Les actions à dividendes canadiennes sont malmenées depuis quelque temps en raison des taux d’intérêt élevés. Ces actions vont-elles bénéficier d’une baisse des taux d’intérêt? Michael O’Brien, directeur général, Gestion de Placements TD, discute de la situation des dividendes avec Greg Bonnell de Parlons Argent.
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Les grandes sociétés canadiennes qui versent des dividendes ont vu leurs actions à la peine cette année. Mais ces actions pourraient progresser. Michael O'Brien, responsable des actions canadiennes à Gestion de Placement TD, commente. L'inflation globale est en recul, mais quand il s'agit des grandes sociétés canadiennes qui versent des dividendes, on se demande ce qui leur arrive. Oui, ça a été une année difficile pour ces titres. Typiquement, ce sont les actions qui sont censées être de tout repos dans un portefeuille, les actions dont on n'a pas à s'inquiéter, mais l'année a été difficile pour elles. Décortiquons. Pourquoi ces actions ont-elles été à la peine? Les grands titres présentent chacun des éléments spécifiques, mais il est évident que c'est la forte hausse des taux d'intérêt... ...qui a mis sous pression les valorisations de ces actions. Les investisseurs trouvent d'autres solutions: obligations, liquidités, CPG. Pour parvenir à un revirement, il faudrait que les taux d'intérêt soient proches de leur sommet. Cela ne signifie pas qu'ils doivent diminuer immédiatement, mais si vous êtes convaincus que les taux augmenteront considérablement, ce serait peut-être un bon moment pour explorer ces actions. Avant la pandémie, il n'y avait pas d'autre solution de rechange, mais à présent, il y a les fonds du marché monétaire, les CPG, qui procurent parfois davantage que certaines de ces actions qui rapportent des dividendes. C'est un marché intéressant. Elles rivalisent, ces actions, d'une part avec les placements en liquidités, mais en revanche, elles comportent beaucoup de titres de créances. Vous avez raison. Il y a la concurrence exercée par les taux plus élevés. Ce sont des entreprises à forte intensité en capital, ce qui signifie en général un solide endettement. C'est l'une des raisons pour lesquelles ces actions sont très sensibles aux taux d'intérêt et cela explique une des raisons pour lesquelles elles sont en difficulté souvent lorsque les taux sont élevés. Il y a une autre caractéristique que les investisseurs recherchent dans ces sociétés. Il s'agit d'un élément distinct. C'est que leur activité n'est pas tellement sensible à l'économie, qu'il s'agisse des compagnies de téléphone, de câblodiffusion. Les gens ne vont pas renoncer à leur téléphone portable ni à leur connexion Internet. Les services publics réglementés, par exemple les sociétés de gazoducs et d'oléoducs dont les revenus sont réguliers et contractuels. Toutes ces entreprises ne sont pas aussi sensibles aux hauts et aux bas de l'économie. Or, pendant cette année, les taux d'intérêt ont augmenté car la croissance est un peu supérieure aux prévisions et l'inflation, également, courant 2023, que nous ne le prévoyions au début de l'année, mais au Canada, si l'économie commence à rétrograder, ce matin les statistiques de l'inflation montrent un léger refroidissement, ce qui est bienvenu, si les investisseurs commencent à considérer ces entreprises comme étant un élément de leur portefeuille qui procure un rendement régulier, plutôt qu'un titre sensible aux taux d'intérêt qui est à la peine à cause de la hausse de ces derniers, cela pourrait changer le point de vue à l'égard de ces actions. Vous avez dit qu'à part les questions macro-économiques, certaines de ces entreprises de première qualité qui versent des dividendes au Canada, que ce soit BCE ou TransCanada pipelines, ont des questions spécifiques, outre les problèmes généraux, ce qui pourrait dissuader les investisseurs. Pourriez-vous passer en revue ces éléments? Bon, considérés les grands titres des oléoducs et gazoducs qui représentent une forte pondération des indices, que nous suivons tous de très près, TC Energy, ex-TransCanada pipelines et Enbridge, ont un rendement extraordinaire sur le plan des dividendes. 7 à 8 %, ça attire l'attention. Mais comme nous l'avons appris, parfois, le rendement de dividendes plus élevé signifie que les investisseurs éprouvent des inquiétudes fondamentales quant à la durabilité du dividende et quant à son augmentation future. Dans les deux cas, aussi bien TC Energy que Enbridge ont des ratios de versement de dividendes de dividendes très élevés. On pourrait penser qu'il y a un certain emballement, un certain excès. TC Energy, spécifiquement, a pris les devants, mais éprouve des difficultés à achever certains de ses grands chantiers de pipelines. Il y a eu des dépassements de coûts. Le principal projet est celui du Coastal GasLink qui doit relier les champs gazifères de la Colombie-Britannique à LNG Canada, c'est-à-dire le terminal de gaz naturel liquéfié qui doit entrer en service en 2025. Il y a eu un fort dépassement de coût. La compagnie a dû vendre des actifs, réunir des capitaux sur les marchés. Si la compagnie peut achever Coastal GasLink cet automne, sans nouveau dépassement de coûts, comme elle le prévoit, cela va éliminer une hypothèque qui plombe le cours de l'action. Mais aussi bien TC que Enbridge ont des niveaux d'endettement qui sont peut-être un peu plus élevés qu'ils le devraient, des ratios de versement de dividendes qui sont plus élevés qu'ils le devraient, ce qui signifie que les compagnies sont un peu entravées dans leurs possibilités d'action. Nous devrions donc prévoir une croissance plus lente des dividendes de ces deux entreprises, lesquelles étaient toujours en pointe dans la croissance des dividendes. Le taux de croissance des dividendes pour ces deux compagnies sera moins élevé que ce à quoi nous étions habitués. Le secteur des télécommunications, ce sont des actions, comme l'on disait, pour la veuve et l'orphelin. BCE, Telus, ces actions-là sont également en difficulté cette année. Bien sûr, l'une des raisons pour lesquelles ces actions étaient dévolues à la veuve et à l'orphelin, c'est que la concurrence était inexistante. Il y avait une compagnie de téléphone, une compagnie de câblodiffusion, or, avec l'essor de la technologie, ces entreprises sont désormais en proie à une concurrence directe. Malgré tout, historiquement, le marché canadien demeurait très stable. Dans le sans-fil par exemple, il y a un oligopole à trois. Cette année, ce qui a changé, avec l'acquisition de Shaw par Rogers... ...ce qui a été suivi par le dessaisissement de l'activité de sans-fil de Shaw, c'est-à-dire Freedom Mobile, au profit de Québecor, ce qui a introduit un nouveau concurrent sur le marché du sans-fil. Les investisseurs se demandent à quel point ces entreprises vont rivaliser de manière agressive sur les prix, et quelles sont les conséquences pour les marges, et s'il y a de la place pour quatre joueurs sur ce marché. Ça a été l'une des grandes questions que l'on se pose à l'égard de ces entreprises. Par ailleurs, tout comme Enbridge et TC Energy, ces deux entreprises ont des ratios de versement de dividendes élevés. C'est vers elles que l'on se tournait pour obtenir une croissance régulière des dividendes dans le passé, et elles ont tenu parole jusqu'ici, mais quand on considère l'endettement sur leur bilan et le ratio de versement de dividendes par rapport à leurs bénéfices et à leur flux de trésorerie disponible, c'est un peu étiré. On se demande si Telus pourra continuer d'augmenter son dividende, à 7 à 10 % comme elle l'a promis. Est-ce que BCE peut continuer d'offrir la croissance de dividendes de 5 % à laquelle les investisseurs se sont habitués? Voilà les points d'interrogation à l'égard de ces entreprises individuelles. Et puis, je songe aux services publics. Ce sont des services publics réglementés, mais elles aussi, ces entreprises, ont subi les mêmes pressions sur le cours de leurs actions que les pipelines et les télécommunications.