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La Banque du Canada (BdC) maintient son taux directeur, mais devance son calendrier de relèvement des taux d’intérêt devant les préoccupations à l’égard de l’inflation persistante. Anthony Okolie et James Orlando, économiste principal, Groupe Banque TD, discutent des répercussions sur l’économie canadienne.
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La Banque du Canada a maintenu son taux directeur à 25 points de base, comme on s’y attendait. Par contre, elle nous a surpris en devançant son calendrier de relèvement des taux d’intérêt pour l’année prochaine. James, beaucoup de choses se sont passées. Qu’est-ce qui vous a le plus frappé aujourd’hui?
Je pense que vous avez mis le doigt sur l’enjeu majeur quand vous avez parlé du calendrier devancé de relèvement des taux d’intérêt. Donc, la Banque du Canada dit qu’elle croit que l’économie rattrapera tout le recul causé par la pandémie pendant la première moitié de 2022, et non au cours de la deuxième moitié. Cela signifie qu’elle prépare les marchés à un relèvement des taux. Et elle le fait pour plusieurs raisons. Une de ces raisons, de toute évidence, est le rapport sur l’emploi du mois dernier, qui était exceptionnel.
Par contre, ce qu’on remarque aussi et que la Banque du Canada reconnaît, c’est que les Canadiens font ctuellement face à une forte inflation. L’inflation est partout, et en fait la Banque du Canada mentionne une hausse importante des prix du bacon dans son rapport. Et on entend rarement parler des prix du bacon dans les rapports de la Banque du Canada. Essentiellement, ce qui se produit, c’est que l’inflation devient très persistante. Et elle a des effets importants sur l’économie. Ce que la Banque du Canada semble indiquer, c’est que l’inflation continuera de progresser de la même manière. C’est un signe-- et on pense en fait que l’emploi continuera aussi de progresser de la même façon et qu’il faudra relever les taux d’intérêt plus tôt que ce la Banque du Canada croyait.
Et c’est intéressant parce qu’on commence à voir réagir les marchés des obligations. Il semblerait maintenant qu’ils anticipent plus de relèvements des taux en 2022. Quelles perspectives voyez-vous pour les taux d’intérêt dans la prochaine année?
La réaction du marché des obligations aujourd’hui est importante. Ce qui se passe en ce moment est incroyable. Les participants au marché disent qu’ils écoutent la Banque du Canada et commencent à compenser avec les taux obligataires. Donc, les taux obligataires ont beaucoup augmenté ce matin. On verra ce qu’il va se passer quand Tiff Macklem prendra la parole sous peu. Il pourrait essayer de calmer les marchés un peu. Ce que signifie l’augmentation des taux du gouvernement, c’est une hausse de taux de toutes sortes au Canada. Les taux d’emprunt des sociétés augmenteront.
Les taux des prêts hypothécaires à taux variable vont sans doute augmenter. Les personnes qui veulent s’acheter une nouvelle maison vont avoir, pour leur prêt hypothécaire de cinq ans, un taux plus élevé. C’est parce que les banques et les prêteurs basent leurs taux hypothécaires sur les taux obligataires canadiens. C’est là qu’intervient le coût de financement. Donc, quand la Banque du Canada dit qu’elle va relever les taux, l’annonce a des répercussions sur toutes sortes d’emprunts pour les Canadiens.
Et bien sûr, on va passer du marché des obligations au marché des devises. Juste après l’annonce, on a vu le dollar canadien monter subitement. Quelles perspectives voyez-vous pour le dollar canadien prochainement?
Le dollar canadien profite vraiment de deux facteurs. D’abord, la Banque du Canada relèvera probablement les taux de façon importante. Simultanément, la Réserve fédérale américaine reste patiemment immobile. Et la Réserve fédérale est la banque centrale du monde. Quand elle relève ses taux d’intérêt ou qu’elle adopte un ton plus ferme comme la Banque du Canada l’a fait aujourd’hui, cela a un effet sur les taux partout dans le monde. Donc, elle doit être plus patiente. Comme la Banque du Canada prévoit devancer la Réserve fédérale et que cela s’est reflété sur les marchés obligataires, les investisseurs internationaux sont arrivés en masse sur les marchés obligataires canadiens pour profiter des rendements supplémentaires.
Simultanément, on assiste à une progression importante sur les marchés de l’énergie. Les prix du pétrole augmentent, le pétrole WTI se négocie à plus de 80 $ le baril. La même chose se voit pour plusieurs autres produits énergétiques. Le gaz naturel, par exemple. Et tout cela est positif pour les exportations canadiennes, n’est-ce pas? Et l’augmentation des exportations canadiennes contribue aussi à la hausse du dollar. Donc, le dollar canadien a profité de tous ces facteurs, qui vont dans la même direction. Les gens négociant des devises se demandent jusqu’à quel point la hausse peut continuer. Le pétrole va-t-il monter jusqu’à 100 $? Ou est-ce qu’il va redescendre à des niveaux plus gérables? Tiff Macklem prendra-t-il ses distances du changement de ton de la Banque du Canada?
La Banque du Canada sera-t-elle vraiment capable de relever les taux d’intérêt de façon importante par rapport à la Réserve fédérale? De combien de points pourra-t-elle les augmenter avant la Réserve fédérale? Ce sont toutes des questions que les gens qui négocient le dollar canadien vont poser. Selon nous, la Banque du Canada aura du mal à relever de façon importante les taux avant la Réserve fédérale. Les marchés de l’énergie auront de la difficulté à continuer de progresser de façon significative vers les 100 $ le baril. Et conséquemment, le dollar canadien est à un point idéal en ce moment, soit environ à 0,80 $.
OK, parlons des implications de cette situation. Vous avez mentionné le marché immobilier. Commencez par là. Quelles sont les implications de cette situation pour les logements?
Eh bien, on se rappelle ce qui s’est produit pendant la pandémie. Les taux hypothécaires ont chuté, les prix des logements ont monté en flèche. OK. Maintenant, c’est le contraire qui se produit: les taux hypothécaires vont probablement augmenter dans les prochains mois. C’est déjà quelque peu commencé. Et avec un peu de chance, vous savez, et cela fait certainement partie de la stratégie de la Banque du Canada, il y a un facteur macroprudentiel en jeu. La Banque du Canada ne veut pas que les prix des logements augmentent de plus de 10 % comme l’année dernière. Elle ne le souhaite pas parce que ce genre de hausse rend l’économie canadienne très vulnérable à un repli.
Et donc en suscitant une augmentation des taux par son annonce, elle essaie d’éviter que les prix des logements montent en flèche, surtout pendant l’hiver et au début de 2022. On a toujours une envolée des prix des logements à ce moment-là. Les saisons ont beaucoup d’influence au Canada. Donc, je pense que l’annonce va ralentir quelque peu le marché immobilier. Mais dans l’ensemble, pour ce qui est des prix des logements et de la constance de leur augmentation, au Canada, il faut dire qu’on manque tout simplement d’offre. La demande créée par la constitution de familles et l’immigration a surpassé l’offre de façon continue au Canada. Et cette situation ne change pas.
On a toujours eu ce déséquilibre entre l’offre et la demande sur le marché immobilier. C’est pour cette raison que même si les taux hypothécaires augmentent, il n’y aura pas de correction du marché du logement au Canada.
Et quelles sont les implications de sla situation ur le marché de l’emploi? Y a-t-il des risques à court terme?
Oui, tout à fait. J’ai mentionné plus tôt que le plus récent rapport sur l’emploi indiquait des gains exceptionnels en matière d’emploi au Canada. C’était spectaculaire. En fait, on est revenus aux niveaux d’emploi d’avant la pandémie au Canada. Ce n’est pas du tout le cas aux États-Unis, qui en sont encore bien loin.
Le problème, et la Banque du Canada l’a mentionné aussi, c’est que c’est inégal. On sait qu’il y a encore plusieurs industries qui souffrent et que beaucoup de personnes se cherchent un emploi. Ces personnes font partie de la population active. Elles cherchent, mais les entreprises auxquelles elles sont associées ne vont pas aussi bien qu’elles le souhaiteraient. Donc, il y a beaucoup d’inégalités sur les marchés de l’emploi.
La Banque du Canada, par contre, espère qu’à mesure que les choses rouvrent, étant donné que les vaccins fonctionnent clairement et pourraient nous permettre de rouvrir l’économie, qu’à mesure qu’on se rapproche de la normalité, tous ces emplois reviendront. Et elle espère vraiment que l’accélération du mois dernier et que la progression de l’emploi se poursuivra.
Et donc on s’attend à ce que la hausse du marché de l’emploi s’accélère. Et je crois que c’est ce que la Banque du Canada souhaite en raison des disparités entre les industries dans lesquelles les gens travaillent.
James, merci beaucoup d’avoir répondu à ces questions.
Merci.
[MUSIQUE]
Je pense que vous avez mis le doigt sur l’enjeu majeur quand vous avez parlé du calendrier devancé de relèvement des taux d’intérêt. Donc, la Banque du Canada dit qu’elle croit que l’économie rattrapera tout le recul causé par la pandémie pendant la première moitié de 2022, et non au cours de la deuxième moitié. Cela signifie qu’elle prépare les marchés à un relèvement des taux. Et elle le fait pour plusieurs raisons. Une de ces raisons, de toute évidence, est le rapport sur l’emploi du mois dernier, qui était exceptionnel.
Par contre, ce qu’on remarque aussi et que la Banque du Canada reconnaît, c’est que les Canadiens font ctuellement face à une forte inflation. L’inflation est partout, et en fait la Banque du Canada mentionne une hausse importante des prix du bacon dans son rapport. Et on entend rarement parler des prix du bacon dans les rapports de la Banque du Canada. Essentiellement, ce qui se produit, c’est que l’inflation devient très persistante. Et elle a des effets importants sur l’économie. Ce que la Banque du Canada semble indiquer, c’est que l’inflation continuera de progresser de la même manière. C’est un signe-- et on pense en fait que l’emploi continuera aussi de progresser de la même façon et qu’il faudra relever les taux d’intérêt plus tôt que ce la Banque du Canada croyait.
Et c’est intéressant parce qu’on commence à voir réagir les marchés des obligations. Il semblerait maintenant qu’ils anticipent plus de relèvements des taux en 2022. Quelles perspectives voyez-vous pour les taux d’intérêt dans la prochaine année?
La réaction du marché des obligations aujourd’hui est importante. Ce qui se passe en ce moment est incroyable. Les participants au marché disent qu’ils écoutent la Banque du Canada et commencent à compenser avec les taux obligataires. Donc, les taux obligataires ont beaucoup augmenté ce matin. On verra ce qu’il va se passer quand Tiff Macklem prendra la parole sous peu. Il pourrait essayer de calmer les marchés un peu. Ce que signifie l’augmentation des taux du gouvernement, c’est une hausse de taux de toutes sortes au Canada. Les taux d’emprunt des sociétés augmenteront.
Les taux des prêts hypothécaires à taux variable vont sans doute augmenter. Les personnes qui veulent s’acheter une nouvelle maison vont avoir, pour leur prêt hypothécaire de cinq ans, un taux plus élevé. C’est parce que les banques et les prêteurs basent leurs taux hypothécaires sur les taux obligataires canadiens. C’est là qu’intervient le coût de financement. Donc, quand la Banque du Canada dit qu’elle va relever les taux, l’annonce a des répercussions sur toutes sortes d’emprunts pour les Canadiens.
Et bien sûr, on va passer du marché des obligations au marché des devises. Juste après l’annonce, on a vu le dollar canadien monter subitement. Quelles perspectives voyez-vous pour le dollar canadien prochainement?
Le dollar canadien profite vraiment de deux facteurs. D’abord, la Banque du Canada relèvera probablement les taux de façon importante. Simultanément, la Réserve fédérale américaine reste patiemment immobile. Et la Réserve fédérale est la banque centrale du monde. Quand elle relève ses taux d’intérêt ou qu’elle adopte un ton plus ferme comme la Banque du Canada l’a fait aujourd’hui, cela a un effet sur les taux partout dans le monde. Donc, elle doit être plus patiente. Comme la Banque du Canada prévoit devancer la Réserve fédérale et que cela s’est reflété sur les marchés obligataires, les investisseurs internationaux sont arrivés en masse sur les marchés obligataires canadiens pour profiter des rendements supplémentaires.
Simultanément, on assiste à une progression importante sur les marchés de l’énergie. Les prix du pétrole augmentent, le pétrole WTI se négocie à plus de 80 $ le baril. La même chose se voit pour plusieurs autres produits énergétiques. Le gaz naturel, par exemple. Et tout cela est positif pour les exportations canadiennes, n’est-ce pas? Et l’augmentation des exportations canadiennes contribue aussi à la hausse du dollar. Donc, le dollar canadien a profité de tous ces facteurs, qui vont dans la même direction. Les gens négociant des devises se demandent jusqu’à quel point la hausse peut continuer. Le pétrole va-t-il monter jusqu’à 100 $? Ou est-ce qu’il va redescendre à des niveaux plus gérables? Tiff Macklem prendra-t-il ses distances du changement de ton de la Banque du Canada?
La Banque du Canada sera-t-elle vraiment capable de relever les taux d’intérêt de façon importante par rapport à la Réserve fédérale? De combien de points pourra-t-elle les augmenter avant la Réserve fédérale? Ce sont toutes des questions que les gens qui négocient le dollar canadien vont poser. Selon nous, la Banque du Canada aura du mal à relever de façon importante les taux avant la Réserve fédérale. Les marchés de l’énergie auront de la difficulté à continuer de progresser de façon significative vers les 100 $ le baril. Et conséquemment, le dollar canadien est à un point idéal en ce moment, soit environ à 0,80 $.
OK, parlons des implications de cette situation. Vous avez mentionné le marché immobilier. Commencez par là. Quelles sont les implications de cette situation pour les logements?
Eh bien, on se rappelle ce qui s’est produit pendant la pandémie. Les taux hypothécaires ont chuté, les prix des logements ont monté en flèche. OK. Maintenant, c’est le contraire qui se produit: les taux hypothécaires vont probablement augmenter dans les prochains mois. C’est déjà quelque peu commencé. Et avec un peu de chance, vous savez, et cela fait certainement partie de la stratégie de la Banque du Canada, il y a un facteur macroprudentiel en jeu. La Banque du Canada ne veut pas que les prix des logements augmentent de plus de 10 % comme l’année dernière. Elle ne le souhaite pas parce que ce genre de hausse rend l’économie canadienne très vulnérable à un repli.
Et donc en suscitant une augmentation des taux par son annonce, elle essaie d’éviter que les prix des logements montent en flèche, surtout pendant l’hiver et au début de 2022. On a toujours une envolée des prix des logements à ce moment-là. Les saisons ont beaucoup d’influence au Canada. Donc, je pense que l’annonce va ralentir quelque peu le marché immobilier. Mais dans l’ensemble, pour ce qui est des prix des logements et de la constance de leur augmentation, au Canada, il faut dire qu’on manque tout simplement d’offre. La demande créée par la constitution de familles et l’immigration a surpassé l’offre de façon continue au Canada. Et cette situation ne change pas.
On a toujours eu ce déséquilibre entre l’offre et la demande sur le marché immobilier. C’est pour cette raison que même si les taux hypothécaires augmentent, il n’y aura pas de correction du marché du logement au Canada.
Et quelles sont les implications de sla situation ur le marché de l’emploi? Y a-t-il des risques à court terme?
Oui, tout à fait. J’ai mentionné plus tôt que le plus récent rapport sur l’emploi indiquait des gains exceptionnels en matière d’emploi au Canada. C’était spectaculaire. En fait, on est revenus aux niveaux d’emploi d’avant la pandémie au Canada. Ce n’est pas du tout le cas aux États-Unis, qui en sont encore bien loin.
Le problème, et la Banque du Canada l’a mentionné aussi, c’est que c’est inégal. On sait qu’il y a encore plusieurs industries qui souffrent et que beaucoup de personnes se cherchent un emploi. Ces personnes font partie de la population active. Elles cherchent, mais les entreprises auxquelles elles sont associées ne vont pas aussi bien qu’elles le souhaiteraient. Donc, il y a beaucoup d’inégalités sur les marchés de l’emploi.
La Banque du Canada, par contre, espère qu’à mesure que les choses rouvrent, étant donné que les vaccins fonctionnent clairement et pourraient nous permettre de rouvrir l’économie, qu’à mesure qu’on se rapproche de la normalité, tous ces emplois reviendront. Et elle espère vraiment que l’accélération du mois dernier et que la progression de l’emploi se poursuivra.
Et donc on s’attend à ce que la hausse du marché de l’emploi s’accélère. Et je crois que c’est ce que la Banque du Canada souhaite en raison des disparités entre les industries dans lesquelles les gens travaillent.
James, merci beaucoup d’avoir répondu à ces questions.
Merci.
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