Tout le monde a ses traditions incontournables pendant les fêtes : les grands repas en famille, allumer la menorah, se rappeler de moments passés ou encore regarder les enfants ouvrir leurs cadeaux. Malheureusement, il y a aussi une foule de traditions dont beaucoup d’entre nous se passeraient volontiers, comme les grosses factures de carte de crédit en janvier qui nous rappellent ces cadeaux achetés à la dernière minute et qui risquent de finir au fond d’un placard sans jamais avoir servi.

Nous aimons les fêtes, les échanges de cadeaux et les moments de célébration. Mais notre enthousiasme débordant de la période des fêtes peut nous faire perdre tout bon sens financier. Dans le pire des cas, les mauvaises habitudes de dépenses incontrôlées peuvent conduire à l’endettement. Mais même si ce n’est pas le cas, dépenser sans penser aux conséquences pourrait nous empêcher d’atteindre nos objectifs financiers. Personne n’a envie de passer pour Picsou, mais ce n’est pas une raison pour devoir ensuite revoir le budget des vacances à la baisse parce qu’on a voulu offrir des cadeaux à tout son entourage.

Natasha Kovacs, planificatrice financière à Gestion de patrimoine TD, souligne que le temps des fêtes peut être une période stressante, car beaucoup de gens sont très pris entre leurs obligations personnelles et leur travail. « Pendant le temps des fêtes, la tentation de surcompenser par des dépenses excessives est grande », prévient-elle.

S’il vous arrive souvent de dépenser plus que prévu à cette période de l’année, sachez qu’il n’y a pas que vous. Mais il existe peut-être aussi des façons de limiter vos dépenses des fêtes. Nous avons discuté avec des spécialistes en finance et en comportement pour comprendre pourquoi il est si facile d’ouvrir son portefeuille en cette période de l’année et pour savoir quoi faire pour vous aider à reprendre le contrôle.

Ce qui se passe dans votre tête quand vous faites vos achats

Offrir des cadeaux est un aspect intéressant de la psychologie liée à la richesse qui peut expliquer les comportements que nous avons tous à l’égard de l’argent.

« Comme dans toute activité altruiste, on en tire aussi un avantage pour soi, selon Nico Lacetera, professeur au centre Behavioural Economics in Action at Rotman (BEAR) de l’Université de Toronto. D’une part, offrir un cadeau est un acte de générosité – vous faites quelque chose pour une autre personne – mais c’est aussi quelque chose que vous faites pour vous-même. Vous vous sentez moins coupable ou obtenez un sentiment de bien-être ». Il étudie, entre autres, la psychologie qui sous-tend nos décisions financières.

Il relève que les chercheurs qualifient ce sentiment altruiste de « lueur chaude ». Malheureusement, magasiner pour se sentir bien peut devenir une fin en soi.

Le professeur Lacetera explique que d’autres comportements reconnus entrent en jeu lorsqu’on achète, par exemple l’aversion pour les pertes. Selon lui, se rendre dans un magasin de vêtements, toucher un beau foulard et envisager à quel point une personne qui vous est chère l’adorerait crée un lien émotionnel avec le foulard. Vous vous sentiriez vraiment mal si vous partiez sans lui, et vous passez donc à la caisse.

Il y a aussi l’effet des pairs. Quand vous entrez dans un centre d’achat bondé, que vous voyez des gens qui tiennent des sacs pleins à craquer – dans un magasin où les décorations scintillent, la musique résonne et les employés se costument en conséquence – c’est une sorte de spectacle qui vous donne envie d’en faire partie.

« Vous avez beau penser en partant de chez vous que vous n’êtes pas influençable, vous finissez comme beaucoup d’autres par avoir le sentiment que la convention sociale, c’est d’acheter », explique M. Lacetera.

Selon Mme Kovacs, pendant les fêtes, on peut souvent avoir envie de suivre les tendances qui se dessinent dans les médias sociaux. Si vous voyez des publications d’une personne qui vient de s’acheter une nouvelle voiture ou la dernière console de jeu, vous pouvez avoir une sensation de manque, ce qui vous pousse à vouloir offrir de belles choses à votre famille. Et pourquoi pas? Après tout, vous le méritez bien!

Pourquoi les habitudes de dépenses excessives sont difficiles à perdre

D’après M. Lacetera, quiconque a déjà tenté de perdre du poids ou de se mettre à faire de l’exercice est susceptible de savoir à quel point l’écart entre l’intention et l’action peut être grand. Planifier un changement de comportement, c’est une chose, mais passer aux actes, c’en est une autre. On peut retrouver le même phénomène avec les dépenses. Malgré la meilleure intention de se limiter à un seul achat en ligne à un certain prix, il est difficile de résister à la tentation des soldes et des offres valables un jour seulement.

C’est difficile de se défaire d’une vieille habitude, quelle qu’elle soit. Donc plutôt que de vous reprocher un manque de discipline ou de caractère, il vaut mieux réfléchir à pourquoi vous voulez perdre une habitude.

M. Lacetera explique que tout le monde a tendance à adopter certains comportements inconsciemment, et que prendre conscience de nos angles morts peut être la première étape pour reprendre les choses en main. Cela permet de bien planifier les choses pour éviter les montagnes russes émotionnelles du temps des fêtes.

« Ça aide de connaître ses défauts. On peut établir ses propres règles pour éviter de trop dépenser. » Il peut s’agir de mesures drastiques, par exemple couper sa carte de crédit (certes efficace, mais peu pratique), ou de stratégies plus modérées, comme la laisser à la maison. D’autres approches pourraient vous convenir.

Il suggère de prendre du recul et de réfléchir de façon réaliste à chaque cadeau : à qui vous le destinez, combien il coûte, à quel point la personne va l’apprécier et l’utiliser. Une bonne analyse peut grandement aider à prendre des décisions financières plus éclairées.

Commencez par bien planifier

Mme Kovacs raconte qu’elle a commencé ses achats des fêtes dès septembre, il n’est donc pas surprenant qu’elle recommande à tout le monde d’être aussi organisé qu’elle. Elle explique qu’en commençant tôt, elle évite automatiquement le stress du magasinage de dernière minute, et ses achats sont réfléchis. Cela lui permet aussi de profiter de meilleurs prix en profitant des soldes d’avant les fêtes.

Elle insiste beaucoup que pour s’organiser, il faut se fixer un budget réaliste et faire une liste de cadeaux avant de magasiner. Il peut être plus facile de respecter son budget quand on a une bonne idée du montant approprié pour chaque frère, sœur, tante ou cousin.

Cette année, inspirez-vous de votre expérience du temps des fêtes

Même si elle essaie d’être une consommatrice avertie, Mme Kovacs pense que les gens peuvent aussi s’inspirer des fêtes qu’ils ont vécues pendant la pandémie de COVID-19 pour réfléchir à ce qui compte vraiment : passer du temps avec ses proches. Selon elle, cela pourrait les inciter à consacrer plus d’énergie à passer du temps ensemble.

« Ce qui compte, ce sont les souvenirs, pas les choses matérielles. Alors, qu’est-ce qu’on peut faire pour renforcer les liens et se créer des souvenirs qui n’ont pas de prix? » demande-t-elle. En pratique, pensons aux activités en groupe, comme aller patiner puis boire un chocolat chaud, ou un don à un organisme de bienfaisance, au lieu de la traditionnelle ouverture des cadeaux.

« Beaucoup de gens ont probablement réussi à mettre pas mal d’argent de côté en dépensant moins pendant les deux années de pandémie, poursuit-elle. Et cette année, les fêtes pourraient aussi être l’occasion pour les familles de célébrer ensemble pour la première fois depuis qu’elles sont vaccinées. Ces deux facteurs réunis risquent de pousser aux dépenses excessives.

« C’est difficile de changer des habitudes de vie, souligne-t-elle. Si vous avez besoin d’aide, les conseillers financiers comme moi peuvent vous aider à organiser vos fonds, à établir un budget et à vous donner un cadre financier pour que vous puissiez atteindre plus facilement vos objectifs financiers de l’année prochaine. »

DON SUTTON

PARLONS ARGENT ET VIE

ILLUSTRATION

DANESH MOHIUDDIN