Si vous n’aviez qu’une seule leçon à retenir, c’est de vous fier à votre instinct! Bien des gens se fient à raison à ce qu’ils ressentent au fond de leurs tripes au moment de déterminer ce qui est bien ou mal, de faire leur choix de carrière ou encore de choisir un partenaire de vie. Mais l’instinct n’a rien de magique: il nous dicte la voie à suivre selon notre personnalité et nos réactions passées. Il nous aide à naviguer à travers les aléas de la vie, mais peut aussi nous induire en erreur, surtout en ce qui a trait aux placements.
Chaque personne a des schémas de pensée qui peuvent influencer son jugement et qui vont parfois à l’encontre de son intérêt. Peu importe notre niveau d’intelligence ou notre compréhension du marché, souvent notre cerveau n’en fait qu’à sa tête et nous pousse à agir d’une façon qui nuit à la croissance de nos placements.
Dans les dernières décennies, le domaine de la finance comportementale, soit l’étude de l’impact de nos influences psychologiques sur nos décisions financières, a explosé. Tout le monde souhaite en savoir plus sur les puissants angles morts financiers qui peuvent jouer sur notre façon d’investir. En découvrant ce qui affecte nos décisions, comme la raison pour laquelle nous sentons le besoin de vendre lorsque le marché recule, nous pourrons prendre de meilleures décisions de placement.
Bien que les recherches aient révélé plus de 100 angles morts qui peuvent influer sur notre prise de décisions, il y en a quatre principaux que tout le monde se doit de connaître.
1. Le biais de confirmation
Lorsque vos convictions l’emportent sur la réalité.
Imaginez un instant croire que toutes les personnes qui portent des lunettes rouges sont plus intelligentes que celles qui portent des lunettes vertes. Vous l’avez peut-être lu quelque part, et cela vous semblait logique, même si beaucoup de preuves indiquent que la couleur des lunettes d’une personne n’a aucune incidence sur son intelligence. Un jour, vous discutez avec une personne qui – coup de théâtre! – porte des lunettes rouges. Tout ce qu’elle vous raconte vous semble intelligent et vrai. C’est ce qu’on appelle un biais de confirmation. Les gens ont tendance à rechercher et à privilégier l’information qui appuie leurs convictions. Bien que ce phénomène aide les gens à trouver un sens à la vie sans avoir à analyser chaque chose, il engendre aussi une étroitesse d’esprit qui les amène à sélectionner les renseignements qui confirment leurs croyances. Quand il est question d’argent, ce biais peut poser problème. Par exemple, une personne qui admire aveuglément le chef de la direction d’une entreprise pourrait ne pas voir ses erreurs. D’accord, les revenus de l’entreprise sont en baisse, mais ce dirigeant-vedette saura redresser la situation.
Et détenir un solide plan de placement ne vous met pas à l’abri du biais de confirmation. En fait, vous pourriez finir par vous accrocher à ce plan même si votre jugement vous dicte d’agir autrement. Une étude parue en 2018 dans l’International Journal of Economics and Finance explique ce phénomène : « Les gens tendent à coller à leur thèse de placement et ne veulent pas prendre en considération ou accepter des preuves indiquant qu’ils se trompent. Ils font donc des paris spéculatifs et conservent ces placements, même s’ils affichent une tendance baissière. »
Il est possible de contourner ce problème, mais cela exige un certain travail mental. Pour y arriver, réfléchissez d’abord à vos valeurs et à vos hypothèses financières, puis reconnaissez leur incidence possible sur votre stratégie de placement. Cherchez ensuite des sources d’information variées présentant des idées qui pourraient différer des vôtres. Méfiez-vous des médias sociaux : une étude sur les sites de discussion pour les investisseurs a révélé que, parmi plus de 500 réponses en ligne, bon nombre présentaient des caractéristiques de biais de confirmation qui ont entraîné une confiance excessive accrue, des opérations plus fréquentes et, en fin de compte, des rendements plus faibles. Faites des recherches sur tous les aspects d’un placement, même ceux que vous préféreriez ignorer.

2. L’enlisement perpétuel
Lorsque nous supposons qu’une réussite ou un échec se produira de nouveau.
Si ça a fonctionné une fois, ça fonctionnera de nouveau, non? Voilà ce qu’on appelle la « disponibilité heuristique », c’est-à-dire lorsque les gens supposent qu’une réussite ou un échec passé se reproduira forcément. Vous pourriez vous limiter aux obligations parce qu’elles se sont bien comportées l’an dernier, ou bien éviter un marché émergent parce que vous y avez déjà perdu.
D’autres termes également pertinents, comme l’« effet de récence », font référence à notre tendance à nous appuyer sur des situations et des exemples récents pour orienter nos comportements, plutôt que sur des tendances à long terme ou des données vérifiables. Cette façon de faire peut être particulièrement bancale. Selon une étude réalisée en 2021, les investisseurs ont tendance à mal se souvenir de leurs rendements passés. Nos rendements sont en réalité moins élevés que dans nos souvenirs et nous oublions nos pertes.
Pour éviter la disponibilité heuristique, il faut s’en tenir aux données. Plutôt que de choisir des produits de placement en fonction du rendement de l’an dernier ou parce qu’ils ont toujours semblé convenir à vos parents, appuyez-vous sur des mesures fiables, comme le ratio cours-bénéfice, la croissance des bénéfices et les rendements en dividendes, et tenez toujours compte des nouvelles données. Ce n’est pas facile. Si quelqu’un vous suggère une stratégie avec laquelle nous n’êtes pas à l’aise, vous pourriez ressentir une grande appréhension. Surmontez ce sentiment.
3. La peur des pertes
Nous avons tendance à nous préoccuper davantage des pertes que des gains.
Qu’est-ce qui vous rend le plus fébrile: l’idée de perdre 20 % de votre argent ou celle de réaliser un profit de 20 %? Selon la science, la réponse est presque toujours la même : perdre de l’argent. Les gens ont tendance à être beaucoup plus contrariés par les pertes qu’ils ne sont emballés par les gains. Cette tendance mène à une aversion pour les pertes. En d’autres mots, les gens font tout ce qu’ils peuvent pour éviter les pertes, souvent au détriment de la croissance.
L’aversion aux pertes consiste notamment à conserver des placements garantis et extrêmement prudents plutôt que d’opter pour des produits légèrement plus risqués, mais pouvant offrir de meilleurs rendements. Par exemple, si le cours d’une action commence à fléchir sous l’influence des mauvais résultats de l’entreprise (plutôt qu’en raison d’un repli normal du marché), alors une personne pourrait s’y accrocher comme si sa vie en dépendait, croyant qu’elle enregistra une perte réelle seulement à sa vente. À l’inverse, un titre pourrait commencer à grimper légèrement, mais un investisseur pourrait s’en départir immédiatement, craignant que le cours de l’action ne baisse. Ce faisant, il pourrait passer à côté de gains à long terme.
N’oubliez pas que les placements fluctuent, mais que les marchés boursiers ont tendance à progresser à long terme. Selon une étude, trop s’attarder aux prévisions peut exacerber le problème. Si cela vous semble problématique, tenez-vous-en aux principes de base des placements: diversifiez vos placements de façon à ce que lorsqu’un titre baisse, un autre puisse grimper; faites des recherches pour vous assurer que vos achats respectent votre philosophie de placement; et faites preuve d’une plus grande prudence avec vos placements à court terme, même si vous avez tendance à prendre plus de risques à long terme. Autre conseil: regardez le rendement de votre portefeuille à long terme. Le marché a peut-être reculé de 10 % au cours d’une semaine, mais si vous regardez les chiffres des trois à cinq années précédentes, il est fort probable que votre épargne aura largement dépassé le creux enregistré récemment.
4. Le piège de la familiarité
Les gens ont tendance à faire ce qui leur semble familier.
Nous sommes des êtres d’habitudes : nous mangeons le même repas chaque dimanche soir, nous visitons les mêmes endroits pendant les vacances et, lorsqu’il s’agit d’investir, nous nous en tenons aux placements et aux stratégies que nous connaissons bien. Le problème? Nous finissons par ignorer les sociétés, les approches et les autres produits de placement qui pourraient produire de meilleurs résultats. Les placements hors de notre zone de confort nous rendent mal à l’aise, nous semblent trop risqués ou même carrément étranges.
Un bon exemple de l’angle mort lié à la familiarité est ce qu’on appelle la « préférence nationale », soit la tendance à préférer les sociétés de son propre pays. Par exemple, beaucoup d’entre nous investissons la majorité de nos actifs dans des actions canadiennes, même si le pays ne représente que 3 % des marchés financiers mondiaux. Pourquoi? Parce que nous sommes généralement plus à l’aise d’investir dans des secteurs et des sociétés que nous connaissons bien. Les Services économiques TD ont également constaté que les investisseurs de l’Alberta détiennent plus d’actions du secteur de l’énergie que ceux d’autres provinces, tandis que les investisseurs de l’Ontario sont ceux qui détiennent le plus d’actions du secteur des services financiers au pays.
Bien que la préférence nationale ne soit pas nécessairement une mauvaise chose en soi – Warren Buffett a souvent dit d’investir dans ce que l’on connaît –, il ne faut pas bâtir toute une stratégie uniquement sur ce qui vous est familier. Autrement, vous pourriez trop investir dans un même secteur ou une même région.
Comme c’est souvent le cas pour surmonter les angles morts, la diversification pourrait être une solution. Si vous souhaitez ajouter une action ou un type de fonds à votre composition de l’actif, songez à le faire graduellement. De cette façon, si ce nouvel actif chute, alors vos autres actifs devraient au moins compenser les pertes. Une fois que vous aurez vu le fonctionnement d’une stratégie ou d’un placement, vous pourrez en accroître l’exposition.
Il est difficile de surmonter ces angles morts du jour au lendemain. Y arriver demande des efforts graduels et sérieux. Si vous souhaitez investir et faire croître vos avoirs, demandez-vous ce qui vous empêche de réaliser votre plein potentiel.