Même avant la pandémie de COVID-19, les médecins étaient incroyablement occupés. Ce serait un euphémisme de dire que leur vie est bien remplie. Que vous ayez un petit cabinet de médecine familiale comptant de plus en plus de patients ou une spécialisation exigeante, ou que vous fassiez de fréquents quarts de travail de 24 heures à votre hôpital local, vous avez peut-être peu de temps ou d’énergie pour planifier votre succession. Après tout, personne ne veut vraiment penser à la fin de sa vie. Toutefois, songer à la possibilité de léguer à vos proches une succession désordonnée qu’ils devront démêler vous fera peut-être changer d’avis.

Au cours de la Conférence des femmes canadiennes en médecine (CWIM) de l’année dernière, Gestion de patrimoine TD a sondé plus de 600 professionnels de la santé au sujet de leur préparation financière. Plus des deux tiers (67 %) ont déclaré avoir un plan successoral 1. Peu importe où vous vous situez dans le processus de planification successorale, que ce soit tout au début ou quelque part au milieu, il est important de vous assurer que votre plan est adapté à votre situation professionnelle et familiale particulière et qu’il n’entraînera aucune conséquence imprévue. La collaboration avec un conseiller ou une conseillère en gestion de patrimoine est une façon de le faire.

Pour examiner quelques aspects clés que les gens négligent souvent concernant leur plan successoral, nous avons parlé à Nicole Ewing, directrice, Planification fiscale et successorale, et à Julie Seberras, directrice principale, Soutien de la planification du patrimoine, toutes deux à Gestion de patrimoine TD.

« En prenant le temps de réfléchir à votre plan successoral dès maintenant et en demandant l’aide d’un conseiller ou d’une conseillère en gestion de patrimoine, vous éviterez de faire porter le fardeau d’une succession désorganisée à votre famille le moment venu », affirme Mme Seberras, qui a de l’expérience de travail auprès des professionnels de la santé.

Voici quelques erreurs et omissions importantes que les médecins devraient connaître, selon Mmes Ewing et Seberras.

No 1 – Documents manquants

D’après Mme Ewing, les gens pensent souvent aux testaments et aux procurations pour leur succession, mais ils oublient les autres documents importants qu’ils auraient intérêt à inclure. « Ils doivent penser à toute une série de documents et bien s’assurer qu’ils sont harmonisés entre eux », affirme Mme Ewing, en soulignant qu’on doit prendre en compte l’ensemble de sa vie tout au long du processus. « Cela signifie évidemment des documents relatifs à leur pratique et leur entreprise médicale, mais aussi à leur situation personnelle », affirme-t-elle.

Selon votre situation, ces documents peuvent comprendre des actes de fiducie, des contrats d’affaires, des contrats de mariage, des baux immobiliers, des comptes enregistrés, des statuts constitutifs et des conventions entre actionnaires. Un professionnel de la gestion de patrimoine peut vous aider à déterminer les documents que vous devriez rassembler.

No 2 – Différences transfrontalières et interprovinciales

Le droit de la famille et le droit successoral peuvent varier d’une province à l’autre, ainsi qu’à l’échelle internationale, et les nuances peuvent être complexes. Selon Mme Ewing, il peut être hasardeux de formuler des hypothèses au sujet de ces différences ou de les négliger entièrement. Par exemple, saviez-vous que les règles régissant l’union de fait sont différentes au Québec et en Colombie-Britannique? Mme Ewing souligne que ces types de différences, en plus de celles concernant les bénéficiaires et l’héritage, peuvent avoir des répercussions importantes sur votre plan successoral.

Par exemple, si vous avez participé à un programme de suppléance dans une autre province, il est possible que des différences juridiques interprovinciales vous touchent, même si le reste de votre succession est lié à une seule province. « Les médecins suppléants doivent s’assurer d’avoir en place des procurations appropriées, en particulier s’ils possèdent des biens dans cette province ou s’ils y partagent une maison avec un conjoint ou une conjointe », affirme Mme Ewing. « Il peut être très utile de travailler avec un conseiller ou une conseillère en gestion de patrimoine qui connaît votre situation, car cette personne sera en mesure de repérer ce type de problème. »

No 3 – Omission de tenir compte de la dynamique familiale

Chaque famille est unique, et souvent les gens ont à la fois leur famille biologique et celle qu’ils ont choisie, qu’ils veulent continuer d’aider après leur décès. Par exemple, si vous voulez prendre soin d’un filleul ou d’un enfant en famille d’accueil, cet enfant pourrait ne pas être visé par la définition juridique stricte de famille en ce qui a trait à votre succession.

« Il est très important de prendre le temps de réfléchir aux personnes dont vous voulez prendre soin », affirme Mme Ewing. « Lorsque vous dites “tous mes enfants” dans votre testament, voulez-vous dire aussi les beaux-enfants que vous élevez depuis leur tendre enfance? Probablement. Toutefois, certaines des lois qui ont une incidence sur votre succession pourraient ne pas les inclure automatiquement. »

De même, si vous avez des enfants qui sont nés d’une mère porteuse ou qui ont plus de deux parents, la planification successorale peut se compliquer.

No 4 – Méprise entre « égal » et « équitable »

En plus de la dynamique familiale, il faut aussi prendre en compte l’harmonie familiale, notamment en prenant des dispositions au profit de votre conjoint ou conjointe ainsi que de vos enfants d’une manière qui correspond à ce qu’ils sont. « Plusieurs familles peuvent avoir des enfants qui réussissent très bien et d’autres qui n’arrivent pas à s’en sortir », affirme Mme Seberras. « Comment gérez-vous cette situation dans la perspective de votre succession? » D’autres familles ont peut-être des enfants handicapés qui ont besoin de dispositions particulières, ou se trouvent dans une situation où certains de leurs enfants sont encore trop jeunes pour hériter.

Mais d’après Mme Seberras, « il est important de noter qu’égalité ne veut pas nécessairement dire équité. » Elle affirme qu’une simple répartition de la succession en parts égales est rarement la meilleure façon de procéder. S’il faut retenir temporairement le legs à un bénéficiaire, on peut envisager l’établissement d’une fiducie ou d’un plan qui prévoit la distribution échelonnée des actifs.

No 5 – Budgétisation des dépenses finales

Une citation bien connue s’énonce comme suit : « En ce monde rien n’est certain, à part la mort et les impôts. » Toutefois, on oublie souvent que le décès entraîne d’autres dépenses qui peuvent aussi être inévitables. « Les frais d’homologation sont habituellement exigibles immédiatement; viennent ensuite les frais funéraires, les frais juridiques et peut-être même les gains en capital sur le chalet familial, souligne Mme Seberras. Si vous n’avez pas prévu de liquidités pour ces dépenses dans votre plan successoral, vos bénéficiaires pourraient se retrouver dans une situation difficile. » Mme Ewing affirme qu’il existe des stratégies et des produits financiers qui peuvent aider à alléger une partie de ce fardeau et fournir ces liquidités. Il peut être utile de discuter de vos options avec un conseiller ou une conseillère en gestion de patrimoine.

No 6 – Se passer de conseils professionnels

À moins d’un examen attentif de votre situation personnelle, votre plan (ou son absence) peut entraîner diverses conséquences imprévues, en particulier si certains éléments de votre plan se contredisent ou ne parviennent pas à alléger votre fardeau fiscal.

« Par exemple, supposons que vous léguez un compte enregistré à vos enfants et le produit d’une assurance à votre conjoint ou conjointe. Cela semble assez simple, mais vous avez en fait entraîné des impôts élevés qui peuvent éroder l’héritage de vos enfants », explique Mme Ewing. Si vous aviez fait l’inverse, il n’y aurait pas de conséquences fiscales immédiates, car les conjoints peuvent généralement recevoir le compte enregistré en franchise d’impôt. « Vous pouvez voir à quel point une situation qui peut vous sembler facile à régler a souvent des conséquences fiscales que les gens ne connaissent pas. »

Mme Seberras ajoute que les conséquences imprévues de ce genre découlent souvent d’une réflexion en silos sur les différents aspects du plan successoral, plutôt qu’une réflexion globale, ce pour quoi les professionnels de la gestion de patrimoine ont été formés.

Rassemblez tous les faits avant de faire un pronostic.

Les médecins sont particulièrement bien placés pour comprendre l’importance de réunir tous les faits avant de déterminer la bonne ligne de conduite. Bâtir un plan successoral global qui n’entraîne pas de conséquences imprévues peut équivaloir à établir le bon pronostic : pour procéder de la bonne façon, il faut prendre en compte tous les renseignements.

En fin de compte, Mmes Ewing et Seberras conviennent que la perfection est l’ennemi du bien. « Vous n’êtes pas les seuls à repousser cette question, affirme Mme Seberras. Nous ne savons pas ce que l’avenir nous réserve, mais il n’est jamais trop tôt pour commencer. »

Pour vous assurer d’avoir un plan successoral global qui reflète vos dernières volontés et qui ne sera pas un fardeau à gérer pour votre famille après votre départ, il peut être utile de consulter un conseiller ou une conseillère en gestion de patrimoine.

TAMARA YOUNG

PARLONS ARGENT ET VIE

ILLUSTRATION

DANESH MOHIUDDIN