
La Réserve fédérale des États-Unis ne change pas son taux directeur et révise à la hausse ses prévisions pour l’activité économique cette année. Mais elle signale aussi que ses taux resteront quasi nuls au moins jusqu’en 2023. Anthony Okolie et James Orlando, économiste principal, Groupe Banque TD, discutent des conséquences de cela pour la croissance économique aux États-Unis.
Oui, deux choses ont vraiment retenu mon attention. La première est le relèvement de la croissance économique par les membres de la Réserve fédérale. Ils croient que la reprise, qui est bien amorcée actuellement, se poursuivra. Ils ne pensent pas qu’il y ait des problèmes au cours des prochaines années.
La deuxième chose, c’est qu’il s’agit de la première déclaration dans laquelle la Réserve fédérale a présenté son nouveau cadre opérationnel, et celui-ci est tel qu’il ne sera pas normatif en ce qui a trait à la hausse des taux d’intérêt, simplement parce que le taux de chômage atteindra un certain niveau. Cela permettra également à l’inflation de dépasser sa cible de 2 % pour compenser l’inflation inférieure des années précédentes.
Ce que ça signifie, c’est que les taux d’intérêt resteront à zéro pendant plus longtemps que prévu que ce que nous aurions pensé. Et la façon dont cela se répercute sur les variables financières, c’est que ça signifie que les gouvernements peuvent emprunter de l’argent à un taux inférieur encore plus longtemps, de même que les sociétés et les gens ordinaires, grâce à des taux hypothécaires plus faibles, qui soutiennent les prix des maisons.
Et savons-nous pendant encore combien de temps la Fed prévoit dépasser sa cible d’inflation de 2 %?
Nous avons encore beaucoup de questions à ce sujet. La Fed n’a pas défini précisément ce que signifie la moyenne ni le moment où elle la calculera. Nous ne savons pas non plus jusqu’à quel point elle permettra à l’inflation de dépasser 2 % et pendant combien de temps. La Réserve fédérale a donc un défi en matière de communication : elle devra expliquer exactement comment elle envisage le fonctionnement du cadre au cours des prochaines années.
Nous avons également obtenu des données sur les consommateurs américains aujourd’hui, qui semblent indiquer que les dépenses ralentissent en raison de l’épuisement de certaines prestations de chômage supplémentaires. Quel est le risque pour la reprise économique si le Congrès ne parvient pas à s’entendre sur un nouveau plan de relance?
Oui, alors je dirais que pendant la pandémie, les revenus des personnes qui ont perdu leur emploi ont été soutenus à un niveau important, simplement parce que les gouvernements ont fourni un solide soutien. C’est très important, car les personnes qui ont perdu leur emploi doivent payer leurs factures. Elles ont besoin de nourrir leur famille, de se loger, de payer le loyer et de payer les coûts de logement.
Donc si le gouvernement annonce qu’il cessera de soutenir les citoyens au même niveau par rapport, disons, aux mesures de soutien du revenu, ou s’il n’est plus capable de le faire, les gens vont naturellement dépenser moins. Nous avons constaté que les personnes qui ont perdu leur emploi durant cette période sont beaucoup plus susceptibles de dépenser l’argent qu’elles ont pu recevoir du gouvernement, tandis que les personnes qui n’ont pas perdu leur emploi épargnent de l’argent durant cette période. Il est donc très important d’offrir cette transition aux personnes qui ont perdu leur emploi durant cette période. C’est donc naturellement ce qu’il faut pour s’assurer que les ventes au détail et la croissance économique se poursuivent.
Qu’allez-vous observer d’autre au cours des prochains mois pour repérer des signes d’un redressement de l’économie américaine?
Oui, je pense que le principal facteur qui aura une incidence sur la reprise économique est l’évolution de la vague de COVID. Beaucoup de gens sont préoccupés par une deuxième vague d’infections à la COVID, surtout à l’approche de l’hiver.
Nous avons gagné beaucoup de terrain et pris de l’élan sur le plan économique. De nombreux emplois perdus plus tôt cette année ont été récupérés, et nous voulons poursuivre sur cette lancée. Nous voulons nous assurer que les gens qui veulent un emploi, qui ont besoin d’un emploi, sont en mesure d’en trouver un. Il faut donc que l’économie continue de rebondir. Mais nous devons trouver un juste équilibre entre ça et la santé publique, et veiller à ce que les gens soient en sécurité pendant que nous revenons à la normale.
Il ne nous reste que quelques secondes, mais j’aimerais qu’on discute du dollar américain. Compte tenu de la faiblesse des taux d’intérêt, qui va probablement persister au cours des quatre prochaines années, quelle orientation le dollar américain va-t-il prendre?
Oui, le dollar américain4 s’est déprécié au cours des derniers mois, en fait depuis le début de la reprise après la pandémie. Donc, quand on examine les devises et qu’on s’assure de comprendre si le billet vert va dans une direction donnée, ce qu’on recherche, c’est une croissance économique supérieure au rendement.
Par exemple, comme l’économie américaine a connu une deuxième vague d’infections au cours de l’été, en particulier dans les États du sud des États-Unis, sa croissance économique a été plus lente que dans d’autres pays comme le Canada. Le dollar canadien s’est donc apprécié par rapport au dollar américain. À mesure que nous avancerons dans cette phase de reprise, le rendement économique supérieur jouera probablement un plus grand rôle dans l’échange sur le dollar américain à l’avenir.
James, merci beaucoup du temps que vous nous avez accordé.
Merci.
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