
La demande de produits de base explose, mais l’offre vacille, ce qui crée une pénurie chronique exacerbée par les perturbations logistiques, les dépenses en immobilisations à la traîne et les tensions géopolitiques. Kim Parlee discute avec Hussein Allidina, chef, Produits de base, GPTD, des facteurs à l’origine d’un nouveau supercycle des produits de base.
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Hussein, le pétrole atteint un nouveau sommet de sept ans. Je crois que l’indice Bloomberg des produits de base a atteint son plus haut niveau depuis 2015. Et nous en sommes à près de 75 % depuis les creux de la pandémie, qui, encore une fois, sont bas. C’est donc facile d’atteindre ce niveau-là. Est-ce qu’on entre vraiment dans ce que vous considérez comme un autre supercycle de produits de base? Est-ce exagéré de dire ça?
Non, je pense que c’est le cas. Et je pense, Kim, qu’après 10 à 12 ans de sous-investissement sur les marchés baissiers après le dernier supercycle, l’effet de ces dépenses en immobilisations commence à se faire sentir en raison de la pénurie de produits de base qu’on connaît. C’est ce qui s’est produit dans les secteurs du charbon et du gaz naturel, d’abord en Europe et en Chine. Je crois que le pétrole commence à montrer des signes de ce resserrement.
Et je pense que lorsqu’on regarde les autres produits de base, comme le nickel, l’aluminium, le cuivre, le zinc et même certains autres produits, ils se resserrent tous. Et tout ça est dû à des années de sous-investissement. On continue d’utiliser ces produits de base pour stimuler nos économies, ce qui contribue sensiblement à la croissance qu’on observe. Et sans l’offre, l’équilibre est serré et les prix sont plus élevés.
Je sais que vous avez apporté un graphique sur la production de l’OPEP. On va le montrer sous peu. Et il montre exactement ce que vous dites, c’est que la production est moins élevée.
HUSSEIN ALLIDINA : Oui, l’OPEP a accepté d’augmenter sa production de 400 000 barils par jour chaque mois, du moins pour les prochains mois. Ce graphique montre qu’elle n’a pas été en mesure de respecter sa cible de production. Elle est donc à la traîne. Et je pense que cela soulève des questions sur le marché concernant la capacité de réserve de l’OPEP. À combien est-ce qu’elle s’élève?
On s’est parlé en décembre. Vous savez, je ne pense pas que cette capacité de réserve soit aussi élevée que le laissent entendre certains des chiffres publiés. Et je pense que le graphique qu’on voit montre, dans une certaine mesure, que ce n’est pas aussi fluide qu’on le souhaiterait.
Pouvez-vous me parler des paramètres fondamentaux? Et puis, bien sûr, il y a aussi les placements. Pour ceux qui cherchent à déterminer où ils veulent investir leur capital sous peu, ce qui est intéressant, selon moi, c’est que l’offre de nombreux produits de base se resserre en général, comme vous l’avez mentionné.
Mais en même temps, les taux d’intérêt ont augmenté et les banques centrales sont prêtes à les relever, ce qui signifie habituellement que le dollar va monter. Et habituellement, lorsque le dollar monte, les produits de base diminuent. Alors comment peut-on résumer tout ça, selon vous?
C’est une très bonne question, Kim. Je pense que la relation entre le dollar et les produits de base n’est pas statique. Il y a des périodes où le raffermissement du dollar, en particulier si le dollar est plus fort en raison d’une demande de valeurs refuges ou d’une aversion pour le risque, entraîne une appréciation du dollar et un affaiblissement des produits de base.
On a aussi connu de longues périodes, l’an dernier par exemple, où les prix des produits de base ont augmenté et où le dollar a augmenté. Si le dollar se raffermit en raison de la croissance ou de la surperformance des taux aux États-Unis par rapport au reste du monde, je pense que c’est tout à fait plausible, et l’histoire montre que l’on peut compter sur la vigueur des produits de base et du dollar. Si le dollar augmente parce que les taux aux États-Unis affichent un rendement relativement supérieur, c’est totalement logique de voir un bon rendement du côté des produits de base également.
Est-ce que c’est une anomalie, et ça dépend de la façon dont on voit les choses, parce qu’à un moment donné, on passe à d’autres types d’énergie. Nous sommes en transition vers un monde à faibles émissions de carbone. Dans 20 ans, cette conversation va donc être différente de ce qu’elle est aujourd’hui. Ou peut-être que non. Je ne sais pas. Selon vous, pendant combien de temps ce supercycle de produits de base va-t-il durer, jusqu’à ce qu’on réussisse à faire la transition vers une nouvelle façon de faire?
Je pense que vous avez mis le doigt sur le problème. Je pense que nous sommes en pleine transition. Je ne crois pas que c’est une transition de deux ans ou de cinq ans. Aujourd’hui, le carburant renouvelable représente peut-être 20 % de l’énergie totale consommée.
Notre capacité à délaisser progressivement les carburants traditionnels va prendre du temps. Je pense que ça va être plus long. Ça a déjà pris plus de temps que bien des gens le prévoyaient il y a cinq ou dix ans. Encore une fois, aujourd’hui, si je regarde la façon dont le pétrole est utilisé, on l’utilise surtout dans le secteur du transport. Ça prend du temps pour renouveler la flotte automobile. Et malheureusement, on a arrêté d’investir dans l’offre. On a réduit notre offre plus rapidement qu’on est en mesure de réduire notre demande.
Donc, en ce qui concerne le pétrole brut, Kim, je pense que les prix vont continuer d’avoir du soutien au cours des deux à cinq prochaines années, à tout le moins. Je ne crois pas qu’on a vu les sommets. Je pense qu’ils n’ont pas encore été atteints. Et je crois que cela s’explique par le fait que les stocks continuent de puiser dans une capacité de réserve qui continue de diminuer.
Je sais que la dernière fois que nous nous sommes parlé, Hussein, vous avez dit que vous ne seriez pas surpris que le prix du pétrole dépasse 100 $. Je vois beaucoup de gens faire des prédictions assez audacieuses, qui sont beaucoup plus élevées que ça. Est-ce qu’on pourrait voir des poussées réelles au cours des prochains mois?
KIM : À quel prix le pétrole commence-t-il à freiner l’activité économique? À quel moment une hausse du prix du pétrole a-t-elle pour effet d’écraser l’économie? Et nous sommes probablement à 30 % ou 40 %, en termes réels, en deçà des niveaux où les dépenses en pétrole en pourcentage du PIB atteignent 7 % ou 8 %, qui ont été les plus élevés dans le passé. On est toujours à 30 %, 40 % en bas de ça.
Est-ce que je crois que le prix du pétrole va dépasser 100 $? Oui, je pense bien. Mais je ne vais pas m’avancer à dire si ça va se produire au cours des prochains mois. Je suis convaincu qu’au cours des 12 à 16 prochains mois, on va voir des taux à trois chiffres. Et cela va se produire à mesure que les stocks vont diminuer et, encore une fois, que la capacité de réserve va être mise à rude épreuve.
Hussein, c’est toujours un plaisir de discuter avec vous. Ça a été très instructif. Merci beaucoup.
Merci de m’avoir invité.
[MUSIQUE]
Non, je pense que c’est le cas. Et je pense, Kim, qu’après 10 à 12 ans de sous-investissement sur les marchés baissiers après le dernier supercycle, l’effet de ces dépenses en immobilisations commence à se faire sentir en raison de la pénurie de produits de base qu’on connaît. C’est ce qui s’est produit dans les secteurs du charbon et du gaz naturel, d’abord en Europe et en Chine. Je crois que le pétrole commence à montrer des signes de ce resserrement.
Et je pense que lorsqu’on regarde les autres produits de base, comme le nickel, l’aluminium, le cuivre, le zinc et même certains autres produits, ils se resserrent tous. Et tout ça est dû à des années de sous-investissement. On continue d’utiliser ces produits de base pour stimuler nos économies, ce qui contribue sensiblement à la croissance qu’on observe. Et sans l’offre, l’équilibre est serré et les prix sont plus élevés.
Je sais que vous avez apporté un graphique sur la production de l’OPEP. On va le montrer sous peu. Et il montre exactement ce que vous dites, c’est que la production est moins élevée.
HUSSEIN ALLIDINA : Oui, l’OPEP a accepté d’augmenter sa production de 400 000 barils par jour chaque mois, du moins pour les prochains mois. Ce graphique montre qu’elle n’a pas été en mesure de respecter sa cible de production. Elle est donc à la traîne. Et je pense que cela soulève des questions sur le marché concernant la capacité de réserve de l’OPEP. À combien est-ce qu’elle s’élève?
On s’est parlé en décembre. Vous savez, je ne pense pas que cette capacité de réserve soit aussi élevée que le laissent entendre certains des chiffres publiés. Et je pense que le graphique qu’on voit montre, dans une certaine mesure, que ce n’est pas aussi fluide qu’on le souhaiterait.
Pouvez-vous me parler des paramètres fondamentaux? Et puis, bien sûr, il y a aussi les placements. Pour ceux qui cherchent à déterminer où ils veulent investir leur capital sous peu, ce qui est intéressant, selon moi, c’est que l’offre de nombreux produits de base se resserre en général, comme vous l’avez mentionné.
Mais en même temps, les taux d’intérêt ont augmenté et les banques centrales sont prêtes à les relever, ce qui signifie habituellement que le dollar va monter. Et habituellement, lorsque le dollar monte, les produits de base diminuent. Alors comment peut-on résumer tout ça, selon vous?
C’est une très bonne question, Kim. Je pense que la relation entre le dollar et les produits de base n’est pas statique. Il y a des périodes où le raffermissement du dollar, en particulier si le dollar est plus fort en raison d’une demande de valeurs refuges ou d’une aversion pour le risque, entraîne une appréciation du dollar et un affaiblissement des produits de base.
On a aussi connu de longues périodes, l’an dernier par exemple, où les prix des produits de base ont augmenté et où le dollar a augmenté. Si le dollar se raffermit en raison de la croissance ou de la surperformance des taux aux États-Unis par rapport au reste du monde, je pense que c’est tout à fait plausible, et l’histoire montre que l’on peut compter sur la vigueur des produits de base et du dollar. Si le dollar augmente parce que les taux aux États-Unis affichent un rendement relativement supérieur, c’est totalement logique de voir un bon rendement du côté des produits de base également.
Est-ce que c’est une anomalie, et ça dépend de la façon dont on voit les choses, parce qu’à un moment donné, on passe à d’autres types d’énergie. Nous sommes en transition vers un monde à faibles émissions de carbone. Dans 20 ans, cette conversation va donc être différente de ce qu’elle est aujourd’hui. Ou peut-être que non. Je ne sais pas. Selon vous, pendant combien de temps ce supercycle de produits de base va-t-il durer, jusqu’à ce qu’on réussisse à faire la transition vers une nouvelle façon de faire?
Je pense que vous avez mis le doigt sur le problème. Je pense que nous sommes en pleine transition. Je ne crois pas que c’est une transition de deux ans ou de cinq ans. Aujourd’hui, le carburant renouvelable représente peut-être 20 % de l’énergie totale consommée.
Notre capacité à délaisser progressivement les carburants traditionnels va prendre du temps. Je pense que ça va être plus long. Ça a déjà pris plus de temps que bien des gens le prévoyaient il y a cinq ou dix ans. Encore une fois, aujourd’hui, si je regarde la façon dont le pétrole est utilisé, on l’utilise surtout dans le secteur du transport. Ça prend du temps pour renouveler la flotte automobile. Et malheureusement, on a arrêté d’investir dans l’offre. On a réduit notre offre plus rapidement qu’on est en mesure de réduire notre demande.
Donc, en ce qui concerne le pétrole brut, Kim, je pense que les prix vont continuer d’avoir du soutien au cours des deux à cinq prochaines années, à tout le moins. Je ne crois pas qu’on a vu les sommets. Je pense qu’ils n’ont pas encore été atteints. Et je crois que cela s’explique par le fait que les stocks continuent de puiser dans une capacité de réserve qui continue de diminuer.
Je sais que la dernière fois que nous nous sommes parlé, Hussein, vous avez dit que vous ne seriez pas surpris que le prix du pétrole dépasse 100 $. Je vois beaucoup de gens faire des prédictions assez audacieuses, qui sont beaucoup plus élevées que ça. Est-ce qu’on pourrait voir des poussées réelles au cours des prochains mois?
KIM : À quel prix le pétrole commence-t-il à freiner l’activité économique? À quel moment une hausse du prix du pétrole a-t-elle pour effet d’écraser l’économie? Et nous sommes probablement à 30 % ou 40 %, en termes réels, en deçà des niveaux où les dépenses en pétrole en pourcentage du PIB atteignent 7 % ou 8 %, qui ont été les plus élevés dans le passé. On est toujours à 30 %, 40 % en bas de ça.
Est-ce que je crois que le prix du pétrole va dépasser 100 $? Oui, je pense bien. Mais je ne vais pas m’avancer à dire si ça va se produire au cours des prochains mois. Je suis convaincu qu’au cours des 12 à 16 prochains mois, on va voir des taux à trois chiffres. Et cela va se produire à mesure que les stocks vont diminuer et, encore une fois, que la capacité de réserve va être mise à rude épreuve.
Hussein, c’est toujours un plaisir de discuter avec vous. Ça a été très instructif. Merci beaucoup.
Merci de m’avoir invité.
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