Alors que les banques centrales poursuivent leur lutte contre l’inflation, on craint qu’une récession soit inévitable. L’accent est mis sur la possibilité que le repli se prolonge. Greg Bonnell discute avec Ben Gossack, gestionnaire de portefeuille à Gestion de Placements TD, de ce à quoi il s’attend.
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S’il y a une récession à l’horizon, il semble que les marchés espèrent un repli court et prononcé qui souffle comme un ouragan, fait un peu de dommages, puis se dissipe. Notre prochain invité affirme que nous pourrions être confrontés à d’autres difficultés. Ben Gossak, gestionnaire de portefeuille à Gestion de Placements TD se joint à nous. Ben, c’est un plaisir de vous avoir avec nous. Ce sujet me passionne, en ce sens qu’il semble toucher l’ensemble du marché. Si les taux d’intérêt sont relevés de façon marquée et brutale, comme l’ont fait les banques centrales, on va voir des coupures très rapidement. En cas de récession, ne vous inquiétez pas. Elle ne disparaîtra pas de si tôt. Êtes-vous un peu trop optimiste à cet égard? Merci de m’avoir invité. Oui, la récession est le sujet du jour. Et cela touche toutes les catégories d’actif et tous les prix des actifs. Et quand les gens pensent à une récession, ils pensent habituellement à la définition classique de deux trimestres de contraction. Au premier trimestre de cette année, les États-Unis ont enregistré une contraction. Et demain, on aura une mise à jour sur le PIB du deuxième trimestre. Et il y a un peu de tout. Les économistes montrent qu’il y aura une croissance d’un trimestre à l’autre. Mais si vous utilisez les modèles de la Réserve fédérale, ils montrent une contraction. Il est donc très probable qu’une récession technique survienne demain. Cela dit, ce qu’on observe aujourd’hui est certainement un ralentissement. On constate que les entreprises tardent à embaucher. Vous avez vu hier que Shopify allait réduire 10 % de sa main-d’œuvre. On le constate dans de nombreux secteurs, il y a aussi les demandes initiales d’assurance- chômage, les demandes d’assurance-emploi. C’est à partir d’une petite base. Mais, le taux de cette hausse est conforme à celui d’autres ralentissements et récessions. Il y a donc certainement un ralentissement. Et pour revenir à votre image de l’ouragan, je pense que les gens voient la récession comme l’ouragan qui se déchaîne et cause beaucoup de dommages. Ces dommages pourraient être des emplois. Il peut s’agir d’entreprises, qui sont touchées et qui finissent par se redresser. Donc, ce que je mets dans nos modèles, nos attentes, c’est : et si on ralentissait, mais que la reprise est lente et difficile? Qu’est-ce que cela signifie pour les entreprises et les bénéfices futurs? On a été habitués, en tant qu’investisseurs au cours de la dernière décennie, à voir les banques centrales venir à la rescousse dès les premières difficultés. Ne t’inquiète pas. Ils vont faire baisser le coût d’emprunt. Et la fête continuera. De toute évidence, le problème est différent maintenant. Après la grande crise financière, ils ont baissé le coût d’emprunt et n’ont jamais dit : surveillez l’inflation. Cela n’a jamais eu lieu. Et maintenant, elle s’installe juste devant nos yeux. Est-ce que ça pourrait créer un scénario où les banques centrales ne viendraient pas à notre secours au premier signe d’ennui? Eh bien, c’est... Les gens vont sans doute écouter la conférence de presse aujourd’hui à 14 h et voir comment le président Powell réagit à... nous supposons qu’il y aura une augmentation de 75 points de base. Mais combien d’autres hausses sont prévues? La Fed a déclaré qu’elle le fait maintenant en raison du taux d’inflation et de son impact sur les consommateurs – il veut lutter contre l’inflation même si le prix à payer sont des emplois. Et donc, si nous la croyons sur parole, alors c’est un scénario dont le marché a peut-être même parlé depuis 1987, quand Alan Greenspan est entré en fonction et a soutenu le marché... ce prix d’exercice pourrait être beaucoup moins élevé que ce à quoi les gens s’attendent. Et donc, oui, ça pourrait signifier que les banques centrales continuent de relever les taux d’intérêt même si tout ralentit? Je crois que je disais tout à l’heure... on a dit qu’il y avait une règle selon laquelle, lorsque la courbe des taux s’inverse, de sorte que le taux à court terme est plus élevé que le taux le plus bas, la banque centrale ne relèverait jamais les taux d’intérêt. Pourtant, aujourd’hui, la courbe des taux est aussi inversée qu’en 2000. Et il y aura probablement une augmentation de 75 points de base. Est-ce que ça sera une partie de notre réalité en tant qu’investisseurs, que tout ce qu’on pensait que se suit logiquement l’un par rapport à l’autre, on se dit : la Fed ne le ferait jamais, puis on observe l’inversion de la courbe des taux. Cela ne se produirait jamais dans une telle situation. Tout a été en quelque sorte bouleversé par la pandémie? Eh bien, j’estime toujours que... il y a des règles empiriques et heuristiques. Et ça nous aide à traverser la vie au quotidien. Et ça nous aide à traverser les marchés. Mais, encore une fois, ce n’est qu’une règle empirique. J’ai toujours cru qu’il y avait une stratégie, et puis oui, sans doute avec la COVID, on a dû jeter les cahiers de stratégie. Et tout est tout nouveau. Ce qui me préoccupe le plus, c’est la lenteur des résultats les problèmes auxquels on faisait face avant la pandémie... soit l’augmentation de la dette, la démographie ou le vieillissement de la population. Les forces déflationnistes, que ça soit de la technologie ou du fait que les banques ne prolongent pas des prêts au taux où ils étaient auparavant... freinerait notre croissance potentielle à long terme. Alors que nous tentons de nous sortir de la COVID, oui, il y a des tensions géopolitiques qui font du bruit. Mais les forces qui nous retenaient à la baisse, qui ont maintenu les taux d’intérêt bas, n’ont pas disparu. C’est juste que la COVID a pris le contrôle de nos vies au cours des dernières années. Et à mesure que cette situation s’atténue, ces tensions... trois ans se sont écoulés. La dette s’est alourdie et nous devions traverser cette crise sanitaire. Et on pourrait ne pas obtenir de bons rendements sur la dette qu’on a contractée. Encore une fois, il s’agit d’un emprunt pour l’avenir. Ça ralentirait la croissance. Et il y a encore des forces déflationnistes. Même si les gens disent que c’est fou, quand je vais à la station-service, quand je vais acheter de la nourriture, le prix augmente. Mais il y a encore des forces déflationnistes monétaires en jeu. Ces thèmes se reflètent-ils pleinement dans les résultats de la présente période? On est au bord du gouffre en ce moment des deux côtés de la frontière. De toute évidence, on obtient beaucoup de prévisions, certaines révisions. Vous pensez que les obligations de sociétés américaines et canadiennes reflètent-t-elles pleinement certains des défis à venir? Je ne pense donc pas que les prévisions de bénéfices en tiennent compte. Pour ce qui est des bénéfices, lors de notre dernière conversation j’avais parlé des bénéfices et des bénéfices du deuxième trimestre, on avait parlé du fait que les prix avaient ajusté. Les prévisions de bénéfices ont été lentes à baisser. On commence à voir cette reconduction selon les prévisions de bénéfices pour 2022 et 2023. Les prévisions de bénéfices diminuent plus rapidement en Europe. Mais je pense qu’il est plus facile pour les gens de regarder du côté de l’Europe et dire oui, il y a beaucoup d’enjeux difficiles. On demande aux entreprises de rationner la production, il n’y a pas suffisamment d’énergie pour être partagée entre tous. Il est donc très facile pour les gens de réduire leur consommation en Europe. Mais les chiffres doivent diminuer davantage aux États-Unis et au Canada. Et donc les réactions qu’on observe à l’égard des bénéfices cette semaine est un peu plus axé sur le soulagement et, dans certains cas, sur la déception. Je sais que vous avez parlé de Microsoft. Vous avez parlé de Google. À toutes fins utiles, Microsoft n’a pas atteint les attentes. Et ils avaient déjà informé les analystes que le dollar allait être un frein et commencer à baisser les chiffres. Et ils se sont tout de même repliés. Leurs perspectives pour 2023 étaient bien meilleures que ce à quoi les gens s’attendaient. De toute évidence, ils doivent répondre à ces attentes. En tant qu’investisseur, c’était un soulagement, de sorte que le cours de l’action monte. Google a également raté ses prévisions. Mais après que Snapchat a déclaré avoir beaucoup de difficultés par rapport à la croissance des revenus, à la fourniture de conseils, Google search et l’infonuagique sont venus à la rescousse, et c’est une bonne nouvelle! Voilà pourquoi les actions se redressent. Donc, même si on va subir cette réduction si nous tombions dans une récession, il semble que les investisseurs cherchent désespérément une lueur d’espoir. On va garder espoir dans la mesure où, après le premier semestre très difficile de l’année peut-être ne serons-nous pas aussi malmenés au deuxième semestre. Cela dit, je sais que je ne suis pas devin. Mais je pense que beaucoup de gens essaient de comprendre, où on va maintenant? Oui, et je pense que ça nous ramène à cette idée de, eh bien, si quelqu’un dit qu’il y a une récession, elle doit Correspond à une baisse soudaine de l’activité, puis à une reprise. Je pense que ce que nous pourrions constater, c’est que le ralentissement sera long avec peu d’agitation. Et c’est pourquoi il y a eu cette remontée, où Microsoft a été plus lente. On va connaître une croissance qui ne sera pas aussi rapide qu’avant. Mais ce n’est pas si mal, je m’attendais à ce que la situation soit désastreuse. Donc, surtout en ce qui concerne les cours boursiers, une situation qui est moins grave, est qu’elle abaisse la limite inférieure du résultat attendu. Vous obtenez donc un prix attendu plus élevé. C’est pourquoi le titre s’est redressé. Mais cela ne veut pas dire que nous sommes sortis du bois en matière de ralentissement de la croissance future. [MUSIQUE]