
Le marché canadien du logement accuse les effets de la hausse des taux d’intérêt : neuf provinces sur dix ont vu leurs ventes diminuer en mai. Kim Parlee discute avec Rishi Sondhi, économiste à la TD, du nouveau contexte pour l’immobilier et des perspectives pour l’avenir.
Commençons par vos prévisions. En fait, vous avez considérablement revu à la baisse vos prévisions pour le marché canadien du logement par rapport à vos perspectives de mars.
Quel type de baisse prévoyez-vous? Que constatez-vous?
Alors, on prévoit une baisse d’environ 33 % des ventes de logements au Canada, du point le plus haut au point le plus bas entre la fin du premier trimestre de 2021 et le premier trimestre de… pardon, ou plutôt du premier trimestre de 2022 au premier trimestre de 2023, donc une baisse relativement prononcée des ventes. Selon nos estimations, on est à peu près à la moitié de la période de baisse prévue, c’est donc une diminution assez prononcée des ventes. En fait, cela correspond à ce qu’on a vu dans le passé. Pour ce qui est des prix, on prévoit une baisse de 19 % du sommet au creux au cours de la même période, c’est-à-dire du 1er trimestre 2022 au 1er trimestre 2023, donc des baisses assez prononcées sur les deux fronts, après quoi le marché devrait se stabiliser l’année prochaine.
Et je sais que vous en avez déjà parlé comme d’un rééquilibrage plutôt que d’un phénomène inquiétant. Cela tient en grande partie au fait que, quand on parle de l’écart entre le point le plus élevé et le point le plus bas, les pics sont déjà assez élevés.
Oui, c’est vraiment le cas. Dans la période prépandémie, le prix moyen des logements au Canada avait augmenté d’environ 50 %. Donc de février 2020 à février 2022, les prix ont augmenté à un rythme extrêmement abrupt et franchement pas viable.
Donc, avec une baisse de 19 % après une hausse de 50 %, on ne fait que revenir sur une partie de l’augmentation qu’on a vue, alors on parle plus de rajustement que de dégradation. C’est un point important et il y a plusieurs facteurs favorables qui étayent notre opinion selon laquelle il y aura une plus forte correction des prix. En particulier, on prévoit une croissance démographique assez robuste. C’est ce que montrent les données jusqu’à maintenant.
Le Canada bénéficie d’un choc commercial positif, ce qui signifie que les prix élevés des produits de base soutiennent le prix de nos exportations et la hausse des revenus dans plusieurs provinces du pays. Ce sont là deux facteurs positifs. On s’attend également à ce que la croissance économique demeure notre base de référence. C’est un autre facteur qui, selon nous, aidera à stimuler la demande de logements à l’avenir.
Je vois. C’est intéressant. Peut-on faire un examen géographique rapide pour voir les mesures prises par chaque province? Vous dites que les plus fortes baisses seront en Ontario et en Colombie-Britannique. Pourquoi?
Eh bien, c’est là que l’abordabilité s’est détériorée le plus au cours de la pandémie. Ces deux territoires ont donc connu des hausses de prix relativement prononcées pendant la pandémie, ce sont donc les plus vulnérables, en particulier à Toronto et dans les marchés avoisinants. Pour ce qui est des activités des investisseurs, certaines données montrent qu’elles se sont considérablement intensifiées durant la pandémie, particulièrement à Toronto et dans les marchés avoisinant Toronto. Il y a donc certaines vulnérabilités.
On pense que les investisseurs pourraient être un peu plus sensibles aux hausses des taux d’intérêt que d’autres types d’acheteurs. Par conséquent, une hausse des taux d’intérêt pourrait exercer des pressions baissières disproportionnées sur les ventes et les prix. C’est encore une fois pour l’Ontario.
En Colombie-Britannique, c’est davantage une question d’abordabilité. L’abordabilité était déjà extrêmement faible à l’approche de la pandémie et la pandémie a évidemment aggravé la situation. Et, selon les données, les baisses de ventes et de prix sont les plus importantes dans ces deux territoires jusqu’à présent.
Qu’en est-il de l’Alberta? L’Alberta profite un peu des prix du pétrole, mais la situation ne se traduit plus comme avant, pour de nombreuses raisons qu’on ne regardera pas en détail. Que constatez-vous?
Oui. Eh bien, les ventes sont en train de se redresser en Alberta aussi, mais la grande différence est que le niveau des ventes est encore assez élevé. En fait, on vient de recevoir les données de juin aujourd’hui. L’analyse des données locales a été terminée aujourd’hui et on a eu un aperçu de ce qui se passe à Calgary. Il semble donc que les ventes aient chuté en juin à Calgary, par exemple. Mais elles dépassaient toujours d’environ 70 % leur niveau prépandémie, comparativement à 20 % dans un territoire comme Toronto.
Il y a donc une grande différence. En Alberta, le marché s’ajuste, mais à un niveau extrêmement élevé. Et le niveau des ventes y est encore assez élevé. Cela encourage le resserrement des marchés et le raffermissement des prix.
On s’attend à ce que la correction des ventes se poursuive. Mais comme l’abordabilité est relativement bonne en Alberta, ça devrait entraîner une hausse des ventes par rapport à l’Ontario et la Colombie-Britannique, un resserrement des marchés et une meilleure croissance des prix par rapport à ces deux grandes provinces ou à d’autres grandes provinces.
Rishi, je n’ai que quelques minutes, et je ne veux pas oublier l’Atlantique, j’aimerais vous poser une question rapidement. Que voyez-vous pour les Prairies, la Saskatchewan, le Manitoba, le Québec et l’Atlantique?
Oui, alors. Dans les Prairies, on pense que les prix vont être plus performants et cela s’explique par le fait que l’abordabilité demeure raisonnable dans ces marchés parce que les prix des logements n’ont pas vraiment augmenté pendant la pandémie. Et je dirais que le Québec se situe entre les autres grandes provinces et certains autres territoires, car on a vu son abordabilité se détériorer de façon assez notable. On s’attend à une baisse là.
Maintenant, les régions de l’Atlantique… pardon. La région de l’Atlantique est intéressante, car la croissance de la population a été plutôt robuste, alimentée par la migration interprovinciale, en particulier les personnes qui quittent l’Ontario pour des territoires comme le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse. Et c’est ce qui a stimulé la demande de logements, même cette année.
Les ventes et les prix ont donc diminué sur d’autres marchés, mais pas autant dans l’ensemble de l’Atlantique jusqu’à présent. C’est une bonne nouvelle. On pense que la croissance de la population dans ces marchés ralentira avec la diminution de la migration interprovinciale liée au recul du télétravail. Cela exercera des pressions à la baisse sur les ventes et les prix, bien que ce marché sera touché plus tard que certains autres.
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