Vous voulez donner de l’argent à votre famille? Faites preuve de générosité… et d’intelligence

Lorsqu’une personne donne de l’argent ou des actifs à une autre, il n’est pas rare qu’une tierce partie remette en question l’opération et prétende qu’il ne s’agissait pas d’un don. Consigner par écrit vos intentions dans un acte de donation lorsque vous donnez de l’argent est l’une des façons d’éviter les déboires judiciaires.
Votre enfant d’âge adulte a commencé un emploi à temps plein en ville il y a quelques années, a rencontré l’âme soeur et a fixé la date de son mariage. Vous voulez l’aider à commencer la vie maritale du bon pied en lui donnant de l’argent. Mais comment faire pour établir sans l’ombre d’un doute qu’il s’agit d’un don à part entière ou d’un prêt? L’une des façons d’affirmer vos intentions est d’utiliser un document appelé « acte de donation ». Nicole Ewing, conseillère en succession d’entreprise et planificatrice spécialiste de la fiscalité et des successions à Gestion de patrimoine TD, présente des situations réelles où vous pouvez utiliser un acte de donation.
Qu’est-ce qu’un acte de donation?
Un acte de donation consigne simplement le transfert de propriété d’une personne à une autre et déclare qu’il s’agit d’un don sans condition à la personne désignée, c’est-à-dire sans exigence ou attente de remboursement. Sans acte de donation, lorsqu’il y a transfert de propriété ou d’argent, il pourrait y avoir des questions en suspens, même après votre décès, sur la façon dont les actifs ont été transférés, le type d’opération utilisée (par ex., un prêt temporaire), voire à qui ces actifs étaient destinés. Il pourrait même y avoir des ambiguïtés entre la personne qui donne les actifs et la personne qui les reçoit, puisque certaines familles sont réticentes à préciser si elles s’attendent à ce que l’argent qu’elles ont prêté à leur enfant soit remboursé. Mme Ewing explique qu’un acte de donation peut offrir un éclaircissement juridique sur le transfert de fonds pour éviter une contestation du don.
« Lorsque quelqu’un donne de l’argent à une autre personne, il faut toujours préciser s’il s’agit d’un don. »
« Bon nombre de mes clients ont simplement transféré des fonds à leurs enfants par le passé sans mettre leurs intentions par écrit. Auparavant, ils se contentaient de donner l’argent, mais ils reconnaissent aujourd’hui l’importance de consigner le don en argent par écrit et d’indiquer leurs intentions, surtout lorsque différents enfants reçoivent des fonds à différentes étapes de leur vie », dit-elle.
« Lorsque quelqu’un donne de l’argent à une autre personne, il faut toujours préciser s’il s’agit d’un don. Quelqu’un d’autre pourrait contester l’opération et prétendre qu’il ne s’agissait pas d’un don. Afin de présenter clairement vos intentions, vous pourriez utiliser un acte de donation. S’il ne s’agit pas d’un don à part entière, un autre document, comme une déclaration de fiducie ou une convention de prêt, pourrait être utilisé pour consigner la nature et l’intention du transfert », ajoute Mme Ewing.
Donner de l’argent à un enfant d’âge adulte
L’acte de donation est le plus couramment utilisé pour fournir la preuve d’un don que font des parents à leurs enfants pour les aider à démarrer dans la vie : entrer dans l’âge adulte, acheter des voitures, payer des frais de scolarité ou simplement assumer les coûts d’une vie autonome. L’acte de donation peut aider à protéger les fonds donnés; si un enfant d’âge adulte est marié et que l’acte de donation stipule que les fonds (ou tout gain sur les fonds) sont destinés uniquement à l’enfant d’âge adulte et non au couple marié, cela pourrait empêcher le conjoint de prétendre que cet argent fait partie des actifs familiaux en cas de séparation. Mais il y a un point important à connaître : les avantages d’un acte de donation ne s’appliquent pas à l’achat d’une résidence conjugale (achat direct ou paiements hypothécaires).
En effet, lorsqu’un couple divorce, la valeur de la résidence conjugale fait généralement partie de la propriété commune du couple. Peu importe le montant que chaque conjoint a investi dans la résidence familiale, la valeur de la résidence est généralement divisée en deux. Cela outrepasse toute protection offerte par un acte de donation. Ainsi, un parent pourrait voir son don aboutir entre les mains de l’ex-conjoint de son enfant.
Malgré cette contrainte, l’acte de donation peut être utile pour d’autres raisons.
« Pour la distribution de la succession [...] rédiger un acte de donation permet de faire un suivi et de faire en sorte que les enfants sont traités selon les volontés du parent. »
Mme Ewing précise que si des fonds sont absolument nécessaires pour acquérir une résidence conjugale, on peut faire un don en espèces ou en placements, sous une forme ou une autre, au moyen d’un acte de donation, et obtenir un prêt en utilisant les actifs donnés comme garantie.
Par exemple, lorsqu’un enfant d’âge adulte reçoit les fonds, il peut investir dans un portefeuille d’actions ou d’autres actifs. Il peut ensuite obtenir un prêt en donnant le portefeuille en garantie pour acheter une résidence; de cette façon, les actifs du portefeuille demeurent protégés. En Ontario, la valeur des dons reçus par une personne est généralement exclue des actifs partagés en cas de divorce. Ainsi, les fonds transférés comme don demeurent protégés, et les volontés du parent sont respectées lorsqu’il utilise un acte de donation pour aider son enfant à acheter une résidence.
Mme Ewing recommande de consulter des conseillers juridiques et financiers professionnels si vous envisagez d’utiliser un acte de donation.
Limiter la responsabilité
Il n’est pas rare que des propriétaires d’entreprises soient poursuivis par des clients insatisfaits ou des créanciers. Si une entreprise n’est pas constituée en société, son propriétaire (souvent un avocat ou un autre professionnel) pourrait être tenu personnellement responsable en cas de demandes d’indemnisation envers l’entreprise. Un propriétaire d’entreprise peut donc envisager de transférer ses actifs personnels comme sa résidence ou ses placements par l’intermédiaire d’un acte de donation à son conjoint, qui ne fait pas partie de l’entreprise. Ainsi, si le propriétaire est poursuivi, les actifs transférés pourraient être protégés. Une telle structure peut s’avérer une mesure utile pour éviter les risques potentiels, mais sachez qu’il est illégal de faire le transfert dans le but de cacher les actifs d’un créancier actuel ou potentiel. Par conséquent, il est conseillé d’obtenir des conseils juridiques avant de faire de tels dons.
De plus, ce type de don entre conjoints peut entraîner des conséquences. Consultez donc aussi un conseiller fiscal.
« Si je suis une avocate ou une autre professionnelle qui démarre sa propre entreprise et que je suis vulnérable à ce genre de procédure judiciaire, je pourrais vouloir m’assurer que les actifs familiaux sont détenus au nom de mon conjoint ou de ma conjointe », dit Mme Ewing. Toutefois, si tout est détenu au nom du conjoint, cela pourrait compliquer des aspects de la gestion de patrimoine. Il vaut donc mieux consulter un conseiller professionnel pour savoir quelle marche à suivre est la plus adaptée à votre situation.
Consigner les dons par écrit pour satisfaire tout le monde
Que se passe-t-il si un parent paie les études supérieures d’un enfant, aide un autre enfant à financer une mise de fonds pour acheter une résidence et donne de l’argent à un troisième enfant pour démarrer sa propre entreprise? Comment peut-il s’assurer que ses enfants soient traités de manière juste et équitable? Lorsque le parent décède et que le reste de ses actifs sont partagés, comment les contributions financières précédentes sont-elles prises en compte dans la distribution de la succession? S’agissait-il de dons sans réserve? De legs du vivant destinés à être déduits de parts de succession? Ou encore de prêts informels que les enfants étaient censés rembourser une fois qu’ils étaient en mesure de le faire? S’il s’agissait de prêts, doivent-ils être remboursés à la succession?
Consigner par écrit les dons en espèces ou en propriété dans un acte de donation peut aider à répondre à ces questions. Si le transfert était un don et qu’on ne s’attendait pas à ce que l’enfant rembourse l’argent, cette méthode peut aller de pair avec un testament pour faire en sorte que tous les enfants soient traités selon les volontés du parent. S’il ne s’agissait pas d’un don et qu’il était convenu que l’enfant rembourserait l’argent transféré, la consignation par écrit aide aussi l’exécuteur testamentaire ou le liquidateur de succession à calculer le montant dû à la succession.
« Pour la distribution de la succession, il existe un principe d’égalité qui dit essentiellement de partager tout entre les enfants en tenant compte des dons faits du vivant. Rédiger un acte de donation permet de faire un suivi et de faire en sorte que les enfants sont traités selon les volontés du parent (que ce soit de façon égale ou non) », souligne Mme Ewing.
Avec un compte conjoint
Souvent, un parent âgé et un enfant d’âge adulte partagent un compte bancaire conjoint pour s’occuper des finances du parent en payant des factures et même parfois en donnant de l’argent. Malheureusement, lorsque le parent décède, l’enfant n’a pas automatiquement le droit d’utiliser les fonds. Les actifs du compte sont habituellement considérés comme faisant partie de la succession du parent décédé, à moins que l’enfant puisse démontrer que les actifs lui étaient destinés (dans pareil cas, un témoin peut être utile).
Un acte de donation peut aider à régler le problème. L’acte peut servir de preuve de l’intention du parent que les fonds reviennent à son enfant d’âge adulte après son décès. Un acte de donation peut aider à écarter toute prétention que les fonds devraient être remis à la succession.
Un travail d’équipe
Mme Ewing rappelle que pour toutes les questions qui touchent le transfert d’importantes sommes d’argent, la gestion fiscale, la rédaction de testament ou le don, on devrait toujours consulter un conseiller spécialisé, un avocat, un notaire ou un comptable. Elle ajoute qu’utiliser un acte de donation peut avoir une incidence sur les finances, la succession future, les impôts et même les relations personnelles. Avant d’aller de l’avant, il est toujours conseillé d’obtenir un avis éclairé.
— Don Sutton, Parlons argent et vie