
Anthony Okolie récapitule les faits saillants de la journée, notamment les dernières nouvelles sur la COVID-19. Puis, Kim Parlee et Frank McKenna, président suppléant, Services bancaires de gros, Valeurs Mobilières TD, discutent de la réponse du gouvernement à la pandémie, des défis du secteur pétrolier canadien et des chaînes d’approvisionnement mondiales.
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Bonjour et bienvenue au bulletin quotidien COVID-19 MoneyTalk du lundi 27 avril. Je m’appelle Anthony Okolie. Dans quelques minutes, Kim Parlee s’entretiendra avec Frank McKenna, ancien ambassadeur du Canada aux États-Unis et président suppléant, Services bancaires de gros, Valeurs Mobilières TD, pour lui demander son avis sur la pandémie, la réponse du gouvernement et les relations entre les États-Unis et le Canada. Mais voici d’abord un résumé des nouvelles sur les marchés d’aujourd’hui. Le programme de subventions salariales pour les entreprises du gouvernement fédéral, qui s’élève à 73 G$, commence aujourd’hui. Les entreprises admissibles recevront une subvention équivalant à 75 % des salaires de leurs employés. Le programme est rétroactif au 15 mars et s’étend jusqu’au 6 juin. Ottawa prévoit qu’un million d’entreprises présenteront une demande pour bénéficier de cette mesure. Par ailleurs, le programme américain de protection des salaires, qui a reçu une nouvelle injection de plus de 300 G$ du Congrès la semaine dernière, devrait redémarrer lundi matin. Le programme, qui s’élevait au départ à 350 G$, a rapidement épuisé tous ses fonds. Les membres de la Réserve fédérale américaine se réunissent mardi et mercredi, après avoir abaissé les taux à une valeur presque nulle à la mi-mars. Dans un avenir rapproché, on s’attend à ce que ces taux demeurent inchangés. L’engagement entre l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et la Russie à réduire la production de barils commencera dans quelques jours, mais le prix du pétrole brut demeure sous pression. Le prix du baril s’est effondré sous la barre des 13 $ US, alors que les investisseurs s’inquiètent du manque de capacité de stockage. Enfin, en raison de la pandémie de COVID-19 qui continue de nuire à la demande mondiale, Apple retarde d’environ un mois la production de ses nouveaux iPhone dont la mise en marché est prévue plus tard cette année. Ça fait le tour des nouvelles du jour. Ici, Anthony Okolie. Et maintenant, l’entretien de Kim Parlee avec Frank McKenna.
[MUSIQUE]
Frank, j’aimerais commencer par-- Je sais que vous êtes en contact avec nombre de chefs d’entreprise et de gouvernement. Selon vous, où en est-on rendu avec la pandémie en ce moment?
Eh bien, je pense qu’on est rendu au milieu de la crise. La situation varie d’un pays à l’autre. La Chine a traversé la tempête. Elle a déjà déployé son processus de réouverture, alors que l’Autriche vient de commencer de le faire, tout comme l’Allemagne, selon moi.
Au Canada, on est en train d’atteindre le pic dans les grandes agglomérations. Je dirais que les deux extrémités, la côte Est et la côte Ouest, ont dépassé cette phase et sont plus près de la phase de réouverture.
Qu’en pensez-vous... Il est encore un peu tôt. Je pense qu’il est probablement trop tôt pour commencer à tirer des leçons de la situation jusqu’à présent; après tout, on est encore au cœur de la crise. Excusez-moi, mais je vais tout de même vous le demander. Quelles leçons a-t-on apprises jusqu’à présent, selon vous?
Eh bien, c’est qu’on a jamais vraiment été prêt. Ça, c’est la première constatation, et c’est valable pour la planète toute entière, le Canada y compris. Deuxièmement, je pense qu’on a appris que, quand ça va mal, notre pays se sert les coudes.
Les gens ont mis leurs croyances politiques de côté; ce qui n’est pas le cas partout, alors c’est formidable. Comme on l’a fait lors des négociations pour l’Accord de libre-échange avec les É.-U., on a parlé d’une seule voix pour le bien du pays. Je pense que ça a été une bonne expérience aussi.
On a aussi appris qu’on ne s’était pas bien occupé de nos citoyens les plus vulnérables. Je parle des personnes dans les CHSLD. Je dirais que c’est la pire ombre au tableau, au Canada... Vous savez que la moitié des personnes décédées du pays viennent d’un milieu institutionnel! Ça ne donne pas une bonne image de notre pays. On doit apprendre de ça.
Frank, vous parlez des personnes âgées. Et c’est déchirant de voir à quel point elles sont touchées par la crise. Quand on pense à notre population vulnérable, je crois que ça souligne aussi la réelle disparité qu’il y a entre ceux dont on prend soin ou qui peuvent prendre soin d’eux-mêmes et les autres.
Oui, vous avez absolument raison. Dans le cas des personnes âgées institutionnalisées, on doit absolument en prendre mieux soin en tant que pays. On doit faire mieux. Mais il y a d’autres populations vulnérables. Les sans-abri, par exemple. Et les personnes souffrant d’une dépendance.
Mais il y a aussi toutes les personnes qui ont des problèmes de santé sous-jacents! Parfois, ceux-ci sont liés à leur situation socioéconomique. Par exemple, on retrouve plus de personnes obèses ou diabétiques au sein de certaines cohortes de notre population.
Et c’est une leçon à retenir, comme si on avait besoin de ça. Plus on pourra en faire pour éliminer les inégalités dans notre économie, mieux ce sera. Parce que ceux qui ont une meilleure situation socioéconomique ont, en général, une meilleure santé.
J’aimerais qu’on parle, si on le peut, de-- Et encore une fois, il est peut-être un peu tôt pour en parler, mais que va-t-il se passer quand on va arriver à une nouvelle normalité, ou anormalité, je devrais dire? Où se situera le Canada? On entend dire toutes sortes de choses, entre autres, que les chaînes d’approvisionnement vont changer et que la mondialisation sera moins importante. C’est comme rien, ça va avoir d’importantes répercussions sur notre économie. Qu’est-ce que les leaders vous disent?
Eh bien, on me dit que ceux qui prétendent savoir ce qui va se passer ne le savent pas, parce que personne ne le sait. On pourrait par exemple prétendre qu’on a appris à vivre en isolement social, à commander notre repas du resto et à visionner des séries sur Netflix.
Une personne pourrait dire ça. Une autre pourrait dire exactement le contraire, c’est-à-dire qu’on a hâte de voir des gens, d’aller au cinéma, d’aller au restaurant et de déguster un verre de vin avec des amis.
Je pense donc que, à la fin de la crise, s’il y a un certain retour à la normale, cela voudra dire que les gens veulent reprendre leurs activités habituelles.
Et sur le plan politique? Des personnes laissent entendre que certains fossés ne feront que s’accentuer. Une personne me disait l’autre jour qu’il y avait une certaine rivalité entre les États-Unis et la Chine, et que celle-ci devrait s’intensifier. Cela entraînera sûrement quelques changements sur la scène politique.
Oui, mais ça ne découlera pas uniquement de la pandémie. C’est de la pure distorsion de la part du Président Trump. En ce moment -- Il appuyait sa campagne sur la force de l’économie américaine... invitant les citoyens à voter pour lui pour cette raison. C’est ce qu’on fait. On essaie de faire de l’économie un enjeu électoral.
Mais comme le bateau économique prend l’eau, il essaie maintenant de rejeter le blâme sur d’autres parties prenantes. C’est Barack Obama qui est totalement responsable de la situation... Ou les gouverneurs... Ou la Chine, ou l’OMS ou n’importe qui d’autre. Mais c’est la Chine qui émerge comme le principal ennemi, ici.
Je pense qu’il veut faire campagne en attaquant la Chine, en la rendant responsable de tous les maux des États-Unis, ce qui est plus facile à faire puisque c’est ce que pensent de nombreux Américains. Ça annonce donc de moins bonnes relations avec la Chine, d’ici aux élections.
Est-ce aussi un indicateur de la situation commerciale?
Oui. Comme vous le savez, il y avait déjà une guerre commerciale en cours. Trump a appliqué pour 300 milliards de dollars de droits de douane sur-- ou plutôt il a appliqué des droits sur les biens chinois, pour un total de 300 G$. Les É.-U. les ont reportés de quelques mois en raison des pressions exercées à l’interne, mais Trump n’abandonnera pas cette bataille.
Tout ça est contre-productif à l’échelle mondiale. Il y a même eu des barrières commerciales pour l’entrée de l’équipement de protection individuelle au pays. C’est insensé. Tu veux aplanir les obstacles au commerce international, pas en créer. Malheureusement, on vit à une époque où la politique court-circuite le bon sens.
Les chiffres ne sont pas réjouissants. Encore ce matin, je regardais le coût-- ou le prix, je devrais plutôt dire, du pétrole brut Western Canadian Select. Il a plongé en zone négative pour ensuite remonter en terrain positif. Qu’est-ce que ça veut dire pour le secteur de l’énergie canadien – qui a contribué à alimenter l’économie canadienne au cours des dernières années?
Oui, le secteur a fortement contribué à notre économie. Sans lui, on perdrait une grande part de notre croissance, une grande part de notre PIB, c.-à-d. des revenus qui servent à payer les autres biens qu’on veut acquérir. Il se passe donc deux choses en même temps. Il y a la guerre commerciale bêtement lancée par l’Arabie saoudite et la Russie, et la pandémie, qui a anéanti la demande.
On se retrouve donc avec un problème d’offre et un problème de demande en même temps. En ce moment, on fait face au pire scénario, où des navires remplis de pétrole brut quittent l’Arabie saoudite, où les prix dégringolent, où les réservoirs de stockage sont pleins, et ce, au pire moment.
La situation va graduellement se rétablir d’elle-même à l’approche de l’automne, moment où la demande provenant de la Chine ou d’autres économies majeures du monde augmentera. Quand les stocks se rétabliront, on gérera au moins le problème de la demande. On devrait arriver à gérer celui de l’offre grâce à l’entente de l’OPEP.
Je dirais que les prix ne reviendront pas à ce qu’ils étaient, mais on devrait quitter le fond du baril au cours des prochaines semaines. D’ici là, on a certains problèmes à régler. On doit gérer le problème de liquidité du secteur de l’énergie canadien, et le gouvernement du Canada devra s’en occuper en collaboration avec les banques.
Ils se sont déjà attaqué à certains problèmes liés à l’emploi en investissant dans le nettoyage des puits orphelins et la réduction des émissions de méthane. Ces quelques investissements stratégiques et respectueux de l’environnement permettront à de nombreuses personnes de travailler.
Mais ça ne règle pas le problème de liquidité sous-jacent des producteurs. Et cela devra être résolu au moyen d’autres mesures gouvernementales.
Et le gouvernement n’a pas ménagé ses efforts pour aider sur le plan des liquidités, ce qui vient appuyer votre point. Je suis curieuse et c’est peut-être trop tôt pour en parler.
Mais quand tu regardes les sommes englouties du côté de la santé-- Et je ne parle pas de la santé dans son sens de base, mais des données et de la technologie liées à la santé-- Serait-il possible que les gouvernements décident de changer de manière importante leur façon d’attribuer leurs fonds pour un certain temps?
Il y aura sûrement des pressions dans ce sens. Dans le cas des CHSLD, les gouvernements subiront de fortes pressions pour offrir de meilleures conditions de travail au personnel qui s’y trouve, et peut-être augmenter le nombre d’employés.
L’une des difficultés, pour le gouvernement, c’est qu’après la crise il lui faudra revenir à des niveaux de dépenses normaux. Peut-on, en tant que pays, avoir une augmentation ponctuelle de notre passif au bilan? passif au bilan? - J’imagine que oui. Le Canada a un meilleur ratio dette/PIB que la plupart des pays industrialisés.
C’est comme si une entreprise enregistrait une hausse ponctuelle de son passif. Mais vu sous cet angle, il faut aussi tenir compte des profits et des pertes. Tu ne veux pas de résultats négatifs au poste des profits et des pertes chaque année. Tu veux donc revenir à des niveaux de dépenses normaux.
Et ça va être difficile à faire; passer de 200 milliards à un niveau plus normal, disons, 20 milliards. Le gouvernement devra être très discipliné, car il subira des pressions de tous les côtés. Mais si on ne fait pas ça, on va avoir un problème structurel qui précipitera la prochaine crise majeure, et celle-ci aura des effets sur le recours à l’emprunt et l’économie mondiale.
Frank, une dernière question pour vous. Dites-moi. De quel aspect devrait-on parler et dont personne ne parle, en ce moment, concernant la crise?
On vit dans un monde où tout est interrelié. C’est un fait. Et une situation, comme une pandémie, affecte toute la planète en raison de ces interconnexions. Ça s’applique aussi au climat. Je pense que, tout comme on doit s’attaquer à ce problème, on doit comprendre que les changements climatiques sont une réalité, qu’on le veuille ou non, et qu’on doit s’en occuper.
On doit aussi s’attaquer aux difficultés sous-jacentes du commerce mondial et aux manœuvres géopolitiques qui marquent la scène planétaire. Au sein même de notre pays, on doit huiler les rouages du commerce interprovincial, et éliminer tous les obstacles aux échanges commerciaux.
On doit être en mesure de faire des choses. C’est ce qu’on doit pouvoir faire à l’avenir, et surtout au Canada. Parce que les marchés mondiaux seront un peu moins accessibles, pendant un certain temps.
Enfin, on espère qu’on peut réaliser ça. Frank, c’est toujours un plaisir de te parler. Prends soin de toi. Et on se reparle bientôt. OK, merci. Merci, Kim.
[MUSIQUE]
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Frank, j’aimerais commencer par-- Je sais que vous êtes en contact avec nombre de chefs d’entreprise et de gouvernement. Selon vous, où en est-on rendu avec la pandémie en ce moment?
Eh bien, je pense qu’on est rendu au milieu de la crise. La situation varie d’un pays à l’autre. La Chine a traversé la tempête. Elle a déjà déployé son processus de réouverture, alors que l’Autriche vient de commencer de le faire, tout comme l’Allemagne, selon moi.
Au Canada, on est en train d’atteindre le pic dans les grandes agglomérations. Je dirais que les deux extrémités, la côte Est et la côte Ouest, ont dépassé cette phase et sont plus près de la phase de réouverture.
Qu’en pensez-vous... Il est encore un peu tôt. Je pense qu’il est probablement trop tôt pour commencer à tirer des leçons de la situation jusqu’à présent; après tout, on est encore au cœur de la crise. Excusez-moi, mais je vais tout de même vous le demander. Quelles leçons a-t-on apprises jusqu’à présent, selon vous?
Eh bien, c’est qu’on a jamais vraiment été prêt. Ça, c’est la première constatation, et c’est valable pour la planète toute entière, le Canada y compris. Deuxièmement, je pense qu’on a appris que, quand ça va mal, notre pays se sert les coudes.
Les gens ont mis leurs croyances politiques de côté; ce qui n’est pas le cas partout, alors c’est formidable. Comme on l’a fait lors des négociations pour l’Accord de libre-échange avec les É.-U., on a parlé d’une seule voix pour le bien du pays. Je pense que ça a été une bonne expérience aussi.
On a aussi appris qu’on ne s’était pas bien occupé de nos citoyens les plus vulnérables. Je parle des personnes dans les CHSLD. Je dirais que c’est la pire ombre au tableau, au Canada... Vous savez que la moitié des personnes décédées du pays viennent d’un milieu institutionnel! Ça ne donne pas une bonne image de notre pays. On doit apprendre de ça.
Frank, vous parlez des personnes âgées. Et c’est déchirant de voir à quel point elles sont touchées par la crise. Quand on pense à notre population vulnérable, je crois que ça souligne aussi la réelle disparité qu’il y a entre ceux dont on prend soin ou qui peuvent prendre soin d’eux-mêmes et les autres.
Oui, vous avez absolument raison. Dans le cas des personnes âgées institutionnalisées, on doit absolument en prendre mieux soin en tant que pays. On doit faire mieux. Mais il y a d’autres populations vulnérables. Les sans-abri, par exemple. Et les personnes souffrant d’une dépendance.
Mais il y a aussi toutes les personnes qui ont des problèmes de santé sous-jacents! Parfois, ceux-ci sont liés à leur situation socioéconomique. Par exemple, on retrouve plus de personnes obèses ou diabétiques au sein de certaines cohortes de notre population.
Et c’est une leçon à retenir, comme si on avait besoin de ça. Plus on pourra en faire pour éliminer les inégalités dans notre économie, mieux ce sera. Parce que ceux qui ont une meilleure situation socioéconomique ont, en général, une meilleure santé.
J’aimerais qu’on parle, si on le peut, de-- Et encore une fois, il est peut-être un peu tôt pour en parler, mais que va-t-il se passer quand on va arriver à une nouvelle normalité, ou anormalité, je devrais dire? Où se situera le Canada? On entend dire toutes sortes de choses, entre autres, que les chaînes d’approvisionnement vont changer et que la mondialisation sera moins importante. C’est comme rien, ça va avoir d’importantes répercussions sur notre économie. Qu’est-ce que les leaders vous disent?
Eh bien, on me dit que ceux qui prétendent savoir ce qui va se passer ne le savent pas, parce que personne ne le sait. On pourrait par exemple prétendre qu’on a appris à vivre en isolement social, à commander notre repas du resto et à visionner des séries sur Netflix.
Une personne pourrait dire ça. Une autre pourrait dire exactement le contraire, c’est-à-dire qu’on a hâte de voir des gens, d’aller au cinéma, d’aller au restaurant et de déguster un verre de vin avec des amis.
Je pense donc que, à la fin de la crise, s’il y a un certain retour à la normale, cela voudra dire que les gens veulent reprendre leurs activités habituelles.
Et sur le plan politique? Des personnes laissent entendre que certains fossés ne feront que s’accentuer. Une personne me disait l’autre jour qu’il y avait une certaine rivalité entre les États-Unis et la Chine, et que celle-ci devrait s’intensifier. Cela entraînera sûrement quelques changements sur la scène politique.
Oui, mais ça ne découlera pas uniquement de la pandémie. C’est de la pure distorsion de la part du Président Trump. En ce moment -- Il appuyait sa campagne sur la force de l’économie américaine... invitant les citoyens à voter pour lui pour cette raison. C’est ce qu’on fait. On essaie de faire de l’économie un enjeu électoral.
Mais comme le bateau économique prend l’eau, il essaie maintenant de rejeter le blâme sur d’autres parties prenantes. C’est Barack Obama qui est totalement responsable de la situation... Ou les gouverneurs... Ou la Chine, ou l’OMS ou n’importe qui d’autre. Mais c’est la Chine qui émerge comme le principal ennemi, ici.
Je pense qu’il veut faire campagne en attaquant la Chine, en la rendant responsable de tous les maux des États-Unis, ce qui est plus facile à faire puisque c’est ce que pensent de nombreux Américains. Ça annonce donc de moins bonnes relations avec la Chine, d’ici aux élections.
Est-ce aussi un indicateur de la situation commerciale?
Oui. Comme vous le savez, il y avait déjà une guerre commerciale en cours. Trump a appliqué pour 300 milliards de dollars de droits de douane sur-- ou plutôt il a appliqué des droits sur les biens chinois, pour un total de 300 G$. Les É.-U. les ont reportés de quelques mois en raison des pressions exercées à l’interne, mais Trump n’abandonnera pas cette bataille.
Tout ça est contre-productif à l’échelle mondiale. Il y a même eu des barrières commerciales pour l’entrée de l’équipement de protection individuelle au pays. C’est insensé. Tu veux aplanir les obstacles au commerce international, pas en créer. Malheureusement, on vit à une époque où la politique court-circuite le bon sens.
Les chiffres ne sont pas réjouissants. Encore ce matin, je regardais le coût-- ou le prix, je devrais plutôt dire, du pétrole brut Western Canadian Select. Il a plongé en zone négative pour ensuite remonter en terrain positif. Qu’est-ce que ça veut dire pour le secteur de l’énergie canadien – qui a contribué à alimenter l’économie canadienne au cours des dernières années?
Oui, le secteur a fortement contribué à notre économie. Sans lui, on perdrait une grande part de notre croissance, une grande part de notre PIB, c.-à-d. des revenus qui servent à payer les autres biens qu’on veut acquérir. Il se passe donc deux choses en même temps. Il y a la guerre commerciale bêtement lancée par l’Arabie saoudite et la Russie, et la pandémie, qui a anéanti la demande.
On se retrouve donc avec un problème d’offre et un problème de demande en même temps. En ce moment, on fait face au pire scénario, où des navires remplis de pétrole brut quittent l’Arabie saoudite, où les prix dégringolent, où les réservoirs de stockage sont pleins, et ce, au pire moment.
La situation va graduellement se rétablir d’elle-même à l’approche de l’automne, moment où la demande provenant de la Chine ou d’autres économies majeures du monde augmentera. Quand les stocks se rétabliront, on gérera au moins le problème de la demande. On devrait arriver à gérer celui de l’offre grâce à l’entente de l’OPEP.
Je dirais que les prix ne reviendront pas à ce qu’ils étaient, mais on devrait quitter le fond du baril au cours des prochaines semaines. D’ici là, on a certains problèmes à régler. On doit gérer le problème de liquidité du secteur de l’énergie canadien, et le gouvernement du Canada devra s’en occuper en collaboration avec les banques.
Ils se sont déjà attaqué à certains problèmes liés à l’emploi en investissant dans le nettoyage des puits orphelins et la réduction des émissions de méthane. Ces quelques investissements stratégiques et respectueux de l’environnement permettront à de nombreuses personnes de travailler.
Mais ça ne règle pas le problème de liquidité sous-jacent des producteurs. Et cela devra être résolu au moyen d’autres mesures gouvernementales.
Et le gouvernement n’a pas ménagé ses efforts pour aider sur le plan des liquidités, ce qui vient appuyer votre point. Je suis curieuse et c’est peut-être trop tôt pour en parler.
Mais quand tu regardes les sommes englouties du côté de la santé-- Et je ne parle pas de la santé dans son sens de base, mais des données et de la technologie liées à la santé-- Serait-il possible que les gouvernements décident de changer de manière importante leur façon d’attribuer leurs fonds pour un certain temps?
Il y aura sûrement des pressions dans ce sens. Dans le cas des CHSLD, les gouvernements subiront de fortes pressions pour offrir de meilleures conditions de travail au personnel qui s’y trouve, et peut-être augmenter le nombre d’employés.
L’une des difficultés, pour le gouvernement, c’est qu’après la crise il lui faudra revenir à des niveaux de dépenses normaux. Peut-on, en tant que pays, avoir une augmentation ponctuelle de notre passif au bilan? passif au bilan? - J’imagine que oui. Le Canada a un meilleur ratio dette/PIB que la plupart des pays industrialisés.
C’est comme si une entreprise enregistrait une hausse ponctuelle de son passif. Mais vu sous cet angle, il faut aussi tenir compte des profits et des pertes. Tu ne veux pas de résultats négatifs au poste des profits et des pertes chaque année. Tu veux donc revenir à des niveaux de dépenses normaux.
Et ça va être difficile à faire; passer de 200 milliards à un niveau plus normal, disons, 20 milliards. Le gouvernement devra être très discipliné, car il subira des pressions de tous les côtés. Mais si on ne fait pas ça, on va avoir un problème structurel qui précipitera la prochaine crise majeure, et celle-ci aura des effets sur le recours à l’emprunt et l’économie mondiale.
Frank, une dernière question pour vous. Dites-moi. De quel aspect devrait-on parler et dont personne ne parle, en ce moment, concernant la crise?
On vit dans un monde où tout est interrelié. C’est un fait. Et une situation, comme une pandémie, affecte toute la planète en raison de ces interconnexions. Ça s’applique aussi au climat. Je pense que, tout comme on doit s’attaquer à ce problème, on doit comprendre que les changements climatiques sont une réalité, qu’on le veuille ou non, et qu’on doit s’en occuper.
On doit aussi s’attaquer aux difficultés sous-jacentes du commerce mondial et aux manœuvres géopolitiques qui marquent la scène planétaire. Au sein même de notre pays, on doit huiler les rouages du commerce interprovincial, et éliminer tous les obstacles aux échanges commerciaux.
On doit être en mesure de faire des choses. C’est ce qu’on doit pouvoir faire à l’avenir, et surtout au Canada. Parce que les marchés mondiaux seront un peu moins accessibles, pendant un certain temps.
Enfin, on espère qu’on peut réaliser ça. Frank, c’est toujours un plaisir de te parler. Prends soin de toi. Et on se reparle bientôt. OK, merci. Merci, Kim.
[MUSIQUE]