Il peut être frustrant de comparer son revenu brut à son revenu net : est-ce qu’on paie vraiment autant d’impôt? Où va l’argent? Cette réflexion nous revient depuis notre tout premier chèque de paie. Savoir que, grâce à nos impôts, nos routes sont sûres, nos frais médicaux sont bas et la société fonctionne bien ne dissipe pas toujours l’angoisse.

Geoff Chen, planificateur pour les clients à valeur nette élevée à Gestion de patrimoine TD, explique qu’en plus de payer les services publics, l’État se sert du fisc pour nous inciter à diriger notre argent dans une direction plutôt qu’une autre. « Le gouvernement voulant inciter certains comportements, il nous offre des incitatifs fiscaux dans certains cas et nous décourage dans d’autres au moyen de l’impôt », avance-t-il. Voici les stratégies que, selon lui, tout le monde devrait examiner

Utilisation maximale d’un REER, d’un CELI ou d’un REEE

Selon M. Chen, l’une des principales composantes d’une stratégie fiscale consiste à utiliser des comptes à imposition différée ou fiscalement avantageux : les régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER), les régimes enregistrés d’épargne-études (REEE) et les comptes d’épargne libre d’impôt (CELI). Chaque instrument d’épargne permet de reporter ou d’atténuer les obligations fiscales de différentes façons.

Les cotisations à un REER réduisent d’autant votre revenu imposable. Vous pouvez généralement cotiser jusqu’à 18 % de votre revenu de l’année précédente, jusqu’à un maximum annuel (27 830 $ pour 2021). Les placements peuvent fructifier à l’abri de l’impôt jusqu’à ce que vous retiriez les fonds du régime. Comme les fonds sont conçus pour procurer un revenu de retraite, la clé consiste à retirer les fonds à la retraite, quand votre revenu – par conséquent votre taux d’imposition – est potentiellement moins élevé.

« Selon votre situation financière, si vous cotisez à un REER, votre revenu imposable est réduit et vos obligations fiscales pourraient diminuer, poursuit M. Chen. Vous pourriez même recevoir un remboursement d’impôt ».

Le plafond de cotisation annuel à un CELI est de 6 000 $ pour 2021. Les cotisations sont versées en dollars après impôt et aucun impôt n’est perçu sur les montants retirés, ce qui signifie que les placements peuvent fructifier à l’abri de l’impôt. Le CELI offre également une certaine souplesse par rapport au REER : les épargnants peuvent en retirer des fonds (selon leur type de placement), et les retraits peuvent être versés de nouveau au cours d’une prochaine année d’imposition.

Le REEE offre un moyen d’épargner pour les études postsecondaires d’un enfant, et il permet aussi de réduire l’impôt. Les placements fructifient à l’abri de l’impôt, comme dans un REER; la croissance est généralement imposable au nom du bénéficiaire, soit l’étudiant dont le taux d’imposition est probablement inférieur à celui de la personne qui cotise. De plus, le gouvernement fédéral offre la Subvention canadienne pour l’épargne-études, qui accorde un montant correspondant à 20 % des cotisations à un REEE, jusqu’à concurrence de 2 500 $ par année et 7 200 $ à vie.

Fractionner votre revenu avec votre conjoint

« Tout comme vos cotisations à un REER, le fractionnement du revenu peut réduire votre revenu imposable, explique M. Chen. C’est une autre occasion de réduire l’impôt ». Les stratégies suivantes ne s’appliquent qu’aux conjoints.

L’un des objectifs du REER de conjoint est de transférer les fonds du conjoint avec un revenu élevé au conjoint avec un revenu faible afin de lui procurer un meilleur revenu de placement.

« La stratégie comporte aussi des avantages fiscaux », affirme M. Chen.

Le fractionnement du revenu peut se faire avant la retraite, avec un REER de conjoint, ou à la retraite en fractionnant les prestations d’un régime de retraite. Dans un REER de conjoint, le conjoint ayant le revenu le plus élevé cotise au REER du conjoint ayant le revenu le plus faible, en respectant son plafond de cotisation. Cette opération peut se traduire par un taux d’imposition global plus faible pour le couple, car le conjoint ayant le revenu le plus élevé recevra une déduction fiscale au cours de l’année de cotisation. Plus tard, lorsque les fonds sont retirés du REER du conjoint dont le revenu est plus faible, l’impôt sur ces retraits peut être moins élevé, car ils sont imposés au taux du conjoint à plus faible.

M. Chen souligne que la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada exige que le conjoint qui reçoit les fonds les conserve dans son REER pendant trois ans. Sinon, les règles d’attribution s’appliqueront et les fonds seront imposés au nom du conjoint au revenu plus élevé.

Le fractionnement du revenu peut également s’appliquer au revenu de pension : le concept est à peu près le même, quoique le conjoint avec le revenu plus élevé peut partager jusqu’à 50 % de son revenu de retraite. Les types de revenus de pension courants qui peuvent être partagés sont les paiements de rente d’un REER, les paiements d’un FERR ainsi que les rentes viagères d’un fonds de pension ou d’un régime de retraite. Quant aux prestations du Régime de pensions du Canada (RPC), du Régime de rentes du Québec (RRQ) et de la Sécurité de la vieillesse, elles ne peuvent pas être fractionnées.

Se renseigner sur l’exemption pour résidence principale

Cette exemption fait partie intégrante de la planification financière lorsque vous vendez votre maison. Habituellement, la vente d’un actif, comme un placement à l’extérieur d’un fonds enregistré, entraîne un gain en capital imposable. Toutefois, il y a une exemption lorsque vous vendez votre résidence principale. Cependant, certaines règles s’appliquent : en général, pour demander l’exemption, le propriétaire doit occuper la maison et celle-ci ne doit pas être un immeuble locatif. Si le propriétaire possède une résidence secondaire, une certaine planification pourrait être nécessaire pour gérer les gains les plus importants. Ainsi, si la valeur de cette résidence a augmenté davantage que celle de la résidence principale, mettons parce qu’elle est détenue depuis longtemps, il serait peut-être prudent de la déclarer comme résidence principale dans certaines circonstances.

« Un bien immobilier détenu depuis des décennies peut générer d’énormes gains en capital, explique M. Chen. L’exemption pour résidence principale est un moyen puissant de gérer l’impôt et d’épargner, surtout pour les propriétaires qui utilisent la vente d’une maison pour financer leur retraite ou payer leurs soins de santé ».

Mais la situation de chaque personne est unique, donc M. Chen recommande de consulter un conseiller en fiscalité sur la façon d’utiliser l’exemption pour résidence principale.

Trouver le crédit d’impôt ou la déduction pour votre situation personnelle

Voici une courte liste d’autres éléments à considérer.

Frais de déménagement. Si vous avez dû déménager pour travailler ou exploiter votre entreprise, vous pouvez déduire les frais de déménagement admissibles de votre revenu d’emploi ou de travail indépendant que vous avez gagné à votre nouveau lieu de travail. Certains critères doivent être respectés, par exemple, le déménagement doit avoir lieu à l’intérieur du Canada et à plus de 40 km de votre maison précédente. D’autres règles s’appliquent s’il s’agit d’un déménagement international.

Crédit canadien pour aidant naturel. De nombreux Canadiens subviennent activement aux besoins de parents ou de personnes à charge handicapées. Ces activités peuvent comprendre un large éventail de mesures de soutien, comme faire les achats, fournir l’hébergement ou assurer le transport pour les rendez-vous médicaux. Vous pourriez être admissible au crédit pour aidant naturel si vous fournissez à un proche parent ou à une personne à charge handicapés des services liés à leurs besoins essentiels, même si la personne ne réside pas au Canada. Un professionnel de la santé doit fournir certains documents pour appuyer votre demande. Pour savoir qui est admissible, consultez le site Web de l’ARC. 1

Montant pour premier acheteur d’une maison. Vous pouvez demander 5 000 $ si vous ou votre conjoint avez acheté une maison admissible (existante ou en construction). Pour être admissible, vous ne devez pas avoir habité dans une autre maison qui vous appartenait ou qui appartenait à votre conjoint au cours de l’année d’acquisition ou au cours des quatre années précédentes.

Frais médicaux. De nombreuses dépenses médicales sont admissibles au crédit d’impôt pour frais médicaux, mais vous pouvez seulement déduire une dépense pour laquelle vous n’avez pas reçu et ne recevrez pas de remboursement. M. Chen suggère de conserver vos reçus et de soumettre votre demande, même pour les petits montants, parce qu’ils s’accumulent. Vous devrez peut-être aussi inclure des documents justificatifs.

Faire un don du fond du cœur (et conserver le reçu)

Selon M. Chen, les dons de bienfaisance sont l’une des façons de profiter des incitatifs qu’offre le gouvernement pour encourager les gestes généreux. « Non seulement vous faites un geste bienveillant envers un organisme de bienfaisance enregistré, mais pour ce geste le gouvernement vous donnera un crédit d’impôt », dit-il. Vous pourriez être admissible à un crédit pouvant atteindre 33 % de votre don au niveau fédéral si votre revenu se trouve dans la tranche d’imposition la plus élevée. Vous pourriez aussi avoir droit à d’autres crédits d’impôt au niveau provincial. Vous pouvez déclarer des dons représentant jusqu’à 75 % de votre revenu net et les dons peuvent être reportés sur une période allant jusqu’à cinq ans.

M. Chen affirme que les personnes qui ont entrepris une planification successorale pourraient envisager de faire don de leurs placements à leur cause préférée. En plus d’un crédit d’impôt, le don de placements peut offrir un avantage distinct : il pourrait éliminer l’impôt sur les gains en capital des titres admissibles. Les placements admissibles comprennent les placements négociés sur des bourses désignées, les fonds distincts, les fonds communs de placement et les obligations d’État. Le calcul des avantages fiscaux est complexe. Toutefois, selon votre situation, le don de placements et l’obtention d’un crédit d’impôt peuvent être plus avantageux sur le plan fiscal que la vente des placements et les gains en capital connexes.

Selon M. Chen, le meilleur moment pour concrétiser une stratégie fiscale est au printemps, au moment de la déclaration annuelle des revenus. C’est alors qu’on peut cotiser à un REER ou verser des cotisations de conjoint et chercher des crédits d’impôt et des déductions fiscales.

« C’est également le moment de réfléchir au montant que vous avez versé en dons de bienfaisance. Si vous n’avez pas atteint votre montant maximal, vous pouvez commencer à planifier pour l’année prochaine. »

DON SUTTON

PARLONS ARGENT ET VIE

ILLUSTRATION

VERONICA PARK