Les marchés ont tenu compte d’une baisse des taux d’intérêt de la Fed dès le mois de mars. Les dernières données de l’IPC plus solides que prévu modifieront-elles ces attentes? David Sekera, stratège en chef des marchés américains à Morningstar Research, examine les scénarios probables et les répercussions sur les marchés avec Greg Bonnell de MoneyTalk.
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Les marchés ont connu une forte progression jusqu'à la fin de l'année dernière. Les investisseurs aiment envisager la possibilité d'une baisse des taux d'intérêt par la Fed. Mais les statistiques sur l'inflation aux États-Unis parues aujourd'hui sont un peu plus élevées que prévu. Quelle pourrait être l'orientation du marché? David Sekera, de Morningstar Research, nous rejoint. Bonjour, David. Bonjour Greg. Ça me fait plaisir de vous parler. Bonne année! Bonne année à vous aussi! C'était intéressant, vers la fin de l'an dernier, il y a eu une remontée du marché, dans l'attente qu'avec le début de 2024, la Fed réduirait les taux. Or, les dernières statistiques sur l'inflation sont plus élevées que prévues. Où en sont les marchés? Nous pensons toujours que le marché, globalement, est très proche de sa juste valeur. Quand on songe à la juste valeur pour le marché, nous adoptons une approche ascendante. Nous en comparons le composé de la juste valeur de toutes les actions que nous couvrons, cotées sur les actions américaines, soit plus de 700 actions, et nous les comparons avec leur cours actuel du marché. Et c'est pourquoi nous pensons que les marchés sont proches de la juste valeur. Il a beaucoup d'autres stratèges qui adoptent une approche beaucoup plus descendante. Ils commencent par un algorithme ou un modèle pour formuler des bénéfices du S&P 500 d'ici la fin de l'année, et y appliquent un multiple prospectif. Mais nous, nous nous demandons ce que vaut le marché aujourd'hui. Ce que nous entendons par la "juste valeur", c'est que pour les investisseurs à long terme, ce que l'on devrait pouvoir réaliser en tant que coût de l'action sur une base intégrée, nous prévoyons 8 à 9 %. Donc, sur un marché qui, d'après vous, est à sa juste valeur, quand on approfondit au-delà du marché en général, où pourrait-il avoir de la valeur justement? Oui. Même si l'ensemble du marché est proche de sa juste valeur, il existe un certain nombre de dislocations dont les investisseurs peuvent profiter. Alors, ventilons les valorisations selon les catégories de style de Morningstar. La catégorie "valeurs" a un rabais de 10 % par rapport à la juste valeur, alors que les actions de base qui ont des attributs de valeurs et des attributs de croissance sont cotées à un léger surplus par rapport à la juste valeur. Et les actions de croissance sont à leur juste valeur, après la remontée de l'an dernier. Par la capitalisation, les actions à petites capitalisations, selon nous, sont toujours très intéressantes avec un rabais de 16 % de la juste valeur moyenne. L'année 2024 sera sans doute une bonne année pour les actions de valeur, et spécifiquement les actions à petites capitalisations. Bon nombre de raisons pour lesquelles les actions axées sur la valeur et les actions à petites capitalisations ont déçu les deux dernières années, ces raisons n'existent plus. Ce seront donc deux secteurs qui pourront intéresser les investisseurs dans l'avenir. Alors qu'est-ce qui pourrait être les risques pour les secteurs de la petite capitalisation et des actions axées sur la valeur? Pour le marché global, l'inflation sera un risque. Le chiffre de l'indice des prix à la consommation paru ce matin était plus élevé que prévu. J'ai parlé à notre économiste ce matin. Il considère toujours que la Fed réduira les taux et pourrait les réduire dès la réunion du mois de mars. Quand on considère les chiffres et que l'on approfondit, il y a un ou deux domaines différents qui ont entraîné des chiffres plus élevés que les marchés le prévoyaient: les véhicules d'occasion et le logement. Nous prévoyons toujours que ces facteurs vont diminuer d'ici deux mois et nous nous concentrons sur l'inflation de base. Notre économiste note que l'indice des dépenses de consommation personnelle pour l'inflation, qui est l'indice que la Fed privilégie, pour les six mois terminés au mois de novembre, était à 1,9 %. Compte tenu du fait que l'IPC de base était relativement stable sur 12 mois, et qu'il y a toujours la même corrélation entre l'indice des prix à la consommation et l'indice de la consommation personnelle, on en arrive toujours à la cible de la Fed, ce qui pourrait créer la possibilité d'une coupure au mois de mars. Très bien! Alors, parlons-en. Si cela se produisait, qu'est-ce que cela pourrait signifier sur les marchés, si la Fed desserrait la vis? Cela va constituer un bon plancher, s'il y a des baisses plus tard cette année. Je suis un peu préoccupé par la saison d'annonce des bénéfices. Cela pourrait être une possibilité pour les équipes de gestion de fixer la barre plus basse en ce qui concerne les attentes en matière de bénéfices cette année. Nous pensons que le rythme de la croissance économique va ralentir pour les trois trimestres à venir. Les équipes de direction ont sans doute les mêmes pronostics et pourraient essayer de réduire leurs orientations, ce qui pourrait entraîner une perte de confiance. Toutefois, avec les coupures de taux prévues de la Fed, nous prévoyons six coupures de taux cette année, ce qui ferait passer le taux des fonds de la Fed à 3 et trois quart à 4 % d'ici la fin de l'année, ce qui pourrait dynamiser l'économie à la fin de cette année et en 2025. S'il y a une baisse du marché, ce serait une bonne possibilité pour les investisseurs de surpondérer les actions. Un joker, puisque nous parlions des risques tout à l'heure, semblerait être que l'inflation ne baisse pas comme nous l'espérons. Effectivement. C'est vraiment le grand risque. Si l'inflation ne diminue pas comme prévu et que la Fed décide qu'elle doit maintenir les taux plus élevés plus longtemps, je crois que cela aurait des conséquences très négatives. Non seulement pour les marchés boursiers, mais encore pour les marchés des titres à revenus fixes. Nous pensons que les taux d'intérêt devraient s'apaiser cette année, même à l'extrémité longue de la courbe. Si les taux d'intérêt demeurent élevés, et que le rendement du bon du trésor à 10 ans devrait remonter, cela exercerait une forte pression sur les titres à revenus fixes et les actions. Parlons de 2024. Y a un élément très intéressant dans mon travail: j'ai constaté, ça a été progressif depuis un an et demi, que le mot "pandémie" revient moins souvent. Peut-être que c'est en 2024 que nous pourrons tourner vraiment la page. Je le crois. Selon moi, c'est vraiment la 1re année depuis la pandémie que non seulement les perturbations initiales appartiennent au passé, mais toutes les dislocations qui ont été engendrées par ces perturbations. Quand on songe aux problèmes initiaux dans la pandémie, il y a eu un grand changement dans le comportement des consommateurs dans les dépenses de consommation. Ces éléments reviennent à la norme pré pandémie. Les dépenses de biens et de services reviennent à la moyenne historique. Les travailleurs de bureau comme moi-même qui travaillaient à domicile retournent maintenant au bureau. Mais même en songeant la politique monétaire, à la politique budgétaire, certains des plus gros paquets de mesures de relance de l'histoire ont été adoptés. À présent, les gouvernements reviennent à des tendances de dépenses plus normales. Il y avait des taux d'intérêt à zéro pendant les deux premières années, puis l'inflation étant trop élevée, la Fed a dû faire du rattrapage. Il y a eu une politique monétaire restrictive depuis 6 à 9 mois. Nous pensons que la Fed va lever le pied pour revenir à une politique plus neutre. Cette année, je pense, sera celle du retour aux sources. On va continuer de nouveau de se pencher sur les données fondamentales des entreprises individuelles, des secteurs individuels, la sélection de titres sera de plus en plus, beaucoup plus spécifique cette année.