Une motocyclette qui n’a jamais bien fonctionné est malheureusement devenue le symbole du mariage de Romane*, qui a connu bien des ratés avant de se briser définitivement.

Un jour, le mari de Romane est arrivé à la maison avec des pièces de motocyclette d’époque d’une valeur de 500 $ – un projet dont le coût final s’est élevé à 1 500 $ –, sans lui en avoir parlé au préalable. Selon Romane, il lui arrivait souvent de faire des dépenses extravagantes sans la consulter, par exemple des vacances impromptues avec ses amis ou des gadgets technologiques dispendieux. Mais compte tenu de leur situation familiale – ils avaient un jeune enfant et en attendaient un deuxième –, elle a été passablement choquée par cet achat si inconsidéré.

Son mari lui a dit que c’était son argent et qu’il pouvait décider comment le dépenser. Elle lui a répondu qu’il se croyait un peu trop tout permis. Malgré l’épisode de la motocyclette, Romane est restée dans cette relation tumultueuse encore 10 ans avant de finalement se joindre aux quelque 25 % de couples canadiens dont le mariage se termine en divorce 1.

Les querelles à propos de l’argent sont souvent citées comme l’une des principales causes de divorces, mais les problèmes financiers peuvent nuire à toute relation, même en l’absence de procédures de divorce ou de certificat de mariage 2 . Un jour ou l’autre, la plupart des couples sont confrontés à un épineux problème financier qui met leur amour à l’épreuve. Beaucoup de conjoints cherchent à s’en sortir ensemble, mais inévitablement, certains se séparent. Au final, selon les thérapeutes, les couples qui arrivent à faire des compromis, malgré leurs différences, sont plus susceptibles d’avoir une relation heureuse et épanouie 3 .
Rien de tout cela n’est facile. Les discussions d’argent pouvant perturber une relation par ailleurs excellente, voici quelques points à prendre en considération avant que les conflits ne causent des dommages à long terme.

La source de vos désaccords est-elle réellement l’argent?

Selon la Dre Karyn Hood, psychologue clinicienne agréée en cabinet privé à Toronto, la cause sous-jacente des conflits autour de l’argent n’a souvent rien à voir avec les finances.

« Les conflits à propos des finances prennent souvent leur source dans les valeurs et les convictions personnelles de chacun, explique-t-elle. Souvent, c’est plus lié à ce que l’argent représente qu’à l’argent lui-même. Pour certaines personnes, l’argent est synonyme de liberté et de plaisir; pour d’autres, il représente la stabilité, la sécurité ou un statut. »

Ces deux façons de voir les choses sont tout aussi valables l’une que l’autre, mais adopter une attitude très critique à l’égard de la personne que vous aimez peut témoigner d’un manque de respect et de confiance dans sa prise de décisions. Ce n’est pas parce que vous désapprouvez ses habitudes de dépenses ou son style de placement qu’elle a nécessairement tort.

Treva Newton, vice-présidente, planificatrice spécialiste de la fiscalité et des successions, Gestion de patrimoine TD, n’est habituellement pas témoin de conflit ouvert chez les couples qu’elle rencontre, mais il arrive qu’elle perçoive des problèmes sous-jacents non résolus.

Elle se souvient d’une cliente qui avait exprimé de la frustration, car elle ignorait combien il y avait d’argent dans le compte bancaire personnel de son mari. Une telle remarque laissait entendre que ce n’était pas une question d’argent, mais de confiance.

Heureusement, la confiance peut se bâtir. Selon Mme Newton, une planification conjointe permet une meilleure communication à propos de l’argent. Créer un budget et convenir de montants précis pour les passe-temps personnels de chacun peut aussi aider. Certains couples décident de s’entendre sur une limite financière au-delà de laquelle tout achat doit faire l’objet d’une discussion.

Au secours : ma douce moitié va me ruiner!

« Elle gagne plus que moi et pense qu’elle a plus son mot à dire sur la façon dont nous dépensons. »

« Il donne souvent de l’argent à sa sœur sans en discuter avec moi. »

« Je suis meilleur qu’elle pour gérer nos finances. »

« Il dépense l’argent aussi vite que je le gagne et nous n’arrivons pas. »

« Je ne digère pas ses placements risqués. »

« Il m’en veut de donner de l’argent à nos enfants. »

Une communication ouverte et franche : la seule façon d’avancer

La Dre Hood affirme que l’ouverture et la franchise sont essentielles pour les couples dont les points de vue sur la façon de dépenser leur argent divergent.

« Prenez le temps de vous asseoir ensemble et de parler de vos différences. Examinez chacune de vos priorités pour chercher un terrain d’entente », recommande-t-elle.

Vous pourriez constater que vos désaccords sont facilement conciliables. Elle prend l’exemple d’un couple qu’elle a reçu en consultation qui se disputait au sujet des voyages. L’un des conjoints préférait les destinations de vacances exotiques, tandis que l’autre voulait rendre visite à sa famille au Canada chaque fois qu’ils en avaient l’occasion. Pour les aider à résoudre leur problème, la Dre Hood a fait en sorte de les amener à trouver un équilibre entre leurs priorités contradictoires. Leur solution? Réserver les longues fins de semaine aux visites familiales et les vacances aux destinations plus lointaines. « Comme dans toute relation, la conversation doit être animée d’un esprit de compromis », affirme-t-elle.

Faire preuve d’empathie envers votre conjoint peut être payant

La Dre Hood encourage les couples, dans leurs discussions sur les finances, à explorer ensemble les valeurs de chacun et à se demander d’où elles viennent. Par exemple, si les finances ont toujours été serrées dans la famille d’un des deux conjoints, il se peut que ce conjoint associe l’argent à la sécurité financière plutôt qu’au plaisir. Par contre, si l’autre conjoint a grandi dans une famille plus aisée, il pourrait ne pas ressentir les mêmes contraintes. L’abondance financière dans laquelle il a grandi fait peut-être en sorte qu’il associe l’argent aux loisirs et à la capacité de dépenser librement.

En prenant le temps de discuter avec votre conjoint pour mieux comprendre pourquoi il pense comme ça, vous arriverez peut-être plus facilement à des compromis : « Parfois, le simple fait de comprendre d’où viennent les convictions de l’autre peut aider à avoir plus d’empathie, explique-t-elle. Un déclic peut se produire. » Selon elle, les couples qui arrivent à montrer cette générosité émotionnelle sont plus susceptibles d’évoluer ensemble et de trouver un terrain d’entente qui répond aux besoins des deux conjoints.

Chercher de l’aide, ce n’est pas s’avouer vaincu

Si les difficultés à s’entendre persistent, consultez un conseiller pour vous aider à clarifier le problème et pour élaborer un plan d’action qui convient aux deux parties.

Mme Newton cite le cas de deux conjoints qui avaient des opinions différentes à propos de leurs enfants adultes. Le mari voulait leur transmettre, dans le cadre de sa planification successorale, les actions qu’il avait héritées de son père. Cependant, sa femme préconisait une autre stratégie qui lui semblait plus avantageuse sur le plan fiscal pour leurs enfants, et qui leur permettrait de faire don des actions à leur organisme de bienfaisance préféré.

C’était un cas classique de conflit entre le cœur et la raison. Heureusement, Mme Newton est arrivée à un compromis avec eux : transmettre aux enfants seulement la moitié des actions. De cette façon, une meilleure stratégie fiscale a été mise en œuvre, et le mari a eu la satisfaction de savoir que les actions de son père seraient transmises à la génération suivante. Mais, sans l’aide d’un spécialiste pour leur proposer des options, ils auraient pu continuer de vivre dans l’acrimonie au sujet de la planification successorale et des besoins de la famille.

Finalement, les conversations sur l’argent peuvent être délicates et émotives. Si elles donnent lieu à des débats enflammés dans votre couple, sachez qu’il n’y a pas que vous dans ce cas. Toutefois, si vous prenez le temps de vous asseoir et de discuter calmement avec votre conjoint, vous pourriez réussir à trouver une solution gagnante.

Quant à Romane, elle a fini par rencontrer quelqu’un d’autre et est maintenant dans un mariage heureux. L’argent n’est plus un sujet de dispute… et les motocyclettes non plus.

Si vous avez des questions sur l’élaboration d’un plan financier, communiquez avec un conseiller. Et si vous avez besoin de soutien dans votre relation, songez à faire appel à un thérapeute.

* Romane est un pseudonyme.

DON SUTTON et TAMARA YOUNG

PARLONS ARGENT

ILLUSTRATION

DANESH MOHUIDDIN