Qu’est-ce que votre richesse intellectuelle? Continuer à entretenir son cerveau après la retraite

DR. NASREEN KHATRI

PSYCHOLOGUE CLINICIENNE ET NEUROSCIENTIFIQUE

Beaucoup de femmes rêvent de passer plus de temps avec leur famille et leurs amis, de voyager, ou de s’adonner à leurs passions et à leurs passe-temps quand elles seront à la retraite. Toutefois, pour trop d’entre elles, retraite peut aussi rimer avec pertes.

Comparativement aux hommes, une fois à la retraite, les femmes ont plus de risques de devenir veuves, de connaître des périodes de pauvreté, de voir leurs capacités cognitives décliner et d’avoir une baisse générale de leur sentiment de bien-être. Pour continuer à entretenir son cerveau après la retraite, la clé peut être de soigner sa « richesse intellectuelle », qui est selon moi la combinaison de notre santé émotionnelle, de notre santé cognitive et de notre santé financière. Cela peut aider à rester alerte, à garder le contact avec son entourage et à se sentir heureuse et en sécurité, malgré les défis qui pourraient se présenter.

Pas la même retraite que votre père

On ne va pas se mentir : lorsque la retraite a été conçue, personne n’imaginait que la réalité des femmes sur le marché du travail deviendrait ce qu’elle est aujourd’hui. Lorsque l’âge normal de départ à la retraite a été fixé à 65 ans, la main-d’œuvre était principalement composée d’hommes qui travaillaient sans interruption pendant environ 40 ans. À cette époque, l’espérance de vie des hommes était de 66 ans.1 Autrement dit, la population active était principalement composée d’hommes qui travaillaient pendant toute leur vie d’adulte, prenaient leur retraite, puis décédaient peu après.

Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les femmes représentent près de la moitié de la main-d’œuvre. Elles ont toutefois plus de chances que les hommes de devoir mettre leur carrière entre parenthèses pour porter et élever leurs enfants ou s’occuper de personnes âgées, avec les périodes de chômage ou de travail à temps partiel que cela implique. 2 En raison de l’inégalité des revenus et du sexisme, il peut aussi être plus difficile pour les femmes de décrocher et de conserver des postes à la rémunération élevée ou d’avoir un régime de retraite qui les protège.

Par ailleurs, la démographie a changé au cours des trois dernières décennies. Pour la première fois dans l’histoire, il y a plus d’adultes qui ne sont pas mariés que d’adultes qui le sont, les ménages d’une seule personne sont devenus le type de ménage le plus répandu, moins de femmes ont des enfants et l’étape de la vie à laquelle elles sont n’est plus une question d’âge. 3 Par exemple, à 51 ans une femme peut aussi bien être une grand-mère prête à partir à la retraite que la mère d’un jeune enfant, encore à l’apogée de sa carrière.

Et il y a eu la pandémie de COVID-19. En Amérique du Nord, environ 3,5 millions de femmes ont arrêté de travailler pour s’occuper de leurs enfants pendant les longs mois d’école à distance, pour prendre soin de leurs parents ou beaux-parents vieillissants et vulnérables, voire pour ces deux raisons à la fois. 4 La planification de la retraite de millions de femmes a donc été bouleversée et compromise. Si on dresse le portrait type de l’aidant naturel auprès de personnes âgées, c’est une femme de 49 ans qui travaille et qui a encore des enfants qui vivent avec elle.

Certaines femmes pourraient ne jamais prendre leur retraite, prendre plusieurs fois leur retraite ou même commencer une nouvelle carrière ou exercer une nouvelle activité. De plus, chaque retraite est unique et dépend de la relation que l’on a au travail.

Avec tous les défis qu’elles ont à relever et toutes les occasions qu’elles ont à saisir pendant leurs années de travail, il peut être important pour les femmes de préparer leur retraite en fonction de leurs expériences personnelles, de leurs désirs et de leurs besoins. Toutefois, le dénominateur commun pour réussir à planifier et à vivre la retraite que vous souhaitez et que vous méritez est quelque chose de plus profond. Cela dépendra probablement de votre niveau de richesse intellectuelle.

Qu’est-ce que la richesse intellectuelle?

La richesse intellectuelle est la combinaison de votre santé cérébrale et de votre santé financière. Votre santé cérébrale correspond à votre sentiment de bien-être émotionnel et à vos capacités cognitives, notamment la réflexion, la mémoire et la prise de décisions. Votre santé financière, ce sont les connaissances, les compétences et les comportements nécessaires pour vous aider à assurer votre stabilité financière. Pris ensemble, votre bien-être émotionnel, vos capacités cognitives et votre stabilité financière constituent votre richesse intellectuelle.

Pourquoi la richesse intellectuelle est-elle si importante pour les femmes à la retraite?

Le bien-être émotionnel est un aspect de la santé cérébrale qui est souvent menacé au cours de la vie d’une femme. Les femmes sont, par exemple, deux fois plus susceptibles que les hommes de recevoir un diagnostic de dépression. Cela peut découler de changements biologiques, comme une grossesse ou la ménopause, ou de facteurs de stress auxquels elles ont plus de risques d’être exposées que les hommes, comme la pauvreté et la violence conjugale.5

Pour ce qui est de la santé cognitive, les femmes sont deux fois plus susceptibles que les hommes de recevoir un diagnostic de démence.6 De plus, les personnes qui ont des antécédents de dépression non traitée sont deux fois plus susceptibles que les autres d’être un jour atteintes de démence.7

Enfin, les femmes vivent généralement plus longtemps que les hommes. Elles risquent donc davantage de souffrir de problèmes de santé mentale et de troubles cognitifs et elles pourraient avoir besoin de leurs ressources financières pendant plus longtemps.

Optimiser sa richesse intellectuelle quand on est à la retraite

La bonne nouvelle, c’est que les défis auxquels font face bien des femmes durant leurs années de travail, n’empêchent pas de profiter d’une retraite de qualité en étant en bonne santé physique et financière.

Savoir ce qu’est la richesse intellectuelle et comment il est possible de l’optimiser est un excellent point de départ. Il faut ensuite adopter de bonnes habitudes, comme celles ci-dessous.

  1. Faites une évaluation psychologique
    Si vous avez des sautes d’humeur, des troubles du sommeil, un manque d’appétit ou d’énergie, des difficultés à réfléchir, à vous concentrer ou à prendre des décisions, et que cela vous gêne dans votre quotidien, vous devriez peut-être consulter un professionnel de la santé mentale. Il pourra vous évaluer et, s’il y a lieu, vous prescrire un traitement. Heureusement, de nombreux problèmes courants de santé mentale, comme la dépression, se soignent très bien et il y a beaucoup d’approches possibles qui ont fait leurs preuves.

  2. Prenez rendez-vous pour le bilan de santé que vous repoussez depuis longtemps
    La pandémie a déréglé le suivi médical régulier de beaucoup de gens. Il est temps de reprendre vos bonnes habitudes et de retourner voir régulièrement votre médecin et votre dentiste.

  3. Mettez de l’ordre dans vos finances
    Si vous avez des dettes à rembourser ou si la gestion de votre argent vous stresse, vous pouvez demander de l’aide à un professionnel. Il pourra vous aider à surmonter bien des difficultés et à créer un plan pour l’avenir en fonction de vos objectifs, de vos besoins et de vos souhaits. Les conseillers sont formés pour s’adapter à votre situation, selon où vous en êtes de votre préparation de la retraite, pour vous aider à optimiser votre potentiel.

  4. Faites de l’exercice et dormez suffisamment
    L’une des meilleures façons de prendre soin de votre cerveau, de votre corps et de votre bien-être général, c’est de faire de l’exercice régulièrement. Une simple marche de 15 minutes peut aider à se revigorer, à rester alerte et à garder une attitude positive tout au long de la journée.

    Le sommeil aussi est essentiel. Il arrive à la plupart d’entre nous de ne pas dormir assez. Or, un sommeil pas suffisamment réparateur affecte négativement nos capacités cognitives et notre humeur. Contrairement à ce qu’on entend, les difficultés à dormir ne sont pas un effet normal du vieillissement. Si, le matin au réveil, vous ne vous sentez pas reposée, consultez votre médecin.

  5. Cultivez vos relations
    Les relations avec les autres nous donnent un but, nous apportent du soutien social et nous donnent l’énergie et la motivation dont nous avons besoin pour être chaque jour la meilleure version de nous-mêmes. Même de courtes conversations et de petits moments en compagnie de vos amis et de votre famille peuvent être bénéfiques pour votre bien-être et votre dynamisme.

  6. Tentez de nouvelles expériences;
    Ce n’est pas parce que vous arrêtez de travailler que vous ne pouvez plus vivre d’expérience stimulante et enrichissante. Vous avez peut-être encore plusieurs dizaines d’années devant vous. Que voulez-vous en faire? Pourquoi ne pas continuer à vous épanouir en rencontrant de nouvelles personnes, en vous mettant à un nouveau passe-temps ou à un nouveau sport, en voyageant, en faisant du bénévolat ou autre chose.

Continuer à entretenir son cerveau après la retraite

De nombreuses femmes aspirent à passer leur retraite en se sentant en santé, en sécurité et épanouies. Toutefois, les défis auxquels elles sont confrontées en ce qui a trait à leur santé mentale, cognitive et financière peuvent leur compliquer la vie.

En prenant conscience de votre richesse intellectuelle et en faisant ce qu’il faut pour l’optimiser, vous vous donnerez les moyens de vivre l’après-carrière dont vous rêvez. Alors, prenez les choses en main et préparez la retraite que vous souhaitez et que vous méritez.

Votre retraite à votre façon.

La Dre Nasreen Khatri est une psychologue clinicienne agréée, gérontologue et neuroscientifique primée qui compte 20 ans d’expérience professionnelle. Elle se spécialise dans l’évaluation, le traitement et la recherche liés aux troubles anxieux et de l’humeur chez les femmes et dans le domaine du vieillissement au Rotman Research Institute de Toronto. Elle est également agente scientifique au Centre for Aging and Brain Health Innovation du Baycrest Centre.

  1. « Projections de mortalité pour les programmes de sécurité sociale au Canada », Bureau du surintendant des institutions financières, dernière modification le 15 mai 2014, https://www.osfi-bsif.gc.ca/fra/oca-bac/as-ea/Pages/mpsspc.aspx#TOC-IIIb3.
  2. Kim Parker, « Women more than men adjust their careers for family life, » Pew Research Center, 1er octobre 2015, https://www.pewresearch.org/fact-tank/2015/10/01/women-more-than-men-adjust-their-careers-for-family-life/.
  3. « État de l’union : Le Canada chef de file du G7 avec près du quart des couples vivant en union libre, en raison du Québec », Statistique Canada, 13 juillet 2022, https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/220713/dq220713b-fra.htm.
  4. Bobby Caina Calvan et Christopher Rugaber, « Many women have left the workforce. When will they return? » AP News, 4 novembre 2021, https://apnews.com/article/coronavirus-pandemic-business-lifestyle-health-careers-075d3b0ab89baffc5e2b9a80e11dcf34.
  5. « Depression in women: Understanding the gender gap », Mayo Clinic, 29 janvier 2019, https://www.mayoclinic.org/diseases-conditions/depression/in-depth/depression/art-20047725.
  6. « Differences between women and men in incidence rates of Dementia and Alzheimer’s Disease », 1er janvier 2019, https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30010124/ .
  7. « Depression and risk of developing dementia », 3 mai 2011, https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3327554/