Quand Nicole Ewing s’est abonnée à un site de rencontre en ligne il y a dix ans, elle a bien pris soin d’afficher une photo et un profil véridiques de qui elle était.

Trois ans plus tard, Mme Ewing a fait preuve de la même franchise lorsqu’elle et son fiancé à l’époque (et désormais époux), Joe, ont eu une discussion sur les dettes, possessions, obligations financières et régimes de retraite de chacun, de même que sur leurs idées en vue d’un contrat prénuptial. 

Il est encore plus important d’avoir cette discussion sur l’argent avant le mariage dans le cas des personnes déjà établies qui ont accumulé des actifs pendant des décennies, comme une maison, une pension, un REER et peut-être aussi une entreprise. Si vous menez une carrière réussie, vous avez plus à protéger que si vous débutez dans la vie. La raison est simple : le mariage ne lie pas seulement deux personnes, il peut également lier leurs finances. Le droit de la famille stipule généralement la règle suivante : « tout ce qui est à toi est à moi et tout ce qui est à moi est à toi ». Sachant cela, et compte tenu de la prévalence des divorces et des séparations au Canada, tout le monde devrait envisager d’établir un contrat prénuptial avant le jour de son mariage.1

Vous asseoir, prendre la main de votre conjoint et lui dire : « Mon amour, on doit parler d’argent », ce n’est peut-être pas le geste le plus romantique en vue de votre mariage, mais ce pourrait être le plus utile. Comme le savent les personnes qui utilisent les sites de rencontre, les apparences sont parfois trompeuses. Découvrir que votre amoureux est endetté, qu’il a des responsabilités financières découlant de son passé ou qu’il a simplement des habitudes de dépense différentes pourrait vous éviter de mauvaises surprises après la lune de miel.

Ces découvertes pourraient même empêcher le naufrage d’un futur mariage si elles amènent le couple à discuter sérieusement de problèmes pécuniaires ou à chercher à les régler avant qu’ils deviennent hors de contrôle.

Nous nous devons d’être honnêtes au sujet de l’argent

Nicole Ewing prêche par l’exemple. En tant que directrice, Planification fiscale et successorale à Gestion de patrimoine TD, elle utilise souvent son histoire personnelle pour conseiller des personnes dans des situations semblables à la sienne.

« J’ai vu des mariages se briser parce que les conjoints se faisaient une fausse idée de leur situation. Ils ont négligé le rôle des finances dans leur mariage jusqu’au moment où c’était trop tard », raconte-t-elle.

Selon Mme Ewing, tout comme les conjoints doivent promettre de s’aimer, s’honorer et prendre soin l’un de l’autre, ils doivent aussi faire preuve d’ouverture et de franchise en ce qui a trait à leurs finances. Cela veut dire qu’ils doivent avoir une conversation, qui est souvent difficile, afin d’exposer leur situation financière véritable, avec relevés et autres documents à l’appui.

« Si une personne ne divulgue pas les mauvaises nouvelles sur ses finances, il y a de forts risques qu’elle ne le fasse pas non plus sur un tas d’autres sujets. C’est plus un symptôme qu’un problème isolé », souligne Mme Ewing.

De plus, Mme Ewing ajoute qu’il sera peut-être trop tard pour parler d’argent après avoir réservé le voyage de noces, payé la réception ou acheté une maison ensemble. Ça doit se passer au tout début afin d’harmoniser tous les projets et achats liés au mariage.

Mme Ewing affirme avoir eu une conversation sur l’argent avec son futur mari avant le grand jour. Cette conversation a permis de débusquer des idées fausses qu’il avait sur ce qu’il adviendrait des biens de chacun une fois qu’ils seraient mariés. Après avoir travaillé avec leurs avocats respectifs, ils ont tous deux signé un contrat prénuptial, ce qui a aidé Joe à se sentir plus en confiance à l’égard du mariage. Mme Ewing avait d’ailleurs insisté pour procéder de la sorte.

« Dans mon mariage précédent, les finances étaient devenues un véritable problème. J’ai besoin de la sécurité d’avoir mon propre argent et de pouvoir subvenir à mes besoins pour l’avenir », affirme-t-elle.

Elle raconte que la conversation qu’elle a eue avec son futur mari à l’époque lui a permis d’entrer réellement dans le vif du sujet des obligations financières mutuelles des conjoints. Joe avait entendu des histoires d’horreur au sujet de personnes qui étaient sorties appauvries d’un mariage brisé et il croyait à tort que s’il se mariait, cela pouvait mettre en péril toute sa pension gouvernementale.

« C’est amusant, parce que je travaille dans le secteur des finances personnelles, ce qui n’est pas le cas de mon mari, et quand nous avons entamé ces discussions, c’était formateur pour lui. Il s’agissait pour moi de lui faire connaître les règles générales par défaut concernant les biens dans un mariage [en l’absence de contrat prénuptial] et ce qui se passerait si nous ne faisions rien », explique-t-elle.

Un contrat prénuptial peut éviter les problèmes

Un contrat prénuptial ne garantit pas une division des actifs sans problème en cas de rupture du mariage, mais une telle entente valide peut permettre de régler aisément les enjeux financiers. Quand un couple divorce, la Loi sur le droit de la famille, qui varie d’une province à l’autre, peut avoir une incidence importante sur la manière d’évaluer et de répartir l’argent et les biens des deux conjoints.

De même, si un conjoint décède et si l’autre conjoint sent qu’il a été traité injustement dans un testament, ce dernier peut contester le testament et obtenir la propriété des actifs du défunt en l’absence de contrat prénuptial.

Mme Ewing suggère même aux conjoints qui se sont mariés sans contrat prénuptial de rédiger un « contrat postnuptial », s’ils ressentent le besoin de clarifier leur situation financière et leurs intentions.

Elle souligne que l’honnêteté est l’élément essentiel. Les couples doivent faire preuve d’une ouverture et d’une franchise totales lorsqu’ils rédigent de tels contrats. Si vous ne révélez pas complètement votre situation, cela risque d’invalider le contrat et en cas de rupture du mariage, tout ce que vous possédez pourrait être en jeu.

En ce qui a trait au contrat prénuptial de Mme Ewing, celle-ci affirme qu’ils ont dû déterminer la nature de leurs projets et de leurs obligations l’un envers l’autre. Il y avait d’autres points à prendre en considération aussi : ils recevaient tous les deux une rente de retraite et avaient une maison ensemble sur les bords de la rivière Rideau. De plus, Joe avait également gardé son ancienne maison.

« Compte tenu des situations et antécédents variés de chacun, il est courant que la situation financière des membres d’un nouveau couple soit très différente, voire inégale. Par exemple, un conjoint peut avoir un enfant et l’autre trois, ce qui entraînera des obligations différentes. J’estime toutefois que si les conjoints communiquent sur ces responsabilités et font participer leurs conseillers à cette conversation, ils trouveront généralement une solution au problème », explique Mme Ewing.

Différentes approches en matière de finances peuvent coexister

On dit que les contraires s’attirent. Mais quand les futurs mariés ont des approches très différentes en matière de finances, les divergences peuvent être problématiques. Quelqu’un habitué à épargner et à tout calculer au cent près, par exemple, pourrait trouver difficile de se marier avec une personne qui gère ses finances au gré des rentrées et sorties ponctuelles de fonds. Si un conjoint dépense l’argent de son nouveau conjoint de manière frivole, le couple doit se parler au sujet des règles et de leurs projets en matière d’argent.

« Une mesure aussi simple que l’établissement d’un budget est importante, souligne Mme Ewing. Une discussion sur vos modes de vie, coûts et obligations peut être une source d’information révélatrice… Elle vous permettra de commencer à repérer les écarts possibles. »

Des problèmes de compatibilité peuvent aussi surgir s’il existe un écart important entre la valeur nette de chaque conjoint avant leur mariage. De plus, les membres du couple n’auront peut-être pas la même tolérance au risque en matière de placement.

Ces discussions ne sont pas toujours faciles. Il peut être difficile de discuter des obligations découlant d’un mariage précédent, de piètres placements ou d’un écart entre la valeur nette du patrimoine de chacun. Il est encore beaucoup plus pénible de devoir se rappeler certains souvenirs, comme une mauvaise cote de crédit ou une faillite, devant une personne que vous voulez impressionner. C’est pourquoi l’approche que vous adopterez est si importante.

Comment amorcer une conversation franche sur les finances

Vous pouvez commencer en expliquant que le succès de votre relation vous tient vraiment à cœur et que, comme l’argent est l’une des principales causes de rupture du mariage, vous aimeriez aborder l’aspect financier de votre relation avant que des problèmes surviennent.

Faites porter la discussion sur votre ouverture en matière de finances, plutôt que de demander à votre conjoint de divulguer l’information qui le concerne. « Je crois que tu devrais connaître ma situation financière » constitue souvent une bonne amorce. Surtout, faites preuve de patience. Quand vous amorcez la conversation, votre partenaire pourrait être réticent à s’ouvrir à ce sujet. Donnez-lui le temps d’y penser. 

Si des couples ont des questions ou des préoccupations sur la protection de leurs actifs avant de se marier, ils devraient consulter un conseiller et un avocat ou un notaire. Un mariage n’est pas nécessairement en péril parce que les conjoints ont des idées différentes sur l’argent. Ils doivent simplement comprendre clairement les enjeux et établir des règles et des limites qu’ils acceptent d’un commun accord.

« Lorsque deux personnes s’unissent par le mariage et se souhaitent vraiment ce qu’il y a de mieux, elles ont tendance à décrire avec exactitude leur situation financière. Après tout, quand les conjoints travaillent en équipe, ils ont beaucoup plus de chances d’atteindre leurs objectifs », affirme Mme Ewing.

DON SUTTON

PARLONS ARGENT ET VIE

ILLUSTRATION

DANESH MOHIUDDIN