
Alors qu’une certaine lassitude nous gagne en raison du confinement, les gouvernements commencent à élaborer des plans pour relancer l’économie. Quand sera-t-il sécuritaire de le faire? Quelle forme ces plans prendront-ils? Seront-ils suffisants pour remettre l’économie sur les rails? Kim Parlee en discute avec Phil Davis, fondateur de philstockworld.com.
Bonjour et bienvenue au bulletin quotidien Parlons Argent COVID-19 du mardi 28 avril. Ici Anthony Okolie. Dans quelques minutes, Kim Parlee s’entretiendra avec Phil Davis, fondateur de philsstockworld.com, à propos des diverses phases qui risquent de se succéder dans le redémarrage de l’économie. Mais, d’abord, voici un résumé des nouvelles du jour.
Établi à 310 milliards de dollars, le deuxième volet du Paycheck Protection Program aux États-Unis s’est mal amorcé lundi. Le site de prêts aux PME est tombé en panne dès le premier jour de la réouverture du programme devant l’ampleur de la demande.
La pandémie de coronavirus a franchi une autre sombre étape; plus de trois millions de cas de COVID-19 ont maintenant été rapportés dans le monde. En parallèle, les États-Unis approchent rapidement du million de cas, soit le tiers des cas dans le monde.
Suffisant à peine à la demande de masques N95, la société 3M a décidé de réduire ses coûts, comme les ventes de ses fournitures de bureau sont en baisse du fait que plus d’employés travaillent à la maison depuis la pandémie. Beyond Meat, une entreprise qui qui offre des produits de remplacement de la viande, voit son action s’envoler depuis que les éclosions de coronavirus dans les abattoirs de bœuf, de porc et de volaille en ont entraîné la fermeture aux États-Unis.
Finalement, la Réserve fédérale américaine se réunit aujourd’hui et mercredi. On craint de plus en plus que la Fed soit forcée de ramener les taux d’intérêt en territoire négatif si l’économie se détériore.
Voilà qui résume les manchettes du jour. Je vous propose maintenant d’entendre Kim Parlee en conversation avec Phil Davis.
Phil, vous étiez très optimiste à la fin de mars, avant que le marché ne plonge. Depuis, la remontée avoisine les 30 % pour certains titres et quelques-uns atteignent des sommets. Qu’en pensez-vous?
De toute évidence, la correction était exagérée. Et la reprise n’a pas tardé. Après avoir injecté directement 2 000 ou 2 500 milliards de dollars dans l’économie, c’est normal qu’il y ait un rebond.
Il faut plutôt se demander si c’est soutenable. Nous pensons que le niveau est plutôt bon pour l’économie. À 2 850 points, l’indice S&P est sans doute à peu près dans le mille, compte tenu de la relance et des difficultés à venir. La fourchette correspond assez à nos attentes et se situe probablement dans la portion supérieure. Le phénomène risque de perdurer jusqu’à l’été en attendant de savoir plus exactement à quoi nous en tenir avec le virus.
Dites-moi, vous vous fondez sur vos réflexions quant à ce qui risque de se produire concernant l’économie, le virus et le rythme de la réouverture. Vous avez publié une longue note dans laquelle vous vous livrer à des calculs. Vous y exposez votre thèse sur ce qui risque de se produire. Pouvez-vous nous donner plus de détails? C’est intéressant.
Oui. Nous en avons parlé la semaine dernière dans notre salon de clavardage avec nos membres. J’en en parlé. J’ai passé la fin de semaine à discuter avec une foule de gens et j’ai beaucoup lu, notamment sur nombre de pandémies du passé. Je suis presque devenu un expert de la grippe espagnole de 1918. J’ai analysé divers pays et leur façon de gérer la crise. J’ai aussi réfléchi aux populations, aux gouvernements et à d’autres thèmes du genre.
Essentiellement, compte tenu des nombreux courants qui circulent et qui influencent les gens, ma prémisse repose sur l’idée que le gouvernement est pressé de relancer l’économie et qu’il ne s’inquiète pas tant de la santé de la population. Ça peut paraître cruel dit de cette façon, mais l’État a bien d’autres préoccupations. Il doit aussi peser les risques pour l’économie.
De ce point de vue et compte tenu de l’attitude, surtout en Amérique, à l’égard du confinement, des interdictions décrétées et de la mortalité causée par la pandémie, j’ai été réconforté de découvrir que, selon une étude menée à Los Angeles, peut-être 4 % de la population a été infectée globalement d’après des tests réalisés au hasard. À New York, le taux d’infection atteint 20 % de la population dans la ville. Pour l’ensemble de l’État, on parle plutôt de 14 %. Mais, c’est une bonne chose; ça veut dire que bien des gens ont éprouvé des symptômes plus légers, sans se rendre compte qu’ils avaient contracté le virus et développé des anticorps.
Il faut espérer qu’il n’y ait pas de nouvelle infection et que l’idée fasse son chemin. Il faut savoir que tout se déroule à vitesse grand V, parce que le confinement dure depuis, quoi, six semaines maintenant, même un peu moins. Mais tout le monde pense, à tort, que ça fait des années. Les événements se sont déroulés sur quelques semaines et non quelques mois.
Dans ce contexte, si les choses prennent forme et que la stratégie des États pour entreprendre le déconfinement ne rencontre pas d’obstacles majeurs, je pense qu’on va voir la première phase s’opérer chez les jeunes au début de la vingtaine et chez les moins de 20 ans, qui vont pouvoir sortir.
En apprenant que 25 % de leurs amis ont le virus sans que ça cause un réel problème, qu’ils sont récemment entrés en contact avec une personne infectée sans attraper le virus, qu’ils sont infectés ou découvrent qu’ils le sont, ces jeunes ne vont plus s’en faire. Ils vont rencontrer plus de monde. Ils vont commencer à sortir et vont reprendre leurs activités, comme d’aller au centre commercial ou au restaurant, par exemple. Le déconfinement va commencer par les enfants.
S’ils ne sont pas très malades, ils vont servir de cobayes. Et, si tout se passe bien, les moins de 40 ans ou de 45 ans vont se dire que le risque collectif est minime. Eux aussi vont sortir en se disant que, même s’ils attrapent le virus, les symptômes sont généralement très légers, selon les statistiques. Chacun va jouer à l’épidémiologiste et se dire expert en virus.
Vous parlez des cohortes plus jeunes de la population. Tout va bien pour eux. Ils sortent. Les moins de 45 ans suivent. C’est sans doute ensuite au tour des 45 ans, puis des 65 ans et ainsi de suite. Mais, à un certain moment, on risque de constater une division au sein de l’économie.
Oui.
Il y aura ceux qui auront repris confiance, entre autres parce qu’ils sont immunisés - même si la science reste incertaine à ce sujet, et ceux qui seront plus craintifs. Comment l’économie va-t-elle réagir? Comment les entreprises vont-elles relancer les ventes? Comment tout ça va-t-il se structurer?
Ce sera intéressant parce qu’il va y avoir des étapes. Les jeunes dans la vingtaine vont sortir. Il n’y a pas de problème. C’est une supposition. Donc, les jeunes dans la vingtaine sortent sans problème. Ce qui ne veut pas dire que personne n’est malade ou ne meurt. Le virus ne trouvera simplement pas assez d’hôtes à infecter. Les jeunes dans la vingtaine vont servir de cobayes. Ils vont sortir et se faire une idée de la situation.
Leurs parents au milieu de la quarantaine ou à peu près vont bien voir que leurs enfants sortent et se dire qu’ils sont déjà infectés par 30 ou 40 amis de leurs enfants. Alors, aussi bien aller travailler.
Et c’est ce qu’ils vont faire. Il y aura ensuite le groupe le plus à risque, la tranche des 45 à 65 ans. Combien d’entre eux voudront se priver de salaire après deux mois? Pour des raisons économiques, même au détriment de leur santé ou d’autres aspects, ils vont aller travailler. Et ils vont sortir.
Après le travail, ils vont s’arrêter sur le chemin du retour. Ils vont visiter un ami. Ils vont prévoir des activités. La vie va reprendre. Mais, d’abord, les restaurants, les bars les clubs vont ouvrir pour les personnes qui ont développé des anticorps parce qu’elles ont reçu un test positif ou que leur organisme possède les anticorps. Donc, les gens qui ne se soucient plus du virus.
Ces gens-là vont sortir et les entreprises vont vouloir répondre à leurs besoins en disant que la situation revient à la normale. C’est ce qu’ils vont dire. Tout est redevenu comme avant. On peut s’asseoir tranquillement et passer un bon moment. Il n’y a pas à s’en faire. On peut sortir avec les amis.
Mais, une partie des entreprises devront s’occuper des personnes demeurées confinées qui ne veulent prendre aucun risque. Je pense aux personnes plus vulnérables. Je suis en surpoids et j’ai 57 ans. Pas question que je sorte, même si je le peux. Mais, peu de gens ont le luxe de faire ce choix. Mais, je ne vais pas sortir inutilement et courir ce genre de risque.
La plupart des gens vont finir par attraper le virus, comme c’est le cas pour la grippe. C’est une question de temps.
On se trouve devant un modèle dans lequel la demande se rétablit graduellement à un certain rythme et d’une certaine façon jusqu’au retour à une certaine normale, quelle qu’elle soit. Mais, comment y arriver? Du point de vue des actions et des bénéfices des entreprises, comment même commencer à y voir clair?
Il faut savoir que dans le contexte macroéconomique actuel, à en juger d’après les données en Asie et en Europe, l’économie s’est contractée d’environ 30 % au pic de la pandémie. Le repli a donc été de 30 % sur une période de trois mois.
Nous n’avons pas encore de données fiables pour le mois suivant parce que la Chine et le Japon terminent tout juste leur deuxième mois… Il y a moins d’un trimestre que le virus y a disparu. Mais, ces pays viennent de traverser leur pire trimestre. Le deuxième trimestre est sans doute moins mauvais. Un recul de 30 % durant un trimestre se limitera probablement à 15 % au trimestre suivant lors de la reprise.
Dès le trimestre suivant, pour nous c’était le deuxième, tout a commencé. Le troisième trimestre a été le pire pour nous. Notre recul au quatrième trimestre est de 10 % à 15 %. Mais, d’ici le début de l’an prochain, ce sera comme si rien n’était arrivé.
Vraiment?
Surtout en tenant compte des mesures de relance pour la suite des choses. Sans mesures de relance, l’économie régresse de 30 %. Mais, en injectant quelques milliers de milliards et en soustrayant 30 % d’un trimestre à 4 000 milliards, l’écart n’est que de 1 200 milliards. Le gouvernement a investi 2 200 milliards pour régler le problème. La solution est assez efficace.
Même si c’est un peu brouillon. La distribution est très inégale. C’est une toute autre conversation si l’on veut parler de la façon dont les fonds ont été mal répartis. Mais, d’une façon ou d’une autre, l’économie a pu éviter le pire. La contraction dans l’ensemble pourrait être de 10 % pour l’année ou à peu près.
Mais c’est gérable. Il s’agira de se reprendre l’an prochain. Mais, c’est la raison pour laquelle nous sommes à 2 850 points. Cette année, nous devrions arriver à nous maintenir au niveau actuel de l’indice S&P. En espérant que, l’an prochain, nous nous rapprocherons des 3 000 points.
[TRAME MUSICALE]