La science a prouvé qu’il n’est pas nécessaire de passer des heures au gym pour être plus en forme et en santé. En fait, de brèves périodes d’exercice intense peuvent être aussi bénéfiques qu’une séance prolongée. Kim Parlee discute avec Martin Gibala, scientifique spécialiste de l’exercice et auteur de The One-Minute Workout.
OK. Parlons de l’entraînement en une minute. C’est sérieux? Il suffit vraiment d’une minute pour se mettre en forme?
Oui, mais l’exercice doit être intense. Et, surtout, il faut utiliser des intervalles; ça semble important.
OK. Quand vous parlez d’intervalles, il s’agit dans une séance de 30 minutes, par exemple, de faire suivre une minute d’effort de cinq minutes de récupération. Est-ce exact?
Non. Notre protocole classique dure dix minutes, de l’échauffement du début à la récupération à la fin, et intercale trois séries de 20 secondes d’effort maximal à deux minutes d’intervalle.
Et ça fonctionne. Pourquoi? Selon les travaux de recherche que vous avez signalés, une personne sédentaire qui s’entraîne en endurance durant 150 minutes obtient en une minute d’effort les mêmes résultats en consacrant seulement 80 % du même temps d’entraînement. Pourquoi? Quelle est l’explication physiologique?
D’accord. La meilleure analogique est celle de la jauge à essence. L’organisme possède en quelque sorte des jauges moléculaires qui détectent l’épuisement de l’énergie avec le temps. La méthode d’entraînement traditionnelle vide le réservoir lentement et le corps s’y adapte. L’exercice par intervalles est beaucoup plus exigeant pour l’organisme. C’est un peu comme d’appuyer sur l’accélérateur; le réservoir baisse très rapidement. Et il semble que l’organisme réagit de la même façon. Que vous vidiez le réservoir lentement ou rapidement, l’adaptation est très similaire.
Est-ce différent en vieillissant? Je ne parle pas pour moi nécessairement. Mais, dans ce cas, est-ce que les séances d’entraînement intensif d’une minute peuvent être dangereuses? Quels sont les risques de problèmes cardiaques ou de blessures?
Il faut retenir que l’entraînement par intervalles peut être modulé selon le niveau de forme physique. Il n’est pas recommandé à une personne sédentaire de 65 ans, habituée au confort de son sofa, d’enfourcher son vélo et d’y aller à fond de train. Les nouvelles recherches montrent que, bien dosé, l’exercice par intervalles peut être bénéfique dans les cas de diabète de type 2, de maladie cardiovasculaire, de syndrome métabolique et même chez les personnes âgées. Il s’agit de doser l’effort.
Comment s’y met-on? Disons que quelqu’un trouve l’idée fantastique, mais qu’il manque de temps. J’ai bien 10 minutes, mais pas 150 minutes. Comment s’y mettre? Quand vous dites de doser l’effort, comment savoir d’où je pars?
Oui. Nous demandons aux gens de quitter leur zone de confort. Même si votre seul exercice consiste à faire le tour du pâté de maisons le soir, vous pouvez y aller par intervalles en pressant le pas sur une distance de quelques lampadaires avant de ralentir. Il s’agit de sentir que la respiration ou le pouls s’accélère un peu plus qu’à l’habitude. Certaines recherches révèlent que, même la marche douce effectuée par intervalles est plus profitable que la marche continue au même rythme pour améliorer la condition physique et la glycémie.
J’ai lu aussi, comme vous le disiez, que le succès de ce type d’entraînement tient au fait qu’il ressemble au jeu naturel; le rapprochement est intéressant. Qu’en pensez-vous?
Oui. Si vous observez des enfants au parc, aucun ne court à un rythme modéré durant environ 30 minutes. L’un des avantages de l’entraînement par intervalles repose sur les variations qu’il apporte. Le type d’exercice qui vous convient est celui que vous aimez pratiquer. Vous avez plus de chance de conserver cette habitude à long terme. L’entraînement par intervalles offre plus de choix; le menu varie davantage les saveurs. J’adore la glace à la vanille; j’en mangerais tout le temps. C’est un peu l’approche traditionnelle censée convenir à tout le monde. Dans le cas de l’entraînement par intervalles, vous profitez de la variété. Et certains disent que ça leur plaît, parce qu’ils trouvent une certaine ressemblance avec le jeu naturel.
Vous êtes ici pour parler de performance personnelle à un groupe, de ce qu’il est possible d’accomplir. Que voulez-vous que ces gens retiennent de ce que vous allez leur dire? Voulez-vous qu’ils changent leur façon de faire? Comment se lancer?
Je voudrais en général qu’ils reconnaissent l’importance de se tenir en forme. On s’inquiète des autres facteurs de risque traditionnels qui sont importants en médecine : le tour de taille, la glycémie, la tension artérielle, etc. Les données le prouvent : la condition physique à proprement parler est déterminante.
Par exemple, si vous l’améliorez d’environ 10 %, c’est, du point de vue de la réduction des risques, comme si vous abaissiez votre tension artérielle de cinq points. Cette mise en contexte permet aux gens de mieux se rendre compte que la condition physique devrait représenter le cinquième signe vital. Et je vais expliquer comment évaluer sa condition physique en espérant avoir l’occasion de proposer aux participants quelques stratégies pour améliorer leur forme grâce à l’entraînement par intervalles.
Parlons du temps. Je sais que je vais avoir l’air pathétique en disant ça, mais il se peut que l’on n’ait pas dix minutes à consacrer à l’entraînement. Comment l’intégrer à son horaire? Je pense à un cadre d’entreprise ou à une mère à la maison. Parfois, ça semble impossible d’avoir même dix minutes à soi. Avez-vous des stratégies à proposer?
Nous aimons croire que l’exercice est une activité structurée qui oblige à enfiler des vêtements souples et à aller au gymnase. Il faut se libérer de cette façon de penser. Prendre les escaliers, c’est aussi faire de l’exercice. Nous sommes ici au 17e étage. Je ne demanderai à personne de monter toutes les marches. Il suffit de descendre de l’ascenseur trois étages avant et de faire le reste à pied. C’est le genre de stratégies que vous pouvez intégrer durant la journée. On a même lancé l’idée que l’exercice peut être réparti en plusieurs petites étapes durant la journée, comme s’il s’agissait de collations. De plus en plus de preuves portent à croire que cette façon de faire pourrait être plus profitable que de concentrer l’activité physique en un seul moment.
OK, je dois vous poser cette question bête. Peut-on s’en tirer pour moins d’une minute? Est-ce que l’on vous pose cette question?
Ça commence à être difficile de faire plus court, c’est certain. Le moindre effort vaut mieux que rien. Mais, en fin de compte, rien n’est gratuit en ce bas monde.
Merci beaucoup, Martin.
Je vous en prie.