La construction d’une terrasse peut-elle aider à comprendre l’économie?
À l’occasion, les consommateurs constatent de première main la façon dont les lois de l’économie fonctionnent. Ils s’en rendent compte à la station-service, mais aussi, de plus en plus, à la quincaillerie. Tout au long de 2021, le marché du bois d’œuvre a connu de violentes fluctuations en raison de l’offre et de la demande. Tout le monde semblait vouloir construire, la demande dépassant ainsi l’offre en plein milieu d’une pandémie. En mai 2021, le coût de 1 000 pieds-planches de bois d’œuvre avait grimpé à 1 686 $ US. En septembre, il avait chuté pour s’établir à moins de 600 $ US. Au moment de la présente publication, il s’établissait en deçà de 700 $ US. Cette nouvelle pourrait être prometteuse pour qui veut construire une terrasse. Cependant, pour un investisseur, les perspectives ne sont pas aussi claires.
Mille pieds-planches… Qu’est-ce que ça représente exactement?
Les ingénieux mathématiciens de l’Université de Regina ont trouvé une façon de visualiser le coût de 1 000 pieds-planches de bois d’œuvre. Selon leur calcul, un 2 x 4 de 16 pieds équivaut à environ sept pieds-planches. Le graphique ci-après montre à quoi ressemble le prix de gros de cette pièce traditionnelle (c’est-à-dire sans la marge de détail).
Ainsi, quand le bois d’œuvre se négociait à 1 686 $ US par 1 000 pieds-planches, le prix de gros pour une terrasse de 200 pieds carrés était d’environ 2 300 $ US. Si le prix baissait pour revenir à 500 $ US par 1 000 pieds-planches, le prix de gros pour cette même terrasse diminuerait à environ 1 600 $ US.
Il y a clairement une forte demande pour le bois d’œuvre. Mais, est-ce que l’offre est insuffisante?
Non, les arbres sont toujours aussi nombreux. Toutefois, le principal facteur au cours de la dernière année n’a pas été une offre insuffisante, mais un goulot d’étranglement au niveau de la transformation du bois. Le problème remonte à mars 2020, quand le Conseil canadien des industries forestières a annoncé que des clients de scieries et producteurs de bois d’œuvre voulaient annuler leurs commandes. Les scieries ont donc anticipé que la pandémie mènerait à une diminution ou un arrêt des travaux de construction (terrasses ou autres) lié à la pandémie, et ont décidé de réduire leur production. Cependant, après quelques mois d’incertitude considérable dans le secteur de la construction résidentielle, ce dernier a été désigné comme service essentiel. De nombreux projets ont donc repris soudainement, et la demande a fortement remonté, ce qui a marqué le début d’une guerre entre l’offre et la demande.
Malgré l’importance du goulot d’étranglement de la production de bois, ce n’est qu’un des nombreux facteurs qui influent sur la volatilité des prix. Même après l’augmentation de la production des scieries, il était difficile de livrer le bois aux clients en Amérique du Nord, les frontières étant fermées. Il en a résulté un déséquilibre entre l’offre et la demande, ce qui a perturbé toutes les étapes de la chaîne, de l’usinage à la livraison.
La réponse est simple : l’augmentation est considérable. Selon une étude menée par l’Association canadienne des constructeurs d’habitations, la hausse des prix du bois d’œuvre pourrait avoir ajouté entre 10 000 $ et 30 000 $ au coût de chaque nouvelle maison. (Fait intéressant : La construction d’une maison de taille moyenne nécessite environ 16 000 pieds-planches de bois d’œuvre.) L’étude a sondé les promoteurs immobiliers, selon qui les coûts de construction directement attribuables au bois d’œuvre ont augmenté de 19 254 $ en moyenne par maison. Près de la moitié des répondants ont déclaré avoir retardé les préventes et projets en raison de la volatilité du prix de nombreux matériaux de construction, ce qui pourrait avoir un impact important sur l’offre de logements future. Vous voyez bien où cela mène : la hausse du prix du bois d’œuvre peut vous amener à reconsidérer votre projet de rénovation, mais la hausse des coûts peut également avoir d’importantes répercussions sur l’économie.
La demande de bois d’œuvre restera-t-elle élevée?
Dans le domaine de l’économie, un indicateur avancé est ce qui se rapproche le plus d’une boule de cristal. C’est en fait une donnée mesurable qui semble correspondre à un événement ou à une tendance à venir dans le monde des affaires. L’un des indicateurs avancés privilégiés par les analystes en placement est la valeur totale des permis de construction délivrés chaque mois. La variation de cette valeur donne un aperçu de la demande future pour des matériaux de construction comme le bois d’œuvre. Pas besoin d’un diplôme en économie pour comprendre ces données mensuelles! Les permis de construction indiquent l’intention de construire et, par conséquent, celle d’acheter les matériaux nécessaires. La valeur des permis de construction augmente? Les entrepreneurs devront acheter plus de bois d’œuvre. Elle diminue? La demande pourrait connaître une baisse.
À part la chaîne d’approvisionnement, quels autres facteurs influent sur le secteur forestier?
Les préoccupations à l’égard de la concurrence et de la détermination d’un juste prix peuvent avoir des répercussions sur les accords commerciaux, ce qui a un effet sur les prix. Par exemple, le Canada et les États-Unis se livrent à une lutte au sujet du bois d’œuvre depuis des années. Les producteurs de bois d’œuvre américains soutiennent que la production canadienne de bois d’œuvre est subventionnée par le gouvernement, donc que les scieries canadiennes vendent du bois aux Américains à un prix inférieur à la valeur marchande. Cette situation s’explique par le fait que le gouvernement détient la plupart des forêts (les terres de la Couronne) et que les entreprises n’achètent que le droit d’abattre du bois sur ces terres. Les sociétés forestières américaines soutiennent qu’il est moins coûteux de louer des terrains forestiers exploitables que de les détenir; la simple location représenterait donc, selon elles, un avantage déloyal. Comme dans le cas de tout différend, les enjeux ne sont pas toujours clairs. Du point de vue des producteurs canadiens, le gouvernement canadien (et, par extension, la population canadienne) détient les terres de la Couronne et peut imposer des règlements pour que les préoccupations en matière d’environnement et de durabilité soient prises en compte. Par exemple, le gouvernement peut imposer (et le fait) des protocoles d’abattage et de reboisement. Les producteurs canadiens soutiennent que le coût pour respecter ce type de réglementation a également des conséquences sur la rentabilité.
Autre facteur? Aux États-Unis, les droits de douane ne sont pas appuyés par tous. La U.S. National Association of Home Builders s’est toujours opposée aux droits de douane sur le bois d’œuvre, car la hausse des coûts de construction nuit à l’abordabilité du logement.
Qu’en est-il de la durabilité? Les arbres ne contribuent-ils pas à la protection de l’environnement?
Bien sûr que si et c’est l’une des raisons pour lesquelles, en 2015, le Canada a adopté le Programme à l’horizon 2030 des Nations Unies qui prévoit des objectifs de développement durable (ODD). Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et les intervenants du secteur soutiennent les objectifs mondiaux des Nations Unies relatifs aux forêts, car les forêts font partie intégrante d’un bien-être durable. Les arbres purifient l’air et l’eau, fournissent de l’énergie renouvelable, du bois, des emplois et des avantages liés aux loisirs et à la culture (qui ne voudrait pas d’un bain de forêt?).
L’aménagement durable des forêts est un moyen de les exploiter et d’en prendre soin pour maintenir leur valeur environnementale, sociale et économique au fil du temps. Les Nations Unies considèrent le Canada comme un chef de file mondial de l’aménagement durable des forêts, car la méthode est appliquée à l’ensemble des forêts publiques canadiennes, qui représentent environ 91 % des forêts. L’ONU note que la coupe annuelle de bois touche moins de 0,5 % de la superficie forestière totale et représente environ 25 milliards de dollars pour l’économie canadienne.
Tous les pays possédant des ressources en bois n’ont pas adopté les objectifs mondiaux relatifs aux forêts de l’ONU, et c’est un facteur à considérer pour qui envisage d’investir dans ce secteur.
Alors, pour investir dans ce secteur, que faut-il faire?
Pour quelque secteur que ce soit, les investisseurs choisissent pour leur portefeuille les actions de certaines sociétés en particulier ou un panier d’actions similaires regroupées dans un FNB ou FCP. Au-delà de la catégorie d’actif, il y a plusieurs façons d’analyser le type de société susceptible de profiter de perspectives stables pour le bois d’œuvre. Les investisseurs peuvent faire des recherches sur certaines sociétés forestières ou en périphérie de ce secteur. Par exemple, bien qu’il soit possible que l’action d’un producteur de bois d’œuvre ne convienne pas aux objectifs généraux d’un portefeuille, l’achat du titre d’une société qui a fait ses preuves en rénovation et construction résidentielle pourrait respecter les objectifs de placement. Et n’oubliez pas que les sociétés de ce genre pourraient en fait profiter de la baisse du prix du bois d’œuvre Les investisseurs pourraient également se tourner vers les fiducies de placement immobilier (FPI), qui peuvent profiter de la vigueur du secteur de la construction.
En conclusion? Qu’est-ce que cela signifie pour les sociétés forestières?
Après plusieurs années de faibles prix et de minces marges bénéficiaires, la vigueur de la demande et le prix élevé du bois d’œuvre sont certainement favorables au secteur forestier. À mesure que la pandémie se résorbera et que l’acheminement de la production des scieries aux clients sera plus facile, l’offre pourrait devenir plus stable. Les investisseurs qui envisagent d’inclure une société forestière dans leur portefeuille devraient surveiller de près les facteurs qui aideront à soutenir la demande ou qui lui nuiront. Il faut donc surveiller les données comme l’offre de logements et la variation des taux d’intérêt. Que vous considériez rénover ou diversifier votre portefeuille, une bonne compréhension du prix du bois d’œuvre peut vous donner de précieux renseignements sur ce secteur et sur la santé de l’économie. Voilà qui, en général, peut vous aider à prendre de bonnes décisions de placement.