concerne les taux d’intérêt. La moitié des membres tablent sur une première hausse en 2022. Je soulignerais que les graphiques à points sont notoirement inexacts par rapport à la réalité. J’aurais donc tendance à passer outre. À plus long terme, la Fed compte atteindre un taux final maximum d’environ 1,8 % en 2024.
Là encore, c’est bien en-deçà de ce qu’on a vu par le passé. Ce n’est pas surprenant. Le plus marquant dans tout ça, c’est le début imminent du retrait des mesures de relance.
Je dois dire que j’ai été surprise de ne pas voir une réaction plus forte du marché. Je sais qu’on sort tout juste d’un repli majeur et d’un rebond, mais – Les marchés ont réagi, mais pas aussi fortement que je ne l’aurais cru.
Cette réaction assez déroutante, à vrai dire. Le marché obligataire s’est aplati, ce qui a fait remonter les taux à long terme. Ce n’est pas un indicateur positif pour la croissance. On est dans une situation intéressante. Le marché boursier a connu une belle remontée tout au long de la journée, et a tenu bon après cette annonce de la Fed. Le message d’aujourd’hui n’était pas très positif pour le marché boursier. Le message n’était pas du tout conciliant.
Je crois qu’il annonce plutôt un durcissement. Je suis curieux de voir ce qui va se passer demain à l’ouverture, quand les investisseurs auront eu 12 ou 24 heures pour digérer la nouvelle. Je m’attends à quelques turbulences au cours des prochaines séances.
Il faut dire qu’il y a effectivement beaucoup de nouvelles à digérer. Le géant chinois Evergrande a aussi fait les manchettes. Quelles retombées faut-il craindre, pour ceux qui ne sont pas au courant de cette affaire? Je rappelle que cette société immobilière chinoise a de la difficulté à honorer les paiements à ses porteurs d’obligations. Dans quel contexte faut-il évaluer l’ampleur de cette nouvelle, selon vous?
Oui. La dette d’Evergrande représente environ 1 % du PIB chinois. La société doit environ 300 milliards de dollars. Une grande société, mais qui ne bâtit qu’environ 3 % des projets immobiliers chinois. Si on la replace dans son contexte, on voit que ce n’est qu’une société parmi d’autres. Evergrande est tombée dans un écueil classique qui hante parfois les promoteurs immobiliers. Ils détiennent beaucoup d’actifs à long terme, le bilan est mal équilibré, c’est-à-dire qu’il y a un déséquilibre entre les emprunts et les actifs, et ils se retrouvent dans une situation critique où ils n’ont pas assez de liquidités pour financer les opérations courantes.
C’est un peu ce qui s’est produit. Cette situation dure depuis des mois. Les obligations se négocient à des niveaux très, très faibles. La société sera donc démantelée. Il y aura une réduction progressive des opérations, etc. Selon nous, il n’y a pas vraiment de risque systématique. Les obligations ont chuté à 24 cents pour un dollar. Hier, elles ont remonté un peu la pente jusqu’à 30 cents. C’est l’effet rebond.
Les porteurs de titres vont probablement se faire laminer. Mais il y a de la valeur, il faudra juste la réorganiser en baissant le prix. Pour ce qui est du risque systématique, les actions chinoises sont stables depuis des mois. On n’observe pas de recul important. D’autres promoteurs immobiliers se sont dépréciés dans le sillage d’Evergrande, mais dans l’ensemble, les marchés ont tenu bon. Et si on regarde les taux de financement, le CHIBOR, on n’observe pas de resserrement global des conditions financières. Je ne vois pas donc de risque systématique, mais ça dénote clairement un ralentissement de la croissance chinoise. Et c’est le point où en est arrivée cette entreprise.
Ce qui ne faisait pas partie de la liste des questions que j’ai énumérées au début de l’entrevue, c’est l’inflation. Les problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement commencent à créer des retards sans précédent, des navires sont bloqués au large de la côte californienne. Bien sûr, les détaillants et les fabricants en souffrent énormément. Certains constructeurs d’automobiles manquent de puces électroniques. Quelle sera l’intensité des pressions inflationnistes à court terme?
C’est difficile à dire. C’est un thème récurrent en ce moment. Et c’est parce que la demande a été stimulée par les chèques de relance et par d’autres grands transferts gouvernementaux, etc. Les gens n’ont pas grand-chose à faire, ils ne voyagent pas autant qu’avant, pas comme il y a deux ans. La COVID a fait des ravages dans les chaînes d’approvisionnement. Une semaine, on manque de puces électroniques, la semaine suivante, c’est l’énergie.
Je pense qu’on traverse une période où l’on ressent une conséquence inattendue de la COVID. La pandémie a semé le chaos dans nos chaînes d’approvisionnement. L’industrie s’est incroyablement adaptée face aux difficultés. Je crois que les problèmes de chaîne d’approvisionnement se résorberont l’an prochain. Pour nous, le plus grand défi dans les années à venir, c’est l’inflation. L’inflation fait partie des facteurs qui évoluent très lentement.
Et il faut vraiment voir les choses à long terme pour déterminer si la croissance de la demande globale sera plus rapide que celle de l’offre globale, et pourquoi. Je pense que c’est le principal facteur d’inflation. Mais c’est une question à dix ans qui ne guide pas vraiment les choix d’investissement à court terme. Mais il est certain que l’année prochaine ne sera pas facile, parce le taux d’inflation va augmenter.
Mike, il ne me reste qu’une vingtaine de secondes. Nous parlons des contrecoups de la COVID, mais on n’a même pas encore parlé de la COVID. Qu’est-ce qu’il faut surveiller de près, à votre avis?
Je crois qu’il y aura encore des vagues d’épidémie, même si elles semblent diminuer en sévérité. Les marchés et les gens apprennent de mieux en mieux à vivre avec. En disant cela, je ne veux pas amoindrir le choc de la COVID. Mais il y a deux choses que nous surveillons de près. D’abord, la terrible éventualité d’une mutation résistante à un vaccin. Ce serait un énorme choc pour le marché, et la probabilité n’est pas nulle.
Ensuite, il faut continuer de surveiller les taux d’hospitalisation, parce que ça tend à entraîner des fermetures économiques. Ce n’est pas tant le nombre de cas qui compte, même si c’est une épreuve de contracter la COVID, mais plutôt leur gravité et l’augmentation du nombre d’hospitalisations. C’est ce qui fera vaciller les bénéfices en 2022. C’est là-dessus que nous portons notre attention. Nous surveillons continuellement ces chiffres. J’ai hâte au jour où on ne parlera plus de pandémie, mais de maladie endémique. Malheureusement, on n’en est pas encore là.
Michael, c’est toujours un plaisir de vous recevoir. Merci pour votre éclairage.
Tout le plaisir est pour moi.
[MUSIQUE]
Beaucoup à passer en revue. Merci de nous aider à y voir plus clair. J’aimerais qu’on parle d’abord de la Fed, qui s’apprête à ralentir le rythme de ses achats d’actifs, possiblement d’ici le mois de novembre. Et elle envisage une hausse des taux l’an prochain. Qu’est-ce que ça signifie, selon vous?
La Fed a fait deux annonces importantes aujourd’hui. D’abord, elle va sans doute diminuer ses achats d’actifs dès novembre, à un rythme bien plus rapide que les investisseurs ne l’anticipaient. Les achats d’obligations pourraient cesser d’ici la mi-2022. À l’origine, on anticipait peut-être environ 110 milliards de dollars par mois sur 12 mois, jusqu’à la fin 2022. Mais apparemment, ce sera fini d’ici la mi-2022.
L’autre annonce concerne les taux d’intérêt. La moitié des membres tablent sur une première hausse en 2022. Je soulignerais que les graphiques à points sont notoirement inexacts par rapport à la réalité. J’aurais donc tendance à passer outre. À plus long terme, la Fed compte atteindre un taux final maximum d’environ 1,8 % en 2024.
Là encore, c’est bien en-deçà de ce qu’on a vu par le passé. Ce n’est pas surprenant. Le plus marquant dans tout ça, c’est le début imminent du retrait des mesures de relance.
Je dois dire que j’ai été surprise de ne pas voir une réaction plus forte du marché. Je sais qu’on sort tout juste d’un repli majeur et d’un rebond, mais – Les marchés ont réagi, mais pas aussi fortement que je ne l’aurais cru.
Cette réaction assez déroutante, à vrai dire. Le marché obligataire s’est aplati, ce qui a fait remonter les taux à long terme. Ce n’est pas un indicateur positif pour la croissance. On est dans une situation intéressante. Le marché boursier a connu une belle remontée tout au long de la journée, et a tenu bon après cette annonce de la Fed. Le message d’aujourd’hui n’était pas très positif pour le marché boursier. Le message n’était pas du tout conciliant.
Je crois qu’il annonce plutôt un durcissement. Je suis curieux de voir ce qui va se passer demain à l’ouverture, quand les investisseurs auront eu 12 ou 24 heures pour digérer la nouvelle. Je m’attends à quelques turbulences au cours des prochaines séances.
Il faut dire qu’il y a effectivement beaucoup de nouvelles à digérer. Le géant chinois Evergrande a aussi fait les manchettes. Quelles retombées faut-il craindre, pour ceux qui ne sont pas au courant de cette affaire? Je rappelle que cette société immobilière chinoise a de la difficulté à honorer les paiements à ses porteurs d’obligations. Dans quel contexte faut-il évaluer l’ampleur de cette nouvelle, selon vous?
Oui. La dette d’Evergrande représente environ 1 % du PIB chinois. La société doit environ 300 milliards de dollars. Une grande société, mais qui ne bâtit qu’environ 3 % des projets immobiliers chinois. Si on la replace dans son contexte, on voit que ce n’est qu’une société parmi d’autres. Evergrande est tombée dans un écueil classique qui hante parfois les promoteurs immobiliers. Ils détiennent beaucoup d’actifs à long terme, le bilan est mal équilibré, c’est-à-dire qu’il y a un déséquilibre entre les emprunts et les actifs, et ils se retrouvent dans une situation critique où ils n’ont pas assez de liquidités pour financer les opérations courantes.
C’est un peu ce qui s’est produit. Cette situation dure depuis des mois. Les obligations se négocient à des niveaux très, très faibles. La société sera donc démantelée. Il y aura une réduction progressive des opérations, etc. Selon nous, il n’y a pas vraiment de risque systématique. Les obligations ont chuté à 24 cents pour un dollar. Hier, elles ont remonté un peu la pente jusqu’à 30 cents. C’est l’effet rebond.
Les porteurs de titres vont probablement se faire laminer. Mais il y a de la valeur, il faudra juste la réorganiser en baissant le prix. Pour ce qui est du risque systématique, les actions chinoises sont stables depuis des mois. On n’observe pas de recul important. D’autres promoteurs immobiliers se sont dépréciés dans le sillage d’Evergrande, mais dans l’ensemble, les marchés ont tenu bon. Et si on regarde les taux de financement, le CHIBOR, on n’observe pas de resserrement global des conditions financières. Je ne vois pas donc de risque systématique, mais ça dénote clairement un ralentissement de la croissance chinoise. Et c’est le point où en est arrivée cette entreprise.
Ce qui ne faisait pas partie de la liste des questions que j’ai énumérées au début de l’entrevue, c’est l’inflation. Les problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement commencent à créer des retards sans précédent, des navires sont bloqués au large de la côte californienne. Bien sûr, les détaillants et les fabricants en souffrent énormément. Certains constructeurs d’automobiles manquent de puces électroniques. Quelle sera l’intensité des pressions inflationnistes à court terme?
C’est difficile à dire. C’est un thème récurrent en ce moment. Et c’est parce que la demande a été stimulée par les chèques de relance et par d’autres grands transferts gouvernementaux, etc. Les gens n’ont pas grand-chose à faire, ils ne voyagent pas autant qu’avant, pas comme il y a deux ans. La COVID a fait des ravages dans les chaînes d’approvisionnement. Une semaine, on manque de puces électroniques, la semaine suivante, c’est l’énergie.
Je pense qu’on traverse une période où l’on ressent une conséquence inattendue de la COVID. La pandémie a semé le chaos dans nos chaînes d’approvisionnement. L’industrie s’est incroyablement adaptée face aux difficultés. Je crois que les problèmes de chaîne d’approvisionnement se résorberont l’an prochain. Pour nous, le plus grand défi dans les années à venir, c’est l’inflation. L’inflation fait partie des facteurs qui évoluent très lentement.
Et il faut vraiment voir les choses à long terme pour déterminer si la croissance de la demande globale sera plus rapide que celle de l’offre globale, et pourquoi. Je pense que c’est le principal facteur d’inflation. Mais c’est une question à dix ans qui ne guide pas vraiment les choix d’investissement à court terme. Mais il est certain que l’année prochaine ne sera pas facile, parce le taux d’inflation va augmenter.
Mike, il ne me reste qu’une vingtaine de secondes. Nous parlons des contrecoups de la COVID, mais on n’a même pas encore parlé de la COVID. Qu’est-ce qu’il faut surveiller de près, à votre avis?
Je crois qu’il y aura encore des vagues d’épidémie, même si elles semblent diminuer en sévérité. Les marchés et les gens apprennent de mieux en mieux à vivre avec. En disant cela, je ne veux pas amoindrir le choc de la COVID. Mais il y a deux choses que nous surveillons de près. D’abord, la terrible éventualité d’une mutation résistante à un vaccin. Ce serait un énorme choc pour le marché, et la probabilité n’est pas nulle.
Ensuite, il faut continuer de surveiller les taux d’hospitalisation, parce que ça tend à entraîner des fermetures économiques. Ce n’est pas tant le nombre de cas qui compte, même si c’est une épreuve de contracter la COVID, mais plutôt leur gravité et l’augmentation du nombre d’hospitalisations. C’est ce qui fera vaciller les bénéfices en 2022. C’est là-dessus que nous portons notre attention. Nous surveillons continuellement ces chiffres. J’ai hâte au jour où on ne parlera plus de pandémie, mais de maladie endémique. Malheureusement, on n’en est pas encore là.
Michael, c’est toujours un plaisir de vous recevoir. Merci pour votre éclairage.
Tout le plaisir est pour moi.
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