On a beaucoup parlé de l’intérêt suscité par l’IA et de la remontée des actions américaines. Michael O’Brien, directeur général et chef de l’équipe des actions canadiennes de base à Gestion de Placements TD, affirme que, même si les grandes sociétés technologiques ont beaucoup retenu l’attention, certains titres canadiens pourraient valoir la peine d’être examinés de plus près.
Initialement publié le 22 juillet 2024
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On a beaucoup parlé de la remontée des actions américaines cette année et du rôle que les titres des secteurs de l’intelligence artificielle et des technologies ont joué. Eh bien, mon prochain invité affirme que les actions canadiennes ont connu une année assez impressionnante en soi, mais qu’elles n’ont pas beaucoup retenu l’attention. Michael O’Brien est directeur général et chef de l’équipe des actions canadiennes de base à Gestion de Placements TD. Je le reçois à l’instant.
Cela semble être très propre au Canada, et cela fait tranquillement son bout de chemin. Je ne sais pas si c’est ce qu’on pensait. Mais dites-moi, pour ce qui est des thèmes de placement, l’IA a certainement occupé, je dirais, toute la place dans les manchettes et tout le reste en ce qui concerne ce à quoi les gens prêtent attention. Toutefois, l’indice TSX a progressé de 9 % depuis le début de l’année.
Oui, c’est intéressant. Certains se sont demandé récemment ce qui n’allait pas avec le Canada. Pourquoi le Canada ne se comporte pas bien? Eh bien, le fait est que le Canada connaît une année très solide, comme vous le dites, sous le radar.
Mais en ce moment, on nous compare à un géant, avec toute la thématique de l’IA au sud de la frontière et certaines de ces sociétés vraiment phénoménales qui affichent des revenus et une croissance des bénéfices extraordinaires en ce moment. Il est tout simplement difficile pour le marché canadien de vraiment attirer l’attention des investisseurs lorsqu’on est comparés à ça.
Donc c’est vraiment ça. Le Canada n’a pas du tout connu une mauvaise année. Je crois qu’on a progressé de 9 % un peu après la moitié de l’année. Une bonne année, c’est habituellement 10 %. Donc...
Oui, si ça continue.
... je pense que les investisseurs seront satisfaits de leurs relevés. C’est simplement que nous n’avons pas été au centre de l’attention. Mais étrangement, c’est en fait une bonne chose. Nous ne sommes pas un marché en surchauffe. Ce n’est pas un marché surévalué.
C’est seulement un marché qui fonctionne selon les règles de l’art et qui produit des rendements dont les investisseurs vont se réjouir, selon une approche véritablement canadienne. On ne peut tout simplement pas être jaloux du voisin du Sud qui a connu une année plutôt étonnante jusqu’à présent.
Qu’en est-il des évaluations? Vous avez dit que nous n’avions pas un marché excédentaire et surévalué, que nous n’avons pas ça ici en ce moment. Quelles sont selon vous les évaluations au Canada à l’heure actuelle?
Les évaluations au Canada ne sont donc pas exigeantes, à mon avis. Elles représentent d’importantes sources du marché. Vous pouvez toujours trouver des exceptions. Certains titres qui ont connu une période plutôt difficile semblent un peu plus élargis. Mais, de façon générale, il y a des segments importants du marché canadien dont le cours est très raisonnable à l’heure actuelle.
Mais il y a une raison à ça : l’économie a été plutôt faible. La croissance de l’économie sera probablement inférieure à la tendance sur un an et demi. Cela se traduit par une croissance des bénéfices qui n’est pas spectaculaire. Par conséquent, la croissance des dividendes a ralenti.
Je pense que la clé pour le marché canadien est la suivante : les investisseurs peuvent-ils trouver une raison de penser que 2025 sera une meilleure conjoncture économique? Et y a-t-il des raisons de croire que la croissance des bénéfices sera meilleure l’an prochain qu’elle ne l’a été en 2023 et 2024? C’est un peu le genre de choses que je surveille.
Je pense que ça va aussi dépendre, évidemment, des entreprises. Parce que sur le marché canadien, il y a une partie de l’économie mondiale des services et une partie de l’économie nationale des services. Tout dépend donc du côté de l’économie qui est utilisé, et de quelle façon.
Absolument.
Je sais que certains secteurs et titres sont dignes de mention. Parlons du premier. Et c’est l’énergie, et vous mettez l’accent sur CNQ. Et dites-moi pourquoi.
Oui. Eh bien, depuis le début de l’année, l’élément positif de l’économie canadienne et de l’indice TSX, c’est ce complexe de ressources. Et l’énergie, évidemment, en est une partie importante. Pour Canadian Natural Resources et beaucoup de sociétés comparables, beaucoup de grands producteurs de pétrole, ce n’est pas tant que les prix du pétrole dépassent les attentes, mais plutôt qu’ils sont très solides. Et ces sociétés sont toutes arrivées à une étape, une phase d’échéance de leurs activités, où elles peuvent générer des flux de trésorerie très solides à ces prix du pétrole.
Et la mentalité des équipes de direction de ces sociétés est très différente : elles se concentrent maintenant sur le remboursement du capital aux actionnaires, c’est-à-dire les rachats d’actions et l’augmentation des dividendes. Et c’est vraiment ce qui fait que les producteurs d’énergie se démarquent cette année ou se différencient, dans une année où, de façon générale, la croissance des bénéfices n’est pas aussi forte dans l’ensemble du marché canadien, et la croissance des dividendes n’est pas aussi forte, c’est un segment du marché qui génère des rendements démesurés pour les actionnaires.
Qu’en est-il du côté des matériaux? Et plus précisément, vous avez mis l’accent sur Agnico Eagle.
Bien sûr. Les matériaux sont donc la deuxième composante du segment des produits de base. Les matériaux et l’énergie représentent environ le tiers du marché canadien, ce qui constitue une part très importante de l’indice composé TSX. Si je ne m’abuse, le lingot d’or a atteint un sommet sans précédent aujourd’hui. Les prix de nombreux métaux ont été très solides. Et ce n’est pas tant que la demande soit si forte. L’offre a vraiment été restreinte depuis la dernière décennie, où elle était très mauvaise.
D’accord.
Maintenant, tous ces métaux sont revenus à des prix très intéressants pour les producteurs canadiens, et on commence à voir de bons flux de trésorerie disponibles. Agnico est l’une de nos sociétés préférées dans le secteur de l’or. On espère vraiment qu’avec les sociétés aurifères, les marges vont vraiment commencer à augmenter grâce au prix élevé des lingots.
Elles ont dû composer avec des dépenses serrées au cours des dernières années. Je pense que c’est réglé. Je pense qu’on devrait voir une belle croissance des bénéfices à même ce segment du marché, en particulier les producteurs d’or.
Je suppose qu’ils peuvent maintenir ces dépenses à un niveau bas et accroître leur marge. Il ne faut pas oublier de faire ses propres recherches. Les sociétés ferroviaires : vous vous concentrez sur le CP en ce moment. Pourquoi?
Eh bien, je pense que c’est un segment du marché dont il est intéressant de parler, parce que les sociétés ferroviaires ont toujours été l’un des secteurs les plus sûrs dans le contexte canadien, le CN et le CP. Elles ont vraiment fait du surplace ces dernières années. On a connu une étrange expérience pandémique à la suite des confinements, et tout le monde a acheté trop de produits, puis il a fallu réduire les stocks.
On a donc traversé cette période étrange que les gens appellent « récession du transport de marchandises », où les volumes des sociétés ferroviaires ont été très faibles au cours des dernières années. Encore une fois, il s’agit d’un segment du marché dont les titres ne se sont pas vraiment bien comportés. Mais d’ici 2025, si la conjoncture économique s’améliore, ces titres font partie des premiers titres cycliques qui devraient bien se comporter.
Et tous ces produits doivent être expédiés...
Exactement.
... voilà. Les banques... vous avez quelques noms ici. Vous surveillez la Banque Royale et la Banque de Montréal. Dites-moi quelle est la différence entre les deux, ce que vous voyez.
Oui, le bon et le mauvais de la situation en ce moment, dans les banques, c’est le troisième moteur de l’indice composé TSX.
Oui.
Les banques sont le troisième grand moteur traditionnel du marché canadien, avec les produits de base. Et donc, ce qu’on voit en ce moment, c’est que les banques sont en quelque sorte... je dirais que leurs investisseurs essaient de gagner en confiance pour regarder au-delà de la hausse des pertes sur prêts qu’on a observée jusqu’à présent. Que cela se produise ce trimestre, ou le prochain, ou dans deux trimestres, c’est vraiment la situation à court terme.
Mais comme vous pouvez le constater, la Banque Royale a affiché un bon rendement. La Banque de Montréal a éprouvé des problèmes avec son portefeuille de prêts au cours des derniers trimestres. Elle a perdu la faveur des investisseurs. Cela signifie simplement que la confiance des investisseurs n’est pas encore complètement revenue en ce qui a trait aux banques.
Espérons qu’avec les réductions de taux d’intérêt et le début d’un cycle de réduction des taux au Canada, on verra la semaine prochaine s’il y aura une deuxième baisse ou non, si on a des raisons de prévoir un contexte macroéconomique plus favorable en 2025, les banques vont en profiter grandement. Encore une fois, une part importante du marché canadien a encore beaucoup de potentiel si la situation macroéconomique change.
Vous avez évidemment parlé de l’importance des ressources ici au Canada. Et il y a quelques produits de base dont on veut parler et qu’on veut simplement comprendre, car lorsqu’ils vont de l’avant, c’est la même chose pour les actions des sociétés qui les gèrent et surveillent. On va commencer par le graphique du Brent. Et voici le graphique sur cinq ans du Brent que vous avez apporté. Dites-moi ce qu’on voit ici et expliquez-moi les points saillants.
Oui. L’un des points saillants, c’est qu’avant la pandémie, soit de 2014 à 2020, période qui ne figure pas sur le graphique, le secteur pétrolier a connu une période très difficile. Et ce que vous avez vu, c’est que la production américaine de pétrole de schiste était en train de monter en flèche. L’offre était donc très problématique.
Les équipes de direction, en particulier en Amérique du Nord, ont été incitées à forer, forer et forer. En fin de compte, les prix ont chuté pendant une période prolongée. Donc lorsqu’on regarde le graphique aujourd’hui, les prix du pétrole ne sont pas si élevés. Le Brent à 80 $ à 85 $, le WTI à 75 $ à 80 $, l’indice de référence nord-américain, ce ne sont pas des prix robustes par rapport à la moyenne de 100 $ d’il y a une décennie.
Ce sont d’excellents prix pour les producteurs nord-américains. En particulier, les producteurs canadiens de sables bitumineux vont générer beaucoup de flux de trésorerie disponibles si les prix restent dans cette fourchette. Dans le cas du pétrole, ce n’est pas tant une question de demande. La demande n’a pas été aussi forte. C’est vraiment une question de discipline de l’offre. Et tant que la discipline de l’offre va perdurer, c’est très positif pour le secteur canadien.
Je n’ai pas beaucoup de temps, mais êtes-vous préoccupé par le fait que si les taux baissent en raison d’une récession et que les choses ralentissent, quel sera le désavantage pour le pétrole?
Oui. Eh bien, la demande sera toujours une préoccupation pour les investisseurs. De toute évidence, une récession n’est pas une bonne chose. Vous savez, le pétrole pourrait clairement baisser. Mais est-ce qu’il va revenir à 40 $, 50 $? Je ne pense pas.
Et ce que je soulignerais, c’est de regarder d’où provient la plus forte croissance de l’offre au cours de la dernière décennie, soit le Permian aux États-Unis.
Il n’est plus disponible, maintenant.
Auparavant, lorsque le prix du pétrole atteignait 40 $, les installations de forage démarraient. Aujourd’hui, pendant la majeure partie de l’année, le prix se situe entre 75 $ et 90 $, et les installations de forage sont en baisse. On pourrait donc dire que 80 $ est le nouveau 40 $.
Je vois.
Je pense donc que c’est un monde différent maintenant.
Intéressant. Le cuivre... on a une vue sur cinq ans concernant le cuivre. Encore une fois, ce n’est pas très différent de ce qu’on a vu avec le Brent, en fait. Mais dites-moi ce que vous voyez ici.
Oui, c’est une situation semblable. C’est une décennie très difficile qui l’a précédée. Il n’y a pas beaucoup de nouvelles mines à venir. Et nous sommes maintenant au point où l’offre est encore restreinte. La différence entre le cuivre et le pétrole, c’est que les investisseurs dans le pétrole prévoit que la consommation mondiale va diminuer au cours des 10 prochaines années. En ce qui concerne le cuivre, on ne sait pas trop ce que fera la Chine au cours des 6 à 12 prochains mois. À quel point la Chine peut-elle être indulgente?
Toutefois, la grande majorité des investisseurs sont très optimistes à l’égard des perspectives du cuivre sur 5 à 10 ans. Et ça concerne l’électrification. Vous savez, ils bénéficient de la lancée de l’IA et de la construction de centres de données. La plupart des investisseurs ont donc des perspectives à long terme très positives. Mais encore une fois, et c’est une évidence, 4,50 $ la livre pour un producteur de cuivre en Amérique du Nord, c’est un prix très solide. Encore une fois, ce segment des ressources de l’économie canadienne se porte très bien à ces niveaux.
Intéressant. Il semble que ces taux neutres, pas neutres, mais presque semblables au scénario de base, semblent plus stables.
Eh bien, c’est un peu comme la vieille expression. Le remède le plus sûr contre les prix élevés, ce sont les prix élevés. C’est presque trop, qu’il s’agisse des prix élevés du pétrole ou du cuivre. La substitution entre en jeu, la demande est anéantie et tout le système s’en ressent. Franchement, pour un investisseur, cet équilibre sain est un contexte beaucoup plus raisonnable pour les entreprises.
Ça se concentre probablement dans ce secteur, aussi. Très bon point.
Le lingot d’or. Une vue sur cinq ans concernant le lingot d’or. Ce graphique est un peu différent, car il commence à monter à droite.
Oui. Je suis à peu près certain qu’il a atteint un sommet sans précédent aujourd’hui. Corrigez-moi si je me trompe, mais l’or brille, pour ainsi dire. Et c’est un peu différent des paramètres fondamentaux traditionnels de l’offre et de la demande de pétrole, de cuivre et d’autres produits de base, parce qu’il y a tellement d’autres facteurs. Il y a les fluctuations des taux d’intérêt, l’inflation, les tensions géopolitiques et les fluctuations des taux d’intérêt réels.
Quoi qu’il en soit, en deux mots, je pense que le contexte géopolitique et les achats des banques centrales ont vraiment propulsé l’or à un nouveau niveau. Encore une fois, les actions aurifères représentent près de 10 % de l’indice composé TSX. Dans un tel contexte, cette composante du marché canadien repose sur des facteurs très solides.
Laissez-moi vous poser une question... je n’ai qu’environ 30 secondes, Michael, mais du point de vue du Canada comme endroit où investir, le Canada a un léger problème d’image pour ce qui est des investisseurs étrangers. Est-ce que cela va changer dans un proche avenir, selon vous? Parce que je suppose que tout dépend du contexte par rapport à qui, quand les gens ont des choix.
Eh bien, de toute évidence, lorsque vous écoutez le dialogue au sud de la frontière, c’est une attitude nettement plus favorable aux entreprises qu’on entend, certainement de la part du candidat républicain. Au Canada, deux énormes projets d’infrastructures sont en cours d’achèvement, ce qui constitue une exception à la règle. Le projet de prolongement du pipeline Trans Mountain (TMX) a donc finalement vu le jour cette année. C’est maintenant du pétrole brut. C’est une victoire énorme pour le secteur pétrolier canadien.
L’installation de LNG Canada, je viens de lire que la dernière soudure a été effectuée pour le premier train de LNG Canada, un énorme projet d’exportation de gaz naturel liquéfié. Ça montre donc que des choses peuvent être accomplies. Mais si l’on regarde le temps que ça a pris, le coût et le nombre d’autres projets qui ont été mis de côté, ce n’est qu’une façon de dire que le Canada peut faire mieux.
Nous devons être plus accueillants envers les investisseurs. Est-ce que ça va changer? Eh bien, il y aura probablement des élections dans 12 ou 15 mois. On verra ce que ça nous réserve. Ça pourrait donc servir de catalyseur au changement d’attitude du gouvernement à l’égard des entreprises. On verra. [LOGO AUDIO] [MUSIQUE]
On a beaucoup parlé de la remontée des actions américaines cette année et du rôle que les titres des secteurs de l’intelligence artificielle et des technologies ont joué. Eh bien, mon prochain invité affirme que les actions canadiennes ont connu une année assez impressionnante en soi, mais qu’elles n’ont pas beaucoup retenu l’attention. Michael O’Brien est directeur général et chef de l’équipe des actions canadiennes de base à Gestion de Placements TD. Je le reçois à l’instant.
Cela semble être très propre au Canada, et cela fait tranquillement son bout de chemin. Je ne sais pas si c’est ce qu’on pensait. Mais dites-moi, pour ce qui est des thèmes de placement, l’IA a certainement occupé, je dirais, toute la place dans les manchettes et tout le reste en ce qui concerne ce à quoi les gens prêtent attention. Toutefois, l’indice TSX a progressé de 9 % depuis le début de l’année.
Oui, c’est intéressant. Certains se sont demandé récemment ce qui n’allait pas avec le Canada. Pourquoi le Canada ne se comporte pas bien? Eh bien, le fait est que le Canada connaît une année très solide, comme vous le dites, sous le radar.
Mais en ce moment, on nous compare à un géant, avec toute la thématique de l’IA au sud de la frontière et certaines de ces sociétés vraiment phénoménales qui affichent des revenus et une croissance des bénéfices extraordinaires en ce moment. Il est tout simplement difficile pour le marché canadien de vraiment attirer l’attention des investisseurs lorsqu’on est comparés à ça.
Donc c’est vraiment ça. Le Canada n’a pas du tout connu une mauvaise année. Je crois qu’on a progressé de 9 % un peu après la moitié de l’année. Une bonne année, c’est habituellement 10 %. Donc...
Oui, si ça continue.
... je pense que les investisseurs seront satisfaits de leurs relevés. C’est simplement que nous n’avons pas été au centre de l’attention. Mais étrangement, c’est en fait une bonne chose. Nous ne sommes pas un marché en surchauffe. Ce n’est pas un marché surévalué.
C’est seulement un marché qui fonctionne selon les règles de l’art et qui produit des rendements dont les investisseurs vont se réjouir, selon une approche véritablement canadienne. On ne peut tout simplement pas être jaloux du voisin du Sud qui a connu une année plutôt étonnante jusqu’à présent.
Qu’en est-il des évaluations? Vous avez dit que nous n’avions pas un marché excédentaire et surévalué, que nous n’avons pas ça ici en ce moment. Quelles sont selon vous les évaluations au Canada à l’heure actuelle?
Les évaluations au Canada ne sont donc pas exigeantes, à mon avis. Elles représentent d’importantes sources du marché. Vous pouvez toujours trouver des exceptions. Certains titres qui ont connu une période plutôt difficile semblent un peu plus élargis. Mais, de façon générale, il y a des segments importants du marché canadien dont le cours est très raisonnable à l’heure actuelle.
Mais il y a une raison à ça : l’économie a été plutôt faible. La croissance de l’économie sera probablement inférieure à la tendance sur un an et demi. Cela se traduit par une croissance des bénéfices qui n’est pas spectaculaire. Par conséquent, la croissance des dividendes a ralenti.
Je pense que la clé pour le marché canadien est la suivante : les investisseurs peuvent-ils trouver une raison de penser que 2025 sera une meilleure conjoncture économique? Et y a-t-il des raisons de croire que la croissance des bénéfices sera meilleure l’an prochain qu’elle ne l’a été en 2023 et 2024? C’est un peu le genre de choses que je surveille.
Je pense que ça va aussi dépendre, évidemment, des entreprises. Parce que sur le marché canadien, il y a une partie de l’économie mondiale des services et une partie de l’économie nationale des services. Tout dépend donc du côté de l’économie qui est utilisé, et de quelle façon.
Absolument.
Je sais que certains secteurs et titres sont dignes de mention. Parlons du premier. Et c’est l’énergie, et vous mettez l’accent sur CNQ. Et dites-moi pourquoi.
Oui. Eh bien, depuis le début de l’année, l’élément positif de l’économie canadienne et de l’indice TSX, c’est ce complexe de ressources. Et l’énergie, évidemment, en est une partie importante. Pour Canadian Natural Resources et beaucoup de sociétés comparables, beaucoup de grands producteurs de pétrole, ce n’est pas tant que les prix du pétrole dépassent les attentes, mais plutôt qu’ils sont très solides. Et ces sociétés sont toutes arrivées à une étape, une phase d’échéance de leurs activités, où elles peuvent générer des flux de trésorerie très solides à ces prix du pétrole.
Et la mentalité des équipes de direction de ces sociétés est très différente : elles se concentrent maintenant sur le remboursement du capital aux actionnaires, c’est-à-dire les rachats d’actions et l’augmentation des dividendes. Et c’est vraiment ce qui fait que les producteurs d’énergie se démarquent cette année ou se différencient, dans une année où, de façon générale, la croissance des bénéfices n’est pas aussi forte dans l’ensemble du marché canadien, et la croissance des dividendes n’est pas aussi forte, c’est un segment du marché qui génère des rendements démesurés pour les actionnaires.
Qu’en est-il du côté des matériaux? Et plus précisément, vous avez mis l’accent sur Agnico Eagle.
Bien sûr. Les matériaux sont donc la deuxième composante du segment des produits de base. Les matériaux et l’énergie représentent environ le tiers du marché canadien, ce qui constitue une part très importante de l’indice composé TSX. Si je ne m’abuse, le lingot d’or a atteint un sommet sans précédent aujourd’hui. Les prix de nombreux métaux ont été très solides. Et ce n’est pas tant que la demande soit si forte. L’offre a vraiment été restreinte depuis la dernière décennie, où elle était très mauvaise.
D’accord.
Maintenant, tous ces métaux sont revenus à des prix très intéressants pour les producteurs canadiens, et on commence à voir de bons flux de trésorerie disponibles. Agnico est l’une de nos sociétés préférées dans le secteur de l’or. On espère vraiment qu’avec les sociétés aurifères, les marges vont vraiment commencer à augmenter grâce au prix élevé des lingots.
Elles ont dû composer avec des dépenses serrées au cours des dernières années. Je pense que c’est réglé. Je pense qu’on devrait voir une belle croissance des bénéfices à même ce segment du marché, en particulier les producteurs d’or.
Je suppose qu’ils peuvent maintenir ces dépenses à un niveau bas et accroître leur marge. Il ne faut pas oublier de faire ses propres recherches. Les sociétés ferroviaires : vous vous concentrez sur le CP en ce moment. Pourquoi?
Eh bien, je pense que c’est un segment du marché dont il est intéressant de parler, parce que les sociétés ferroviaires ont toujours été l’un des secteurs les plus sûrs dans le contexte canadien, le CN et le CP. Elles ont vraiment fait du surplace ces dernières années. On a connu une étrange expérience pandémique à la suite des confinements, et tout le monde a acheté trop de produits, puis il a fallu réduire les stocks.
On a donc traversé cette période étrange que les gens appellent « récession du transport de marchandises », où les volumes des sociétés ferroviaires ont été très faibles au cours des dernières années. Encore une fois, il s’agit d’un segment du marché dont les titres ne se sont pas vraiment bien comportés. Mais d’ici 2025, si la conjoncture économique s’améliore, ces titres font partie des premiers titres cycliques qui devraient bien se comporter.
Et tous ces produits doivent être expédiés...
Exactement.
... voilà. Les banques... vous avez quelques noms ici. Vous surveillez la Banque Royale et la Banque de Montréal. Dites-moi quelle est la différence entre les deux, ce que vous voyez.
Oui, le bon et le mauvais de la situation en ce moment, dans les banques, c’est le troisième moteur de l’indice composé TSX.
Oui.
Les banques sont le troisième grand moteur traditionnel du marché canadien, avec les produits de base. Et donc, ce qu’on voit en ce moment, c’est que les banques sont en quelque sorte... je dirais que leurs investisseurs essaient de gagner en confiance pour regarder au-delà de la hausse des pertes sur prêts qu’on a observée jusqu’à présent. Que cela se produise ce trimestre, ou le prochain, ou dans deux trimestres, c’est vraiment la situation à court terme.
Mais comme vous pouvez le constater, la Banque Royale a affiché un bon rendement. La Banque de Montréal a éprouvé des problèmes avec son portefeuille de prêts au cours des derniers trimestres. Elle a perdu la faveur des investisseurs. Cela signifie simplement que la confiance des investisseurs n’est pas encore complètement revenue en ce qui a trait aux banques.
Espérons qu’avec les réductions de taux d’intérêt et le début d’un cycle de réduction des taux au Canada, on verra la semaine prochaine s’il y aura une deuxième baisse ou non, si on a des raisons de prévoir un contexte macroéconomique plus favorable en 2025, les banques vont en profiter grandement. Encore une fois, une part importante du marché canadien a encore beaucoup de potentiel si la situation macroéconomique change.
Vous avez évidemment parlé de l’importance des ressources ici au Canada. Et il y a quelques produits de base dont on veut parler et qu’on veut simplement comprendre, car lorsqu’ils vont de l’avant, c’est la même chose pour les actions des sociétés qui les gèrent et surveillent. On va commencer par le graphique du Brent. Et voici le graphique sur cinq ans du Brent que vous avez apporté. Dites-moi ce qu’on voit ici et expliquez-moi les points saillants.
Oui. L’un des points saillants, c’est qu’avant la pandémie, soit de 2014 à 2020, période qui ne figure pas sur le graphique, le secteur pétrolier a connu une période très difficile. Et ce que vous avez vu, c’est que la production américaine de pétrole de schiste était en train de monter en flèche. L’offre était donc très problématique.
Les équipes de direction, en particulier en Amérique du Nord, ont été incitées à forer, forer et forer. En fin de compte, les prix ont chuté pendant une période prolongée. Donc lorsqu’on regarde le graphique aujourd’hui, les prix du pétrole ne sont pas si élevés. Le Brent à 80 $ à 85 $, le WTI à 75 $ à 80 $, l’indice de référence nord-américain, ce ne sont pas des prix robustes par rapport à la moyenne de 100 $ d’il y a une décennie.
Ce sont d’excellents prix pour les producteurs nord-américains. En particulier, les producteurs canadiens de sables bitumineux vont générer beaucoup de flux de trésorerie disponibles si les prix restent dans cette fourchette. Dans le cas du pétrole, ce n’est pas tant une question de demande. La demande n’a pas été aussi forte. C’est vraiment une question de discipline de l’offre. Et tant que la discipline de l’offre va perdurer, c’est très positif pour le secteur canadien.
Je n’ai pas beaucoup de temps, mais êtes-vous préoccupé par le fait que si les taux baissent en raison d’une récession et que les choses ralentissent, quel sera le désavantage pour le pétrole?
Oui. Eh bien, la demande sera toujours une préoccupation pour les investisseurs. De toute évidence, une récession n’est pas une bonne chose. Vous savez, le pétrole pourrait clairement baisser. Mais est-ce qu’il va revenir à 40 $, 50 $? Je ne pense pas.
Et ce que je soulignerais, c’est de regarder d’où provient la plus forte croissance de l’offre au cours de la dernière décennie, soit le Permian aux États-Unis.
Il n’est plus disponible, maintenant.
Auparavant, lorsque le prix du pétrole atteignait 40 $, les installations de forage démarraient. Aujourd’hui, pendant la majeure partie de l’année, le prix se situe entre 75 $ et 90 $, et les installations de forage sont en baisse. On pourrait donc dire que 80 $ est le nouveau 40 $.
Je vois.
Je pense donc que c’est un monde différent maintenant.
Intéressant. Le cuivre... on a une vue sur cinq ans concernant le cuivre. Encore une fois, ce n’est pas très différent de ce qu’on a vu avec le Brent, en fait. Mais dites-moi ce que vous voyez ici.
Oui, c’est une situation semblable. C’est une décennie très difficile qui l’a précédée. Il n’y a pas beaucoup de nouvelles mines à venir. Et nous sommes maintenant au point où l’offre est encore restreinte. La différence entre le cuivre et le pétrole, c’est que les investisseurs dans le pétrole prévoit que la consommation mondiale va diminuer au cours des 10 prochaines années. En ce qui concerne le cuivre, on ne sait pas trop ce que fera la Chine au cours des 6 à 12 prochains mois. À quel point la Chine peut-elle être indulgente?
Toutefois, la grande majorité des investisseurs sont très optimistes à l’égard des perspectives du cuivre sur 5 à 10 ans. Et ça concerne l’électrification. Vous savez, ils bénéficient de la lancée de l’IA et de la construction de centres de données. La plupart des investisseurs ont donc des perspectives à long terme très positives. Mais encore une fois, et c’est une évidence, 4,50 $ la livre pour un producteur de cuivre en Amérique du Nord, c’est un prix très solide. Encore une fois, ce segment des ressources de l’économie canadienne se porte très bien à ces niveaux.
Intéressant. Il semble que ces taux neutres, pas neutres, mais presque semblables au scénario de base, semblent plus stables.
Eh bien, c’est un peu comme la vieille expression. Le remède le plus sûr contre les prix élevés, ce sont les prix élevés. C’est presque trop, qu’il s’agisse des prix élevés du pétrole ou du cuivre. La substitution entre en jeu, la demande est anéantie et tout le système s’en ressent. Franchement, pour un investisseur, cet équilibre sain est un contexte beaucoup plus raisonnable pour les entreprises.
Ça se concentre probablement dans ce secteur, aussi. Très bon point.
Le lingot d’or. Une vue sur cinq ans concernant le lingot d’or. Ce graphique est un peu différent, car il commence à monter à droite.
Oui. Je suis à peu près certain qu’il a atteint un sommet sans précédent aujourd’hui. Corrigez-moi si je me trompe, mais l’or brille, pour ainsi dire. Et c’est un peu différent des paramètres fondamentaux traditionnels de l’offre et de la demande de pétrole, de cuivre et d’autres produits de base, parce qu’il y a tellement d’autres facteurs. Il y a les fluctuations des taux d’intérêt, l’inflation, les tensions géopolitiques et les fluctuations des taux d’intérêt réels.
Quoi qu’il en soit, en deux mots, je pense que le contexte géopolitique et les achats des banques centrales ont vraiment propulsé l’or à un nouveau niveau. Encore une fois, les actions aurifères représentent près de 10 % de l’indice composé TSX. Dans un tel contexte, cette composante du marché canadien repose sur des facteurs très solides.
Laissez-moi vous poser une question... je n’ai qu’environ 30 secondes, Michael, mais du point de vue du Canada comme endroit où investir, le Canada a un léger problème d’image pour ce qui est des investisseurs étrangers. Est-ce que cela va changer dans un proche avenir, selon vous? Parce que je suppose que tout dépend du contexte par rapport à qui, quand les gens ont des choix.
Eh bien, de toute évidence, lorsque vous écoutez le dialogue au sud de la frontière, c’est une attitude nettement plus favorable aux entreprises qu’on entend, certainement de la part du candidat républicain. Au Canada, deux énormes projets d’infrastructures sont en cours d’achèvement, ce qui constitue une exception à la règle. Le projet de prolongement du pipeline Trans Mountain (TMX) a donc finalement vu le jour cette année. C’est maintenant du pétrole brut. C’est une victoire énorme pour le secteur pétrolier canadien.
L’installation de LNG Canada, je viens de lire que la dernière soudure a été effectuée pour le premier train de LNG Canada, un énorme projet d’exportation de gaz naturel liquéfié. Ça montre donc que des choses peuvent être accomplies. Mais si l’on regarde le temps que ça a pris, le coût et le nombre d’autres projets qui ont été mis de côté, ce n’est qu’une façon de dire que le Canada peut faire mieux.
Nous devons être plus accueillants envers les investisseurs. Est-ce que ça va changer? Eh bien, il y aura probablement des élections dans 12 ou 15 mois. On verra ce que ça nous réserve. Ça pourrait donc servir de catalyseur au changement d’attitude du gouvernement à l’égard des entreprises. On verra. [LOGO AUDIO] [MUSIQUE]