Pour un deuxième trimestre consécutif, les six banques canadiennes ont enregistré des résultats par action records et surpassé les prévisions consensuelles de 13 % en moyenne. Kim Parlee s’entretient avec Mario Mendonca, directeur général, Valeurs Mobilières TD, pour savoir si les conditions du marché demeureront favorables aux banques canadiennes.
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[MUSIQUE]
- Commençons par les résultats. Un trimestre exceptionnel pour toutes les banques canadiennes, avec une croissance record des bénéfices. Mais on part de loin, et les provisions pour pertes sur créances ont revigoré le rendement. Comment interprétez-vous les résultats du deuxième trimestre dans l’ensemble?
- Encore une fois, le rendement est très solide ce trimestre. Les banques ont surpassé les prévisions d’environ 12 %, après les avoir surpassées de 20 % au trimestre précédent. Les prévisions ont été sensiblement revues à la hausse après le premier trimestre. En moyenne, les estimations des analystes bancaires ont grimpé de 8 % après le premier trimestre, et d’encore 6 % après le deuxième trimestre.
- Au total, les prévisions pour 2022 ont donc augmenté de 14 %. Je n’ai jamais vu une telle montée en flèche au cours d’une seule année. C’est vrai qu’elle s’explique en partie par l’entrée en vigueur des nouvelles normes comptables pour les pertes sur créance, mais l’élan reste très fort. Et surtout, les prévisions consensuelles demeurent un peu légères, à mon avis. Il y a des chances pour que les banques surpassent aussi les prochaines prévisions.
- Pourriez-vous passer en revue les différentes banques, et nous faire part de votre analyse avant de revenir à la situation globale? Si on regarde le dernier trimestre, la Banque de Montréal s’est démarquée. Vous le soulignez dans vos notes. Pourquoi?
- Pendant deux trimestres consécutifs, la Banque de Montréal a affiché des gains avant impôt et avant provisions. C’est-à-dire avant la prise en compte des impôts et des pertes sur créances. BMO a affiché les deux meilleurs résultats trimestriels. La Banque Nationale aussi, mais surtout BMO ce trimestre, avec une croissance sur 12 mois de 38 % des gains avant impôt et avant provisions.
Je crois que c’est surtout parce que BMO était au bon endroit au bon moment. BMO est en position de force sur les prêts commerciaux et les marchés des capitaux, et c’est surtout ça qui a fait monter les revenus. Ses activités de cartes de crédit sont limitées, et c’est un secteur en perte de vitesse. BMO n’a pas beaucoup de dépôts à vue et sur préavis, qui ont exercé de fortes pressions sur les marges. En plus, BMO a très bien réussi à contenir les dépenses.
Son ratio d’efficience a toujours été le plus élevé du groupe ces 12 derniers mois, mais il est maintenant assez conforme à la moyenne. BMO a donc bien maîtrisé ses dépenses. Et comme je l’ai dit, BMO était
au bon endroit au bon moment.
- Continuons avec les banques qui se sont démarquées. La Banque Nationale
- Oui. Comme BMO, la Banque Nationale affiche d’excellents revenus liés aux marchés des capitaux depuis plusieurs trimestres. Aucune autre banque de taille comparable ne génère autant de revenus liés aux marchés des capitaux. À titre de comparaison, environ 26 % des revenus de la Banque Nationale proviennent des marchés des capitaux.
Si vous regardez deux autres banques en bas de l’échelle, comme la Scotia et la TD, les marchés des capitaux représentent environ 15 % et 10 % de leurs revenus. Il est clair que la Banque Nationale était au bon endroit au bon moment. Et en plus, elle a profité de la forte croissance de sa présence au Cambodge, la Advanced Bank of Asia, ou ABA. Elle a affiché d’excellents résultats. Comme BMO, la Banque Nationale était au bon endroit au bon moment et bien mené la barque.
- Très bien. Passons à la Banque Royale. Que faut-il retenir du dernier trimestre?
- La Banque Royale est un acteur de premier plan. Elle affiche une grande solidité dans tous les secteurs, que ce soit les marchés des capitaux aux États-Unis et au Canada, ou les services de détail et de gestion de patrimoine au pays. Mais son titre ne s’est pas aussi bien comporté. Il a augmenté d’environ 20 % depuis le début de l’année, mais pas autant que BMO et la Banque Nationale.
Ce qu’on voit ici, c’est que les activités de dépôt de la Banque Royale ont exercé un peu plus de pressions sur les marges d’intérêt nettes que pour certaines banques concurrentes. Ce qui me porte à croire que lorsque les taux augmenteront – on verra probablement l’effet de la hausse des taux fin 2021 et début 2022 – la Banque Royale sera sans doute l’un des principaux bénéficiaires de cette hausse et de son effet sur ses marges. Et la Banque Royale est l’un des plus grands émetteurs de cartes de crédit au Canada. Quand les gens recommenceront à sortir, dépenser et voyager, la Banque Royale devrait être l’un des grands gagnants de la réouverture. Je dirais donc que les résultats sont bons, mais qu’ils s’amélioreront sans doute encore dans les mois qui viennent.
- Et la CIBC?
- Un bon acteur du secteur. La CIBC est aux prises avec des micro-problèmes qui lui sont propres. La banque tente d’améliorer le rendement de ses services de détail au pays. On risque de voir une hausse des dépenses. Ce n’est pas encore arrivé, mais on peut s’attendre à une hausse au deuxième semestre, car la banque tente de réoutiller ses activités de détail au pays.
Mais d’après les résultats des deux derniers trimestres, il me semble que CIBC ait réussi à investir tout en réduisant les coûts ailleurs. Son levier d’exploitation, c’est-à-dire la différence entre la croissance des revenus et la hausse des charges, est resté positif.
Et on commence à observer une reprise de la croissance des prêts hypothécaires pour la CIBC, alors qu’elle était à la traîne dans ce secteur. La CIBC doit régler des problèmes de petite échelle et non de grande échelle. Mais j’aime la façon dont les services de détail évoluent chez CIBC.
- Le tableau semble assez positif, et nous y reviendrons. Parlons de la Scotia. J’ajouterais que, bien sûr, nous n’allons pas parler de la TD. Vous avez noté qu’à la Scotia, les provisions pour pertes sur créances se démarquaient de celles des autres banques.
- Tout à fait. La Scotia a été plus durement touchée par la pandémie que les autres banques. C’est particulièrement évident dans les produits tirés des comptes à honoraires – les frais de carte de crédit, les frais d’assurance nets, les frais de dépôt, tout ce qui concerne les activités des consommateurs. Les voyages, par exemple.
Les revenus de la Scotia ont beaucoup plus souffert à cause des confinements très stricts en Amérique latine et de l’arrêt des liaisons avec les Caraïbes, où la Scotia est aussi très présente. Du point de vue des produits tirés des comptes à honoraires, c’est la Scotia qui a le plus à gagner de la reprise de la croissance en Amérique latine et de la reprise des voyages.
Mais vous avez mentionné le crédit, et ça vaut la peine d’y réfléchir. On s’éloigne de plus en plus des périodes de report de versement, où les banques accordaient un congé de paiement à leurs clients. Et on s’éloigne de plus en plus du temps où les gouvernements apportaient un soutien important.
Donc à chaque fois qu’il y a un fort volume de dette à la consommation non garantie, c’est-à-dire de carte de crédit, les pertes sur créance augmentent. Par exemple, ce trimestre, les pertes sur cartes de crédit de la CIBC ont un peu augmenté. La Scotia est exposée aux dettes de cartes de crédit à hauteur de 5 milliards de dollars au Pérou et de 4 milliards en Colombie. Et ce trimestre, on a constaté de très lourdes pertes de ces deux côtés. C’est différent de ce qu’on a vu, en général, pour les banques qui exercent surtout leurs activités au Canada et aux États-Unis.
Mais je dois absolument souligner que la Scotia détient des provisions pour pertes sur créances très importantes. À titre de rappel, en 2020, les banques, en particulier la Scotia, ont fortement augmenté les pertes sur créances attendues. Et ces provisions seront mises à contribution pour absorber les pertes réelles liées aux cartes de crédit.
[MUSIQUE]
- Commençons par les résultats. Un trimestre exceptionnel pour toutes les banques canadiennes, avec une croissance record des bénéfices. Mais on part de loin, et les provisions pour pertes sur créances ont revigoré le rendement. Comment interprétez-vous les résultats du deuxième trimestre dans l’ensemble?
- Encore une fois, le rendement est très solide ce trimestre. Les banques ont surpassé les prévisions d’environ 12 %, après les avoir surpassées de 20 % au trimestre précédent. Les prévisions ont été sensiblement revues à la hausse après le premier trimestre. En moyenne, les estimations des analystes bancaires ont grimpé de 8 % après le premier trimestre, et d’encore 6 % après le deuxième trimestre.
- Au total, les prévisions pour 2022 ont donc augmenté de 14 %. Je n’ai jamais vu une telle montée en flèche au cours d’une seule année. C’est vrai qu’elle s’explique en partie par l’entrée en vigueur des nouvelles normes comptables pour les pertes sur créance, mais l’élan reste très fort. Et surtout, les prévisions consensuelles demeurent un peu légères, à mon avis. Il y a des chances pour que les banques surpassent aussi les prochaines prévisions.
- Pourriez-vous passer en revue les différentes banques, et nous faire part de votre analyse avant de revenir à la situation globale? Si on regarde le dernier trimestre, la Banque de Montréal s’est démarquée. Vous le soulignez dans vos notes. Pourquoi?
- Pendant deux trimestres consécutifs, la Banque de Montréal a affiché des gains avant impôt et avant provisions. C’est-à-dire avant la prise en compte des impôts et des pertes sur créances. BMO a affiché les deux meilleurs résultats trimestriels. La Banque Nationale aussi, mais surtout BMO ce trimestre, avec une croissance sur 12 mois de 38 % des gains avant impôt et avant provisions.
Je crois que c’est surtout parce que BMO était au bon endroit au bon moment. BMO est en position de force sur les prêts commerciaux et les marchés des capitaux, et c’est surtout ça qui a fait monter les revenus. Ses activités de cartes de crédit sont limitées, et c’est un secteur en perte de vitesse. BMO n’a pas beaucoup de dépôts à vue et sur préavis, qui ont exercé de fortes pressions sur les marges. En plus, BMO a très bien réussi à contenir les dépenses.
Son ratio d’efficience a toujours été le plus élevé du groupe ces 12 derniers mois, mais il est maintenant assez conforme à la moyenne. BMO a donc bien maîtrisé ses dépenses. Et comme je l’ai dit, BMO était
au bon endroit au bon moment.
- Continuons avec les banques qui se sont démarquées. La Banque Nationale
- Oui. Comme BMO, la Banque Nationale affiche d’excellents revenus liés aux marchés des capitaux depuis plusieurs trimestres. Aucune autre banque de taille comparable ne génère autant de revenus liés aux marchés des capitaux. À titre de comparaison, environ 26 % des revenus de la Banque Nationale proviennent des marchés des capitaux.
Si vous regardez deux autres banques en bas de l’échelle, comme la Scotia et la TD, les marchés des capitaux représentent environ 15 % et 10 % de leurs revenus. Il est clair que la Banque Nationale était au bon endroit au bon moment. Et en plus, elle a profité de la forte croissance de sa présence au Cambodge, la Advanced Bank of Asia, ou ABA. Elle a affiché d’excellents résultats. Comme BMO, la Banque Nationale était au bon endroit au bon moment et bien mené la barque.
- Très bien. Passons à la Banque Royale. Que faut-il retenir du dernier trimestre?
- La Banque Royale est un acteur de premier plan. Elle affiche une grande solidité dans tous les secteurs, que ce soit les marchés des capitaux aux États-Unis et au Canada, ou les services de détail et de gestion de patrimoine au pays. Mais son titre ne s’est pas aussi bien comporté. Il a augmenté d’environ 20 % depuis le début de l’année, mais pas autant que BMO et la Banque Nationale.
Ce qu’on voit ici, c’est que les activités de dépôt de la Banque Royale ont exercé un peu plus de pressions sur les marges d’intérêt nettes que pour certaines banques concurrentes. Ce qui me porte à croire que lorsque les taux augmenteront – on verra probablement l’effet de la hausse des taux fin 2021 et début 2022 – la Banque Royale sera sans doute l’un des principaux bénéficiaires de cette hausse et de son effet sur ses marges. Et la Banque Royale est l’un des plus grands émetteurs de cartes de crédit au Canada. Quand les gens recommenceront à sortir, dépenser et voyager, la Banque Royale devrait être l’un des grands gagnants de la réouverture. Je dirais donc que les résultats sont bons, mais qu’ils s’amélioreront sans doute encore dans les mois qui viennent.
- Et la CIBC?
- Un bon acteur du secteur. La CIBC est aux prises avec des micro-problèmes qui lui sont propres. La banque tente d’améliorer le rendement de ses services de détail au pays. On risque de voir une hausse des dépenses. Ce n’est pas encore arrivé, mais on peut s’attendre à une hausse au deuxième semestre, car la banque tente de réoutiller ses activités de détail au pays.
Mais d’après les résultats des deux derniers trimestres, il me semble que CIBC ait réussi à investir tout en réduisant les coûts ailleurs. Son levier d’exploitation, c’est-à-dire la différence entre la croissance des revenus et la hausse des charges, est resté positif.
Et on commence à observer une reprise de la croissance des prêts hypothécaires pour la CIBC, alors qu’elle était à la traîne dans ce secteur. La CIBC doit régler des problèmes de petite échelle et non de grande échelle. Mais j’aime la façon dont les services de détail évoluent chez CIBC.
- Le tableau semble assez positif, et nous y reviendrons. Parlons de la Scotia. J’ajouterais que, bien sûr, nous n’allons pas parler de la TD. Vous avez noté qu’à la Scotia, les provisions pour pertes sur créances se démarquaient de celles des autres banques.
- Tout à fait. La Scotia a été plus durement touchée par la pandémie que les autres banques. C’est particulièrement évident dans les produits tirés des comptes à honoraires – les frais de carte de crédit, les frais d’assurance nets, les frais de dépôt, tout ce qui concerne les activités des consommateurs. Les voyages, par exemple.
Les revenus de la Scotia ont beaucoup plus souffert à cause des confinements très stricts en Amérique latine et de l’arrêt des liaisons avec les Caraïbes, où la Scotia est aussi très présente. Du point de vue des produits tirés des comptes à honoraires, c’est la Scotia qui a le plus à gagner de la reprise de la croissance en Amérique latine et de la reprise des voyages.
Mais vous avez mentionné le crédit, et ça vaut la peine d’y réfléchir. On s’éloigne de plus en plus des périodes de report de versement, où les banques accordaient un congé de paiement à leurs clients. Et on s’éloigne de plus en plus du temps où les gouvernements apportaient un soutien important.
Donc à chaque fois qu’il y a un fort volume de dette à la consommation non garantie, c’est-à-dire de carte de crédit, les pertes sur créance augmentent. Par exemple, ce trimestre, les pertes sur cartes de crédit de la CIBC ont un peu augmenté. La Scotia est exposée aux dettes de cartes de crédit à hauteur de 5 milliards de dollars au Pérou et de 4 milliards en Colombie. Et ce trimestre, on a constaté de très lourdes pertes de ces deux côtés. C’est différent de ce qu’on a vu, en général, pour les banques qui exercent surtout leurs activités au Canada et aux États-Unis.
Mais je dois absolument souligner que la Scotia détient des provisions pour pertes sur créances très importantes. À titre de rappel, en 2020, les banques, en particulier la Scotia, ont fortement augmenté les pertes sur créances attendues. Et ces provisions seront mises à contribution pour absorber les pertes réelles liées aux cartes de crédit.
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