Sharon*, une enseignante d’histoire au secondaire, approche de la retraite et a cotisé régulièrement à son régime enregistré d’épargne-retraite (REER) pendant presque toute sa carrière. Elle apprécie la déduction fiscale dont elle bénéficie chaque année, et elle est rassurée de savoir qu’une fois à la retraite, elle pourra compter sur un revenu en plus de sa pension. Toutefois, à mesure que la date de son départ à la retraite approche, elle commence à se poser des questions sur la prochaine étape : le fonds enregistré de revenu de retraite (FERR). Elle se demande notamment combien de temps à l’avance elle doit commencer à planifier la conversion de son REER.

Si vous êtes à la retraite ou si vous en approchez, vous avez sans doute déjà entendu parler des FERR. Vous savez peut-être que vous devez retirer la totalité des fonds de vos REER sous forme de montant forfaitaire ou convertir vos REER en FERR ou en rente au plus tard le 31 décembre de l’année de votre 71e anniversaire. Beaucoup de personnes optent pour un FERR. Mais qu’est-ce que vous et les Canadiens comme Sharon devriez savoir d’autre? Nous avons posé certaines des questions les plus courantes au sujet des FERR à Nicole Ewing, directrice, Planification fiscale et successorale, Gestion de patrimoine TD.

Voici donc notre guide de référence rapide qui explique tout ce qu’il faut savoir sur les FERR.

Notions de base

Qu’est-ce qu’un FERR, exactement?

Dans le cadre de votre plan financier, vous pouvez considérer le FERR comme le prolongement de votre REER. Les fonds du FERR vous seront versés sous la forme d’un revenu de retraite. Habituellement, une fois que vous avez pris votre retraite et que vous n’avez plus de revenu régulier, vous devez commencer à utiliser l’épargne que vous avez accumulée pendant toutes ces années. L’année de vos 71 ans ou avant, vous pouvez convertir vos REER en FERR. À la retraite, vous recevrez des paiements réguliers qui seront retirés de votre FERR. Les REER et les FERR sont des comptes à l’abri de l’impôt (c’est-à-dire que vous ne payez de l’impôt qu’au moment où vous retirez des fonds). Toutefois, un FERR est un instrument de placement; une partie des fonds en est retirée chaque année, mais le reste continue à accumuler des intérêts à l’abri de l’impôt. Comme un REER, votre FERR peut contenir à la fois des placements (des actions, des obligations, des CPG, etc.) et des liquidités.

Quand dois-je convertir mon REER?

Vous pouvez convertir un REER en FERR en tout temps, mais vous devez avoir converti tous vos REER en espèces, en FERR ou en rente au plus tard le 31 décembre de l’année de vos 71 ans. À minuit le 1er janvier suivant, vous n’aurez plus le droit de détenir de REER ni d’y cotiser, même si vos droits de cotisation continuent de s’accumuler. Si vous ne convertissez pas vos REER à temps, l’Agence du revenu du Canada (ARC) considérera la totalité des fonds qui s’y trouvent comme un revenu pour l’année en question. Selon le montant qu’ils contiennent, vous pourriez payer beaucoup d’impôt.

Une petite précision : Si votre conjoint n’a pas encore 71 ans et que vous continuez de gagner un revenu, vous pouvez cotiser à son REER, à condition qu’il vous reste des droits de cotisation. Cette stratégie vous permet non seulement de réduire l’impôt de votre couple, mais aussi de bénéficier de la déduction fiscale initiale. Pour en savoir plus sur les REER, lisez l’article REER : regarder au-delà des stratégies de base pour épargner.

Quelles sont les limites de retrait?

Chaque année, le gouvernement exige que vous retiriez un montant minimal de votre FERR à titre de revenu de retraite. Ces retraits doivent commencer l’année suivant l’établissement de votre FERR. Si vous avez 65 ans, le retrait minimal s’élève à 4 % de la valeur du compte au 31 décembre de l’année précédente. À 71 ans, il passe à 5,28 %. Ensuite, le pourcentage augmente d’année en année, jusqu’à atteindre un maximum de 20 % pour les personnes de 95 ans ou plus.

Il n’y a pas de montant de retrait annuel maximal, mais si vous dépassez le montant minimal, vous devrez payer une retenue d’impôt supplémentaire. En pratique, l’institution financière où vous avez votre FERR prélève un montant qu’elle reversera à l’ARC en votre nom aux fins de l’impôt. « La retenue d’impôt n’est pas une pénalité, explique Mme Ewing. Vous ne payez pas plus d’impôt. L’institution financière s’assure simplement que vous aurez suffisamment d’argent de côté pour payer l’impôt sur les montants retirés en plus du montant minimal. »

Si vous ne retirez que le montant minimal, aucune retenue d’impôt ne sera prélevée. Vous paierez l’impôt régulier sur ce « revenu de retraite » à la prochaine période des impôts.

Les FERR à la retraite

Quelles sont les répercussions d’un FERR sur mes impôts?

Comme pour les retraits d’un REER, tout montant que vous retirez de votre FERR est assujetti à l’impôt sur le revenu. Vous devrez l’indiquer dans votre déclaration de revenus. Pour vous aider, vous recevrez chaque année un feuillet T4RIF pour chacun de vos FERR.

Comme le souligne Mme Ewing, les retraits d’un FERR complètent votre revenu, mais ils peuvent aussi jouer sur les prestations gouvernementales que vous pourriez recevoir. Par exemple, si votre revenu de retraite vous donne droit au crédit pour la TPS/TVH du gouvernement fédéral, cela pourrait changer si vous retirez plus que le montant minimal de votre FERR. « Ce type de programme est assujetti à un certain plafond de revenu. Si vous le dépassez, vous pourriez ne plus être admissible à la prestation », explique-t-elle. Le plafond de revenu pour bénéficier du crédit pour la TPS/TVH change chaque année, mais il est d’environ 50 000 $ à 70 000 $ selon l’état matrimonial et le nombre de personnes à charge admissibles.

Quelles sont les répercussions d’un FERR sur mes prestations de la SV ou du RRQ/RPC?

Les retraits de votre FERR changent votre revenu total imposable, ce qui peut avoir des conséquences sur vos prestations de la Sécurité de la vieillesse (SV). Par exemple, si le retrait annuel de votre FERR fait en sorte que votre revenu dépasse le montant maximal établi pour la SV, vous risquez de ne pas en recevoir la totalité – vous paierez ce qu’on appelle l’impôt de récupération. C’est pourquoi Mme Ewing donne le conseil suivant : « Prenez soin de faire les retraits de votre FERR au moment le plus propice. Faites bien vos calculs. »

En revanche, les retraits d’un FERR n’ont aucune incidence sur le Régime de rentes du Québec (RRQ) ou le Régime de pensions du Canada (RPC). Néanmoins, si vous en avez les moyens, il peut être avantageux d’attendre d’avoir 70 ans pour commencer à recevoir les prestations du RRQ/RPC. Leur montant serait alors plus élevé que si vous commenciez à les toucher dès 65 ans. Bien d’autres facteurs entrent toutefois en ligne de compte. Pour en savoir plus sur les prestations du RRQ/RPC et de la SV, lisez : Les nouvelles règles pour la retraite : comment la longévité change la donne.

Qu’arrive-t-il à mon FERR après mon décès?

Si vous avez désigné un survivant admissible comme bénéficiaire, votre FERR ne sera pas inclus dans votre succession, ce qui pourrait permettre d’éviter les frais d’homologation. Les bénéficiaires admissibles incluent votre époux ou conjoint de fait, un enfant ou petit-enfant financièrement à votre charge et qui a moins de 18 ans, un enfant ou petit-enfant handicapé financièrement à charge.

Si le survivant admissible est votre époux ou votre conjoint de fait, vous pouvez aussi choisir de le désigner en tant que « rentier successeur ».

« Si votre conjoint est rentier successeur, il peut assumer vos fonctions et reprendre la gestion de votre FERR, précise Mme Ewing. C’est assez courant, et c’est souvent la voie à suivre. »

Si vous ne désignez pas de bénéficiaire admissible, votre FERR sera traité comme n’importe quel autre actif. Il fera partie de votre succession et sera imposé à titre de revenu dans votre déclaration de revenus finale. Notez bien que les bénéficiaires que vous avez désignés pour vos REER ne seront pas automatiquement désignés bénéficiaires de votre FERR.

Au-delà des notions de base

Y a-t-il une possibilité de coordonner les plans de retraite entre conjoints?

Si votre conjoint est plus jeune que vous, l’écart d’âge peut jouer en votre faveur au moment de retirer des fonds de votre FERR. En effet, la réglementation fiscale du Canada permet de profiter d’un taux plus bas pour les retraits en tenant compte de l’âge de votre conjoint plutôt que du vôtre.

Comme l’indique Mme Ewing, si l’un des conjoints a un revenu moins élevé, le fractionnement des revenus est une façon de coordonner les plans de retraite. « Grâce au fractionnement des revenus de retraite, celui des deux conjoints qui a le revenu le plus élevé peut attribuer une partie de son revenu imposable à l’autre, dont le taux d’imposition marginal est plus bas ».

Puis-je investir les montants que je retire de mon FERR?

Vous devez retirer le montant minimal obligatoire. Toutefois, si vous n’en avez pas besoin pour payer vos dépenses courantes, vous pouvez réinvestir cet argent plutôt que de le garder en espèces. « L’idéal serait peut-être de transférer le montant de votre retrait obligatoire dans votre compte d’épargne libre d’impôt (CELI), où il pourra fructifier à l’abri de l’impôt, suggère Mme Ewing. Vous pouvez transférer en nature des actifs de votre FERR dans votre CELI, puis simplement déclarer le montant retiré dans votre déclaration de revenus. »

Et si je n’ai pas besoin des fonds que je retire?

Plusieurs options s’offrent à vous. Comme nous venons de le mentionner, vous pouvez placer les fonds retirés de votre FERR. Toutefois, Mme Ewing invite les Canadiens à penser aussi à leur succession : « Dans le cadre de votre stratégie globale de transfert de patrimoine, l’une des options consiste à faire un don à la prochaine génération. Vous pouvez aussi verser les fonds à un organisme de bienfaisance. » Si vous n’avez besoin que d’une partie du montant retiré, faire un don à un organisme de bienfaisance peut vous aider à payer moins d’impôt sur le retrait initial du FERR.

Comment gérer mes fonds avant de les retirer?

Il existe de nombreuses options pour les fonds détenus dans un FERR, comme c’est le cas pour les fonds détenus dans un REER. Mais avant tout, Mme Ewing rappelle que les FERR sont des comptes de retraite, et qu’il peut être nécessaire de rajuster votre tolérance au risque. « La préservation du capital est très importante pour l’épargne-retraite. »

En fin de compte, mieux vaut commencer tôt à penser à sa stratégie de FERR : « Les Canadiens devraient vraiment commencer à penser aux FERR bien avant la retraite, en général au moment où ils commencent à penser à la Sécurité de la vieillesse et au Régime de rentes du Québec ou au Régime de pension du Canada ».

Si vous avez des questions sur la façon de gérer votre stratégie de FERR, vous pouvez parler à un conseiller en gestion de patrimoine ou à un planificateur financier.

* Sharon est un personnage fictif.

TAMARA YOUNG

PARLONS ARGENT

ILLUSTRATION

DANESH MOHIUDDIN