La plupart des grandes banques canadiennes ont publié des résultats trimestriels positifs, ce qui a contribué à compenser l’effet de la hausse des provisions pour pertes sur prêts. Monica Yeung, vice-présidente, directrice et gestionnaire de portefeuille à Gestion de Placements TD, discute des perspectives du secteur bancaire canadien et des conséquences pour les investisseurs.
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Les banques canadiennes affichent certaines divergences au cours de la dernière saison de publication des résultats, mais elles avaient toutes en commun l'augmentation des provisions pour pertes sur créances. Monica Yeung de Gestion de placements TD nous rejoint pour nous en dire plus sur le trimestre et l'évolution de la situation. Bonjour, Monica.
Bonjour, Greg. Merci de m'inviter.
Encore une saison des annonces de bénéfices des banques. Que pensez-vous de ce que nous avons entendu?
Globalement, ça a été deux années difficiles pour les banques canadiennes. Il y a eu la hausse des pertes sur créances, la compression des marges d'intérêt net également, des difficultés au niveau des charges. Globalement, le trimestre qui vient de s'écouler n'était pas mauvais, nous commençons à tourner le coin, mais nous ne sommes pas sortis de l'auberge. Nous pouvons voir la lumière au bout du tunnel. Tout d'abord, la plupart des banques ont dépassé... Cinq banques sur six ont dépassé les annonces de bénéfices ou les estimations de bénéfices de 4 % en moyenne. Il s'agissait de bénéfices de qualité. Meilleurs résultats de gestion des prêts, maîtrise des charges, rebond de l'activité des marchés des capitaux, c'était la cerise sur le gâteau. En outre, c'était le premier trimestre de croissance des bénéfices depuis près de deux ans. Il faudrait remonter au deuxième trimestre 2022 pour voir la croissance des banques canadiennes. Ce trimestre, elles ont augmenté de 2,5 % au niveau du résultat par action. Il s'agit d'un basculement très bienvenu. Mais le plus important, quand on commence à analyser les données fondamentales, il y a des tendances très positives. Il y a un élément que nous suivons qui s'appelle les bénéfices avant impôts, avant provisions. Essentiellement, il s'agit des bénéfices avant pertes sur créances qui sont en hausse de plus de 10 %. Pourquoi? Parce que la croissance des prêts s'établit à 4 %. Les marges d'intérêt net se stabilisent, il y a également un rebond des revenus d'honoraires au niveau des marchés des capitaux, et puis la maîtrise des charges. Rappelez-vous, l'an dernier, les banques avaient annoncé des programmes de restructuration. Maintenant, nous en récoltons les fruits au niveau des bénéfices. Globalement, je dirais qu'il s'agissait d'un trimestre décent. La plupart des banques ont renoué avec la croissance des bénéfices après deux ans. Il y a eu des tendances positives.
Un catalyseur potentiel. Parlons de ces provisions pour pertes sur créances. De toute évidence, comme nous l'avons vu, les banques centrales, y compris la nôtre, ont relevé les taux de façon énergique pour juguler l'inflation, ce qui a engendré des difficultés pour les consommateurs et les ménages. Le pire est-il passé au niveau des provisions? La Banque du Canada entame ce que l'on pense être un cycle de réduction de taux.
Oui, ça, c'est vraiment... Les provisions pour pertes sur créances, c'est l'éléphant dans la pièce. La seule difficulté que je signalerais, ce trimestre, et depuis quelques trimestres, d'ailleurs, depuis que la Banque du Canada a commencé d'augmenter les taux, les provisions pour pertes sur créances ont augmenté régulièrement. Pour vous donner un contexte, les pertes sur créances ce trimestre par rapport à il y a un an ont augmenté de 50 %. Deux tendances clés. Tout d'abord, les domaines où il y a des pertes sur créances, une augmentation des pertes sur créances, c'est vraiment sur le marché de la consommation canadienne. Les cartes de crédit, les lignes de crédit non garanties et les prêts automobiles et, dans certains cas aux États-Unis, l'immobilier de bureau aux États-Unis. Ça, c'est le premier élément. Deuxième élément, la composition des pertes sur créances. Quand nous avons entamé ce cycle il y a deux ans, les banques prenaient des provisions de stade 1. C'était des estimations prospectives des pertes envisageables à cause de l'évolution macro-économique défavorable. Maintenant, on passe aux provisions de stade 2 et 3. Ce sont des prêts qui sont impayés, peut-être en phase de recouvrement. Il y a tout d'abord la prévision des pertes et à présent les pertes constatées. Une interprétation de ce phénomène, c'est que les pertes sur créances s'accélèrent, mais pour moi, je verrais cela plutôt comme un phénomène de concrétisation, de cristallisation des prêts. On épargne pour un moment difficile et le moment difficile est venu.
Nous sommes donc parvenus à un stade plus tardif du cycle. Avons-nous atteint le sommet?
Pas tout à fait. Nous approchons du sommet, nous approchons de la fin. Les dirigeants des banques nous ont dit qu'ils prévoient parvenir au pic vers la fin de cette année ou début 2025. Mais les coupures de taux sont très positives.
Des éléments intéressants. Vous avez dit tout de suite que c'était un bon trimestre. Il y avait des éléments qui paraissaient positifs pour les banques. Quand on parle des réactions du marché, au jour le jour, une journée n'est pas tout, mais il y a eu des réactions assez différentes de la part des différentes banques. Qu'est-ce que cela vous dit quant à la réaction du marché?
Il y a eu une dispersion assez importante dans l'évolution des cours. Il faudrait remonter à plus de 10 ans pour voir une telle dispersion et des mouvements de cours de cette ampleur. Les données fondamentales sont différentes selon la banque. Pour vous donner quelques exemples, s'agissant de la croissance des prêts, la moyenne de l'industrie, 4 %, mais d'une part, il y a eu la Banque Nationale en hausse de 8 %, d'autre part la Banque Scotia dont le portefeuille de prêts à rétréci de 3 %. Même les provisions pour pertes sur créances. La BMO a eu une surprise négative pour les créances, notamment au niveau des prêts douteux aux États-Unis. La banque CIBC, en revanche, affirme qu'elle a déjà tourné le coin, qu'elle prévoit que le total des provisions va décroître. Si je devais utiliser une analogie, on parle de la marée qui monte et qui fait flotter tous les bateaux. Quand l'économie se passe bien, les banques réalisent un bénéfice d'exploitation, le bilan d'exploitation est positif, mais quand la marée descend, ce qui est le cas, on commence à voir la réalité des choses. Quelles sont les banques qui progressent dans leur part de marché, quelles sont les banques qui ont pratiqué des provisions suffisantes, quelles sont les banques qui maîtrisent les charges de façon appropriée. Je dirais que nous sommes dans un environnement où on ne peut pas fermer les yeux et acheter les actions des six grandes banques. Il faut vraiment comprendre ce qui se passe au niveau des banques individuelles.
Effectivement, il faut faire ses recherches en envisageant ce genre d'investissement. Les actions des banques sont en retard sur le marché depuis trois ans. Que pensez-vous qu'il va se passer d'ici là?
Au niveau des valorisations, les banques tournent autour de 10 fois et demie le ratio cours-bénéfice prospectif, un rendement de 5 %. Historiquement, c'est plutôt vers le bas de la fourchette pour les banques. Les banques en général ont des valorisations de 10 à 12 fois les bénéfices prospectifs. Il faut une clarification; tout d'abord, il faut que les marchés soient convaincus que l'on a atteint le pic des pertes sur créances, que l'on entame une fin de cycle. Les réductions de taux par la Banque du Canada, c'est positif, et nous allons suivre l'effet de ces coupures de taux de façon très serrée. Il y a un autre élément qui pourrait être positif pour ce genre d'action, ce serait le rétablissement de la croissance de bénéfices normalisés. Les banques sont un pari à levier sur l'économie. Avec un taux de croissance assez anémique au Canada, on peut s'attendre à ce que la croissance des bénéfices soit plutôt mitigée pour les banques, mais si les pertes sur créances commencent à s'estomper, si le levier d'exploitation et la maîtrise des charges entrent en jeu, qu'il y a une croissance décente des prêts, il se pourrait que les banques renouent avec la trajectoire de 5 à 10 % de croissance des bénéfices.
Bonjour, Greg. Merci de m'inviter.
Encore une saison des annonces de bénéfices des banques. Que pensez-vous de ce que nous avons entendu?
Globalement, ça a été deux années difficiles pour les banques canadiennes. Il y a eu la hausse des pertes sur créances, la compression des marges d'intérêt net également, des difficultés au niveau des charges. Globalement, le trimestre qui vient de s'écouler n'était pas mauvais, nous commençons à tourner le coin, mais nous ne sommes pas sortis de l'auberge. Nous pouvons voir la lumière au bout du tunnel. Tout d'abord, la plupart des banques ont dépassé... Cinq banques sur six ont dépassé les annonces de bénéfices ou les estimations de bénéfices de 4 % en moyenne. Il s'agissait de bénéfices de qualité. Meilleurs résultats de gestion des prêts, maîtrise des charges, rebond de l'activité des marchés des capitaux, c'était la cerise sur le gâteau. En outre, c'était le premier trimestre de croissance des bénéfices depuis près de deux ans. Il faudrait remonter au deuxième trimestre 2022 pour voir la croissance des banques canadiennes. Ce trimestre, elles ont augmenté de 2,5 % au niveau du résultat par action. Il s'agit d'un basculement très bienvenu. Mais le plus important, quand on commence à analyser les données fondamentales, il y a des tendances très positives. Il y a un élément que nous suivons qui s'appelle les bénéfices avant impôts, avant provisions. Essentiellement, il s'agit des bénéfices avant pertes sur créances qui sont en hausse de plus de 10 %. Pourquoi? Parce que la croissance des prêts s'établit à 4 %. Les marges d'intérêt net se stabilisent, il y a également un rebond des revenus d'honoraires au niveau des marchés des capitaux, et puis la maîtrise des charges. Rappelez-vous, l'an dernier, les banques avaient annoncé des programmes de restructuration. Maintenant, nous en récoltons les fruits au niveau des bénéfices. Globalement, je dirais qu'il s'agissait d'un trimestre décent. La plupart des banques ont renoué avec la croissance des bénéfices après deux ans. Il y a eu des tendances positives.
Un catalyseur potentiel. Parlons de ces provisions pour pertes sur créances. De toute évidence, comme nous l'avons vu, les banques centrales, y compris la nôtre, ont relevé les taux de façon énergique pour juguler l'inflation, ce qui a engendré des difficultés pour les consommateurs et les ménages. Le pire est-il passé au niveau des provisions? La Banque du Canada entame ce que l'on pense être un cycle de réduction de taux.
Oui, ça, c'est vraiment... Les provisions pour pertes sur créances, c'est l'éléphant dans la pièce. La seule difficulté que je signalerais, ce trimestre, et depuis quelques trimestres, d'ailleurs, depuis que la Banque du Canada a commencé d'augmenter les taux, les provisions pour pertes sur créances ont augmenté régulièrement. Pour vous donner un contexte, les pertes sur créances ce trimestre par rapport à il y a un an ont augmenté de 50 %. Deux tendances clés. Tout d'abord, les domaines où il y a des pertes sur créances, une augmentation des pertes sur créances, c'est vraiment sur le marché de la consommation canadienne. Les cartes de crédit, les lignes de crédit non garanties et les prêts automobiles et, dans certains cas aux États-Unis, l'immobilier de bureau aux États-Unis. Ça, c'est le premier élément. Deuxième élément, la composition des pertes sur créances. Quand nous avons entamé ce cycle il y a deux ans, les banques prenaient des provisions de stade 1. C'était des estimations prospectives des pertes envisageables à cause de l'évolution macro-économique défavorable. Maintenant, on passe aux provisions de stade 2 et 3. Ce sont des prêts qui sont impayés, peut-être en phase de recouvrement. Il y a tout d'abord la prévision des pertes et à présent les pertes constatées. Une interprétation de ce phénomène, c'est que les pertes sur créances s'accélèrent, mais pour moi, je verrais cela plutôt comme un phénomène de concrétisation, de cristallisation des prêts. On épargne pour un moment difficile et le moment difficile est venu.
Nous sommes donc parvenus à un stade plus tardif du cycle. Avons-nous atteint le sommet?
Pas tout à fait. Nous approchons du sommet, nous approchons de la fin. Les dirigeants des banques nous ont dit qu'ils prévoient parvenir au pic vers la fin de cette année ou début 2025. Mais les coupures de taux sont très positives.
Des éléments intéressants. Vous avez dit tout de suite que c'était un bon trimestre. Il y avait des éléments qui paraissaient positifs pour les banques. Quand on parle des réactions du marché, au jour le jour, une journée n'est pas tout, mais il y a eu des réactions assez différentes de la part des différentes banques. Qu'est-ce que cela vous dit quant à la réaction du marché?
Il y a eu une dispersion assez importante dans l'évolution des cours. Il faudrait remonter à plus de 10 ans pour voir une telle dispersion et des mouvements de cours de cette ampleur. Les données fondamentales sont différentes selon la banque. Pour vous donner quelques exemples, s'agissant de la croissance des prêts, la moyenne de l'industrie, 4 %, mais d'une part, il y a eu la Banque Nationale en hausse de 8 %, d'autre part la Banque Scotia dont le portefeuille de prêts à rétréci de 3 %. Même les provisions pour pertes sur créances. La BMO a eu une surprise négative pour les créances, notamment au niveau des prêts douteux aux États-Unis. La banque CIBC, en revanche, affirme qu'elle a déjà tourné le coin, qu'elle prévoit que le total des provisions va décroître. Si je devais utiliser une analogie, on parle de la marée qui monte et qui fait flotter tous les bateaux. Quand l'économie se passe bien, les banques réalisent un bénéfice d'exploitation, le bilan d'exploitation est positif, mais quand la marée descend, ce qui est le cas, on commence à voir la réalité des choses. Quelles sont les banques qui progressent dans leur part de marché, quelles sont les banques qui ont pratiqué des provisions suffisantes, quelles sont les banques qui maîtrisent les charges de façon appropriée. Je dirais que nous sommes dans un environnement où on ne peut pas fermer les yeux et acheter les actions des six grandes banques. Il faut vraiment comprendre ce qui se passe au niveau des banques individuelles.
Effectivement, il faut faire ses recherches en envisageant ce genre d'investissement. Les actions des banques sont en retard sur le marché depuis trois ans. Que pensez-vous qu'il va se passer d'ici là?
Au niveau des valorisations, les banques tournent autour de 10 fois et demie le ratio cours-bénéfice prospectif, un rendement de 5 %. Historiquement, c'est plutôt vers le bas de la fourchette pour les banques. Les banques en général ont des valorisations de 10 à 12 fois les bénéfices prospectifs. Il faut une clarification; tout d'abord, il faut que les marchés soient convaincus que l'on a atteint le pic des pertes sur créances, que l'on entame une fin de cycle. Les réductions de taux par la Banque du Canada, c'est positif, et nous allons suivre l'effet de ces coupures de taux de façon très serrée. Il y a un autre élément qui pourrait être positif pour ce genre d'action, ce serait le rétablissement de la croissance de bénéfices normalisés. Les banques sont un pari à levier sur l'économie. Avec un taux de croissance assez anémique au Canada, on peut s'attendre à ce que la croissance des bénéfices soit plutôt mitigée pour les banques, mais si les pertes sur créances commencent à s'estomper, si le levier d'exploitation et la maîtrise des charges entrent en jeu, qu'il y a une croissance décente des prêts, il se pourrait que les banques renouent avec la trajectoire de 5 à 10 % de croissance des bénéfices.