Depuis le début du confinement en mars 2020, aucun passe-temps n’a été négligé : nous sommes maintenant des pros de la confection de pain au levain, des spécialistes de calibre mondial en tricot, des guitaristes en herbe et plus encore. Mais il y a une autre activité moins exigeante sur le plan manuel que beaucoup ont aussi adoptée : la négociation active.
Au cours des deux dernières années, un grand nombre de personnes en Amérique du Nord ont commencé à acheter et à vendre des actions comme si elles négociaient des cartes de hockey, investissant dans une société, puis s’en départissant peu après, dans l’espoir que les actions prennent de la valeur. Les opérations boursières ont radicalement augmenté au premier trimestre de 2020. Selon The Economist, les opérations des particuliers, soit celles faites par des investisseurs moyens plutôt que des institutions, ont augmenté, passant de 25 % à 40 % des volumes d’opérations au premier trimestre de 2021. Les opérations à la Bourse de Toronto ont bondi de 158 % en février par rapport à l’année précédente. La majeure partie de cette croissance est attribuable aux investisseurs moyens, qui ont accru ce volume.
Il est facile de voir l’attrait de la négociation active. Cette pratique tend à gagner en popularité pendant les périodes intenses de volatilité des marchés, lorsque les cours boursiers peuvent augmenter ou baisser considérablement au cours d’une journée. Il s’agit essentiellement d’acheter et de vendre rapidement des actions en patientant devant un ordinateur ou un téléphone mobile, dans l’espoir de tirer un revenu de ces fluctuations. Cet exercice demande peu d’efforts – surtout avec les nombreuses applications de négociation qui facilitent l’achat et la liquidation d’actions –, et vous pouvez le faire à partir de votre sofa ou même pendant que votre délicieux chef-d’œuvre au levain lève.
Ce que bien des gens ne savent peut-être pas, c’est que la négociation comme l’investissement impliquent des actions et des marchés boursiers, mais que ce sont deux choses complètement différentes. Et il peut être important de le savoir : si vous vous contentez de négocier, vous risquez de ne pas faire croître le patrimoine dont vous avez besoin à long terme pour atteindre vos objectifs.
Voici quelques-unes des différences entre la négociation active et l’investissement.
Gains vs pertes
À bien des égards, la négociation active peut s’apparenter au poker ou au blackjack. Il peut y avoir une stratégie, et c’est amusant, mais il peut être difficile de faire fructifier son épargne à long terme en jouant à ces jeux.
Il n’est pas toujours évident de quantifier le montant gagné par les négociateurs : comme pour le jeu, les gens peuvent être plus susceptibles de parler de leurs gros gains que de leurs lourdes pertes. Une étude réalisée en 2011 par la Securities and Exchange Commission des États-Unis, qui s’est penchée sur les particuliers qui négocient des devises – ce qui peut être encore plus difficile que de négocier des actions –, a révélé qu’en moyenne, 70 % des comptes perdent de l’argent chaque trimestre et perdent 100 % de leur investissement dans les 12 mois.
L’une des façons dont les spéculateurs sur séance font de l’argent, c’est par le volume. Ils tentent habituellement de réaliser de petits gains à répétition – par exemple, ils peuvent acheter une action à 5 $ et la vendre à 6 $ – dans l’espoir que toutes ces hausses s’additionnent. Plus vous achetez d’actions, plus vous tirez profit de chaque augmentation de 1 $. C’est une stratégie très risquée, car, bien sûr, l’action peut tout aussi facilement baisser de 1 $, ce qui fait perdre beaucoup d’argent à l’investisseur.
Du côté du placement, de nombreuses personnes restent sur le marché pendant des années, voire des décennies, ce qui fait en sorte qu’il est plus facile pour eux de faire des gains. Entre 1960 et 2020, l’indice S&P 500, le principal indice boursier américain, a progressé en moyenne de 7 % par année. Au cours de la même période, l’indice composé S&P/TSX a enregistré un rendement annuel de 9,3 %. Bien qu’il y ait eu des fluctuations sur le marché au cours de cette période, une perspective plus large indiquerait une tendance de croissance globale.
Il y a aussi une autre façon pour les investisseurs de gagner de l’argent avec de petites sommes. Non seulement les marchés augmentent au fil du temps, mais avec la composition, chaque gain est fondé sur le gain antérieur. Supposons que vous économisez 100 $, puis que vous mettez 25 $ sur le marché chaque mois par la suite pour les 30 prochaines années. Si cette somme croît à un taux annuel de 3 %, vous aurez 14 650 $ après trente ans, même si vos cotisations réelles totalisent 9 075 $.
Paramètres fondamentaux vs spéculation
Dans l’ensemble, la négociation active est spéculative : vous espérez qu’un titre en vogue augmentera de quelques dollars, ou vous voulez peut-être simplement tenter votre chance sur un coup de tête. Contrairement aux investisseurs, les négociateurs ne s’intéressent pas nécessairement aux paramètres fondamentaux d’une société, comme la croissance de ses bénéfices ou le versement d’un dividende. Par exemple, ils prêtent plus d’attention à la question de savoir si un événement d’actualité pourrait faire grimper ou baisser le cours d’une action, tandis que les négociateurs avertis étudient des graphiques mathématiques intitulés « la figure tête et épaules » ou « les niveaux de retracement de Fibonacci » pour prédire si une action donnée pourrait gagner ou perdre de la valeur. En fin de compte, les négociateurs doivent être très attentifs à chaque minuscule fluctuation du marché. Cela peut être difficile à faire lorsque vous avez aussi un emploi régulier.
Les investisseurs à long terme peuvent avoir la liberté d’être beaucoup moins attentifs à ce qui se passe quotidiennement, et ils ne vont certainement pas prédire où se situera le cours d’une action la semaine prochaine. Bien qu’ils souhaitent que les sociétés de leur portefeuille prennent de la valeur, ils peuvent faire preuve de patience et viser des résultats au terme de quelques années plutôt que de quelques jours. Beaucoup de gens achètent des parts de fonds communs de placement ou de fonds négociés en bourse, des paniers de titres qui contiennent des actions et des obligations déjà choisies, et bon nombre de ceux qui veulent créer leur propre portefeuille font des recherches. Ils peuvent regarder les paramètres fondamentaux d’une société – sa croissance des bénéfices, l’augmentation éventuelle des ventes, l’ampleur de sa dette et si l’équipe de direction a des antécédents de réussite – pour déterminer si cette société pourrait ou non faire mieux à l’avenir. S’ils pensent que ce sera le cas, ils pourraient y investir. Sinon, ils ne feront rien.

Plans de placement vs plans de négociation
Voici une autre différence entre un investisseur et un négociateur : le premier a habituellement un plan à long terme qui s’appuie sur divers objectifs. Par exemple, un investisseur à long terme pourrait déterminer qu’il a besoin de 5 millions de dollars pour sa retraite ou de 50 000 $ pour une mise de fonds sur une maison. Dans cette optique, il peut bâtir un portefeuille et un plan de placement pour y arriver. Le plan peut comprendre plusieurs éléments : combien vous devriez épargner par mois, comment vous devriez réagir en cas de repli du marché, quels placements devraient constituer la base de votre portefeuille, quelles seraient les lignes directrices de diversification, etc. Ce plan aide les gens à demeurer sur la bonne voie et leur permet de faire autre chose que de porter attention au marché.
Les négociateurs ont aussi des plans, mais les leurs peuvent être complètement différents. Ils se concentrent peut-être sur ce qu’ils vont faire aujourd’hui : dans quelles actions ils pourraient investir, à quel moment ils pourraient réaliser des profits et à quel moment ils devraient réduire leurs pertes. Ces plans sont là pour les aider à rester concentrés sur leur tâche immédiate, qui est de gagner de l’argent sur une courte période.
Croissance à long terme vs à court terme
Il ne fait aucun doute que la négociation peut être très amusante. Si vous avez quelques dollars et que vous voulez voir ce que c’est que d’acheter et de vendre quelque chose à court terme, la négociation pourrait vous plaire. Mais les bonnes périodes peuvent se terminer assez vite. Des recherches ont montré que quand les négociateurs actifs touchent le gros lot, leur cerveau libère de la dopamine, comme au casino. Ce phénomène peut amener les gens à miser plus d’argent, soit à prendre des risques plus importants, et même à développer une dépendance.
Il va sans dire que l’investissement pourrait offrir une moins grande montée d’adrénaline que la négociation, puisque vous ne prêtez peut-être pas attention à votre portefeuille au quotidien. Certains investisseurs consultent les rendements une fois par mois ou même une fois par année. Le plaisir provient de l’épargne régulière et du fait de savoir qu’en faisant preuve de patience, vous augmentez probablement votre valeur nette au fil du temps.
Tout cela pour dire que la prochaine fois que vous entendrez parler de négociateurs faisant grimper le cours d’une action, vous aurez peut-être raison de vous demander s’ils investissent vraiment. La patience et une approche à long terme ont tendance à produire des résultats stables.