Ce trait de personnalité peut-il vous aider à prospérer en période de récession?

ANTHONY DAMTSIS

CHEF ADJOINT, FINANCE COMPORTEMENTALE, GESTION DE PATRIMOINE TD

La menace d’une récession au Canada a fait les manchettes pendant tout l’automne 2022. Quelles personnes risquaient d’être les plus touchées? Combien de temps la récession pourrait-elle durer? La plupart du temps, les économistes se forgent une opinion en analysant froidement les données. Toutefois, aucune prévision économique ne permettra de répondre à la question  qui hante bien des gens : « Est-ce que tout ira bien pour moi? » Essayer d’y répondre en tentant de démêler les données disponibles peut mener à ce qu’on appelle la paralysie d’analyse. Ce n’est pas le meilleur moyen d’aborder une question aussi émotive. On peut aussi choisir d’écouter nos émotions pour découvrir ce qui nous motive en période d’incertitude économique. En tant qu’économiste comportemental, je suis bien placé pour savoir que notre personnalité influence beaucoup plus nos décisions financières que bon nombre d’économistes classiques veulent bien l’admettre. Des études ont par exemple montré que la capacité à garder confiance qu’on est sur la bonne voie sur le plan financier et qu’on réussira à traverser les tempêtes économiques est étroitement liée à un trait de personnalité précis : la réactivité.1 Comprendre comment et pourquoi ce trait de personnalité influence notre jugement est une première étape importante pour réussir à contrôler notre esprit pour éviter que ce soit notre argent qui nous contrôle. La réactivité est l’un des cinq grands traits de personnalité étudiés par les psychologues, avec l’extraversion, l’amabilité, la conscience et l’ouverture. Plus ou moins prononcé, chacun d’eux présente des avantages et des inconvénients en matière de prise de décisions financières. Pour la réactivité, les personnes qui ont tendance à réagir viterisquent de ressentir du stress en période de volatilité des marchés. À l’inverse, les personnes qui sont du genre à rester calmes sous la pression tendent à faire preuve de résilience et d’optimisme, ce qui peut se traduire par ce qu’on appelle le biais d’optimisme. Il s’agit d’un phénomène comportemental qui conduit à surestimer la probabilité de résultats positifs (et à sous-estimer la probabilité de résultats négatifs). Il est étroitement lié à la tendance à rester calme sous pression. Le biais d’optimisme peut avoir différentes causes, mais il vient souvent du besoin d’être en contrôle. Le fait de ressasser le négatif, comme la perte de valeur de notre portefeuille, peut nous faire voir l’avenir en noir et vite devenir démoralisant, alors on minimise la probabilité perçue qu’il se produise un événement négatif. Cela peut faire naître d’étranges contradictions dans notre esprit. Par exemple, lors du repli économique de 2020, les chercheurs ont constaté que de nombreuses personnes qui se montraient pessimistes quant à l’avenir économique de leur pays étaient en revanche optimistes à l’égard de leur propre situation économique.2 Puisqu’ils jouent un rôle dans l’avenir économique de leur pays, il était pourtant plus probable que leur situation financière personnelle suive la tendance nationale et se détériore! Cette déconnexion entre les attentes et la réalité est un marqueur clair du biais d’optimisme.

Savoir tirer avantage de son optimisme

Le biais d’optimisme est-il une mauvaise chose? Pas forcément. Les biais comportementaux sont souvent perçus comme nuisibles, et beaucoup d’articles démontrent comment ils peuvent nous amener à prendre de mauvaises décisions qui donneront de mauvais résultats – et, dans l’ensemble, c’est vrai. Il y a toutefois des situations où ils peuvent être bénéfiques. Chez les personnes qui achètent des actions, par exemple, le lien entre le biais d’optimisme et des rendements plus élevés a été démontré.3 Cela s’explique peut-être par le fait que les optimistes ont tendance à conserver leurs placements et les pessimistes à privilégier la « sécurité » des espèces, malgré les effets corrosifs de l’inflation. Autre avantage de savoir garder son sang-froid en période de récession : les optimistes ont tendance à avoir une résilience plus développée qui les aide à se remettre des situations stressantes plus facilement que les personnes promptes à réagir. Les investisseurs résilients dont le portefeuille perd beaucoup de sa valeur pourraient mieux s’adapter à l’évolution des conditions du marché, par exemple en modifiant légèrement la répartition de leurs actifs ou en trouvant des occasions de réaliser des pertes fiscales.

Que se passe-t-il si je ne suis pas très optimiste?

Rester calme sous pression a certes des avantages, mais ne désespérez pas si vous êtes du genre à réagir vite. Il y a plusieurs choses que vous pouvez faire pour vous recentrer et prendre des décisions financières avisées. La première pourrait être de parler à votre conseiller financier. Demander de l’aide est un excellent moyen de renforcer votre résilience d’autant plus que votre conseiller a des connaissances poussées sur les placements et d’autres questions financières. Il pourrait vous offrir du soutien. Il pourrait aussi vous aider à penser à long terme et à prendre conscience que les fluctuations à court terme de la valeur de votre portefeuille ne vous empêcheront pas forcément d’atteindre vos objectifs. Vous pourriez aussi envisager de ne plus vérifier constamment votre portefeuille, surtout si vous êtes l’une des nombreuses personnes qui le font tous les jours. Certaines personnes ont eu le raisonnement suivant : si on regarde son portefeuille quotidiennement, d’après les rendements passés, on a environ 50 % de chances de voir qu’il a baissé depuis la veille.4 Si vous préférez les bonnes nouvelles, vous devriez essayer d’y jeter un œil une fois par an seulement. Historiquement, le rendement annuel de l’indice S&P 500 est positif sept années sur dix. Les récessions et les reprises ont tendance à aller de pair. Si vous avez le bon tempérament et les bons outils à votre disposition, un repli peut devenir une occasion de prospérer plutôt que de vivoter.

Si vous ne savez pas où vous situez dans le spectre, prenez rendez-vous avec un professionnel de Gestion de patrimoine TD pour découvrir vos angles morts financiers et ainsi maîtriser vos décisions financières.

Anthony Damtsis est actuellement chef adjoint, Finance comportementale, Gestion de patrimoine TD. Il a travaillé dans le domaine de la finance comportementale aux États-Unis et au Canada et a des diplômes d’études supérieures en économie et en sciences du comportement.

  1. Rapport fait par Gestion de patrimoine sur la finance comportementale 2021, « Perspective sur le risque comportemental » www.td.com/content/dam/wealth/document/pdf/wealth/industry-report-a-behavioural-perspective-on-risk-fr.pdf Consulté le 24 novembre, 2022
  2. Barrafrem, K., et al. Financial well-being, COVID-19, and the financial better-than-average-effect. 2020. Journal of Behavioural and Experimental Finance.
  3. R. Renu Isidore et P. Christie. 2019. Model to Predict the Actual Annual Return of the Investor with the Investors’ Behavioral Biases as the Independent Variables. Journal of Private Equity.
  4. Shlomo Benartzi, 1er novembre 2015. « Keep Stock Market Apps Off Your Phone » www.shlomobenartzi.com/columns/keep-stock-market-apps-off-your-phone Consulté le 24 novembre 2022