
Le président Trump est positif à la COVID-19. La nouvelle est-elle sans conteste un avantage électoral pour Joe Biden? Kim Parlee et Priya Misra, Valeurs Mobilières TD, discutent de ses répercussions possibles sur les élections, les marchés financiers et les pourparlers sur la phase 4 des mesures de relance.
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Très tôt ce matin, le président des États-Unis a indiqué sur Twitter que sa femme et lui ont été déclarés positifs à la COVID-19. Les marchés ont réagi de manière prompte et modérée. Mais dans l’ensemble, il y a plus de questions que de réponses actuellement en ce qui concerne les retombées éventuelles de cette annonce du point de vue des marchés. J’accueille Priya Misra, chef, Stratégie mondiale liée aux taux, Valeurs Mobilières TD. Priya, merci beaucoup d’être là aujourd’hui. Vous avez publié un texte vers 6 h 45 ce matin, dans lequel vous envisagez tous les scénarios. Pouvez-vous juste nous éclairer sur la réaction initiale et peut-être les raisons qui l’expliquent?
Bien sûr. Selon moi, il y a beaucoup d’incertitude. C’est arrivé du jour au lendemain. Si on s’arrête à l’enjeu de gouvernance, on se demande : dans quelle mesure le président est-il affecté? Peut-il continuer d’assumer ses responsabilités? Va-t-il les déléguer au vice-président? Il reste beaucoup d’éléments à élucider en fait de gouvernance. Qui d’autre est malade au sein de l’administration? On aura sans doute des réponses dans le courant de la semaine prochaine.
L’incertitude concerne aussi la relance budgétaire. Depuis derniers jours, le marché se montre très sensible à ce qui se dit sur la phase quatre du plan de relance. Encore aujourd’hui, les manchettes font état de doutes sur sa mise en œuvre. Le diagnostic met-il en péril la conclusion d’une entente? À nos yeux, non – les deux parties sont déjà diamétralement opposées du point de vue idéologique. On ne s’entend ni sur l’ampleur ni sur la composition du projet de loi. Et je ne crois pas que le président Trump participait beaucoup aux pourparlers. Ça se jouait surtout entre les républicains du Sénat et les représentants démocrates. Mais oui, l’enjeu sera de taille.
Et on est à un mois de l’élection... Qu’est-ce que ça signifie pour la présidentielle? Spontanément, je perçois – à la suite d’échanges avec des clients cette nuit – la situation semble favoriser les démocrates. Mais elle peut aussi changer la donne. On l’a vu avec Boris Johnson et avec Bolsonaro, au Brésil – la popularité peut augmenter envers un dirigeant qui contracte la COVID. Est-ce le cas pour le président Trump?
Vous savez, le taux de participation risque d’être déterminant pour cette élection. Selon moi, il y a beaucoup d’incertitude. Il faut suivre les sondages. On a assisté à un débat assez particulier en début de la semaine. Encore une fois, il faut regarder si les sondages reflètent les réactions au débat ou plutôt à la COVID? Ça fait beaucoup à assimiler au sein des marchés. Je pense que l’impact à court terme est davantage lié à la relance budgétaire – je parle des prochains jours.
OK, on surveillera ça, en particulier. Si vous le permettez, passons à des questions plus détaillées – votre compte rendu est excellent. Vous dites que la récente annonce n’avantage pas forcément Biden et vous venez d’expliquer pourquoi. Mais vous dites aussi, en regard du profil du président Trump, qu’il n’y a rien d’avantageux à contracter la COVID à 74 ans. Parlons des différents scénarios. Si le président Trump devient trop malade pour gouverner le pays, qu’arrivera-t-il?
Le cas échéant, le 25e amendement prévoit des dispositions. Le pouvoir serait probablement transféré au vice-président Pence. La question est de savoir : qui s’occupe de transférer le pouvoir? Bien souvent, le président dira lui-même qu’il est trop malade pour assumer ses fonctions de dirigeant et qu’il transfère ses pouvoirs au vice-président.
Sinon, il est possible de passer par le Congrès. Le Congrès peut imposer une telle transition, moyennant une supermajorité. C’est un processus ardu. Mais la Constitution prévoit d’autres façons de régler la situation si le président est trop malade pour gouverner. Voilà pourquoi plusieurs tentent d’évaluer la gravité de la maladie et d’anticiper ce qui s’en vient afin de pouvoir en quelque sorte répondre à votre question.
Serait-ce envisageable de reporter l’élection?
Je pense qu’il serait très laborieux d’obtenir un report de l’élection. C’est du domaine du possible. Le Congrès a le dernier mot. Advenant une supermajorité, le Congrès peut éventuellement reporter l’élection. Mais, voyez, l’élection est amorcée. Il y a déjà des gens qui votent par la poste. Alors, pour ce qui est de reporter l’élection... Et on ne peut pas la reporter indéfiniment. C’est possible, dans la mesure où quelques semaines peuvent changer la donne, mais dans la situation actuelle, il faudrait des mois. On attend l’arrivée d’un vaccin, etc. En bref, le Congrès pourrait tout suspendre, mais au prix d’un processus assez complexe.
Voilà, selon moi, pourquoi le marché a tout de suite pensé que la situation avantage Biden : le président Trump est plutôt habile pour dynamiser les foules. On voit souvent un regain de popularité à son endroit quand il participe à un événement. Comme il ne peut pas tenir de rassemblements, on pourrait croire que cela profite à Biden.
Et Biden mène de façon assez stable, par quelque sept points, sur le président Trump. L’élection est prévue dans un mois. Si on retranche deux semaines ou plus de la campagne, on peut dire que Trump a moins de latitude pour inverser la tendance.
Mais je dois dire que l’engouement n’est pas le même pour les deux candidats. Les partisans de Trump lui sont très fidèles et dévoués. S’ils vont tous voter, le résultat pourrait dépendre du taux de participation. Je ne dirais donc pas que les dés sont joués et que la victoire ira à Biden. C’est pour ça, selon moi, que le marché peine à établir des prix. Les issues divergent : on a deux candidats très différents, qui proposent des politiques très différentes. Difficile d’établir des prix en fonction de ça, car il faut non seulement suivre les sondages, mais aussi appréhender le taux de participation. La base électorale de Trump pourrait s’activer davantage pour voter et influencer fortement le résultat de l’élection.
Il nous reste environ une minute, et j’ai une question chargée pour vous. Qu’est-ce que vous surveillez en ce moment, dans l’évolution des événements? À quoi allez-vous prêter l’oreille? Et quelles retombées prévoyez-vous en ce qui a trait au dollar US et aux marchés dans l’ensemble?
À court terme, je m’intéresse à la relance budgétaire. L’élection a son importance concernant les mesures pour l’an prochain et au-delà. Beaucoup d’autres facteurs orienteront l’économie l’an prochain. Pour l’heure, on a eu le soutien de la CARES Act, qui a pris fin en juillet. Le gouvernement n’a toujours pas réussi à mettre sur pied un nouveau plan. Si rien n’est annoncé la semaine prochaine, on n’aura probablement rien avant l’élection. Et l’élection en soi risque d’être assez controversée. À très court terme, on se penche sur les perspectives quant au plan de relance.
Les données parlent d’elles-mêmes. Elles stagnent. En l’absence d’un programme de relance budgétaire, on pourra vraiment voir la reprise perdre son élan et ralentir. Je suis aussi l’évolution de la COVID. L’automne est arrivé. La saison de la grippe. Est-ce que ça va s’accentuer et ranimer l’aversion au risque? Encore une fois, il faut s’arrêter aux sondages, au taux de participation et à cet écart de dynamisme entre les deux candidats pour déterminer si l’annonce soudaine de Trump influence les intentions de vote. Les marchés en tiendront compte pour établir les prix. Ça fait beaucoup à assimiler.
Vous aurez du pain sur la planche. Priya, c’est toujours un plaisir de vous parler. Merci beaucoup.
Merci.
C’était Priya Misra, chef, Stratégie mondiale liée aux taux, Valeurs Mobilières TD.
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Bien sûr. Selon moi, il y a beaucoup d’incertitude. C’est arrivé du jour au lendemain. Si on s’arrête à l’enjeu de gouvernance, on se demande : dans quelle mesure le président est-il affecté? Peut-il continuer d’assumer ses responsabilités? Va-t-il les déléguer au vice-président? Il reste beaucoup d’éléments à élucider en fait de gouvernance. Qui d’autre est malade au sein de l’administration? On aura sans doute des réponses dans le courant de la semaine prochaine.
L’incertitude concerne aussi la relance budgétaire. Depuis derniers jours, le marché se montre très sensible à ce qui se dit sur la phase quatre du plan de relance. Encore aujourd’hui, les manchettes font état de doutes sur sa mise en œuvre. Le diagnostic met-il en péril la conclusion d’une entente? À nos yeux, non – les deux parties sont déjà diamétralement opposées du point de vue idéologique. On ne s’entend ni sur l’ampleur ni sur la composition du projet de loi. Et je ne crois pas que le président Trump participait beaucoup aux pourparlers. Ça se jouait surtout entre les républicains du Sénat et les représentants démocrates. Mais oui, l’enjeu sera de taille.
Et on est à un mois de l’élection... Qu’est-ce que ça signifie pour la présidentielle? Spontanément, je perçois – à la suite d’échanges avec des clients cette nuit – la situation semble favoriser les démocrates. Mais elle peut aussi changer la donne. On l’a vu avec Boris Johnson et avec Bolsonaro, au Brésil – la popularité peut augmenter envers un dirigeant qui contracte la COVID. Est-ce le cas pour le président Trump?
Vous savez, le taux de participation risque d’être déterminant pour cette élection. Selon moi, il y a beaucoup d’incertitude. Il faut suivre les sondages. On a assisté à un débat assez particulier en début de la semaine. Encore une fois, il faut regarder si les sondages reflètent les réactions au débat ou plutôt à la COVID? Ça fait beaucoup à assimiler au sein des marchés. Je pense que l’impact à court terme est davantage lié à la relance budgétaire – je parle des prochains jours.
OK, on surveillera ça, en particulier. Si vous le permettez, passons à des questions plus détaillées – votre compte rendu est excellent. Vous dites que la récente annonce n’avantage pas forcément Biden et vous venez d’expliquer pourquoi. Mais vous dites aussi, en regard du profil du président Trump, qu’il n’y a rien d’avantageux à contracter la COVID à 74 ans. Parlons des différents scénarios. Si le président Trump devient trop malade pour gouverner le pays, qu’arrivera-t-il?
Le cas échéant, le 25e amendement prévoit des dispositions. Le pouvoir serait probablement transféré au vice-président Pence. La question est de savoir : qui s’occupe de transférer le pouvoir? Bien souvent, le président dira lui-même qu’il est trop malade pour assumer ses fonctions de dirigeant et qu’il transfère ses pouvoirs au vice-président.
Sinon, il est possible de passer par le Congrès. Le Congrès peut imposer une telle transition, moyennant une supermajorité. C’est un processus ardu. Mais la Constitution prévoit d’autres façons de régler la situation si le président est trop malade pour gouverner. Voilà pourquoi plusieurs tentent d’évaluer la gravité de la maladie et d’anticiper ce qui s’en vient afin de pouvoir en quelque sorte répondre à votre question.
Serait-ce envisageable de reporter l’élection?
Je pense qu’il serait très laborieux d’obtenir un report de l’élection. C’est du domaine du possible. Le Congrès a le dernier mot. Advenant une supermajorité, le Congrès peut éventuellement reporter l’élection. Mais, voyez, l’élection est amorcée. Il y a déjà des gens qui votent par la poste. Alors, pour ce qui est de reporter l’élection... Et on ne peut pas la reporter indéfiniment. C’est possible, dans la mesure où quelques semaines peuvent changer la donne, mais dans la situation actuelle, il faudrait des mois. On attend l’arrivée d’un vaccin, etc. En bref, le Congrès pourrait tout suspendre, mais au prix d’un processus assez complexe.
- Je m’informais en quelque sorte de cas extrêmes. Je veux maintenant parler des issues, disons, vraisemblables... Évidemment, personne ne sait. Mais vous parlez d’un retranchement de deux semaines de campagne intensive du président Trump. Qu’est-ce que ça implique?
Voilà, selon moi, pourquoi le marché a tout de suite pensé que la situation avantage Biden : le président Trump est plutôt habile pour dynamiser les foules. On voit souvent un regain de popularité à son endroit quand il participe à un événement. Comme il ne peut pas tenir de rassemblements, on pourrait croire que cela profite à Biden.
Et Biden mène de façon assez stable, par quelque sept points, sur le président Trump. L’élection est prévue dans un mois. Si on retranche deux semaines ou plus de la campagne, on peut dire que Trump a moins de latitude pour inverser la tendance.
Mais je dois dire que l’engouement n’est pas le même pour les deux candidats. Les partisans de Trump lui sont très fidèles et dévoués. S’ils vont tous voter, le résultat pourrait dépendre du taux de participation. Je ne dirais donc pas que les dés sont joués et que la victoire ira à Biden. C’est pour ça, selon moi, que le marché peine à établir des prix. Les issues divergent : on a deux candidats très différents, qui proposent des politiques très différentes. Difficile d’établir des prix en fonction de ça, car il faut non seulement suivre les sondages, mais aussi appréhender le taux de participation. La base électorale de Trump pourrait s’activer davantage pour voter et influencer fortement le résultat de l’élection.
Il nous reste environ une minute, et j’ai une question chargée pour vous. Qu’est-ce que vous surveillez en ce moment, dans l’évolution des événements? À quoi allez-vous prêter l’oreille? Et quelles retombées prévoyez-vous en ce qui a trait au dollar US et aux marchés dans l’ensemble?
À court terme, je m’intéresse à la relance budgétaire. L’élection a son importance concernant les mesures pour l’an prochain et au-delà. Beaucoup d’autres facteurs orienteront l’économie l’an prochain. Pour l’heure, on a eu le soutien de la CARES Act, qui a pris fin en juillet. Le gouvernement n’a toujours pas réussi à mettre sur pied un nouveau plan. Si rien n’est annoncé la semaine prochaine, on n’aura probablement rien avant l’élection. Et l’élection en soi risque d’être assez controversée. À très court terme, on se penche sur les perspectives quant au plan de relance.
Les données parlent d’elles-mêmes. Elles stagnent. En l’absence d’un programme de relance budgétaire, on pourra vraiment voir la reprise perdre son élan et ralentir. Je suis aussi l’évolution de la COVID. L’automne est arrivé. La saison de la grippe. Est-ce que ça va s’accentuer et ranimer l’aversion au risque? Encore une fois, il faut s’arrêter aux sondages, au taux de participation et à cet écart de dynamisme entre les deux candidats pour déterminer si l’annonce soudaine de Trump influence les intentions de vote. Les marchés en tiendront compte pour établir les prix. Ça fait beaucoup à assimiler.
Vous aurez du pain sur la planche. Priya, c’est toujours un plaisir de vous parler. Merci beaucoup.
Merci.
C’était Priya Misra, chef, Stratégie mondiale liée aux taux, Valeurs Mobilières TD.
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