
Anthony Okolie récapitule l’actualité du jour, notamment les dernières nouvelles sur la COVID-19, puis discute avec James Marple, économiste principal, Groupe Banque TD, de la plus récente décision de la Réserve fédérale quant aux taux d’intérêt et des perspectives pour l’économie des États-Unis.
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Bonjour et bienvenue au bulletin quotidien COVID-19 MoneyTalk du mercredi 10 juin. Je m’appelle Anthony Okolie. Dans quelques minutes, je discuterai avec James Marple, économiste principal à la TD, au sujet de la dernière décision de la Réserve fédérale concernant les taux d’intérêt. Mais tout d’abord, voici un survol rapide des nouvelles du jour.
Commençons par cette décision. Comme prévu, la Réserve fédérale a maintenu son taux directeur à 25 points de base. Elle n’envisage aucune autre hausse avant 2022. Le PIB du Canada baissera de 8 % cette année s’il n’y a pas de deuxième vague de COVID-19, et de 9,4 % si un deuxième confinement est nécessaire.
Ce sont les prévisions de l’Organisation de coopération et de développement économiques. La dernière vague de mauvaises nouvelles concerne les investisseurs de Starbucks. Le géant des chaînes de café s’attend à une chute vertigineuse des ventes de 3 milliards de dollars US au troisième trimestre en raison de la COVID-19.
Enfin, les services de diffusion en continu auront un nouveau concurrent en juillet. AMC Theaters, le plus grand propriétaire de cinémas au monde, a annoncé la réouverture de ses 1 000 cinémas dans le monde le mois prochain. C’était le résumé des nouvelles du jour. Accueillons maintenant James Marple.
James, comme on s’y attendait, la Fed a maintenu son taux à 25 points de base. Mais on sent dans le ton qu’une baisse est envisageable. La Fed a déclaré qu’elle ne tenterait pas de relever les taux d’intérêt avant 2022. Qu’avez-vous retenu aujourd’hui?
L’énoncé de politique en tant que tel n’a pas vraiment changé. La seule chose à noter, c’est que la Fed va continuer d’acheter des actifs, du moins au rythme actuel. Ce qui, selon moi, dénote une tendance un peu plus interventionniste.
Comme vous l’avez dit, l’autre point important qui ressort de cette déclaration, ce sont les nouvelles projections des membres du FOMC sur l’évolution du taux des fonds fédéraux, de l’économie, du taux de chômage et de l’inflation. Je n’ai pas été surpris de voir les prévisions à zéro jusqu’en 2022.
Seuls deux membres de la Fed anticipent une hausse. L’un table sur une hausse légèrement supérieure à 0,25 %, ce qui est vraiment minime. La deuxième prévision se situe juste au-dessus de 1 %. Tous les autres membres pensent que les taux ne bougeront pas.
Mais si vous regardez leurs projections économiques, la Fed s’attend à un recul de 6,5 % de l’activité économique. Ce qui correspond, bien sûr, à toutes les autres prévisions. Mais c’est du jamais vu depuis la Grande Dépression. Et un rebond de l’activité qui ne compensera pas le déclin en 2021.
Donc d’après la Fed, et je pense que presque tout le monde est d’accord, il va falloir beaucoup de temps pour que l’économie revienne à la normale. Et sur le plan de l’inflation, la Fed n’anticipe pas de retour à son taux cible de 2 % d’ici 2022. Ça veut donc dire que si le taux de chômage est élevé et que l’inflation est inférieure à la cible, il est préférable d’intervenir.
On verra. La Fed ne s’est pas engagée à prendre d’autres mesures dans cette déclaration.
Mais je dirais que, compte tenu de leurs prévisions économiques, on peut tout à fait s’y attendre.
J’aimerais aussi parler un peu de l’inflation. On s’est penché sur les prix à la consommation qui sont tous en baisse en mai, sauf pour l’alimentation. Estimez-vous que la Fed a réagi assez énergiquement pour prévenir le risque de déflation?
Eh bien, c’est très difficile à dire. Je pense qu’en grande partie, la situation actuelle est évidemment le résultat direct de la pandémie et de la fermeture de l’économie. On constate de fortes chutes des prix pour les voyages, la vente au détail – l’habillement et, évidemment l’alimentation. Tout ce qu’on achète quand on peut sortir de chez soi. Désolé, pas l’alimentation, mais les services de restauration.
Évidemment, pour les produits consommés à la maison, comme l’épicerie, les prix ont augmenté. Et, bien sûr, cette tendance a été exacerbée le mois dernier parce que beaucoup d’usines de viandes ont fermé leurs portes. Les prix de la viande étaient extraordinairement élevés.
Je pense qu’à court terme, on constate un choc important lié à la demande. On observe un taux de chômage à deux chiffres. Mais l’inflation sera évidemment très tributaire de la réouverture de l’économie. Va-t-on assister à un rebond comme la Fed semble s’y attendre dans ses perspectives économiques?
S’il n’y a pas de reprise – et il est encore trop tôt pour se prononcer... N’oublions pas qu’il y a beaucoup d’incertitudes quant à l’évolution du virus. Sommes-nous réellement parvenus à endiguer suffisamment l’épidémie? Si c’est le cas, on évitera peut-être la catastrophe. Sinon, il est évident que la Fed devra faire davantage.
J’aimerais revenir sur les taux. La Fed a déclaré qu’elle n’envisage pas de hausse des taux d’intérêt avant 2022. Est-ce que les craintes concernant des taux d’intérêt négatifs sont exagérées à ce stade?
Ou ce risque reste-t-il d’actualité? Je dirais que la Fed a clairement indiqué que les taux d’intérêt négatifs sont plutôt une mesure de dernier ressort. Il y a d’autres options.
D’abord, elle pourrait augmenter les achats. C’est une stratégie qu’elle a d’ailleurs évoquée.
La Fed pourrait prendre des mesures d’orientation des anticipations des taux futurs en liant le taux des fonds fédéraux à un taux d’inflation cible ou moyen et dire : nous sommes en dessous de la cible depuis un certain temps et nous voulons que le taux d’inflation moyen atteigne notre cible de 2 %, en incluant cette période où le taux est trop faible.
Et cela implique que les taux vont rester faibles sur une longue période. En espérant que ça permette à la Fed de contrôler la courbe des taux. Et d’ailleurs, la Fed pourrait établir une cible pour le taux à 10 ans en le fixant à un seuil précis. C’est ce qu’a fait la Banque du Japon. Et je pense que toutes ces mesures sont plus probables qu’un taux directeur négatif.
Évidemment, si l’économie reste déprimée et qu’on ne revient pas à la normale, on ne peut pas écarter la possibilité de taux négatifs. Mais je dirais que les taux négatifs ne concordent pas avec ce que l’on observe sur les marchés financiers. On peut imaginer que la Fed instaure des taux d’intérêt négatifs. Nous ne sommes pas dans un contexte où le S&P 500 atteint des sommets.
Quels sont les principaux indicateurs américains que vous surveillez pour évaluer la reprise aux États-Unis après la pandémie?
C’est une excellente question, parce que certains indicateurs économiques classiques sont maintenant un peu à la traîne. De toute évidence, on surveille de très près les chiffres de l’emploi. L’embellie de la semaine dernière a surpris tout le monde. Les chiffres hebdomadaires des demandes d’assurance-chômage ont beaucoup retenu l’attention, ce qui induit en erreur parce qu’ils ne représentent qu’un seul côté de l’équation.
On savait qu’il y avait eu beaucoup de mises à pied. On ne savait pas combien de personnes avaient été réembauchées. Mais on peut pressentir ces résultats si on regarde des indicateurs non traditionnels. Par exemple, les données sur la mobilité de Google ou même d’Apple, qui montrent l’achalandage dans les points de vente.
Et quand on examine d’autres indicateurs, comme le marché du logement, on voit qu’en fait, le nombre d’inscriptions et de visites a rebondi assez rapidement. On peut aussi regarder les demandes de prêt hypothécaire hebdomadaires. Quand on cherche un renversement de tendance, on peut examiner certaines de ces données à très haute fréquence et, évidemment, les annonces de politiques,
comme ce que disent les États concernant la réouverture des entreprises. On peut ensuite les combiner avec certaines de ces autres données et finalement avec les chiffres économiques de référence pour se faire une idée des répercussions des différentes politiques sur les perspectives économiques.
J’aimerais conclure en posant une dernière question sur le dollar américain. Étant donné que la Fed n’envisage pas de relever les taux avant 2022 au plus tôt, où va le dollar américain selon vous?
Pour le moment, je dirais nulle part. Mais évidemment, cela dépend des données relatives, c’est-à-dire des autres devises. Si nous parlons du Canada, il y a des raisons de penser que le dollar canadien pourrait s’apprécier. Les perspectives se sont passablement améliorées pour les prix du pétrole. Et l’offre a chuté de façon spectaculaire.
On pourrait donc assister à une hausse modeste du dollar canadien. Je crois aussi qu’au Canada, on a vraiment bien réussi à faire baisser le nombre d’infections. Encore une fois, l’endiguement de l’épidémie par rapport aux autres pays aura peut-être une influence sur les marchés, et notamment sur les taux de change.
James, merci d’avoir participé à cette webdiffusion.
Je vous en prie.
[MUSIQUE]
Commençons par cette décision. Comme prévu, la Réserve fédérale a maintenu son taux directeur à 25 points de base. Elle n’envisage aucune autre hausse avant 2022. Le PIB du Canada baissera de 8 % cette année s’il n’y a pas de deuxième vague de COVID-19, et de 9,4 % si un deuxième confinement est nécessaire.
Ce sont les prévisions de l’Organisation de coopération et de développement économiques. La dernière vague de mauvaises nouvelles concerne les investisseurs de Starbucks. Le géant des chaînes de café s’attend à une chute vertigineuse des ventes de 3 milliards de dollars US au troisième trimestre en raison de la COVID-19.
Enfin, les services de diffusion en continu auront un nouveau concurrent en juillet. AMC Theaters, le plus grand propriétaire de cinémas au monde, a annoncé la réouverture de ses 1 000 cinémas dans le monde le mois prochain. C’était le résumé des nouvelles du jour. Accueillons maintenant James Marple.
James, comme on s’y attendait, la Fed a maintenu son taux à 25 points de base. Mais on sent dans le ton qu’une baisse est envisageable. La Fed a déclaré qu’elle ne tenterait pas de relever les taux d’intérêt avant 2022. Qu’avez-vous retenu aujourd’hui?
L’énoncé de politique en tant que tel n’a pas vraiment changé. La seule chose à noter, c’est que la Fed va continuer d’acheter des actifs, du moins au rythme actuel. Ce qui, selon moi, dénote une tendance un peu plus interventionniste.
Comme vous l’avez dit, l’autre point important qui ressort de cette déclaration, ce sont les nouvelles projections des membres du FOMC sur l’évolution du taux des fonds fédéraux, de l’économie, du taux de chômage et de l’inflation. Je n’ai pas été surpris de voir les prévisions à zéro jusqu’en 2022.
Seuls deux membres de la Fed anticipent une hausse. L’un table sur une hausse légèrement supérieure à 0,25 %, ce qui est vraiment minime. La deuxième prévision se situe juste au-dessus de 1 %. Tous les autres membres pensent que les taux ne bougeront pas.
Mais si vous regardez leurs projections économiques, la Fed s’attend à un recul de 6,5 % de l’activité économique. Ce qui correspond, bien sûr, à toutes les autres prévisions. Mais c’est du jamais vu depuis la Grande Dépression. Et un rebond de l’activité qui ne compensera pas le déclin en 2021.
Donc d’après la Fed, et je pense que presque tout le monde est d’accord, il va falloir beaucoup de temps pour que l’économie revienne à la normale. Et sur le plan de l’inflation, la Fed n’anticipe pas de retour à son taux cible de 2 % d’ici 2022. Ça veut donc dire que si le taux de chômage est élevé et que l’inflation est inférieure à la cible, il est préférable d’intervenir.
On verra. La Fed ne s’est pas engagée à prendre d’autres mesures dans cette déclaration.
Mais je dirais que, compte tenu de leurs prévisions économiques, on peut tout à fait s’y attendre.
J’aimerais aussi parler un peu de l’inflation. On s’est penché sur les prix à la consommation qui sont tous en baisse en mai, sauf pour l’alimentation. Estimez-vous que la Fed a réagi assez énergiquement pour prévenir le risque de déflation?
Eh bien, c’est très difficile à dire. Je pense qu’en grande partie, la situation actuelle est évidemment le résultat direct de la pandémie et de la fermeture de l’économie. On constate de fortes chutes des prix pour les voyages, la vente au détail – l’habillement et, évidemment l’alimentation. Tout ce qu’on achète quand on peut sortir de chez soi. Désolé, pas l’alimentation, mais les services de restauration.
Évidemment, pour les produits consommés à la maison, comme l’épicerie, les prix ont augmenté. Et, bien sûr, cette tendance a été exacerbée le mois dernier parce que beaucoup d’usines de viandes ont fermé leurs portes. Les prix de la viande étaient extraordinairement élevés.
Je pense qu’à court terme, on constate un choc important lié à la demande. On observe un taux de chômage à deux chiffres. Mais l’inflation sera évidemment très tributaire de la réouverture de l’économie. Va-t-on assister à un rebond comme la Fed semble s’y attendre dans ses perspectives économiques?
S’il n’y a pas de reprise – et il est encore trop tôt pour se prononcer... N’oublions pas qu’il y a beaucoup d’incertitudes quant à l’évolution du virus. Sommes-nous réellement parvenus à endiguer suffisamment l’épidémie? Si c’est le cas, on évitera peut-être la catastrophe. Sinon, il est évident que la Fed devra faire davantage.
J’aimerais revenir sur les taux. La Fed a déclaré qu’elle n’envisage pas de hausse des taux d’intérêt avant 2022. Est-ce que les craintes concernant des taux d’intérêt négatifs sont exagérées à ce stade?
Ou ce risque reste-t-il d’actualité? Je dirais que la Fed a clairement indiqué que les taux d’intérêt négatifs sont plutôt une mesure de dernier ressort. Il y a d’autres options.
D’abord, elle pourrait augmenter les achats. C’est une stratégie qu’elle a d’ailleurs évoquée.
La Fed pourrait prendre des mesures d’orientation des anticipations des taux futurs en liant le taux des fonds fédéraux à un taux d’inflation cible ou moyen et dire : nous sommes en dessous de la cible depuis un certain temps et nous voulons que le taux d’inflation moyen atteigne notre cible de 2 %, en incluant cette période où le taux est trop faible.
Et cela implique que les taux vont rester faibles sur une longue période. En espérant que ça permette à la Fed de contrôler la courbe des taux. Et d’ailleurs, la Fed pourrait établir une cible pour le taux à 10 ans en le fixant à un seuil précis. C’est ce qu’a fait la Banque du Japon. Et je pense que toutes ces mesures sont plus probables qu’un taux directeur négatif.
Évidemment, si l’économie reste déprimée et qu’on ne revient pas à la normale, on ne peut pas écarter la possibilité de taux négatifs. Mais je dirais que les taux négatifs ne concordent pas avec ce que l’on observe sur les marchés financiers. On peut imaginer que la Fed instaure des taux d’intérêt négatifs. Nous ne sommes pas dans un contexte où le S&P 500 atteint des sommets.
Quels sont les principaux indicateurs américains que vous surveillez pour évaluer la reprise aux États-Unis après la pandémie?
C’est une excellente question, parce que certains indicateurs économiques classiques sont maintenant un peu à la traîne. De toute évidence, on surveille de très près les chiffres de l’emploi. L’embellie de la semaine dernière a surpris tout le monde. Les chiffres hebdomadaires des demandes d’assurance-chômage ont beaucoup retenu l’attention, ce qui induit en erreur parce qu’ils ne représentent qu’un seul côté de l’équation.
On savait qu’il y avait eu beaucoup de mises à pied. On ne savait pas combien de personnes avaient été réembauchées. Mais on peut pressentir ces résultats si on regarde des indicateurs non traditionnels. Par exemple, les données sur la mobilité de Google ou même d’Apple, qui montrent l’achalandage dans les points de vente.
Et quand on examine d’autres indicateurs, comme le marché du logement, on voit qu’en fait, le nombre d’inscriptions et de visites a rebondi assez rapidement. On peut aussi regarder les demandes de prêt hypothécaire hebdomadaires. Quand on cherche un renversement de tendance, on peut examiner certaines de ces données à très haute fréquence et, évidemment, les annonces de politiques,
comme ce que disent les États concernant la réouverture des entreprises. On peut ensuite les combiner avec certaines de ces autres données et finalement avec les chiffres économiques de référence pour se faire une idée des répercussions des différentes politiques sur les perspectives économiques.
J’aimerais conclure en posant une dernière question sur le dollar américain. Étant donné que la Fed n’envisage pas de relever les taux avant 2022 au plus tôt, où va le dollar américain selon vous?
Pour le moment, je dirais nulle part. Mais évidemment, cela dépend des données relatives, c’est-à-dire des autres devises. Si nous parlons du Canada, il y a des raisons de penser que le dollar canadien pourrait s’apprécier. Les perspectives se sont passablement améliorées pour les prix du pétrole. Et l’offre a chuté de façon spectaculaire.
On pourrait donc assister à une hausse modeste du dollar canadien. Je crois aussi qu’au Canada, on a vraiment bien réussi à faire baisser le nombre d’infections. Encore une fois, l’endiguement de l’épidémie par rapport aux autres pays aura peut-être une influence sur les marchés, et notamment sur les taux de change.
James, merci d’avoir participé à cette webdiffusion.
Je vous en prie.
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