La vente d’une petite entreprise implique parfois une clause d’indexation sur les bénéfices futurs – un type d’entente qui lie le prix de vente à des cibles futures que l’entreprise doit atteindre. Georgia Swan, planificatrice spécialiste de la fiscalité et des successions, Gestion de patrimoine TD, explique ce que le vendeur doit savoir et quelles erreurs il doit éviter.
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Attention, propriétaires d’entreprise qui prévoyez vendre votre entreprise à votre départ à la retraite. Supposons que vous en êtes à vendre votre entreprise et qu’en cours de négociation l’acheteuse demande une baisse de prix, mais offre des versements futurs indexés sur la croissance de l’entreprise, c’est-à-dire une clause d'indexation sur les bénéfices futurs.
Voici la question : devriez-vous accepter? J’ai trouvé la réponse en m’entretenant avec Georgia Swan, planificatrice spécialiste de la fiscalité et des successions chez Gestion de patrimoine TD, qui m’a expliqué en quoi consistait, après la conclusion du contrat, une clause d’indexation sur les bénéfices futurs.
GEORGIA SWAN : Il y a un autre montant versé au vendeur sur une certaine période, montant généralement indexé sur des choses comme les résultats de l’entreprise après la vente, comme la croissance, les bénéfices nets. Souvent, le contrat prévoit que le vendeur restera dans l’entreprise un certain temps pour faciliter la transition.
Il a consacré sa vie à bâtir cette entreprise, il s’y trouve ainsi associé un peu plus longtemps.
Exactement. Ça peut être une très bonne chose dans certains cas.
Ça reste à préciser : nous allons certainement y revenir. Pourquoi voit-on ce type de contrat? Quel est l’avantage pour les parties? Ou le coût?
Eh bien, très souvent, lorsqu’on évalue une entreprise, l’évaluation est fondée sur les bénéfices. L’acheteur, bien sûr, ne veut pas payer exagérément cher. Alors, dans une conjoncture économique difficile, ça peut être un bon moyen de s’assurer qu’on ne paie pas trop cher. Pour le vendeur, ça peut être la seule solution : s’il n’y a qu’un ou deux acheteurs et que ceux-ci exigent une telle clause, il n’a pas le choix.
Revenons à ce que vous avez dit, à savoir que c’est bien dans certains cas, avec des réserves. Vous connaissez des cas concrets. Pourquoi ne pas nous parler des dangers?
Dans le cas d’un vendeur pour qui j’ai travaillé, le contrat prévoyait un montant à verser à la signature du contrat, puis des montants à verser sur une période de trois ans, indexés sur les résultats, ainsi que le maintien du vendeur dans l’entreprise pour faciliter la transition. Le vendeur obtenait des options sur actions ou des actions de la société acheteuse.
Le hic, c’est que le lendemain de la signature du contrat, lui qui avait bâti l’entreprise, et ce, à partir de rien, et qui y était très attaché...
Son cœur et son âme, oui.
Exactement... il s’est retrouvé employé et non plus propriétaire. Et l’acheteur avait sa propre idée de l’orientation que devrait prendre l’entreprise. Cela peut avoir un impact psychologique considérable sur le vendeur devenu simple employé.
Quand est-ce intéressant? Je veux dire du point de vue des deux parties, quand est-ce intéressant et quand est-ce que ce ne l’est pas? Vous venez de citer un cas où ce n’était peut-être pas intéressant. Quand est-ce intéressant?
Ça peut l’être quand vous partez à la retraite. Ça peut nettement faciliter le passage à la retraite, car vous restez associé à l’entreprise, mais sans avoir la responsabilité et les maux de tête. C’est parfois la seule solution, quand l’acheteur exige la clause d’indexation sur les résultats. Et parfois, si vous êtes ce type de personne, ça peut être très revitalisant, parce que l’entreprise a peut-être soudain un apport de capitaux, une nouvelle orientation, de nouvelles possibilités, et vous, qui avez monté l’entreprise, vous pouvez assister avec joie au nouvel essor de l’entreprise.
Parlons aussi du cas contraire. Ce n’est pas intéressant dans les situations où vous avez le sentiment d’avoir perdu le contrôle, peut-être.
Tout à fait, quand vous avez le sentiment d’avoir perdu le contrôle. Je vois ça comme l’aspect humain, l’aspect psychologique de la chose. Se retrouver dans une entreprise dont on n’est plus le propriétaire, ne plus participer à la prise de décisions, à la définition des orientations, ne pas s’entendre peut-être avec le nouveau propriétaire et ne pas être d’accord avec ce qu’il veut faire pour l’entreprise. Certaines personnes préfèrent prendre l’argent et passer à autre chose. Parfois, évidemment, dans cette situation, ça n’arrive pas.
Pouvez-vous nous parler concrètement de la façon dont peut se conclure un contrat?
Supposons que j’ai passé ma vie à bâtir une entreprise d’ingénierie chimique évoluant dans un créneau très spécialisé et que j’estime que sa valeur se chiffre à 10 millions de dollars. Une plus grosse société d’ingénierie chimique souhaite acheter mon entreprise, peut-être parce qu’elle veut pénétrer le créneau que j’exploite.
Nous pourrions rédiger un contrat prévoyant le versement de 70 % du prix d’achat à la signature du contrat et le versement des 30 % restants sur un certain nombre d’années, à condition que l’entreprise atteigne certains objectifs de ventes, de croissance et que je reste pour tâcher de faciliter la transition.
Une fois le contrat signé, je reste dans l’entreprise, peut-être comme responsable d’un secteur ou comme consultant, car il n’est pas toujours requis que ce soit comme employé : ça peut être comme consultant à temps partiel. Si l’entreprise atteint ses objectifs, l’argent me sera versé progressivement, jusqu’à l’expiration du contrat.
Est-ce généralement ainsi, à savoir que la plus grande partie du prix est versée sur-le-champ et la plus petite partie un peu plus tard?
Généralement, oui, du moins pour ce qui est des contrats dont je me suis occupée, c’a été ainsi : la plus grande partie est versée immédiatement, et le reste, sur une certaine période.
J’aimerais savoir... si une personne est prête à vendre et qu’elle reçoit une offre prévoyant une clause d'indexation sur les bénéfices futurs, une des façons de structurer le contrat... quels sont les points à considérer pour vous assurer que le contrat est structuré de façon conforme à vos intérêts?
En premier lieu, vous devez vous demander honnêtement si vous allez pouvoir supporter la chose sur le plan psychologique. Ensuite, il faut bien considérer sur quoi porte cette clause d’indexation, si elle porte sur les résultats ou quelque chose du genre, si les objectifs à cet égard sont réalistes.
Si la conjoncture économique se dégrade, que va-t-il se passer? Puis, demandez-vous si vous êtes sur la même longueur d’onde que la société acheteuse. Avez-vous les mêmes buts? Enfin, il s’agit essentiellement de savoir si vous souhaitez rester associé à l’entreprise ou passer à autre chose.
Très intéressant, Georgia. Merci beaucoup!
Je vous en prie.
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