Ronald*, un journaliste de 31 ans, n’aurait jamais pensé que le fait d’avoir une mère américaine pourrait le placer sur le radar des autorités fiscales des États-Unis.

Voici son dilemme : ses parents, des immigrants coréens, ont obtenu la citoyenneté canadienne. Sa mère a obtenu la double citoyenneté américaine et canadienne lorsque la famille s’est installée au Texas, avant de déménager à Ottawa, où Ronald est né. Sur les conseils de ses parents, qui pensaient que cela améliorerait ses perspectives d’emploi, Ronald a également obtenu la double citoyenneté au cours de sa vingtaine, bien qu’il n’ait jamais vécu ni travaillé aux États-Unis.

« Mon seul lien avec les États-Unis se résumait à un passeport américain que j’utilisais pour faciliter mes déplacements en vacances, explique-t-il. Je n’ai jamais travaillé là-bas. »

Quelle ne fut donc pas sa surprise d’apprendre que toute « personne des États-Unis », même citoyenne d’un autre pays, doit s’acquitter de ses obligations fiscales auprès de l’IRS. Les États-Unis sont l’un des deux seuls pays où l’impôt est fondé sur la citoyenneté. Cela signifie que, même si vous n’avez jamais mis les pieds en sol américain, vous devez fournir une déclaration d’impôt à l’IRS et peut-être payer l’impôt américain si on vous considère comme une personne des États-Unis.

« J’étais estomaqué, explique Ronald. Je me considère comme Canadien et je ne savais pas que le fait de posséder cette double citoyenneté compliquerait à ce point ma situation fiscale. »

Après en avoir discuté avec son comptable, Ronald a commencé à remplir annuellement une déclaration de revenus américaine, accompagnée d’un rapport détaillé sur chacun de ses avoirs financiers. Qui plus est, puisqu’il avait travaillé un certain temps en Europe, il était également tenu de déclarer tout revenu antérieur et tout renseignement financier concernant son séjour à l’étranger.

Qui sont les personnes des États-Unis?

Selon le département d’État américain, environ 9 millions de personnes des États-Unis qui ne sont pas dans l’armée vivent actuellement à l’étranger. 1 Nombre de ces personnes ont obtenu la citoyenneté américaine à la naissance, car au moins un de leurs parents possédait lui-même la citoyenneté américaine. Ils n’ont pas eu à en faire la demande puisque la citoyenneté est accordée automatiquement en vertu de la loi. D’autres personnes sont nées aux États-Unis, mais ont quitté le pays durant leur enfance. Vous pouvez même avoir le statut de personne des États-Unis aux fins de l’impôt, simplement parce que vous avez passé un certain temps dans ce pays au cours des dernières années.

« Tout comme Ronald, beaucoup de gens ignorent que l’IRS peut vous considérer comme une personne des États-Unis même si vous n’avez pas de liens étroits avec ce pays, explique Nicole Ewing, directrice, Planification fiscale et successorale, Gestion de patrimoine TD. Si vous ignorez si vous avez ou non le statut de personne des États-Unis aux fins de l’impôt, consultez un spécialiste de la fiscalité dès que possible. »

Que faire si vous avez le statut de personne des États-Unis?

Même si vous devez remplir une déclaration de revenus américaine, cela ne signifie pas nécessairement que vous devrez payer plus d’impôts. Les États-Unis prévoient une exemption sur le revenu gagné à l’étranger, laquelle vous permettra d’exclure environ 120 000 $ US de votre revenu d’emploi ou d’emploi indépendant 2 en 2023. Vous pouvez également recevoir un crédit d’impôt pour les impôts déjà payés au Canada. Toutefois, même si vous n’avez pas à payer d’impôt supplémentaire, préparez-vous à consacrer beaucoup plus de temps à vos déclarations de revenus à l’avenir.

Si l’IRS vous considère comme une personne des États-Unis, pensez à adapter vos stratégies de planification fiscale en conséquence. Nicole Ewing affirme que les citoyens américains peuvent aussi faire face à d’autres complications du côté canadien : « Par exemple, en vertu du régime d’imposition américain, les personnes des États-Unis qui investissent dans des fonds communs de placement canadiens ou qui ont recours à un CELI peuvent s’exposer à des incidences fiscales. Dans le cas des fonds communs de placement, on parle d’un processus de conformité complexe, mais dans le cas des CELI, on parle d’un impôt supplémentaire puisque l’argent qui est à l’abri de l’impôt ici ne l’est pas nécessairement aux États-Unis. De plus, en tant que personne des États-Unis, vous êtes assujettie à l’impôt sur les successions et les dons aux États-Unis. Par conséquent, il peut s’avérer judicieux de consulter un spécialiste de la fiscalité transfrontalière. »

Quelles sont les conséquences si vous ne remplissez pas de déclaration de revenus?

Les personnes qui ne sont pas certaines de leur statut de personne des États-Unis pourraient choisir d’ignorer la situation, pensant que l’IRS ne s’en rendra pas compte. Toutefois, les banques canadiennes sont tenues de communiquer à l’IRS les renseignements relatifs aux comptes des personnes des États-Unis. Selon Nicole Ewing, les sanctions pénales prévues par l’IRS peuvent être lourdes en cas de non-respect des obligations en matière de déclaration de revenus et de comptes. Une personne qui omet volontairement de remplir une déclaration de revenus pourrait être passible d’une peine de prison maximale d’un an et d’une lourde amende si elle est reconnue coupable d’une infraction criminelle. 3

Heureusement, comme le souligne Nicole Ewing, vous pouvez opter pour la divulgation volontaire et fournir à l’IRS les déclarations de revenus aux États-Unis et toute autre information manquante afin de corriger tout manquement survenu au cours des années précédentes. « Il est toujours préférable de se conformer aux exigences fiscales de l’IRS avant que l’agence ne s’en aperçoive. De cette façon, vous éviterez les pénalités que vous pourriez autrement encourir », explique-t-elle.

Qu’est-il arrivé à Ronald?

Après s’être rendu compte qu’il devait remplir une déclaration de revenus américaine annuellement, Ronald a décidé de profiter de sa citoyenneté américaine pour aller travailler à San Francisco. Cependant, il détient toujours des placements au Canada et craint les difficultés liées à la planification fiscale et successorale. « J’ai envisagé de renoncer à ma citoyenneté américaine, mais je me suis rendu compte qu’elle comportait certains avantages », explique Ronald.

Nicole Ewing prévient que la renonciation à la citoyenneté américaine ne convient pas forcément à tout le monde. « Il s’agit d’un processus complexe qui implique des frais de dossier et une possible taxe d’expatriation punitive, indique-t-elle. Avant de prendre cette décision radicale, mieux vaut consulter un spécialiste de la fiscalité transfrontalière et un juriste pour prendre une décision éclairée. »

Au bout du compte, si votre statut fiscal vous inquiète, déterminez d’abord si l’IRS vous considère ou non comme une personne des États-Unis. Si vous avez le moindre doute, il est préférable de consulter votre conseiller ou un spécialiste de la fiscalité qui pourra vous aiguiller.

* Ronald est un pseudonyme

TAMARA YOUNG

PARLONS ARGENT

ILLUSTRATION

DANESH MOHIUDDIN