Comme de nombreux Canadiens, Jeff Halpern rêvait de posséder une propriété de vacances bien avant d’en avoir les moyens. Comme l’affirme le conseiller en succession d’entreprise de Gestion de patrimoine TD : « J’ai grandi dans une famille pas très à l’aise et je voyais des gens qui semblaient si heureux d’avoir un chalet. À mes yeux, un chalet était un lieu magnifique où réunir les membres de sa famille chaque été. J’ai donc aspiré à devenir propriétaire de chalet dès mon plus jeune âge. »

Des années plus tard, alors qu’il travaillait à Singapour, Jeff a pris deux semaines de vacances au Canada pour réaliser ce rêve. Il a passé la majeure partie de ce séjour à parcourir les environs du lac Simcoe à la recherche d’une pancarte à vendre et d’un vendeur enthousiaste. Après avoir enfin trouvé, il a appelé un agent et déposé une offre le jour même. « C’était la fin août, et nous avons dû conclure l’achat du chalet après mon retour à Singapour. Ma famille en profite depuis ce jour. »

Si vous gardez l’œil sur les tendances en immobilier, vous devez savoir que les prix fluctuent constamment depuis quelques années. Malgré tout, les gens sont nombreux à rêver d’une propriété de vacances pour leur famille. Mais passer de la parole aux actes est une décision importante à ne pas prendre à la légère, même si vous imaginez déjà vos enfants construire des châteaux de sable sur la plage. Pour mieux comprendre ce que les acheteurs potentiels doivent savoir avant de se lancer, nous avons parlé à Nicole Ewing, directrice, Planification fiscale et successorale, Gestion de patrimoine TD. Voici ses conseils.

L’achat d’un chalet commence par une stratégie financière

Bien des choses ont changé depuis que Jeff a acquis son chalet en 1999. D’abord, les prix sont beaucoup plus élevés à présent. Pour cette raison, Nicole Ewing estime qu’il faut plus que jamais réfléchir à un tel achat dans le contexte de son plan financier global. D’abord, l’acheteur potentiel doit discuter finances avec son conseiller : a-t-il la mise de fonds nécessaire et peut-il assumer la charge financière d’un prêt hypothécaire (voire d’un deuxième prêt hypothécaire)? Sur le plan de la planification, Nicole suggère également de songer à l’utilisation de sa propriété au-delà des vacances estivales : « Beaucoup de gens achètent un chalet dans l’idée d’y vivre à la retraite. Cela peut aider à déterminer si vous en avez les moyens. Par exemple, prévoyez-vous de vendre votre maison actuelle un jour pour faire de votre chalet votre résidence permanente? »

Tout calculer, deux fois plutôt qu’une

Le prix des maisons est reparti à la hausse et les taux d’intérêt sont beaucoup plus élevés qu’il y a cinq ans. Si vous prévoyez d’emprunter auprès d’une institution financière, Mme Ewing vous conseille de faire vos calculs avec l’aide d’un conseiller pour en voir l’incidence sur votre plan financier global avant de faire de promesse d’achat. Des facteurs à considérer : le taux d’intérêt actuel, les répercussions d’un changement de taux futur et, surtout, l’évolution anticipée de votre situation financière. Disons que vous êtes à 5 ou 10 ans de la retraite. Avez-vous songé à votre capacité de faire des versements hypothécaires après l’avoir prise? La période d’amortissement standard se situe normalement entre 20 et 25 ans. Contrairement à votre première maison, probablement achetée dans la trentaine, vous disposerez peut-être d’un revenu limité pour payer votre propriété de vacances.

Nicole Ewing souligne : « Il est important de se protéger. Voilà pourquoi je demanderais à mon conseiller de préparer des scénarios pour m’aider à déterminer ce dont j’aurais besoin pour réaliser cet achat et de proposer un plan de rechange. » Parmi les coûts supplémentaires à prendre en compte, citons les coûts d’entretien, les coûts d’amélioration de la propriété, l’impôt foncier, les services publics et les coûts récréatifs (p. ex. aurez-vous un bateau?).

Mme Ewing suggère aussi de consulter votre prêteur bien à l’avance pour connaître vos limites de crédit ou d’emprunt, surtout si vous êtes déjà à la retraite.

Prudence à l’égard de la copropriété

Si vous pensez ouvrir les portes de votre propriété de vacances à votre famille élargie, vous envisagez peut-être de devenir copropriétaire avec un frère, une sœur ou un parent. Nicole Ewing recommande d’y réfléchir à deux fois. « Comme la copropriété soulève parfois des questions épineuses, il est important de se doter d’une entente de copropriété. C’est incontournable. Qui veut devoir intenter une poursuite contre un membre de sa famille? »

Selon Mme Ewing, l’entente de copropriété est utile pour régler diverses questions, dont certaines assez banales, comme la répartition des coûts d’achat et d’entretien, les droits décisionnels, l’accès à la propriété, les parts de chaque copropriétaire et le plan de succession en cas de décès. Par exemple, qui verra au remisage du bateau à la fin de l’été? Qui tranchera si l’un veut organiser la fête annuelle des riverains et l’autre ne veut pas? Ces détails peuvent s’avérer assez complexes. Voilà pourquoi il faut une planification de fond avant de vous mettre à la recherche d’un chalet.

« La dynamique familiale peut accroître le risque, affirme Nicole Ewing. Un conflit avec un ami n’aura pas les mêmes conséquences qu’un conflit avec un membre de sa famille. Il faut donc faire preuve d’une grande prudence. »

N’oubliez pas, un chalet est un actif d’un tout autre ordre

Le chalet a beau être un deuxième chez-soi, il s’agit d’un actif différent sur les plans de l’évolution de la valeur, et des coûts d’entretien.

« Qu’advient-il s’il y a des inondations dans la région? demande Nicole Ewing. Ou disons que vous choisissez une propriété bien située, puis qu’un changement au tracé de l’autoroute fasse disparaître les magasins et les autres commodités sur lesquels vous comptiez? »

Pour procéder en toute connaissance de cause, vous voudrez faire appel à un agent immobilier qui connaît bien le secteur et les chalets en général. Après tout, être propriétaire en zone rurale comporte son lot de nuances que vous ne connaissez peut-être pas. Par exemple, êtes-vous disposé à partager un puits d’eau avec votre voisin et à payer un droit de puisage, le cas échéant? Seriez-vous à l’aise d’entretenir une route privée, ou une route utilisée par d’autres en cas de servitude? Ces caractéristiques propres au chalet sont à considérer pour tout acheteur potentiel qui souhaite s’éviter des maux de tête.

Une fois le chalet acquis, votre famille s’y attachera probablement beaucoup, ce qui pourrait avoir une influence sur les sommes que vous êtes prêt à investir en rénovations, mais aussi sur votre succession. Pour toutes ces raisons, il est recommandé de travailler en étroite collaboration avec un conseiller ou un planificateur afin d’obtenir le deuxième avis d’un expert pour l’achat, l’entretien et le transfert de la propriété.

Et l’impôt dans tout ça

Avant d’acquérir une nouvelle propriété, il faut examiner les répercussions sur d’autres facettes de votre vie financière. La conséquence la plus évidente est, bien entendu, l’impôt foncier. Mais songez aussi au legs de cette propriété et à l’impôt sur les gains en capital qui pourrait s’ensuivre.

Après votre décès, les impôts peuvent se compliquer si vous n’avez pas un plan solide en place. Par exemple, si votre chalet n’est pas votre résidence principale à votre décès, votre succession devra payer un impôt sur les gains en capital… ce qui représente une charge considérable si vous possédez la propriété depuis des décennies.

Nicole Ewing explique que, pour de nombreuses personnes, placer le chalet dans une fiducie est l’une des meilleures options. Mais elle ajoute qu’il faut tenir compte des coûts associés aux fiducies. De plus, cette stratégie n’élimine pas entièrement l’enjeu fiscal, mais ne fait que le repousser à une date ultérieure.

Nombreux sont ceux qui croient que la meilleure façon de gérer l’impôt sur les gains en capital est de permettre de leur vivant que leurs enfants adultes deviennent copropriétaires. Toutefois, Mme Ewing souligne que cela ne règle pas l’enjeu fiscal et peut même donner lieu à des frictions, car vous vous trouvez à accorder à vos enfants un pouvoir décisionnel en regard de la propriété.

Deux décennies après l’acquisition de son chalet, Jeff Halpern n’a aucun regret. « Mes enfants ont grandi avec ce chalet, ils l’adorent, et aujourd’hui, nos six petits-enfants en profitent. Au gré des sports nautiques, des leçons de natation et des parties de pêche, la famille se rapproche et crée des souvenirs », affirme-t-il.

Comme Jeff, vous rêvez peut-être de soirées douillettes au coin du feu et de déjeuners sur le quai avec votre famille. Cependant, avant de faire une offre sur une charmante propriété, prenez le temps de bien réfléchir à votre décision et à ses répercussions potentielles sur vos finances. Il ne s’agit pas de se dissuader, mais de savoir que tout achat important doit être le fruit d’une décision mûrement réfléchie. Comme toujours, une discussion avec votre conseiller ou planificateur financier est un bon point de départ pour trouver réponse à vos questions.

TAMARA YOUNG

PARLONS ARGENT

ILLUSTRATION

DANESH MOHIUDDIN