Steve et Lee-Ann ont fini par trouver leur bonheur ensemble, mais comme ils disent, ça n’a pas été un long fleuve tranquille. Ils ont commencé à se fréquenter dès l’âge de 13 ans, mais ils ont été séparés quand la famille de Steve a déménagé en Alberta. Bien des années plus tard, ils ont repris contact et se sont aperçus que la flamme était toujours là. 

Ce ne sont pas les seuls qui doivent patienter un certain temps avant de trouver leur âme sœur : au Canada, dans la tranche des 35 à 64 ans, plus d’une personne sur quatre a changé de conjoint. 1 Les statistiques montrent que, souvent, ces relations durent : la moitié des couples en deuxième union sont ensemble depuis au moins 12 ans et beaucoup ont eu des enfants ensemble. 2

Même si une seconde union a tendance à donner une nouvelle jeunesse, mettre en commun ses finances et harmoniser ses projets d’avenir n’est pas toujours simple. En effet, lors d’une première union, on est généralement en début de carrière et on n’a pas encore beaucoup d’économies. Puis, nos vies changent. Les deux partenaires d’une seconde union pourraient déjà avoir des enfants, ils auront fait fructifier leurs placements et leur épargne retraite aura du galon. Mais alors, qu’est-ce qu’on peut faire pour avoir une retraite aussi heureuse que sa vie de couple? Eh bien, c’est peut-être moins difficile que vous le pensez.

Natasha Kovacs, planificatrice financière principale à Gestion de patrimoine TD, nous explique comment les couples peuvent préparer leur retraite plus sereinement. Voici, selon elle, quelques questions clés que tout couple doit se poser.

Comment concevons-nous notre retraite?

L’une des toutes premières étapes, c’est de savoir comment vous comptez vivre votre retraite. Que vous souhaitiez profiter de vos petits-enfants, vous adonner à de nouveaux passe-temps ou aller souvent au Costa Rica, c’est important que votre partenaire ait les mêmes envies. Or, en discutant, vous vous rendrez peut-être compte que ce n’est pas le cas. Ça pourrait même déclencher pas mal d’émotions… C’est assez logique, puisque notre expérience personnelle façonne notre vision personnelle de l’avenir. Selon Mme Kovacs, la clé c’est d’aller au fond des choses et d’être très honnête avec l’autre.

« Quand j’aide un couple à planifier sa retraite, j’insiste pour que les deux s’expriment. Je regarde leurs objectifs communs et leurs différences, puis on voit ensemble comment on peut faire en sorte d’établir les priorités. »

Attention, s’il y a une différence d’âge importante ou si les deux n’ont pas le même état de santé, les deux départs à la retraite risquent d’être sensiblement décalés. Il faut prendre le temps de parler de ce que cela pourrait impliquer pour vous deux et pour votre épargne-retraite.

Combien devons-nous épargner?

Il n’y a pas de réponse toute faite, mais un planificateur commencerait peut-être par évaluer grossièrement ce qu’il vous faudrait pour prendre une retraite confortable. Habituellement, on estime qu’il vous faut l’équivalent de 70 % de votre revenu d’emploi annuel, à compter de 65 ans. 3 Cela englobe les régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER), les comptes d’épargne libre d’impôt (CELI), les comptes non enregistrés, la Sécurité de la vieillesse (SV), le Régime de pensions du Canada (RPC) ou le Régime de rentes du Québec (RRQ), et les régimes de retraite de l’employeur. Il y a toutefois de multiples variables qui entrent en jeu, notamment vos objectifs. Mme Kovacs suggère aux couples de commencer par faire le point sur leurs revenus et leurs dépenses. « Je demande habituellement aux gens de retracer leurs revenus et dépenses des six derniers mois pour évaluer leurs dépenses à la retraite. »

Steve et Lee-Ann ont ainsi réalisé qu’ils allaient pouvoir prendre leur retraite 10 ans plus tôt que prévu, car vivre en couple peut donner un bon de pouce à votre épargne. Par exemple, avec deux revenus, il peut être financièrement envisageable de reporter le versement des prestations de retraite gouvernementales. Ainsi, grâce à leurs deux revenus, les membres d’un couple qui avaient prévu percevoir les prestations de la Sécurité de la vieillesse, du RPC ou du RRQ à 65 ans pourraient finalement attendre d’avoir 70 ans. À cet âge, le maximum de leurs prestations gouvernementales totales aura augmenté. (Une personne vivant seule peut faire la même chose si elle a assez d’épargne-retraite).

Pour calculer précisément combien vous devez épargner à deux, mieux vaut faire appel à un planificateur financier.

Qu’est-ce qu’on va mettre en commun et qu’est-ce qu’on va garder séparé?

Pour les couples qui se marient plus tard dans la vie, il est important de clarifier ce que chacun garde pour soi et ce qui est mis en commun. En effet, ce n’est pas parce qu’on se marie (même si c’est la première fois) qu’on doit tout partager. Il faut par contre que les choses soient bien claires. Vous pourriez ainsi avoir un héritage que vous préférez garder pour vous ou des placements que vous aimeriez inclure dans une fiducie pour vos enfants. À l’opposé vous voudrez peut-être ouvrir un compte conjoint pour payer vos dépenses communes.

Il faut aussi faire le tour des dettes que vous n’aurez pas fini de payer ou des autres obligations financières que vous aurez toujours à la retraite, par exemple une pension alimentaire pour un enfant ou votre ex-conjoint, ou un engagement à prendre soin de parents âgés. Mme Kovacs dit qu’il est essentiel de régler ces questions avant qu’elles ne créent des problèmes. « C’est la beauté d’un plan de retraite. Ça évite les mauvaises surprises. » Elle prévient qu’il faut se concentrer sur l’avenir. « Je dis souvent à mes clients que le passé, c’est le passé. Ce qui compte désormais, c’est la belle aventure qui les attend. »

Devons-nous établir un plan fiscal pour la retraite?

Quand on planifie sa retraite, il faut toujours parler impôt et Mme Kovacs recommande d’ailleurs aux couples de s’asseoir avec leur planificateur financier et un fiscaliste pour étudier les différentes options possibles. En voici quelques-unes.

Pour commencer, le fractionnement du revenu peut vous aider à alléger votre fardeau fiscal si l’un de vous deux gagne plus que l’autre. Comme notre système fiscal comporte des tranches d’imposition à taux progressif, attribuer une partie du revenu du conjoint qui gagne le plus au conjoint qui gagne le moins peut réduire l’impôt de l’ensemble du ménage. Le fractionnement des revenus de retraite est similairement envisageable. Ces deux stratégies peuvent s’avérer payantes pour les couples où il y a une grande différence d’âge ou de revenus.

Autre option : le REER de conjoint. Voilà comment ça fonctionne : le conjoint qui a le revenu le plus élevé cotise au REER de l’autre pour profiter d’un report d’impôt et ramener son propre revenu dans une tranche d’imposition plus basse. À la retraite, les retraits du REER seront imposés à un taux plus bas, puisqu’ils seront faits par le conjoint avec le revenu le plus faible.

Il n’est pas possible de cotiser au CELI d’autrui, mais on peut toujours donner des fonds à son conjoint pour qu’il les y dépose, tant qu’il lui reste des droits de cotisation inutilisés. Cela peut aider à faire fructifier vos placements et votre épargne à l’abri de l’impôt.

Qu’est-ce qu’on peut faire pour protéger notre plan?

Peu importe où vous en êtes dans votre planification, n’oubliez pas de vérifier que tous vos documents sont à jour. Ça fait moins rêver qu’un voyage en Italie, mais c’est important que vos documents reflètent vos volontés. Après tout, la vie est pleine d’imprévus. Il faut donc mettre à jour votre testament, vos mandats, tout document relatif à vos bénéficiaires, les éventuels comptes en fiducie et toute autre disposition successorale. Sinon, vous pourriez vous retrouver dans une situation où votre ex-conjoint serait l’unique bénéficiaire, alors que vous destiniez votre héritage à votre nouveau conjoint. De même, si vous êtes propriétaire d’une entreprise, pensez bien à revoir vos plans de succession.

Dans l’ensemble, la planification de la retraite a quelque chose d’excitant, mais peut devenir un casse-tête si on s’y prend mal. Bref, consultez un planificateur financier pour pouvoir vivre la retraite dont vous avez envie à deux.

TAMARA YOUNG

PARLONS ARGENT ET VIE

ILLUSTRATION

DANESH MOHIUDDIN