Le rôle de l’uranium dans la société fait débat depuis la découverte de ses propriétés radioactives en 1866. L’uranium est le principal combustible des réacteurs nucléaires et sa capacité à générer de grandes quantités d’énergie sans émettre de carbone le rend particulièrement attrayant. Beaucoup de pays le considèrent d’ailleurs comme l’une des clés de la transition vers l’énergie verte. Mais son utilisation n’est pas sans risque. Pour plusieurs, le spectre menaçant de la catastrophe de Tchernobyl de 1986 plane toujours.
Actuellement, alors que certains pays commencent à fermer leurs centrales nucléaires, d’autres qui avaient réduit la part de l’énergie nucléaire dans leur bouquet énergétique remettent des centrales en service. Les pays en développement, en particulier, envisagent la construction de réacteurs nucléaires pour répondre aux besoins en énergie de leurs économies. Dans ce contexte, les réserves mondiales d’uranium ont diminué ces 10 dernières années1. Cependant, le prix de l’uranium pourrait grimper si de plus en plus de pays considèrent le nucléaire comme un moyen de réduire les émissions de carbone.
Alors, est-il judicieux d’enrichir son portefeuille en uranium ou vaut-il mieux se tenir loin de ce métal radioactif? Avant de pouvoir répondre à cette question, il faut d’abord comprendre ce qui alimente la demande en uranium, ainsi que son potentiel et les risques qu’il présente. Dans cet article, nous répondons à certaines questions que vous vous posez peut-être à son sujet.
L’avenir est à l’énergie propre, mais qu’est-ce qui distingue l’uranium des autres éléments?

L’uranium est un élément métallique généralement présent en faibles concentrations dans toute l’écorce terrestre. Avec une masse atomique de 238,03, qui dépasse de loin celle du lithium, par exemple, qui se situe à 7,0, il fait partie des éléments les plus lourds. Mais surtout, il est radioactif : son processus de désintégration émet des particules alpha qui le rendent suffisamment dense en énergie pour produire de l’électricité. Il est aussi extrêmement toxique.
Quelle puissance l’uranium renferme-t-il exactement?
Bien que l’on utilise de l’uranium en petites quantités dans le domaine médical et dans la fabrication d’armes nucléaires, il sert surtout à produire de l’électricité dans des centrales nucléaires. À l’échelle du globe, quelque 440 réacteurs nucléaires produisent environ 10 % de l’électricité mondiale2. Même si ces installations coûtent très cher à construire, Craig Hutchison, analyste de recherche sur les actions minières, Valeurs Mobilières TD, affirme qu’elles peuvent être productives et fournir une source d’énergie à faible coût pendant des décennies. Aux États-Unis, une centrale nucléaire produit en moyenne 1 gigawatt d’électricité par année3, ce qui est suffisant pour alimenter 876 000 propriétés pendant 12 mois ou pour charger simultanément 1 000 véhicules électriques à des bornes de chargement rapide à 1 000 kW/heure4 5. Pour placer ces chiffres en contexte, les bornes de chargement rapide de véhicules électriques affichent actuellement une puissance entre 15 et 350 kW/heure6.
Les services publics américains sont les plus grands consommateurs d’uranium, suivis de la Chine et la France. Tandis que la Chine, l’Inde et le Moyen-Orient comptent parmi les pays et régions qui développent le plus activement leur parc nucléaire, le Canada et les États-Unis sont en train de mettre au point de petits réacteurs modulaires de nouvelle génération en vue de les déployer dans des lieux peu adaptés aux grandes centrales classiques. Ces petits réacteurs modulaires conviennent mieux aux collectivités isolées, notamment celles du Grand Nord, où les lignes de transport d’électricité et la capacité du réseau sont insuffisantes.

Est-il difficile d’extraire de l’uranium?
Il existe trois grandes méthodes d’extraction de l’uranium :
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- Récupération in situ – Il s’agit de la méthode la moins coûteuse, mais elle n’est possible que si l’uranium est renfermé dans des formations de grès. Des puits sont forés dans le sol. On y injecte ensuite un agent complexant (en général de l’acide sulfurique) et dans certains cas, un oxydant, puis on pompe une solution dont on extrait ensuite l’uranium. Cette méthode, utilisée pour plus de la moitié de la production mondiale, présente l’avantage de ne produire aucun des résidus problématiques souvent associés à d’autres procédés d’extraction minière.
- Extraction à ciel ouvert – Cette méthode permet d’extraire l’uranium à moins de 300 mètres de profondeur. Le mort-terrain est dégagé, puis le minerai est extrait en couches. On a recours à des explosifs pour briser la roche avant l’extraction de l’uranium et son traitement.
- Extraction souterraine – Ce procédé permet d’extraire des dépôts à forte teneur en uranium à plus de 300 mètres de profondeur. Comme l’exposition à l’uranium radioactif est nocive pour la santé des mineurs, les opérations de forage, de dynamitage et de transport au puits sont presque entièrement automatisées. Au Canada, les deux plus grandes mines d’uranium en exploitation sont souterraines
Les sociétés minières continuent de mettre à l’essai de nouvelles méthodes ou des procédés d’extraction hybrides susceptibles d’être mieux adaptés à certaines conditions géologiques. Ces méthodes comprennent le forage remontant et la récupération in situ souterraine au moyen de la congélation des sols pour limiter les ruissellements ou la contamination du site.
Les méthodes de récupération in situ et d’extraction permettent généralement d’obtenir un concentré orange qu’il faut ensuite enrichir avant de pouvoir l’utiliser dans un réacteur. La Russie est le plus grand transformateur mondial d’uranium concentré en gaz d’hexafluorure et en pastilles de dioxyde d’uranium. Dans le cas des réacteurs CANDU mis au point et utilisés au Canada, il n’est pas nécessaire d’enrichir l’uranium.
Où se trouvent les plus grands gisements d’uranium?
Le Kazakhstan est de loin le premier producteur. En effet, en 2022, il cumulait à lui seul 43 % de la production mondiale. Il est suivi du Canada (15 %), de la Namibie (11 %) et de l’Australie (8 %). L’Australie possède la plupart des réserves d’uranium connues.
Tout le monde semble s’intéresser à l’énergie propre. Cet intérêt a-t-il eu une incidence sur le prix de l’uranium?
Le prix au comptant de l’uranium a atteint un sommet de 136 $ US la livre en 2007. Cette année-là, la demande mondiale avait grimpé en flèche et de nouveaux réacteurs étaient en construction, principalement en Chine. À peu près au même moment, des inondations avaient entraîné la fermeture de Cigar Lake, une grande mine d’uranium de la Saskatchewan. En 2011, le tremblement de terre et le tsunami qui ont frappé le Japon ont provoqué la fusion de trois réacteurs nucléaires à Fukushima, ce qui a entraîné un recul mondial du recours à l’énergie nucléaire. En réaction à ce désastre, le Japon a immédiatement fermé 12 autres centrales et l’Allemagne a décidé de fermer progressivement toutes les siennes. Après ces événements, le prix de l’uranium a chuté à environ 20 $ US la livre pendant plusieurs années. Plus récemment, alors que certains pays (dont le Canada) ont choisi de redémarrer leurs centrales nucléaires, le prix de l’uranium est remonté au-dessus de 50 $ US7.
Malgré un rebond après des creux historiques, le prix de l’uranium doit encore augmenter avant que les sociétés minières n’accroissent leur production, affirme Craig Hutchison. Pour que l’ouverture d’une mine soit rentable aux États-Unis, le prix de l’uranium doit se situer entre 60 et 70 $ US la livre, explique-t-il. Toutefois, même si l’Allemagne et le Japon renoncent à l’énergie nucléaire, il croit que les prix pourraient continuer de monter, car les stocks mondiaux sont à leur plus bas depuis 15 ans.
« Après une décennie, voire plus, à piocher dans les réserves – au point qu’il ne reste que très peu de stocks fongibles à acheter – toute hausse de la demande va faire grimper les prix », affirme-t-il.
La demande mondiale d’uranium s’élève à environ 86 000 tonnes métriques. La capacité de production mondiale n’est actuellement que de 49 000 tonnes métriques. Cet écart est comblé au moyen des réserves détenues par les services publics et les négociants en produits de base, et par le recyclage du combustible usé.
Bien que le prix de l’uranium soit volatil, il n’a que peu d’impact sur la demande des services publics. Les centrales nucléaires nécessitent énormément de capitaux. Sur toute leur durée de vie, le combustible représente moins de 10 % de leur structure de coûts. La plupart de l’uranium se vend dans le cadre de contrats à long terme.
« Je couvre l’uranium depuis plus de 10 ans, explique M. Hutchison. Je dirais qu’il n’a jamais été en meilleure position depuis que j’ai commencé, parce que Fukushima est désormais assez loin derrière nous. »
Historiquement, les accidents nucléaires ont toujours été le principal facteur de fluctuation de la demande. Ces catastrophes suscitent de vives réactions au sein de la population, et certains gouvernements ont décidé de réduire la production d’énergie nucléaire ou d’y renoncer complètement. À l’heure actuelle, les centrales nucléaires en activité situées dans des zones de conflit en Ukraine font peser un risque d’accident élevé, dont les répercussions seraient considérables.
À l’inverse, l’énergie nucléaire a bénéficié d’un soutien au fil des ans en raison des inconvénients que présentent d’autres sources d’énergie, en particulier les combustibles fossiles. Le secteur américain de l’énergie nucléaire a rapidement pris de l’expansion dans les années 1970, après l’embargo des pays arabes et la montée en flèche des prix du pétrole. Aujourd’hui, les gouvernements considèrent l’énergie nucléaire comme un outil de lutte contre les changements climatiques.
Plus de la moitié de l’uranium produit à l’échelle mondiale provient de sociétés d’État situées dans des pays en développement, pour qui la priorité se situe peut-être davantage au niveau de la sécurité de l’approvisionnement que des considérations du marché. La Russie est le plus grand transformateur d’uranium, ce qui a conduit certains clients occidentaux à se mettre en quête de nouvelles chaînes d’approvisionnement.
L’énergie nucléaire est-elle vraiment écologique?
Le nucléaire n’est pas une énergie renouvelable, mais une énergie à faibles émissions de carbone. À ce titre, son utilisation se justifie dans la transition vers un monde carboneutre. Même si leur construction est extrêmement coûteuse, les centrales nucléaires peuvent fournir une énergie de base fiable pendant de nombreuses décennies. Elles complètent des sources d’énergie renouvelable plus intermittentes, sans émettre de gaz à effet de serre.
Bien que la majeure partie de l’offre mondiale d’uranium primaire provienne de sociétés d’État, les producteurs et les fiducies d’uranium physique en Occident mesurent et déclarent généralement leur rendement lié aux facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). « Les facteurs ESG jouent un énorme rôle dans le secteur minier depuis 20 ans, affirme M. Hutchison. Les sociétés minières ont été parmi les premières à réagir à l’égard des facteurs ESG – bien avant la plupart des autres entreprises – parce que sans acceptabilité sociale, c’est tout simplement impossible d’obtenir un permis d’exploitation. » Pour illustrer son propos, il souligne que les sociétés minières qui exercent leurs activités au Canada ont fait des efforts concertés pour signer des ententes sur les répercussions et les avantages avec les Premières Nations dans les régions reculées où l’on trouve habituellement de l’uranium.
Même si le stockage sécuritaire des déchets nucléaires demeure problématique, les méthodes se sont améliorées au fil des ans, et on recycle désormais une plus grande partie du combustible usé.
Comment acheter de l’uranium?
Il existe plusieurs façons d’obtenir une exposition à l’uranium, notamment :
- Les actions de producteurs. Le plus difficile est parfois de trouver des placements axés purement sur l’uranium, et non à la fois sur l’uranium et sur d’autres minerais ou technologies de production d’énergie.
- Les actions de sociétés d’exploration d’uranium. Ces actions sont souvent plus risquées que celles des producteurs, car elles peuvent ne pas générer de revenu et les sites d’exploration peuvent ne jamais devenir des sites d’exploitation. Toutefois, elles peuvent présenter un potentiel de hausse
- Les actions des développeurs de technologies nucléaires.
- Les parts de fonds négociés en bourse (FNB) axés sur l’uranium. Ces fonds investissent dans des sociétés d’exploitation de mines d’uranium, dans des sociétés d’exploration ou plus généralement dans des entreprises de la filière nucléaire. Ils répartissent le risque dans le but de suivre les évolutions du secteur
- L’achat indirect. Même s’il existe des restrictions quant à la quantité d’uranium que vous pouvez détenir directement, vous pouvez investir dans l’uranium physique par l’intermédiaire d’une fiducie ou d’un contrat à terme.
Ce qu’il faut retenir
Si vous croyez en l’avenir de l’énergie nucléaire, vous pouvez peut-être songer à recourir à une ou plusieurs des méthodes décrites dans cet article pour inclure ce sous-secteur dans votre portefeuille de placement. Les placements dans les actions d’uranium comportent un certain nombre de risques propres au secteur. Comme pour tout placement, vous devrez déterminer si ce choix convient à votre portefeuille.
- World Nuclear Association, https://world-nuclear.org/information-library/nuclear-fuel-cycle/mining-of-uranium/world-uranium-mining-production.aspx, consulté le 25 août 2023 ↩
- World Nuclear Association, “Nuclear power in the world today” https://world-nuclear.org/information-library/current-and-future-generation/nuclear-power-in-the-world-today.aspx#:~:text=Nuclear%20energy%20now%20provides%20about,in%20about%20220%20research%20reactors. Consulté le 2 août 2023 ↩
- Office of Nuclear Energy, “Infographic: How much power does a nuclear reactor produce?” https://www.energy.gov/ne/articles/infographic-how-much-power-does-nuclear-reactor-produce#:~:text=Nuclear%20energy%20has%20been%20powering,power%20per%20plant%20on%20average. Consulté le 2 août 2023 ↩
- Office of Nuclear Energy, “How much power is 1 gigawatt?” https://www.energy.gov/eere/articles/how-much-power-1-gigawatt#:~:text=To%20help%20put%20this%20number,Need%20a%20stronger%20visual%3F. Consulté le 2 août 2023 ↩
- Zach Stein, Carbon Collective https://www.carboncollective.co/sustainable-investing/gigawatt-gw#:~:text=Electric%20Vehicle%20Charging%3A%20Electric%20vehicles,of%201%2C000%20kWh%20per%20hour, consulté le 2 août 2023 ↩
- Electric Vehicle Energy Storage Company, https://www.power-sonic.com/blog/the-ultimate-guide-to-dc-fast-charging/#:~:text=HOW%20MANY%20KW%20IS%20A,15%20kW%20to%20350%20kW, consulté le 3 août 2023 ↩
- World Nuclear News, Refurbished Candus make headway towards restart https://world-nuclear-news.org/Articles/Refurbished-Candus-make-headway-towards-restart, consulté le 3 août 2023 ↩