
Les investisseurs qui vendent à découvert se sont retrouvés du mauvais côté de l’opération alors que de nouveaux investisseurs de détail ont démontré leur puissance sur les marchés. Kim Parlee et Michael Craig, chef, Répartition des actifs, Gestion de Placements TD, discutent du « qui », du « comment » et des répercussions à long terme de l’évolution du secteur des placements.
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[MUSIQUE]
Les marchés ont connu une période excitante, mais, ces dernières semaines, un phénomène nouveau est apparu, alors que l’influence des particuliers individuels s’est fait sentir de différentes manières, tellement qu’on entend maintenant le terme « gamma squeeze » régulièrement dans les conversations courantes sur les placements.
Michael Craig est chef, Répartition des actifs, Gestion de Placements TD. Il va nous expliquer ce qui se passe, si c’est important et ce que nous devrions surveiller. Mike, tout d’abord, merci de venir nous aider à comprendre ce qui se passe.
Je crois que si je mentionne GameStop, AMC... ce sont des sociétés cotées en bourse dont l’action est passée de deux ou trois dollars, je crois, à plus de 200 $, 300 $ en l’espace de quelques jours. Pouvons-nous commencer par les notions de base? Que se passe-t-il?
Oh, génial, merci, Kim. Et merci de m’accueillir. Tout d’abord, je discutais avec ma famille hier soir. J’essayais d’expliquer la vente à découvert, mais je n’ai pas très bien réussi. Je vais essayer de nouveau.
Ce qui déclenché ça, c’est des positions courtes très importantes sur les titres concernés. Les fonds de couverture avaient emprunté des titres à d’autres investisseurs et les avaient vendus sur le marché dans l’espoir d’une baisse de cours. Ils n’avaient pas confiance dans les sociétés concernées : la stratégie était d’acheter plus tard à prix moindre et de faire un profit sur la différence de prix.
Ça dure depuis longtemps. Et c’est de ça qu’il s’agit. Dans le milieu des médias sociaux, en particulier sur WallStreetBets, un important groupe d’investisseurs, dépassant les deux millions, ont agi à l’unisson et attaqué les positions courtes en faisant monter le cours des actions au moyen d’achats actions ou d’achats options sur ces actions. Et à cause du manque de liquidité, du fait que le marché n’est pas préparé à une telle dynamique, il s’est produit des variations de cours assez explosives depuis deux ou trois jours, des choses que je n’avais guère vues depuis la fin des années 1990.
C’est intéressant, car l’investisseur individuel joue un rôle beaucoup plus important sur les marchés depuis un an, je dirais. Et je pense que ce qui est intéressant, c’est la question de la liquidité. Et j’ai toujours pensé, vous savez, vous pouvez imaginer un grand lac et un petit sceau, et si vous versez de l’eau très rapidement dans le petit sceau, ça monte très rapidement. Et quand je pense aux petites capitalisations, la même chose se produit.
Est-ce que c’est juste la combinaison, pour faire suite à ce que vous dites, du fait qu’il y a plus d’investisseurs individuels sur le marché? Ils se concentrent sur ces sociétés, mais ce n’est pas vraiment organisé, n’est-ce pas? C’est plutôt que les gens voient là un moyen de faire de l’argent très rapidement.
En fait, j’ai passé du temps sur les forums,
[RIRES]
et il y a un certain degré d’organisation. Je crois que ce serait une erreur de ne pas reconnaître ça. C’est un fait.
Beaucoup de gens ne sont pas des acteurs très importants individuellement, mais quand ils sont plus de 2 millions avec, mettons, 10 000 $ chacun, certains avec plus, d’autres avec moins, ça devient important. Et je pense que c’est un peu une collision entre ce qui... l’année dernière, certaines sociétés ont offert la négociation gratuite. Avec la COVID, beaucoup d’entre nous n’ont pas grand-chose à faire et restent à la maison, beaucoup ont une épargne importante, parce qu’ils travaillent, mais ne dépensent pas. Ils ont une épargne excédentaire. Il y a donc ces multiples facteurs conjugués à l’œuvre dans quelques compartiments du marché, et pour faire suite à ce que vous disiez, il y a une certaine pénurie de liquidité dans ces cas, un « gamma squeeze », etc.
Et je pense que c’est important. Nous sommes dans une période de très, très fort assouplissement de la politique monétaire, de colossal effort de relance, sans signe de retrait de ces mesures. Les banques centrales, les gouvernements mettent vraiment l’accent sur la croissance et la lutte contre la déflation. Et le risque de la chose concerne la stabilité financière. Et je pense que ce qu’on observe est la conséquence de ça. On commence à voir des choses bizarres comme celle-là, qui en soi est étrange, mais c’est lié à un manque de stabilité financière sur le marché à l’heure actuelle.
Je voulais aborder ce sujet sous différents angles. Et je sais que vous croyez que c’est en partie un phénomène générationnel, car peut-être que les gens qui participent à ce phénomène boursier le font au moyen de leur téléphone et le font rapidement. Ce n’est pas juste une chose que vous n’auriez pu voir ou entendre, il y a 10 ou 15 ans.
Ouais, il y a ça, et il y a aussi... regardez, les jeunes... Il y a un genre de choc des générations en ce moment, qu’il s’agisse de la COVID et des mesures de confinement, d’inégalité des patrimoines et des revenus, du coût des logements. Et il y a un peu là, presque, je ne veux pas dire une révolution, mais il y a ce genre d’affrontement entre différents investisseurs actuellement.
Au fait, je trouve ça incroyablement intéressant. Nous sommes des genres d’accros dans notre profession. Notre travail consiste à observer le monde et à comprendre ce qui se passe. Je trouve ça fascinant sous plusieurs aspects.
L’un des aspects, c’est le dilemme du prisonnier auquel sont actuellement confrontés ceux qui ont acheté ces titres. Et les vendeurs à découvert font face à des taux d’intérêt des emprunts de plus de 100 %. Alors, si vous alliez... Aujourd’hui si je voulais vendre GameStop à découvert, je devrais payer un taux d’intérêt de 120 % sur mon emprunt, plus que ce que vous feriez en un an si le titre baissait à zéro,
et c’est pourquoi vous commencez à voir les fonds de couverture couvrir leurs positions et conséquemment à voir des gains en capital spectaculaires, sur fond de ruée des gens. Il se passe donc beaucoup de choses en ce moment. Et c’est un peu un coup de semonce en ce qui concerne le choc des générations, ce qui se passe sur les marchés financiers, et c’est une chose, je pense, à laquelle nous devrons être attentifs dans les temps qui viennent.
Eh bien, permettez-moi de vous demander... alors, de votre point de vue, parce que nos auditeurs sont dans l’une ou l’autre de quelques catégories. Soit vous faites de l’argent et êtes enchanté. Soit vous ne faites pas d’argent et êtes contrarié parce que vous voulez en faire. Soit encore vous vous demandez, en tant qu’investisseur axé sur le long terme : qu’est-ce que ça veut dire? est-ce que ça va changer? est-ce que c’est un problème? jusqu’à quel point est-ce important? et convient-il encore détenir des actions à long terme, compte tenu de ce qui se passe?
Dans notre profession... écoutez, les marchés subissent constamment des changements. Ils évoluent. Et vous devez comprendre comment les choses évoluent.
Ça fait partie du travail de comprendre les évolutions à l’œuvre dans ce qui se passe. Nous achetons des titres de qualité dans une optique de long terme. Nous recherchons de vraies entreprises. Je ne change pas mon style de placement. Je ne recherche pas ces occasions de faire de l’argent.
Je suis un observateur curieux, tout comme mes équipes. Nous tâchons simplement de comprendre la nature du phénomène et de gérer les portefeuilles en conséquence. Ma crainte, à bien des égards, c’est que les gens voient là un moyen rapide de s’enrichir. Or, ce n’est pas le principe du marché boursier.
Le principe du marché boursier, c’est de participer à la croissance de l’économie, à la croissance de la productivité, à la hausse du niveau de vie, etc. Si vous décrivez ça comme un jeu ou si vous voulez faire passer les marchés pour un casino, ce n’est pas sain. Sur le court terme, c’est un peu une rigolade; sur le plus long terme, c’est de nature à nuire grandement à la crédibilité des marchés financiers. Ce sont des questions philosophiques importantes, qui doivent être posées et des choses auxquelles nous réfléchissons, alors que nous observons le phénomène.
Et nous allons continuer de surveiller la chose. Michael, merci beaucoup d’avoir été des nôtres. Merci à vous.
Ça m’a fait plaisir.
[MUSIQUE]
Les marchés ont connu une période excitante, mais, ces dernières semaines, un phénomène nouveau est apparu, alors que l’influence des particuliers individuels s’est fait sentir de différentes manières, tellement qu’on entend maintenant le terme « gamma squeeze » régulièrement dans les conversations courantes sur les placements.
Michael Craig est chef, Répartition des actifs, Gestion de Placements TD. Il va nous expliquer ce qui se passe, si c’est important et ce que nous devrions surveiller. Mike, tout d’abord, merci de venir nous aider à comprendre ce qui se passe.
Je crois que si je mentionne GameStop, AMC... ce sont des sociétés cotées en bourse dont l’action est passée de deux ou trois dollars, je crois, à plus de 200 $, 300 $ en l’espace de quelques jours. Pouvons-nous commencer par les notions de base? Que se passe-t-il?
Oh, génial, merci, Kim. Et merci de m’accueillir. Tout d’abord, je discutais avec ma famille hier soir. J’essayais d’expliquer la vente à découvert, mais je n’ai pas très bien réussi. Je vais essayer de nouveau.
Ce qui déclenché ça, c’est des positions courtes très importantes sur les titres concernés. Les fonds de couverture avaient emprunté des titres à d’autres investisseurs et les avaient vendus sur le marché dans l’espoir d’une baisse de cours. Ils n’avaient pas confiance dans les sociétés concernées : la stratégie était d’acheter plus tard à prix moindre et de faire un profit sur la différence de prix.
Ça dure depuis longtemps. Et c’est de ça qu’il s’agit. Dans le milieu des médias sociaux, en particulier sur WallStreetBets, un important groupe d’investisseurs, dépassant les deux millions, ont agi à l’unisson et attaqué les positions courtes en faisant monter le cours des actions au moyen d’achats actions ou d’achats options sur ces actions. Et à cause du manque de liquidité, du fait que le marché n’est pas préparé à une telle dynamique, il s’est produit des variations de cours assez explosives depuis deux ou trois jours, des choses que je n’avais guère vues depuis la fin des années 1990.
C’est intéressant, car l’investisseur individuel joue un rôle beaucoup plus important sur les marchés depuis un an, je dirais. Et je pense que ce qui est intéressant, c’est la question de la liquidité. Et j’ai toujours pensé, vous savez, vous pouvez imaginer un grand lac et un petit sceau, et si vous versez de l’eau très rapidement dans le petit sceau, ça monte très rapidement. Et quand je pense aux petites capitalisations, la même chose se produit.
Est-ce que c’est juste la combinaison, pour faire suite à ce que vous dites, du fait qu’il y a plus d’investisseurs individuels sur le marché? Ils se concentrent sur ces sociétés, mais ce n’est pas vraiment organisé, n’est-ce pas? C’est plutôt que les gens voient là un moyen de faire de l’argent très rapidement.
En fait, j’ai passé du temps sur les forums,
[RIRES]
et il y a un certain degré d’organisation. Je crois que ce serait une erreur de ne pas reconnaître ça. C’est un fait.
Beaucoup de gens ne sont pas des acteurs très importants individuellement, mais quand ils sont plus de 2 millions avec, mettons, 10 000 $ chacun, certains avec plus, d’autres avec moins, ça devient important. Et je pense que c’est un peu une collision entre ce qui... l’année dernière, certaines sociétés ont offert la négociation gratuite. Avec la COVID, beaucoup d’entre nous n’ont pas grand-chose à faire et restent à la maison, beaucoup ont une épargne importante, parce qu’ils travaillent, mais ne dépensent pas. Ils ont une épargne excédentaire. Il y a donc ces multiples facteurs conjugués à l’œuvre dans quelques compartiments du marché, et pour faire suite à ce que vous disiez, il y a une certaine pénurie de liquidité dans ces cas, un « gamma squeeze », etc.
Et je pense que c’est important. Nous sommes dans une période de très, très fort assouplissement de la politique monétaire, de colossal effort de relance, sans signe de retrait de ces mesures. Les banques centrales, les gouvernements mettent vraiment l’accent sur la croissance et la lutte contre la déflation. Et le risque de la chose concerne la stabilité financière. Et je pense que ce qu’on observe est la conséquence de ça. On commence à voir des choses bizarres comme celle-là, qui en soi est étrange, mais c’est lié à un manque de stabilité financière sur le marché à l’heure actuelle.
Je voulais aborder ce sujet sous différents angles. Et je sais que vous croyez que c’est en partie un phénomène générationnel, car peut-être que les gens qui participent à ce phénomène boursier le font au moyen de leur téléphone et le font rapidement. Ce n’est pas juste une chose que vous n’auriez pu voir ou entendre, il y a 10 ou 15 ans.
Ouais, il y a ça, et il y a aussi... regardez, les jeunes... Il y a un genre de choc des générations en ce moment, qu’il s’agisse de la COVID et des mesures de confinement, d’inégalité des patrimoines et des revenus, du coût des logements. Et il y a un peu là, presque, je ne veux pas dire une révolution, mais il y a ce genre d’affrontement entre différents investisseurs actuellement.
Au fait, je trouve ça incroyablement intéressant. Nous sommes des genres d’accros dans notre profession. Notre travail consiste à observer le monde et à comprendre ce qui se passe. Je trouve ça fascinant sous plusieurs aspects.
L’un des aspects, c’est le dilemme du prisonnier auquel sont actuellement confrontés ceux qui ont acheté ces titres. Et les vendeurs à découvert font face à des taux d’intérêt des emprunts de plus de 100 %. Alors, si vous alliez... Aujourd’hui si je voulais vendre GameStop à découvert, je devrais payer un taux d’intérêt de 120 % sur mon emprunt, plus que ce que vous feriez en un an si le titre baissait à zéro,
et c’est pourquoi vous commencez à voir les fonds de couverture couvrir leurs positions et conséquemment à voir des gains en capital spectaculaires, sur fond de ruée des gens. Il se passe donc beaucoup de choses en ce moment. Et c’est un peu un coup de semonce en ce qui concerne le choc des générations, ce qui se passe sur les marchés financiers, et c’est une chose, je pense, à laquelle nous devrons être attentifs dans les temps qui viennent.
Eh bien, permettez-moi de vous demander... alors, de votre point de vue, parce que nos auditeurs sont dans l’une ou l’autre de quelques catégories. Soit vous faites de l’argent et êtes enchanté. Soit vous ne faites pas d’argent et êtes contrarié parce que vous voulez en faire. Soit encore vous vous demandez, en tant qu’investisseur axé sur le long terme : qu’est-ce que ça veut dire? est-ce que ça va changer? est-ce que c’est un problème? jusqu’à quel point est-ce important? et convient-il encore détenir des actions à long terme, compte tenu de ce qui se passe?
Dans notre profession... écoutez, les marchés subissent constamment des changements. Ils évoluent. Et vous devez comprendre comment les choses évoluent.
Ça fait partie du travail de comprendre les évolutions à l’œuvre dans ce qui se passe. Nous achetons des titres de qualité dans une optique de long terme. Nous recherchons de vraies entreprises. Je ne change pas mon style de placement. Je ne recherche pas ces occasions de faire de l’argent.
Je suis un observateur curieux, tout comme mes équipes. Nous tâchons simplement de comprendre la nature du phénomène et de gérer les portefeuilles en conséquence. Ma crainte, à bien des égards, c’est que les gens voient là un moyen rapide de s’enrichir. Or, ce n’est pas le principe du marché boursier.
Le principe du marché boursier, c’est de participer à la croissance de l’économie, à la croissance de la productivité, à la hausse du niveau de vie, etc. Si vous décrivez ça comme un jeu ou si vous voulez faire passer les marchés pour un casino, ce n’est pas sain. Sur le court terme, c’est un peu une rigolade; sur le plus long terme, c’est de nature à nuire grandement à la crédibilité des marchés financiers. Ce sont des questions philosophiques importantes, qui doivent être posées et des choses auxquelles nous réfléchissons, alors que nous observons le phénomène.
Et nous allons continuer de surveiller la chose. Michael, merci beaucoup d’avoir été des nôtres. Merci à vous.
Ça m’a fait plaisir.
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