Les nouvelles technologies axées sur le cancer et d’autres maladies pourraient propulser le secteur de la biotechnologie. John Hall, analyste de placements pour U.S. Biotech, T. Rowe Price, se joint à Anthony Okolie de MoneyTalk pour en discuter.
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[LOGO SONORE] * On accueille maintenant John Hall, analyste de placements, T. Rowe Price, US Biotech. John, merci beaucoup de vous joindre à nous. * Merci de l’invitation. * Nous connaissons bien les sociétés pharmaceutiques à grande capitalisation. Quelle est la différence avec les biotechs et comment investir dans ces sociétés? * OK. Les sociétés pharmaceutiques sont de grandes entreprises diversifiées, avec beaucoup de revenus et qui mettent beaucoup de médicaments sur le marché. Elles approchent les maladies les plus importantes selon des modalités établies. Les sociétés de biotechnologie sont généralement plus petites. Elles se concentrent sur des maladies moins bien identifiées, pour lesquelles les occasions offertes par le marché sont moins certaines. Elles ont tendance à essayer de trouver de nouvelles façons d’aborder une maladie qui ne sont pas du domaine de compétences des sociétés pharmaceutiques. Ces dernières s’en tiennent à certains types de médicaments et de programmes. * La biotechnologie est un peu plus exploratoire dans son approche. Pour investir dans la biotech, il faut identifier les besoins médicaux non satisfaits. Quelle technologie n’est pas exploitée par les sociétés pharmaceutiques? Quel type d’occasions existent… Les sociétés pharmaceutiques sont gérées par un comité. Elles ne sont pas agiles. Les biotechs ont tendance à être plus concentrées, plus agiles et plus aptes à se lancer dans des secteurs que les sociétés pharmaceutiques négligent. * D’accord. Vous avez indiqué qu’il y a beaucoup d’innovation dans le secteur de la biotechnologie. Qu’est-ce qui motive cette innovation? * On assiste à une augmentation énorme des outils et des technologies de recherche. Notre capacité à comprendre les causes d’une maladie augmente donc de façon exponentielle. J’aime donner l’exemple du coût du projet sur le génome humain. Le premier séquençage du génome humain a coûté environ 3 milliards de dollars et il a pris 13 ans. Aujourd’hui, on peut séquencer un génome pour moins de 1 000 $ en quelques jours. Lorsqu’on peut accéder à de plus grandes quantités de données à grande échelle beaucoup plus rapidement qu’auparavant, on peut faire des comparaisons démographiques, comparer les personnes qui ont une maladie par rapport à celles qui ne l’ont pas, et acquérir des connaissances uniques. * De plus, le fait de pouvoir interroger la biologie en profondeur au moyen des technologies émergentes nous permet de mieux voir ce que nous ne pouvions pas voir auparavant, de mieux comprendre les causes des maladies. Et lorsque nous comprenons les origines de la maladie, nous pouvons mettre au point de nouvelles technologies pour la traiter de façons différentes, de manières auxquelles nous n’avions pas accès auparavant. * D’accord. Dans ce contexte, quelles sont les technologies émergentes et modalités qui vous intéressent le plus? * Alors. À l’école, on a appris en biologie que chaque cellule… * Je n’ai jamais été bon en biologie, alors… [RIRES] * Eh bien, on va vous faire une petite leçon. Chaque cellule détient l’ADN, le code génétique. Et cet ADN est transformé en un intermédiaire appelé ARN messager. L’ARN messager est ensuite transformé en protéines. Les humains et les animaux sont en fait un ensemble de protéines. Traditionnellement, on fabrique des médicaments qui inhibent l’activité ou modifient l’activité de la protéine. À mesure que nous comprenons mieux la science et que nous mettons au point de nouvelles technologies, comme des thérapies antisens ou des thérapies géniques, nous pouvons intervenir plus tôt dans le processus biologique. * Ainsi, plutôt que d’attendre qu’une cellule produise une protéine qui cause une maladie, on peut changer l’ADN ou modifier l’ARNm afin d’empêcher que cette protéine s’accumule. Ces types d’approches ont l’avantage… Le renouvellement des protéines est très rapide. Elles vivent quelques jours. Si je veux fabriquer un médicament qui interagit, qui intervient à temps, il faut qu’il soit très performant tout le temps. Si je peux tirer parti de procédés qui vont plus en amont, la durée de l’action peut être beaucoup plus importante. Il y a donc beaucoup de sociétés qui travaillent sur des médicaments à action prolongée, ce qui représenterait un énorme progrès dans ce domaine. * D’accord, allons un peu plus en profondeur maintenant. Quels sont les maladies et les principaux marchés actuellement ciblés par les sociétés de biotechnologie? * Dans le financement du NIH, le financement des maladies par le gouvernement américain, plus de la moitié de l’argent, et c’est la même chose pour la biotechnologie, est… investie dans le cancer. Comme on le sait, le cancer est une maladie mortelle. Beaucoup de médicaments le traitent et retardent la mort. Mais l’espérance de vie de ces patients est limitée. Ce que nous constatons, c’est que les nouvelles maladies, comme l’inflammation et les maladies neurodégénératives, sont des domaines où les patients ont une qualité de vie qui est détériorée, mais leur durée de vie n’est pas affectée. Et ils vont suivre différents types de traitements. * On tente maintenant d’agir sur les maladies pour lesquelles il est possible d’améliorer la qualité de vie. Mais si vous avez 50 ans, par rapport à un enfant de 3 ans, c’est un bien meilleur marché pour une société pharmaceutique. On découvre de nouvelles infos sur les causes de l’inflammation liée à ces maladies, c’est un domaine qui suscite beaucoup d’investissements et d’intérêt de la part des sociétés pharmaceutiques qui essaient vraiment de trouver des solutions. * D’accord. J’aimerais maintenant parler un peu de votre stratégie. Elle est différenciée sur le marché, car vous investissez aussi dans des sociétés privées. Pourquoi? * L’écosystème de la biotechnologie compte environ 700 sociétés publiques. Je pense que l’univers de placement en compte environ 200. Toutefois, si vous regardez le nombre de sociétés privées, il est égal au nombre de sociétés publiques. Et si je suis une société de biotechnologie, ça va me prendre 5, 7 ou 10 ans pour mettre un médicament sur le marché, du début à la fin du cycle. Mais les sociétés privées interviennent pour essayer de supplanter ces sociétés publiques avant même qu’elles mettent un médicament sur le marché. * Il est donc important de vous assurer que vous connaissez tout le domaine, toutes les sociétés qui existent dans l’écosystème en question. Par exemple, si vous voulez… si je veux savoir ce que font les sociétés privées, je suis obligé d’investir dans ces sociétés. Sinon ces sociétés n’ont aucun intérêt à me rencontrer. * Je peux donc voir la gamme complète de programmes en cours d’élaboration. Et, par conséquent, j’investis dans les sociétés, qui, selon moi, visent les plus grands marchés ou les secteurs de pathologies les plus prometteurs, ou les nouvelles technologies qui n’existent pas ailleurs. Pour jouer un rôle dans l’écosystème, il faut que je puisse interagir avec ces sociétés et y investir. * D’accord. Mais parlons un peu des risques. Parce que l’un des risques qui semblent peser sur le marché américain, surtout au sein d’un cycle électoral, c’est que les médicaments coûtent plus cher que ceux d’autres pays. Le risque lié à la réglementation entourant l’établissement des prix des médicaments pourrait-il avoir une incidence négative sur le secteur de la biotechnologie? * Je pense que vous pouvez aborder la question de plusieurs façons. Le risque est que cela ait des répercussions sur le secteur de la biotechnologie. La façon dont le marché fonctionne, c’est que pour récompenser un développement, vous obtenez un brevet. Et le brevet permet une certaine période d’exclusivité. * Donc, si je mets 10 ans à mettre au point un médicament, je vais avoir 13 ou 17 ans pour le vendre sur le marché de manière exclusive. Les organismes de réglementation n’aiment pas cette période d’exclusivité, ils veulent la raccourcir parce qu’il n’est pas juste que le prix des médicaments soit aussi élevé, les sociétés… quand vous évaluez un DCF, toute la valeur dans le DCF correspond à l’année précédente. * Ce sont les flux de trésorerie actualisés dont vous parlez. * Oui, c’est cela. Désolé. Si vous supprimez la valeur des dernières années, la valeur de ce médicament diminue énormément par rapport à la valeur d’origine. Par conséquent, si on réduit la période d’exclusivité, le problème c’est que les médicaments auront moins de valeur. Donc, du côté de la biotechnologie, l’une des façons de corriger cette situation est de considérer que, pour les sociétés développant un seul médicament, les prix ne seront pas négociés. Il n’y aura aucune répercussion sur leur période d’exclusivité. Mais ce sera fait pour les grosses sociétés pharmaceutiques. Cela pourrait accélérer les acquisitions de biotechs par les sociétés pharmaceutiques, entraînant beaucoup de réinvestissement dans ce secteur. * C’est à double tranchant cela dit. Ça pourrait avoir un effet positif pour les biotechs en accélérant leur acquisition par des sociétés pharmaceutiques, mais ça pourrait avoir un impact négatif sur ces dernières. Il y a beaucoup de conséquences potentielles qui n’ont pas fait l’objet de réflexion avant l’adoption de ce règlement. Et c’est évidemment… personne ne défend les prix élevés des médicaments, mais ce prix représente le montant qu’il faut investir… ou qui est investi dans la mise au point de ces médicaments. Cela pourrait donc aussi nuire au développement. On tente toujours de comprendre les conséquences. Mais c’est… * C’est compliqué. * C’est compliqué. * C’est vrai. Mais parlons un peu de performances. La biotech a connu des difficultés ces dernières années par rapport au marché et au reste du secteur de la santé, particulièrement en 2022. Pensez-vous que cela peut changer? Quelles sont vos perspectives pour les sociétés de biotechnologie dans les années à venir? * Je pense qu’aujourd’hui, tout le monde met l’accent sur l’intelligence artificielle et ses répercussions potentielles dans le monde. Comme on l’a mentionné plus tôt, il existe de nombreuses technologies émergentes qui n’ont pas le même attrait que l’IA. Mais la compréhension de la biologie s’est accélérée. Quand on examine un secteur avec une meilleure compréhension, de nouvelles modalités et un accès inédit à certaines maladies, on ne peut qu’être optimiste quant à la multitude d’occasions. On en découvre plus sur les maladies inconnues qui ne sont pas étudiées… * Il y a 20 000 protéines dans le système protéique humain. Les médicaments mis au point ne ciblent qu’une fraction de ces protéines, des centaines. Il est possible d’avoir un impact sur bien d’autres facteurs qui pourraient présenter des avantages pour certaines maladies. Les nouvelles technologies, les différents domaines pathologiques, une meilleure compréhension de la biologie, cela représente des occasions intéressantes. Il faut trier un peu plus efficacement les sociétés qui suivent rapidement les tendances. * Mais le flux de pression net dans le système est extrêmement positif. Et je pense qu’en tant que secteur, il y aura de l’innovation, d’autres médicaments seront approuvés, ce qui devrait se traduire par de meilleurs rendements continus pour la biotechnologie. * John, merci beaucoup de vous être joint à nous. * Tout le plaisir est pour moi. [LOGO SONORE] [MUSIQUE]