
Si la tendance se maintient, ce qui semble de plus en plus être le cas, les États-Unis pourraient se retrouver avec un gouvernement divisé en 2021. Une Chambre divisée aidera-t-elle le secteur des technologies à éviter des politiques et des règlements plus stricts? Kim Parlee s’entretient sur le sujet avec Bill Priest, président-directeur et cochef des placements, Epoch Investment Partners.
Je suis avec Bill Priest, cochef des Placements, à Epoch Investment Partners. Bill, ravie de vous voir. Avant de commencer, comment le marché tient-il compte de la situation actuelle?
Eh bien, le marché, je pense, avait envisagé trois scénarios possibles. Premier scénario, le statu quo. Trump gagne, rien ne change au niveau du contrôle de la Chambre et du Sénat. Deuxième scénario, qui commençait à être de plus en plus reflété sur les marchés, la vague bleue. Les Démocrates contrôlent les deux Chambres et la présidence. Et c’était reflété dans le comportement de certains secteurs du marché depuis deux, trois semaines. Troisième scénario possible, qui semble plus susceptible de se réaliser aujourd’hui, Biden est Président mais le Sénat demeure Républicain. Dans ce cas, on a un gouvernement qui est un peu paralysé. Les décrets vont commencer à être pris par le nouveau Président. Au lieu de parler des décrets de Trump, on va parler des décrets de Biden. Cela aura certaines conséquences.
D’abord, il est probable qu’il y aura des mesures de relance, mais moins élevées que si les Démocrates avaient raflé la mise. Je dirais 500 milliards. Il n’y aura pas d’augmentations d’impôt. Biden avait proposé des augmentations d’impôt des sociétés, il n’en verra jamais la couleur. Il n’y aura pas d’augmentation du salaire minimum non plus. Les gagnants, les secteurs de la croissance, la santé et la technologie, qui s’étaient éclipsés depuis deux, trois semaines alors que les actions de valeur avaient remonté un peu. L’énergie aussi et le secteur financier. Mais dans ce scénario, avec une présidence de Biden et un Sénat républicain, c’est ça qui se produira.
Bon, l’élection est très, très serrée. Une chose qu’on a apprise cette année, c’est que la réalité dépasse la fiction. La réalité sont les élections. La fiction, les sondeurs. Ce qui doit se produire, c’est que le Michigan et le Wisconsin doivent tomber dans l’escarcelle de Biden. Il doit également conquérir le Nevada. Il a les moyens de perdre la Pennsylvanie. Il peut se le permettre. Il l’a peut-être déjà perdue. Mais s’il peut conquérir le Wisconsin, le Nevada et le Michigan, il sera le prochain président des États-Unis.
Alors, Bill, pourriez-vous nous expliquer. Si M. Biden devenait Président avec un Sénat républicain, quelle pourrait être l’incidence sur la gestion de la pandémie? Celle-ci semble avoir été mise en veilleuse, mais les cas se multiplient toujours et l’économie américaine a toujours besoin d’aide.
Oui. Il y a deux problèmes, ici. Oui, il faut des mesures de relance. Les prestations de Care’s Act ont expiré pour presque tout le monde. Alors, oui, il faudra des mesures de relance. Les chiffres de l’emploi qui ont paru aujourd’hui étaient décevants et ça ne paraît pas très reluisant d’ici deux, trois mois en ce qui concerne le marché de l’emploi.
Alors, en ce qui concerne le virus, le virus est compliqué. Il y aura des cas de plus en plus nombreux. Le taux de létalité, c’est-à-dire le nombre de décès par rapport aux cas et en fait beaucoup plus bas qu’on ne l’avait prévu. C’est beaucoup plus bas que quiconque l’avait prévu même il y a un an.
Mais le volume de cas submerge le système de santé et cela demeure un gros problème. Est-ce que nous aurons une solution pour le virus? Je pense qu’il y aura plusieurs vaccins qui seront homologués. Quatre, cinq, six vaccins différents. Le seuil d’efficacité qui a été fixé pour l’homologation des vaccins est très bas. Cinquante pour cent. Si un vaccin est efficace à 50 %, il est homologué. Ça, c’est un seuil très bas pour un vaccin. Il faudrait avoir un chiffre plus élevé. C’est un vaccin qui marche pour vous, mais pas pour moi ou vice-versa.
Alors, nous avons beaucoup de choses à apprendre d’ici six mois. Un jour, et pour moi un jour c’est au moins dans six mois, on commencera à dire : bon, peut-être que nous aurons tourné cette page. Mais il est beaucoup trop tôt pour dire qu’on a vaincu le virus.
Et l’économie. L’économie va continuer de ne pas réaliser son plein potentiel et quel que soit le Président, cela va être néfaste à sa capacité d’exécuter ses politiques.
Dernière question. Nous avons discuté de votre prise de position au niveau de la technologie, que les entreprises doivent passer des bits aux atomes. Et en ce moment, il y a une remontée dans le secteur de la technologie en raison de ce blocage. Qu’est-ce que nous réserve donc l’avenir?
Eh bien, le principe du passage des atomes aux bits, c’est le vieux proverbe qu’on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. On peut avoir soit le beurre, soit l’argent du beurre, mais pas les deux. Or, ce n’est pas le cas pour la technologie. La technologie, c’est essentiellement de l’information. Une information qui se présente sous forme de bits. Et les bits ont plusieurs caractéristiques. Tout d’abord, l’information est essentiellement gratuite. Elle se reproduit parfaitement et elle est disponible presque instantanément sur Internet. Alors, un bit est gratuit, parfait et instantané.
Mais les atomes, ce n’est pas le cas. On peut les avoir ou ne pas les avoir, mais pas les deux. On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Donc, ce que ça signifie pour les entreprises, c’est que très souvent on nous demande : bon, quelle est votre stratégie numérique? Ce n’est pas la bonne question. La meilleure question à poser, c’est : nous sommes à l’ère numérique, quelle est votre stratégie commerciale pour l’ère numérique? Sans une stratégie commerciale pour l’ère numérique, une entreprise périra et c’est un problème pour toutes les industries auxquelles nous avons affaire.
Alors, en définitive, les actions de croissance de technologie ont un bel avenir, quoique les cours sont médiocres. Bon, si Biden est Président et le Sénat républicain, la conjoncture sera relativement propice pour la technologie. Il y a des domaines préoccupants. Là, au débit des lois antimonopoles, la protection des renseignements personnels et l’article 2130 sur les médias sociaux. Bon, Biden veut étendre l’accès au débit abordable partout aux États-Unis, y compris les écoles. Les lois antimonopoles seront vraisemblablement adoptées afin de moderniser la législation en vigueur sur les entraves au commerce. Ça serait arrivé quelle qu’ait été l’issue de l’élection. Les renseignements personnels. Il s’agira de créer un régime basé sur le consentement à la collecte de données réelles et non par défaut. Tout cela, je pense, se réalisera.
Mais la plupart des compagnies continuent de bien se tirer d’affaire. Les médias sociaux et l’article 230, ça, ce sera une grande question. L’article 230, eh bien, Facebook et Twitter sont exonérés de toute responsabilité ou presque à l’égard du contenu qu’elles hébergent. Bon, les Républicains affirment que l’article 230 est une absolution générale qui limite la liberté de parole. Les Démocrates disent que la loi permet aux plateformes de se défausser de toute responsabilité pour la désinformation qui y prolifère. Tout cela reste à régler. Mais bon, il y aura des mesures qui seront prises. Mais pour l’instant, le démantèlement des géants de la technologie n’est pas pour demain.
Très intéressant, Bill. Merci beaucoup.
Merci.
C’était Bill Priest, cochef des Placements, à Epoch Investment Partners.