
Les prix du gaz naturel, du pétrole et du charbon ont atteint leur plus haut niveau depuis des années. Kim Parlee et Hussein Allidina, chef, Produits de base, Gestion de Placements TD, comparent les perspectives d’investir dans le pétrole et le gaz ou dans l’énergie, alors que la transition énergétique progresse.
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Il s’est passé beaucoup de choses sur les marchés ces derniers jours. Les prix de l’énergie, en particulier à base de carbone, grimpent en flèche. Sur les graphiques que nous voyons ici, les prix du gaz naturel, du pétrole, et même du charbon, ont augmenté de manière assez spectaculaire au cours des derniers jours, semaines, voire mois, tous atteignant leur plus haut niveau depuis des années, même si le monde continue de délaisser les combustibles fossiles.
Pour analyser la situation, nous accueillons Hussein Allidina, Chef, Produits de base, GPTD. Hussein, c’est un plaisir de vous avoir avec nous. Merci beaucoup de vous être joints à nous. Avant de regarder les produits en détail, pourriez-vous nous expliquer ce qui se passe de manière générale?
Bien sûr, Kim. Merci de me recevoir. Plusieurs facteurs entrent en jeu. Il s’agit d’une tendance à court terme cyclique, en particulier dans le cas du Royaume-Uni et de l’Europe, où l’hiver a commencé, pardon, l’été a démarré avec moins de stocks que d’habitude. Ces stocks n’ont pas été reconstitués, en partie parce que les flux de production dans la région ont été maîtrisés. Ça, c’est l’économie et les facteurs ESG.
Et maintenant, nous sommes à quelques semaines de l’hiver. Les stocks sont très justes. Il n’y a pas de flux en provenance de la Russie. Dans une certaine mesure, le GNL a fait l’objet d’une concurrence étrangère par l’Asie. Et le marché tend vers un contrôle de la demande. Or, il est difficile de contenir la demande d’énergie.
[LES VOIX SE MÉLANGENT]
J’allais simplement dire que j’ai entendu des commentaires indiquant, et vous y avez fait allusion, qu’avec l’évolution des facteurs ESG, moins de fonds sont investis dans les dépenses en immobilisations, dans l’extraction de combustibles fossiles, ce qui signifie moins d’offre et, comme vous le disiez, la demande est toujours là.
Oui, c’est vraiment le problème à court terme auquel nous sommes confrontés en ce moment. Le problème à moyen terme, qui pourrait devenir une préoccupation à court terme alors que nous entrons dans l’hiver, c’est le fait que, pendant la majeure partie des 10 dernières années, il n’y a pas eu d’incitatif économique pour que les producteurs cherchent du pétrole, du gaz et d’autres produits similaires. Maintenant, la situation est exacerbée, car le mouvement ESG, bien qu’il soit important, est vraiment axé sur l’offre. Nous réduisons donc l’offre. Vous avez parlé du charbon au début. Les prix du charbon n’ont jamais été aussi élevés. La demande de charbon n’a pas atteint des sommets historiques. Toutefois, l’offre de charbon diminue plus rapidement que la demande. Et c’est ce qui crée cette appréciation des prix et le besoin de contrôle de la demande.
La situation est semblable pour le gaz naturel. Et Kim, ce qui me préoccupe le plus, c’est que ce scénario pourrait continuer dans le secteur de l’énergie au cours des prochaines années également. Et l’incidence que cela a, en fin de compte, sur l’économie est beaucoup plus nuisible que les prix de l’énergie en Europe. Il ne faut pas sous-estimer ce qui se passe en Europe, c’est important, mais le secteur de l’énergie, en particulier le pétrole brut, est beaucoup plus important pour l’économie mondiale.
J’aimerais m’arrêter un peu sur les conséquences à long terme. Mais avant d’en arriver là, examinons chaque produit séparément. Commençons par le gaz. Vous avez parlé de la demande d’énergie en Europe. Le prix du gaz naturel a grimpé en flèche. Croyez-vous que la même chose pourrait se produire en Amérique du Nord, aux États-Unis?
Et c’est le bon moment pour en parler. Le gaz a clôturé à son plus haut niveau en 12 ans aujourd’hui. Je crois qu’il a augmenté de 9 % à 10 %. Le marché examine le niveau des stocks aux États-Unis, qui est plus serré qu’à la même époque l’an dernier, c’est en partie un signe de baisse de la production, mais les stocks sont raisonnablement bons. Ils ne sont pas trop justes.
Mais ce qui inquiète le marché, et nous l’avons vu dans les fluctuations des cours aujourd’hui, c’est que les températures descendent sous les normales saisonnières. Les stocks américains pourraient se retrouver sous les 800 700 GPI à la fin de l’été. Et ce sont des niveaux extrêmement bas. Je pense que le marché tente de fermer la section des exportations. Pour le GNL, nous exportons 10 BCF par jour aux US sur un marché de 90 BCF par jour.
Et dans un scénario où les températures baissent fortement, les prix européens se négocient à 30 $ en MBTU, comparativement aux prix aux États-Unis, qui sont de 6 $ MBTU. Il faudra donc que les prix augmentent considérablement aux États-Unis pour fermer la section, au besoin. Si l’hiver est plus chaud que la normale ou dans la moyenne, une partie de cette prime visible aux États-Unis, du moins à court terme, ressort. À long terme, les problèmes liés à l’offre seront plus prononcés.
Je veux parler du pétrole, et j’aimerais aussi parler de l’uranium. Même question pour le pétrole. Quelle est votre vision? J’ai entendu des estimations pour le pétrole à trois chiffres, et même plus, et même le fait que certains producteurs d’énergie délaissent, disons, le gaz naturel et se tournent vers le pétrole. Je sais que ce n’est pas une solution rapide pour réduire le coût des intrants. Que va-t-il se passer, selon vous?
HUSSEIN ALLIDINA : Il y a en effet plusieurs facteurs. Vous avez tout à fait raison, il y aura probablement une demande supplémentaire au cours de l’hiver, quand la production d’énergie sera remplacée et le gaz délaissé, celui-ci étant indisponible dans certaines parties de l’Asie ou de l’Europe. Il y aura une substitution vers le mazout résiduel, potentiellement le diesel. On assiste également à une substitution du côté du raffinage, les raffineurs qui utilisent traditionnellement le gaz comme matière première cherchent des solutions de rechange. Voilà qui soutient le marché du pétrole.
La décision prise hier par l’OPEP de ne pas augmenter sa production par rapport à ce qu’ils avaient prévu plus tôt cette année, a aussi apporté un certain soutien. Nous avons perdu des barils et des millions de BTU dans le golfe du Mexique après l’ouragan à la fin de l’été. Et tous ces facteurs, combinés à une demande encore assez robuste, je pense que cela contribue au resserrement et au soutien des prix du pétrole.
L’autre élément, Kim, ce que les participants au marché examinent, c’est ce qui se passe avec le charbon et le gaz, et je pense que cela commence à être annonciateur de ce qui pourrait se produire dans le brut, car les scénarios ne sont pas très différents. Un manque d’investissements et une offre insuffisante. Nous utilisons encore beaucoup cela pour stimuler le PIB. Et vous l’avez dit : l’offre est inélastique. Vous n’obtiendrez pas de réaction en matière de prix, même si les facteurs ESG n’existaient pas, vous n’obtiendriez pas une réaction des prix du jour au lendemain. Pardon, une réponse de l’offre du jour au lendemain.
Il s’agit simplement d’une combinaison incroyable de facteurs. Il ne me reste qu’environ 30 secondes, Hussein, mais l’uranium augmente aussi, beaucoup même ces derniers temps. Est-ce, encore une fois, à peu près la même histoire?
C’est très semblable, non? Il y a eu des facteurs économiques qui ont découragé l’investissement du côté de l’offre en amont pour la production d’uranium. Et en même temps, quand vous examinez les données et regardez certaines des cibles que nous avons pour 2030, 2040, je ne pense pas qu’on puisse les atteindre sans augmenter la capacité de production d’énergie nucléaire. Et je pense que cela devient plus un consensus et explique les performances récentes de l’uranium.
Hussein, ce qui m’a intrigué, c’est que nous voyons un graphique avec des augmentations pour toutes ces sources d’énergie. Je parlais à quelqu’un avant qui me disait que cela serait difficile pour les sociétés énergétiques de tirer parti de la situation comme elles l’ont fait par le passé en raison de toutes les restrictions sur le plan de la réglementation, des facteurs ESG et peut-être même de la couverture. Elles ne profiteront pas pleinement de la hausse de ces prix. Qu’est-ce que vous en pensez?
Oui, c’est une très bonne pquestion et un bon oint. Si l’on examine le rendement des prix du pétrole brut, par exemple, par rapport aux FNB XLE ou XOP, vous constaterez que les actions ont été à la traîne. Et je pense que, même si les prix du pétrole brut plus élevés sont favorables aux actions de l’énergie ou aux monnaies de produits de base, je ne sais pas si nous obtiendrons le même rendement ou le même bêta que nous aurions obtenu auparavant. Et je pense que c’est précisément pour la raison que vous avez mentionnée, Kim.
Les investisseurs sous-estiment ou sont franchement incapables, que ce soit du côté public ou privé, d’investir en raison du mouvement ESG. Et je pense qu’en fin de compte, cela rend le produit de base encore plus solide parce que le mécanisme de transmission entre le prix et la production est faussé sur le plan des marges en raison des facteurs ESG. Cela signifie une offre moindre pour un prix de pétrole donné, ce qui me rend plus optimiste à l’égard du produit de base sous-jacent.
C’est très intéressant. C’est un peu un cercle vicieux que de vouloir comprendre où cela nous mène. Cela pourrait se transformer en un marché haussier de produits de base prolongé. Est-ce que c’est ce que vous envisagez?
Oui, je pense à la différence ou à la préoccupation que j’ai quant à la durabilité de la situation, il s’agit essentiellement d’un problème lié à l’offre, un défi lié à l’offre, qui est différent du type de supercycle que nous avons vu dans les années 2000. C’est surtout la demande qui a dominé les marchés émergents. Tant que la demande demeure forte, raisonnablement forte, les prix des produits de base continueront d’être soutenus et d’augmenter.
Ce qui commence à m’inquiéter, et nous ne sommes pas encore à ce niveau, mais le pétrole en pourcentage du PIB, lorsqu’il atteindra 7 ou 8 % du PIB… Nous sommes probablement à environ 5 % en ce moment… historiquement, la croissance a fléchi. La différence, Kim, par rapport aux années 2000 est qu’il s’agit davantage d’un événement axé sur l’offre, ce qui est sans doute plus semblable à ce que nous avons vu en 73, 74 avec l’embargo sur le pétrole arabe ou la fin des années 70, quand la guerre entre l’Iran et l’Irak a commencé, ce qui a perturbé l’offre. Et franchement, les conséquences sur la croissance et l’inflation sont très différentes s’il s’agit d’un problème de contrainte de l’offre qui soutient le prix des produits de base.
Et peut-être pourriez-vous nous expliquer en quoi c’est différent. S’il s’agit de la baisse de l’offre et de l’inflation, qu’est-ce que cela signifie? Quel est l’impact global?
Ce qui me préoccupe, c’est l’inflation alimentée par l’offre, les contraintes de l’offre qui font grimper l’inflation engendrent encore plus de préoccupations autour de la stagflation. Vous avez vu le nombre de fois où le terme stagflation revient dans les recherches ou les conversations. Et ce n’est pas bon pour la croissance, non? Si les prix du pétrole augmentent suite à la hausse de la demande, c’est plus durable. La hausse du prix du pétrole liée à l’offre restreinte finira par étouffer la croissance.
Mais, selon moi, l’offre restreinte n’entraîne pas un effet de substitution. Le seul espoir des facteurs ESG, c’est qu’on se tourne vers des sources d’énergie de remplacement. Je suppose que c’est ce qui pourrait changer la trajectoire, ou en sommes-nous simplement trop loin pour que cela se concrétise vraiment?
Non, les consommateurs réagissent, les prix des intrants sont plus élevés, les prix des produits de base aussi, cela va forcer une substitution, un peu comme celle que nous avons connu lorsque le prix du pétrole a dépassé 100 $ le baril la dernière fois. Prenons les ventes de voitures aux États-Unis, par exemple, les gens ont cessé d’acheter des VUS et des camionnettes, et se sont tournés vers des véhicules plus petits. La hausse des prix du pétrole sera bénéfique et elle entraînera plus rapidement la substitution renouvelables.des énergies
L’élément qui, selon moi, manque dans cette conversation en général, c’est que la transition ne sera pas simple, et elle sera douloureuse. C’est ce que les Européens constatent aujourd’hui et ils continueront de le voir sur leurs factures d’énergie. Et je pense que nous devons mieux communiquer le fait que ce ne sera pas facile.
Bien. Vous avez un peu parlé des sociétés énergétiques qui n’obtiennent pas le même bêta qu’avec nos produits de base. Mais lorsque vous réfléchissez à la façon dont cela se reflétera pour les producteurs d’énergie canadiens, ou même pour la devise, le dollar canadien, qu’envisagez-vous?
Je trouve ça très positif. Je trouve ça très positif. La hausse des prix du pétrole est certainement favorable aux sociétés énergétiques. Encore une fois, la hausse obtenue pourrait ne pas être comparable à ce que nous avons vu au cours des cycles précédents, dû au changement sur le plan des facteurs ESG. Toutefois, la hausse des prix du pétrole favorise les termes de l’échange au Canada. Par extension, elle soutient le dollar. Donc, je pense que les devises des produits de base en général, en particulier au Canada, continueront d’être performantes. Je ne suis tout simplement pas certain que, du côté des actions, le rendement sera comme par le passé.
La discussion a été fascinante et nous avons hâte d’échanger à nouveau avec vous, Hussein. Merci beaucoup.
C’est toujours un plaisir. Merci, Kim.
[MUSIQUE]
Pour analyser la situation, nous accueillons Hussein Allidina, Chef, Produits de base, GPTD. Hussein, c’est un plaisir de vous avoir avec nous. Merci beaucoup de vous être joints à nous. Avant de regarder les produits en détail, pourriez-vous nous expliquer ce qui se passe de manière générale?
Bien sûr, Kim. Merci de me recevoir. Plusieurs facteurs entrent en jeu. Il s’agit d’une tendance à court terme cyclique, en particulier dans le cas du Royaume-Uni et de l’Europe, où l’hiver a commencé, pardon, l’été a démarré avec moins de stocks que d’habitude. Ces stocks n’ont pas été reconstitués, en partie parce que les flux de production dans la région ont été maîtrisés. Ça, c’est l’économie et les facteurs ESG.
Et maintenant, nous sommes à quelques semaines de l’hiver. Les stocks sont très justes. Il n’y a pas de flux en provenance de la Russie. Dans une certaine mesure, le GNL a fait l’objet d’une concurrence étrangère par l’Asie. Et le marché tend vers un contrôle de la demande. Or, il est difficile de contenir la demande d’énergie.
[LES VOIX SE MÉLANGENT]
J’allais simplement dire que j’ai entendu des commentaires indiquant, et vous y avez fait allusion, qu’avec l’évolution des facteurs ESG, moins de fonds sont investis dans les dépenses en immobilisations, dans l’extraction de combustibles fossiles, ce qui signifie moins d’offre et, comme vous le disiez, la demande est toujours là.
Oui, c’est vraiment le problème à court terme auquel nous sommes confrontés en ce moment. Le problème à moyen terme, qui pourrait devenir une préoccupation à court terme alors que nous entrons dans l’hiver, c’est le fait que, pendant la majeure partie des 10 dernières années, il n’y a pas eu d’incitatif économique pour que les producteurs cherchent du pétrole, du gaz et d’autres produits similaires. Maintenant, la situation est exacerbée, car le mouvement ESG, bien qu’il soit important, est vraiment axé sur l’offre. Nous réduisons donc l’offre. Vous avez parlé du charbon au début. Les prix du charbon n’ont jamais été aussi élevés. La demande de charbon n’a pas atteint des sommets historiques. Toutefois, l’offre de charbon diminue plus rapidement que la demande. Et c’est ce qui crée cette appréciation des prix et le besoin de contrôle de la demande.
La situation est semblable pour le gaz naturel. Et Kim, ce qui me préoccupe le plus, c’est que ce scénario pourrait continuer dans le secteur de l’énergie au cours des prochaines années également. Et l’incidence que cela a, en fin de compte, sur l’économie est beaucoup plus nuisible que les prix de l’énergie en Europe. Il ne faut pas sous-estimer ce qui se passe en Europe, c’est important, mais le secteur de l’énergie, en particulier le pétrole brut, est beaucoup plus important pour l’économie mondiale.
J’aimerais m’arrêter un peu sur les conséquences à long terme. Mais avant d’en arriver là, examinons chaque produit séparément. Commençons par le gaz. Vous avez parlé de la demande d’énergie en Europe. Le prix du gaz naturel a grimpé en flèche. Croyez-vous que la même chose pourrait se produire en Amérique du Nord, aux États-Unis?
Et c’est le bon moment pour en parler. Le gaz a clôturé à son plus haut niveau en 12 ans aujourd’hui. Je crois qu’il a augmenté de 9 % à 10 %. Le marché examine le niveau des stocks aux États-Unis, qui est plus serré qu’à la même époque l’an dernier, c’est en partie un signe de baisse de la production, mais les stocks sont raisonnablement bons. Ils ne sont pas trop justes.
Mais ce qui inquiète le marché, et nous l’avons vu dans les fluctuations des cours aujourd’hui, c’est que les températures descendent sous les normales saisonnières. Les stocks américains pourraient se retrouver sous les 800 700 GPI à la fin de l’été. Et ce sont des niveaux extrêmement bas. Je pense que le marché tente de fermer la section des exportations. Pour le GNL, nous exportons 10 BCF par jour aux US sur un marché de 90 BCF par jour.
Et dans un scénario où les températures baissent fortement, les prix européens se négocient à 30 $ en MBTU, comparativement aux prix aux États-Unis, qui sont de 6 $ MBTU. Il faudra donc que les prix augmentent considérablement aux États-Unis pour fermer la section, au besoin. Si l’hiver est plus chaud que la normale ou dans la moyenne, une partie de cette prime visible aux États-Unis, du moins à court terme, ressort. À long terme, les problèmes liés à l’offre seront plus prononcés.
Je veux parler du pétrole, et j’aimerais aussi parler de l’uranium. Même question pour le pétrole. Quelle est votre vision? J’ai entendu des estimations pour le pétrole à trois chiffres, et même plus, et même le fait que certains producteurs d’énergie délaissent, disons, le gaz naturel et se tournent vers le pétrole. Je sais que ce n’est pas une solution rapide pour réduire le coût des intrants. Que va-t-il se passer, selon vous?
HUSSEIN ALLIDINA : Il y a en effet plusieurs facteurs. Vous avez tout à fait raison, il y aura probablement une demande supplémentaire au cours de l’hiver, quand la production d’énergie sera remplacée et le gaz délaissé, celui-ci étant indisponible dans certaines parties de l’Asie ou de l’Europe. Il y aura une substitution vers le mazout résiduel, potentiellement le diesel. On assiste également à une substitution du côté du raffinage, les raffineurs qui utilisent traditionnellement le gaz comme matière première cherchent des solutions de rechange. Voilà qui soutient le marché du pétrole.
La décision prise hier par l’OPEP de ne pas augmenter sa production par rapport à ce qu’ils avaient prévu plus tôt cette année, a aussi apporté un certain soutien. Nous avons perdu des barils et des millions de BTU dans le golfe du Mexique après l’ouragan à la fin de l’été. Et tous ces facteurs, combinés à une demande encore assez robuste, je pense que cela contribue au resserrement et au soutien des prix du pétrole.
L’autre élément, Kim, ce que les participants au marché examinent, c’est ce qui se passe avec le charbon et le gaz, et je pense que cela commence à être annonciateur de ce qui pourrait se produire dans le brut, car les scénarios ne sont pas très différents. Un manque d’investissements et une offre insuffisante. Nous utilisons encore beaucoup cela pour stimuler le PIB. Et vous l’avez dit : l’offre est inélastique. Vous n’obtiendrez pas de réaction en matière de prix, même si les facteurs ESG n’existaient pas, vous n’obtiendriez pas une réaction des prix du jour au lendemain. Pardon, une réponse de l’offre du jour au lendemain.
Il s’agit simplement d’une combinaison incroyable de facteurs. Il ne me reste qu’environ 30 secondes, Hussein, mais l’uranium augmente aussi, beaucoup même ces derniers temps. Est-ce, encore une fois, à peu près la même histoire?
C’est très semblable, non? Il y a eu des facteurs économiques qui ont découragé l’investissement du côté de l’offre en amont pour la production d’uranium. Et en même temps, quand vous examinez les données et regardez certaines des cibles que nous avons pour 2030, 2040, je ne pense pas qu’on puisse les atteindre sans augmenter la capacité de production d’énergie nucléaire. Et je pense que cela devient plus un consensus et explique les performances récentes de l’uranium.
Hussein, ce qui m’a intrigué, c’est que nous voyons un graphique avec des augmentations pour toutes ces sources d’énergie. Je parlais à quelqu’un avant qui me disait que cela serait difficile pour les sociétés énergétiques de tirer parti de la situation comme elles l’ont fait par le passé en raison de toutes les restrictions sur le plan de la réglementation, des facteurs ESG et peut-être même de la couverture. Elles ne profiteront pas pleinement de la hausse de ces prix. Qu’est-ce que vous en pensez?
Oui, c’est une très bonne pquestion et un bon oint. Si l’on examine le rendement des prix du pétrole brut, par exemple, par rapport aux FNB XLE ou XOP, vous constaterez que les actions ont été à la traîne. Et je pense que, même si les prix du pétrole brut plus élevés sont favorables aux actions de l’énergie ou aux monnaies de produits de base, je ne sais pas si nous obtiendrons le même rendement ou le même bêta que nous aurions obtenu auparavant. Et je pense que c’est précisément pour la raison que vous avez mentionnée, Kim.
Les investisseurs sous-estiment ou sont franchement incapables, que ce soit du côté public ou privé, d’investir en raison du mouvement ESG. Et je pense qu’en fin de compte, cela rend le produit de base encore plus solide parce que le mécanisme de transmission entre le prix et la production est faussé sur le plan des marges en raison des facteurs ESG. Cela signifie une offre moindre pour un prix de pétrole donné, ce qui me rend plus optimiste à l’égard du produit de base sous-jacent.
C’est très intéressant. C’est un peu un cercle vicieux que de vouloir comprendre où cela nous mène. Cela pourrait se transformer en un marché haussier de produits de base prolongé. Est-ce que c’est ce que vous envisagez?
Oui, je pense à la différence ou à la préoccupation que j’ai quant à la durabilité de la situation, il s’agit essentiellement d’un problème lié à l’offre, un défi lié à l’offre, qui est différent du type de supercycle que nous avons vu dans les années 2000. C’est surtout la demande qui a dominé les marchés émergents. Tant que la demande demeure forte, raisonnablement forte, les prix des produits de base continueront d’être soutenus et d’augmenter.
Ce qui commence à m’inquiéter, et nous ne sommes pas encore à ce niveau, mais le pétrole en pourcentage du PIB, lorsqu’il atteindra 7 ou 8 % du PIB… Nous sommes probablement à environ 5 % en ce moment… historiquement, la croissance a fléchi. La différence, Kim, par rapport aux années 2000 est qu’il s’agit davantage d’un événement axé sur l’offre, ce qui est sans doute plus semblable à ce que nous avons vu en 73, 74 avec l’embargo sur le pétrole arabe ou la fin des années 70, quand la guerre entre l’Iran et l’Irak a commencé, ce qui a perturbé l’offre. Et franchement, les conséquences sur la croissance et l’inflation sont très différentes s’il s’agit d’un problème de contrainte de l’offre qui soutient le prix des produits de base.
Et peut-être pourriez-vous nous expliquer en quoi c’est différent. S’il s’agit de la baisse de l’offre et de l’inflation, qu’est-ce que cela signifie? Quel est l’impact global?
Ce qui me préoccupe, c’est l’inflation alimentée par l’offre, les contraintes de l’offre qui font grimper l’inflation engendrent encore plus de préoccupations autour de la stagflation. Vous avez vu le nombre de fois où le terme stagflation revient dans les recherches ou les conversations. Et ce n’est pas bon pour la croissance, non? Si les prix du pétrole augmentent suite à la hausse de la demande, c’est plus durable. La hausse du prix du pétrole liée à l’offre restreinte finira par étouffer la croissance.
Mais, selon moi, l’offre restreinte n’entraîne pas un effet de substitution. Le seul espoir des facteurs ESG, c’est qu’on se tourne vers des sources d’énergie de remplacement. Je suppose que c’est ce qui pourrait changer la trajectoire, ou en sommes-nous simplement trop loin pour que cela se concrétise vraiment?
Non, les consommateurs réagissent, les prix des intrants sont plus élevés, les prix des produits de base aussi, cela va forcer une substitution, un peu comme celle que nous avons connu lorsque le prix du pétrole a dépassé 100 $ le baril la dernière fois. Prenons les ventes de voitures aux États-Unis, par exemple, les gens ont cessé d’acheter des VUS et des camionnettes, et se sont tournés vers des véhicules plus petits. La hausse des prix du pétrole sera bénéfique et elle entraînera plus rapidement la substitution renouvelables.des énergies
L’élément qui, selon moi, manque dans cette conversation en général, c’est que la transition ne sera pas simple, et elle sera douloureuse. C’est ce que les Européens constatent aujourd’hui et ils continueront de le voir sur leurs factures d’énergie. Et je pense que nous devons mieux communiquer le fait que ce ne sera pas facile.
Bien. Vous avez un peu parlé des sociétés énergétiques qui n’obtiennent pas le même bêta qu’avec nos produits de base. Mais lorsque vous réfléchissez à la façon dont cela se reflétera pour les producteurs d’énergie canadiens, ou même pour la devise, le dollar canadien, qu’envisagez-vous?
Je trouve ça très positif. Je trouve ça très positif. La hausse des prix du pétrole est certainement favorable aux sociétés énergétiques. Encore une fois, la hausse obtenue pourrait ne pas être comparable à ce que nous avons vu au cours des cycles précédents, dû au changement sur le plan des facteurs ESG. Toutefois, la hausse des prix du pétrole favorise les termes de l’échange au Canada. Par extension, elle soutient le dollar. Donc, je pense que les devises des produits de base en général, en particulier au Canada, continueront d’être performantes. Je ne suis tout simplement pas certain que, du côté des actions, le rendement sera comme par le passé.
La discussion a été fascinante et nous avons hâte d’échanger à nouveau avec vous, Hussein. Merci beaucoup.
C’est toujours un plaisir. Merci, Kim.
[MUSIQUE]