Si vous détenez un compte bancaire avec un parent ou un proche, vous devrez peut-être produire une déclaration T3 au cours de la prochaine période des impôts. Désormais, certains comptes conjoints seront considérés comme des « fiducies simples ». Selon les nouvelles règles de l’ARC, il faut désormais produire une déclaration pour ces fiducies. Nicole Ewing, directrice, Planification fiscale et successorale à Gestion de patrimoine TD, se joint à Kim Parlee pour nous éclairer à ce sujet.
*Le 12 mars, l’Agence du revenu du Canada (ARC) a fourni certaines précisions concernant l’allègement de la pénalité imposée à une simple fiducie qui produit sa déclaration T3 et fournit l’annexe 15 dûment remplie après la date limite du 2 avril 2024. L’ARC renoncera à cette pénalité de retard pour l’année d’imposition 2023 sauf pour les retards dus à une faute lourde. Cependant, une pénalité pour faute lourde sera appliquée uniquement dans les « cas flagrants » dans le cadre de mesures d’observation, comme une vérification.
*Le 28 mars, l’Agence du revenu du Canada (ARC) a annoncé qu’elle n’exigera pas que les simples fiducies produisent une déclaration T3 pour l’année d’imposition 2023. Pour de plus amples renseignements, visitez le site de l’ARC.
Une simple fiducie ou une fiducie nue, c’est quand le nom de quelqu’un figure sur un titre de propriété légal mais que la propriété est détenue au profit de quelqu’un d’autre. On a donc un fiduciaire et un bénéficiaire. Mais le fiduciaire n’a aucune responsabilité, devoir ou obligation à l’égard du bien, autre que de le transférer sur les directives du bénéficiaire. Essentiellement, il s’agit donc de quelqu’un qui détient la propriété juridique sans avoir de droit bénéficiaire à l’égard du bien. On parle de fiducie nue, parce qu’elle est dénuée de toute responsabilité.
Il peut y avoir un document comme une convention de simple fiducie, un contrat de prête-nom, une convention de mandat, une déclaration de simple fiducie, ou il peut simplement s’agir d’une entente verbale. Ce n’est pas parce qu’un document porte la mention « simple fiducie » que cette mesure va s’appliquer à vous. Tout dépend vraiment des faits et des circonstances.
Souvent, les gens n’imaginent pas que ce type de chose constitue une fiducie, alors que c’est parfois le cas. Par exemple, détenir un compte conjoint avec un parent pour faciliter la planification de l’homologation, figurer sur un titre de propriété pour éviter le droit de mutation immobilière, détenir une propriété pour le compte d’un enfant mineur qui n’a pas encore la capacité juridique de gérer cet actif. Dans le cas d’une réorganisation d’entreprise, il va y avoir toute une série de transferts de titres de propriété, et on va avoir recours à une simple fiducie pour faciliter l’ensemble du processus. C’est peut-être quelque chose que vous avez mis en place par commodité ou à des fins administratives, sans vous dire qu’il s’agit d’une fiducie.
Oui. Je suis sûre que beaucoup de gens ont les oreilles qui se dressent parce qu’ils ont un compte conjoint avec un parent pour l’aider à payer ses factures. Est-ce que cette règle les concerne? C’est ce qu’on va voir. Mais soyons clairs. Pour les simples fiducies qui existaient déjà, il n’était pas nécessaire de produire un T3. Maintenant, c’est obligatoire.
Tout à fait. Avant l’entrée en vigueur de cette nouvelle loi, il n’y avait aucune obligation de déclarer une simple fiducie. Et quand on y pense, c’est logique parce que la personne ne joue qu’un rôle d’intermédiaire. Tout revenu est automatiquement attribué au bénéficiaire. Mais avec cette loi, elles sont explicitement incluses. Notez que la loi ne parle pas de « simple fiducie ». C’est le site Web de l’ARC qui y fait référence. La loi en tant que telle n’utilise pas ce terme. Elle décrit un arrangement aux termes duquel la fiducie peut raisonnablement être considérée comme agissant à titre de mandataire pour son bénéficiaire en ce qui concerne toutes les transactions à l’égard de tous les biens de la fiducie. C’est pourquoi les simples fiducies sont maintenant visées. Elles ont été explicitement incluses.
D’accord. Par ailleurs, cette mesure s’applique à l’année d’imposition 2023. Autrement dit, quand vous allez produire votre déclaration pour l’année écoulée, vous allez devoir faire cette déclaration.
Oui, en effet. Toutes les fiducies dont l’année d’imposition se termine au 31 décembre ou avant sont concernées, et ça s’applique à l’année d’imposition 2023. La date limite de déclaration est le 30 mars, mais comme le 30 tombe une fin de semaine, l’échéance est repoussée au 2 avril 2024 pour les fiducies de 2023.
Venons-en à ma question du tout début. Si quelqu’un a un compte conjoint, dans quels cas le compte peut-il être considéré comme une simple fiducie?
Quand on pense la manière dont les comptes conjoints sont établis, il arrive souvent que quelqu’un détienne la propriété juridique, que son nom figure sur le compte, mais qu’il n’ait aucun intérêt bénéficiaire. Il y a beaucoup de subtilités et de questions de fait qui entrent en ligne de compte, mais pour l’essentiel, on considère qu’il y a une relation de fiducie, c’est-à-dire que la personne figure sur le compte, qu’elle a une obligation légale à l’égard de ce compte, sans toutefois avoir d’intérêt bénéficiaire. Très souvent, les parents ajoutent un enfant adulte au compte. Ce genre de compte est désormais concerné.
Est-ce que tous les comptes conjoints sont considérés comme de simples fiducies? Vous dites qu’il y a beaucoup de subtilités. Est-ce qu’il y a des lignes directrices?
Il y en a, mais c’est très difficile à déterminer. C’est un domaine très subtil du droit. On a des lois et beaucoup de jurisprudence qui sont difficiles à concilier. On a des fiducies aux fins de l’impôt et d’autres aux fins des lois sur les fiducies, et ce n’est pas forcément la même chose. Mais en ce qui concerne les comptes conjoints en particulier, si vous et votre conjoint avez un véritable compte conjoint dont vous êtes tous deux propriétaires, que vous avez tous les deux un intérêt bénéficiaire, alors non, il n’y aura pas de relation de fiducie.
Par contre, si vous avez un enfant adulte sur un compte en fiducie, on présume, en vertu des lois sur les fiducies, qu’il s’agit d’une fiducie. Il y a des différences entre les fiducies résultoires et les fiducies explicites. On entre dans les détails et il y a encore beaucoup de débats sur la question de savoir où se situe la limite. Mais pour le moment, il n’y a pas de règles fermes et définitives.
L’ARC dit qu’a priori, cette mesure ne concernera pas les fiducies résultoires. Mais pour ces types de comptes conjoints, ça reste difficile à déterminer. Même les fiscalistes, les avocats et les comptables à qui j’en parle tous les jours depuis des mois ne s’entendent pas tous sur ce point. Si vous n’êtes pas spécialiste et que vous avez un compte conjoint avec un parent, partez du principe qu’on présumera qu’il s’agit d’une relation de fiducie dans le cadre des règles de déclaration.
Pour clarifier, ce n’est pas parce que vous devez produire une déclaration T3 que vous devrez payer de l’impôt? Je sais qu’il y aura - parce que vous me l’avez dit avant l’émission – il y aura des pénalités si vous ne produisez pas de déclaration T3.
Tout à fait. C’est vraiment étrange, parce que vous devez faire une déclaration. Vous n’avez pas d’impôt à payer à l’égard de ces comptes. Vous n’avez même pas besoin de déclarer ce qui est détenu en fiducie dans ces comptes. Mais si vous ne les déclarez pas, vous vous exposez à de très lourdes pénalités.
C’est pourquoi on se dit que par défaut, il faut déclarer. La pénalité s’élève au montant le plus élevé entre 2 500 $ ou 5 % de la valeur marchande la plus élevée des actifs de la fiducie au cours de l’année. C’est beaucoup, 5 %, selon ce qu’on détient en fiducie. En cas de doute, on peut bien sûr obtenir l’avis d’un expert, mais par défaut, la meilleure recommandation serait d’être prudent et de déclarer, parce que les pénalités sont très élevées.
Oui. C’est un énorme. Pour terminer...
Kim, excusez-moi. Pardon. Je dois préciser que l’ARC a reconnu que cette règle est très déroutante et que personne n’est vraiment au courant de ce qui se passe ou même de l’existence de ces règles. Elle a fait une concession administrative pour la déclaration des revenus de 2023. L’ARC n’imposera pas de pénalités pour cette année, tant que l’absence de déclaration n’est pas intentionnelle ou le fruit d’une négligence grave, tant que vous n’avez pas simplement décidé de ne pas déclarer. Mais si vous ne saviez vraiment pas que vous étiez soumis à cette obligation, il n’y aura pas de pénalités pour cette année. Mais il est certain qu’à l’avenir, ces règles s’appliqueront.
Pour terminer, pour savoir si on doit déclarer ou non, je suppose qu’il faut vraiment en parler à quelqu’un et tenir compte de l’ensemble de la situation financière.
Oui, tout à fait. C’est là que vous devez travailler avec vos conseillers fiscaux, vos conseillers en placement et vos conseillers en gestion de patrimoine pour savoir comment vos comptes sont détenus, quels documents vous avez mis en place et quelle était votre intention à l’origine. S’il y a un côté positif à cette nouvelle règle, c’est peut-être que les options de planification plus informelles auxquelles les gens avaient recours sans en mesurer pleinement les retombées juridiques seront moins fréquentes à l’avenir. Pour l’instant, on doit tous travailler avec nos experts fiscaux et nos experts financiers pour mieux déterminer quelles sont nos obligations, et ensuite déclarer ce qu’il faut déclarer.
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