
Anthony Okolie récapitule l’actualité du jour, notamment les dernières nouvelles sur la COVID-19, puis discute avec Anita Bruinsma, analyste en consommation discrétionnaire à Gestion de Placements TD, des plus récentes tendances qui façonneront l’avenir du commerce de détail en Amérique du Nord et ailleurs dans le monde.
Bonjour et bienvenue au bulletin quotidien COVID-19 de Parlons argent du vendredi 29 mai. Je m’appelle Anthony Okolie. Dans quelques minutes, je vais parler avec Anita Bruinsma, analyste en consommation discrétionnaire à Gestion de placements TD, des tendances de dépenses de consommation pendant la pandémie de COVID-19 et de leur influence sur le secteur du commerce de détail. Mais d’abord, voici un survol des grands titres du jour.
Le PIB canadien a reculé de 8,2 % au cours du premier trimestre de l’année, les mesures prises pour ralentir la propagation de la COVID-19 ayant obligé les entreprises du pays à fermer leurs portes et à licencier des travailleurs. C’est la pire performance depuis la crise financière mondiale de 2009.
D’autres nouvelles économiques : Les dépenses de consommation aux États-Unis ont chuté de 13,6 % en avril pendant le confinement en raison du coronavirus, la plus forte baisse depuis 1959. Mais certains signes indiquent une reprise des achats, à mesure que les États commencent à rouvrir des entreprises et que les Américains retournent au travail.
Le pétrole est en passe d’enregistrer le meilleur mois de son histoire, car une augmentation de la demande et des réductions record de l’offre par l’OPEP et ses partenaires ont fait grimper les prix. Le pétrole a encore du chemin à faire, car cette flambée des prix fait suite à la plus forte baisse jamais enregistrée.
Enfin, la fusée SpaceX d’Elon Musk enverra deux astronautes de la NASA vers la Station spatiale internationale samedi, après que le lancement de mercredi a été annulé à cause du mauvais temps. Ce sera la première fois dans l’histoire qu’une entreprise aérospatiale commerciale transportera des êtres humains sur l’orbite terrestre.
Voici pour les gros titres du jour. Je vais maintenant m’entretenir avec Anita Bruinsma.
Anita, on a déjà parlé tous les deux de la façon importante dont la pandémie de COVID-19 a modifié le comportement des consommateurs, ainsi que nos habitudes, ce qui, bien sûr, se répercute sur le secteur de la vente au détail. Selon vous, qu’est-ce qui influence le comportement des consommateurs aujourd’hui?
L’épidémie de COVID-19 et le ralentissement économique subséquent ont été vraiment soudains. Ils ont entraîné des changements brusques et importants dans le comportement des consommateurs, et provoqué une onde de choc chez les détaillants. Les consommateurs vivent de l’insécurité économique en raison des pertes d’emplois et de revenus, et de l’incertitude quant à l’évolution du virus. On a constaté une baisse considérable de la confiance des consommateurs et des dépenses de consommation.
Je pense que certaines tendances auront des répercussions sur le commerce de détail à l’avenir. La durée et la solidité de ces tendances dépendront du temps pendant lequel le virus continuera à poser un problème de santé. Plus ce sera long, plus les habitudes de consommation s’enracineront, et plus la situation financière des consommateurs se détériorera.
Une tendance dont on a beaucoup entendu parler est le « nesting ». Qu’est-ce que c’est, et comment est-ce que ça influence nos dépenses?
Le terme « nesting » désigne le fait de rester plus souvent à la maison, de se créer un nid douillet pour y être heureux en famille. Beaucoup de raisons peuvent expliquer pourquoi les gens restent plus chez eux. On travaille à la maison, nos enfants sont à la maison, et même si on voulait sortir, il n’y a vraiment pas grand-chose à faire. Et, bien sûr, les gens ont peur de s’exposer au coronavirus.
Je ne pense pas que cette tendance va changer de sitôt. À mon avis, les gens vont continuer à rester chez eux encore un certain temps. Ça va donc influencer les dépenses. Une catégorie qui a très bien marché récemment est celle de la décoration intérieure, de tout ce qui peut rendre votre maison plus belle et plus agréable, ou même plus amusante.
Wayfair a déclaré une hausse de ses ventes de 90 % pour le mois d’avril et les deux premières semaines de mai. C’est une augmentation tout simplement phénoménale.
D’autres catégories qui marchent bien sont les meubles de patio, tout ce qui a trait à la pelouse et au jardin, au bricolage et aux projets créatifs. Quand Lowe’s et Home Depot ont déclaré leurs revenus récemment, tous deux ont confirmé que ces tendances ont été vraiment très fortes.
Une autre tendance dont j’aime parler, c’est celle des vêtements de sport et de loisirs. Ils sont conçus pour les activités sportives, mais on les porte maintenant au quotidien. On met des sweatshirts à capuche, des leggings et des baskets.
C’est une tendance qui dure depuis déjà un certain temps, et je pense que ce comportement de nesting ne fera que la renforcer. Évidemment, comme on ne sort pas pour aller travailler, on n’a pas besoin de nos tenues plus officielles. On veut juste être à l’aise chez soi. Je pense que les gens vont aussi consacrer plus de temps à des activités de plein air parce qu’ils n’ont vraiment pas grand-chose d’autre à faire.
On a constaté un intérêt accru pour la santé et le bien-être en général. Si on regarde les tendances des recherches sur Google, on constate que les recherches visant les appareils et les programmes de conditionnement physique à domicile, les vélos stationnaires et la course à pied ont augmenté depuis la mi-mars et restent élevées. Alors je pense que ça aura un effet positif sur les ventes de vêtements de sport et sur toute entreprise qui en vend. C’est donc excellent pour des entreprises telles que Nike, Adidas, Lululemon, et toute autre société dans ce segment de marché.
En cette période d’incertitude économique, on a assisté à beaucoup de pertes d’emplois ici, au Canada. On entend souvent dire que la valeur est primordiale. Êtes-vous d’accord avec ça?
Eh bien, on constate toujours cette tendance qui consiste à acheter des choses de moindre valeur en période de récession. Il s’agit simplement d’opter pour des choses moins chères que vous le feriez si vous aviez plus confiance en vos finances. L’idéal, c’est d’avoir un panier d’actions susceptible de résister à la récession et de tirer profit de cette tendance envers une valeur moindre. Les magasins à un dollar sont l’un des commerces qui entrent dans cette catégorie, mais il y a aussi la vente au détail à prix réduit.
Les détaillants à prix réduit sont plus populaires aux États-Unis qu’ici au Canada, mais vous connaissez peut-être la société TJX. Elle possède Winners, Marshall’s, HomeSense et beaucoup d’autres entreprises aux États-Unis. Ce sont des magasins qui vendent des produits de marque au rabais.
Je crois vraiment que les consommateurs voudront sortir de chez eux dès que les restrictions seront assouplies et qu’ils se sentiront à l’aise grâce aux mesures de sécurité prises par les magasins. À mon avis, ils vont vouloir s’acheter de nouveaux vêtements. Ils portaient leurs vêtements d’hiver alors qu’il a fait si beau aux États-Unis et au Canada, et ils voudront s’en acheter de nouveaux. Ils chercheront les aubaines, c’est sûr, et vont donc se tourner vers les détaillants à prix réduit.
L’autre aspect intéressant de la vente au détail à prix réduit, c’est qu’elle permet de faire une sortie plutôt amusante, un peu comme une chasse au trésor. L’inventaire de ces magasins change constamment, je pense que ça plaît aux gens d’y magasiner et que c’est ce qu’ils recherchent.
Une autre chose dont on a beaucoup entendu parler, c’est l’essor du commerce électronique. Pensez-vous que l’engouement pour les achats en ligne est temporaire ou qu’il va durer?
Les consommateurs ont vraiment beaucoup utilisé le commerce électronique pendant cette pandémie mondiale. On a entendu des détaillants dire que leurs ventes en ligne avaient augmenté de 60 à 80 % au cours du premier trimestre, qui s’est terminé fin mars. Puis, en avril et mai, ils ont constaté une croissance de plus de trois chiffres de leurs ventes en ligne, ce qui représente une augmentation considérable. Alors oui, on se demande bien sûr dans quelle proportion ces ventes vont se maintenir.
À mon avis, l’habitude d’acheter en ligne restera en partie. Il y a des gens qui font un premier essai, puis ils s’habituent et aiment le côté commode, par exemple. Mais je crois fermement, et on en a déjà parlé, que les gens aimeront toujours les magasins. Ils aiment toucher, essayer, vivre l’expérience du magasinage. Ils aiment sortir.
Donc, une fois qu’ils seront à l’aise de sortir de chez eux et d’aller magasiner, je suis sûre que l’achalandage des magasins va augmenter. Combien de temps ça prendra pour revenir aux niveaux d’avant la pandémie, personne ne le sait, mais ça pourrait être long. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il est plus important que jamais d’avoir une bonne présence en magasin et une bonne présence en ligne. C’est ce qu’on appelle le multicanal, une tendance dont on parle depuis longtemps. Et c’est devenu tellement important maintenant.
Les entreprises qui ont investi dans le commerce électronique et qui offrent une super expérience multicanal, qui permet aux gens de faire leurs achats en ligne ou non, selon leurs envies, ont obtenu de très bons résultats au cours de cette période. Mais il y a aussi des détaillants qui ont été distancés sur le plan du commerce électronique, et qui vont devoir investir de grosses sommes d’argent pour y remédier. Ça va beaucoup nuire à leur rentabilité.
Il ne nous reste que quelques secondes, alors je vais maintenant vous demander de sortir votre boule de cristal. Comment voyez-vous l’évolution de ces tendances au cours de l’année à venir?
Ça va être très difficile pour les détaillants. Il n’y a aucun doute là-dessus. Les ventes sont en baisse, les coûts en hausse, et il y a tellement d’incertitudes que c’est très difficile de planifier quoi que ce soit pour le moment dans le commerce de détail.
Il y aura des gagnants. Il y aura des perdants. On voit déjà certaines entreprises avoir recours à la protection de la loi sur les faillites. Mais les gagnants seront ceux qui se trouvent dans les bonnes catégories, qui peuvent offrir de la valeur aux clients, qui ont une capacité de commerce électronique et multicanal vraiment forte.
Anita, merci beaucoup pour votre temps.
Avec plaisir, Tony.
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