
À mi-chemin en 2020, les marchés boursiers ont fait preuve de résilience, malgré l’incertitude causée par la COVID-19. Ils ont rapidement rebondi après avoir enregistré la chute la plus rapide de l’histoire. Kim Parlee s’entretient avec Michael Craig, chef, Répartition des actifs, Gestion de Placements TD.
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[MUSIQUE]
Nous suivons tous de près les marchés et ces derniers mois ont été très mouvementés. La gestion active des portefeuilles prend donc une place encore plus importante.
J’accueille Michael Craig, chef, Répartition des actifs à Gestion de Placements TD. Michael, dans une note qui vient d’être publiée, vous avez dit très justement : Le monde est passé de l’hiver du désespoir au printemps de l’espoir au deuxième trimestre. On est passé très rapidement d’un extrême à l’autre. Les événements se sont bousculés.
Tout à fait. Il se passe beaucoup de choses sur les marchés financiers et dans les banques centrales. Comme vous le savez, il y a énormément d’agitation sociale. On assiste à l’adoption rapide de toute une série de politiques, alors qu’on pensait qu’elles mettraient des années à voir le jour.
Tout va très vite. Et parfois, dans le secteur des placements, c’est important de se concentrer sur les facteurs déclencheurs. Au deuxième trimestre, tous les regards étaient fixés sur les banques centrales et sur les gouvernements qui ont promis de débloquer des sommes quasi illimitées pour lutter contre cette récession, partout dans le monde.
J’aimerais parler de certains changements que vous avez apportés à la gestion de vos portefeuilles. Et il y en a énormément. Je parle de la gestion active. Il y a beaucoup de changements à l’œuvre. Mais commençons par le premier. Vous avez augmenté l’exposition aux actions.
Oui, et le contexte actuel n’est pas facile. Les taux obligataires étant ce qu’ils sont, les titres à revenu fixe rapportent peu. Nous avons augmenté l’exposition aux titres de croissance en avril et en mars, ce qui nous a plutôt réussi. Cette stratégie a bien fonctionné. Nous orientons activement les portefeuilles vers la croissance, parce qu’on voit bien que ce n’est pas une récession typique.
D’habitude, l’économie subit un gros choc et se remet de façon cyclique. Ici, les effets seront beaucoup plus durables. Je crois que la croissance va rester en berne encore un certain temps. Je ne pense pas que la récession sera aussi forte au troisième trimestre qu’au deuxième, mais il ne faut pas s’attendre à un retour à la normale de sitôt.
Vous avez mentionné les titres à revenu fixe. C’est difficile en ce moment. Est-ce que les titres à revenu fixe présentent toujours un attrait? Ou est-ce que les difficultés s’expliquent simplement par les niveaux de rendement?
Certains segments du marché des titres à revenu fixe sont intéressants. À long terme, il est logique de garder en réserve des titres de créance indexés sur l’inflation. Je ne crois pas que l’inflation va grimper de sitôt. Mais il est certain que si l’on regarde certaines forces en jeu à long terme, on peut certainement s’attendre à des niveaux d’inflation plus élevés dans les années à venir.
De notre côté, nous continuons de privilégier les obligations de sociétés. C’est très favorable. Les obligations se sont fortement redressées – nous n’en sommes pas au tout début.
Et je dirais que le dernier domaine sur lequel nous nous sommes concentrés, c’est celui des autres sources de titres productifs de revenus. Ce qui nous ouvre les portes à d’autres espaces, que ce soit l’immobilier ou les infrastructures. Ce sont de nouveaux domaines d’investissement qui vont nous procurer des flux de revenus pour les années à venir.
Permettez-moi de vous demander – ce qui se superpose à tous ces éléments, ce sont les différents secteurs géographiques. Dans l’ensemble, je crois comprendre que vous surpondérez les titres des États-Unis et que vous sous-pondérez ceux du Canada. Expliquez-moi pourquoi... Est-ce lié à la croissance des actions? Est-ce que la croissance des actions américaines est supérieure à celle des actions canadiennes?
C’est une question de composition des deux marchés boursiers. Au Canada, si vous achetez des titres du TSX, ce sont généralement des titres des services financiers, des matériaux et de l’énergie. Ce sont les domaines prédominants sur notre marché, et ils ne nous paraissent pas extrêmement intéressants en ce moment. Il est certain que la baisse des taux d’intérêt va nuire aux services financiers. Les marges d’intérêt nettes sont sous pression en raison des faibles taux d’intérêt.
Le secteur de l’énergie s’est ravivé. Mais si on tient compte des facteurs ESG, de la baisse de la consommation d’énergie dans les années à venir et de la popularisation des voitures électriques, on voit qu’il existe des obstacles structurels à long terme pour le pétrole, ce qui fait n’en fait pas un investissement idéal dans la durée.
Si on se demande où se trouvent les entreprises les plus productives dans le monde, celles qui créent le plus de valeur ajoutée économique, c’est surtout le marché américain qui ressort. C’est là que se trouvent tous les poids lourds qui, par effet pervers, ont vraiment bénéficié du virus parce que les tendances qui se profilaient à long terme se sont concrétisées en quelques mois. On s’est vraiment habitués à utiliser beaucoup plus la technologie dans la vie professionnelle et personnelle, et ce segment du marché va vraiment en profiter.
Mais comment interpréter les évaluations boursières? On a parlé des occasions à saisir, mais on a l’impression que toute cette valeur à long terme a été comprimée et qu’elle est maintenant intégrée à beaucoup de cours boursiers, surtout aux États-Unis.
Je dois admettre que je suis un vieux routier des obligations. J’ai reçu une formation d’investisseur en titres à revenu fixe. Quand je pense aux actions et aux évaluations, je les mets toujours en relation avec le coût de l’argent. Ce qu’on obtient par le marché des titres à revenu fixe. C’est impossible de comparer les évaluations boursières des années 80, 90 ou 2000 à celles d’aujourd’hui, parce qu’on ne tiendrait pas compte d’où se situaient les rendements sur le marché obligataire.
Donc, on examine les évaluations boursières par rapport aux titres à revenu fixe, et on cherche le ratio bénéfice/cours ou la génération de flux de trésorerie disponibles. En gros, on traduit notre évaluation en taux de revenu, et le compare au taux sans risque équivalent.
Et même si les actions semblent chères, il y a beaucoup d’actifs coûteux. Par conséquent, relativement parlant, les actions ne sont pas un mauvais choix. Il est clair que certaines parties du marché boursier ont progressé, et certaines sont peut-être surévaluées, mais globalement, par rapport aux titres à revenu fixe, les actions offrent beaucoup plus de valeur à l’heure actuelle. Et au bout du compte, il faut choisir un secteur dans lequel investir. On ne peut pas laisser des liquidités dormir indéfiniment. À mon avis, les actions sont un choix plus judicieux en ce moment.
Donc vous optez pour la surpondération des actions, la sous-pondération des titres à revenu fixe et la surpondération des liquidités dans vos portefeuilles. Parlez-nous un peu de la surpondération des liquidités. Qu’est-ce qui semble logique dans le contexte actuel?
Nous avons des regroupements de capitaux tactiques pour acheter à court terme. Nous avons donc conservé des liquidités, et nous avons vendu des options. On a mis des options sur le marché qui seront exercées si le marché chute et qui renforceront nos positions en actions.
Il y a plusieurs raisons à cela. D’abord, nous aimerions acheter un peu moins cher. Ensuite, le prix de l’assurance sur le marché est encore assez élevé. L’indice de volatilité se situe à 27 ou 28 ce moment. Avant la COVID, il se situait autour de 12. On paie donc beaucoup plus pour l’assurance, et on ne voit pas d’inconvénient à vendre ces titres. On fait beaucoup plus d’argent qu’avec des titres à revenu fixe, pour résumer. Ça ne durera pas éternellement, mais nous profitons de l’occasion. C’est une stratégie à court terme, mais c’est comme ça que nous utilisons ces liquidités.
Autre question : passons aux perspectives politiques et, au-delà d’aujourd’hui, à la vue plus générale qui sous-tend votre thèse de placement. Qu’est-ce que vous attendez des élections américaines? Et où va le dollar américain? Les gens se posent beaucoup de questions en ce moment, avec le recours à la planche à billets et l’instabilité entourant les élections américaines.
Oui, pour résumer, c’est vraiment le désordre. De toute évidence, l’élection aux États-Unis sera l’une des plus vivement contestées de l’histoire contemporaine. Vous avez entendu le président républicain dire qu’il n’accepterait peut-être pas les résultats. C’est terrifiant.
Et cela conduit certainement à un manque de confiance dans le dollar américain. Mais je pense que c’est relativement transitoire. Je ne crois pas que ce sera un problème en janvier. Mais en attendant, il est certain que la confiance dans l’économie ou la devise américaine va en pâtir.
Il y a beaucoup d’agitation sociale en ce moment, et c’est ironique de constater que la COVID a mis le feu aux poudres. Ces tensions étaient depuis longtemps latentes dans la société. Et pour plusieurs raisons... divers types d’inégalité, d’inégalité de richesse et de revenus. Les États-Unis traversent donc une période difficile. Ce n’est vraiment pas bon.
Du point de vue des placements, le marché a été relativement épargné pour le moment, mais nous sommes très sensibles à la façon dont les événements vont tourner. Du point de vue macroéconomique, seul le dollar américain est touché. Il a chuté d’environ 8 % par rapport au point le plus haut, il continue de se déprécier.
Et bien sûr, on observe une corrélation inverse avec l’or. On parle de plus en plus de l’or en ce moment, moi y compris. C’est un sujet que l’on a abordé récemment dans ce balado. Qu’est-ce que vous en pensez?
Nous investissons dans l’or depuis un certain temps, mais pas pour les raisons pour lesquelles l’or se redresse aujourd’hui. Nous considérons l’or comme une sorte d’indicateur des taux d’intérêt, en particulier pour les taux d’intérêt réels. C’est un sujet un peu délicat. En résumé, vous prenez le taux des obligations d’État, vous déduisez l’inflation prévue, et vous obtenez un taux réel. À l’heure actuelle, les taux réels n’ont jamais été aussi bas. Ils ont diminué d’environ 92 points de base.
À l’inverse, l’or a tendance à se négocier à la hausse. La baisse des taux réels a fait grimper l’or. Et je pense que les taux réels continueront de baisser, ce qui sera très favorable à l’or.
Mais l’or n’est pas une catégorie d’actif très importante. Quand le marché s’engage vers une reprise, le cours de l’or bouge assez rapidement. On m’avait expliqué que c’est comme essayer de vider un pichet dans une ligne de verres à liqueur. Il y a des débordements, parce qu’il n’y a pas suffisamment d’actifs pour absorber. C’est ce qui s’est produit, et nous avons atteint des sommets records.
À mon sens, même s’il faut bien garder en tête les taux réels négatifs, il se passe autre chose d’assez sinistre sur le marché. Il suffit de regarder les encans d’œuvres d’art ou de grands vins pour s’apercevoir les gens achètent tout ce qui n’est pas encore établi. Et à mon avis, ça révèle une baisse de confiance dans les monnaies fiduciaires. Donc l’or se redresse, mais aussi le marché de l’art, des cartes de baseball de collection, des grands vins.
Encore une fois, c’est ironique de voir que la COVID a créé toutes ces autres petites bulles. Il faut donc surveiller ce qui se passe. L’or va évoluer très rapidement, dans un sens ou dans l’autre. Soit le cours va continuer de grimper, soit la croissance va commencer à gagner du terrain et l’or risque facilement de chuter de quelques centaines de dollars.
C’est donc un actif assez volatil. Nous restons optimistes, mais on a conscience que l’or n’est franchement pas très stable. Et on fait très attention à l’ampleur des placements dans l’or.
D’accord. Revenons à la conversation sur la gestion active, et à son importance. Pourrait-on revenir sur les tensions latentes? Bien sûr, il y a des tensions intérieures aux États-Unis, comme le montrent les événements récents, mais aussi entre la Chine et les États-Unis. Quel dénouement anticipez-vous?
Tout dépend de qui sera à la Maison-Blanche en janvier. Et ironiquement, Joe Biden serait en réalité beaucoup plus défavorable aux dirigeants chinois que Donald Trump.
Pourquoi?
Je crois que Joe Biden sera intransigeant avec la Chine. Dans son discours électoral, il a parlé de chaînes d’approvisionnement exclusivement américaines, etc. Mais je pense que Biden réussira là où Trump a échoué. C’est-à-dire rallier le soutien de pays qui ont des vues similaires et se liguer contre la Chine.
C’est assez facile pour la Chine de s’attaquer à chaque pays l’un après l’autre, parce qu’il y n’a pas de front unifié en ce moment. Mais si les démocraties libérales parviennent à mener une action coordonnée, les dirigeants chinois devront gérer une situation beaucoup plus difficile qu’une guerre des mots sur Twitter avec Donald Trump.
Paradoxalement, j’ai l’impression qu’ils appuient probablement Trump. Trump veut faire cavalier seul et conclure ses propres ententes. Mais avec Biden, il ne va pas y avoir de répit. La seule chose sur laquelle tout le monde s’entend à Washington, républicain ou démocrate, c’est sur une certaine aversion pour la Chine qui devrait se poursuivre jusqu’en 2021.
Michael, c’est toujours un plaisir. Merci pour cette excellente conversation. Merci beaucoup.
Merci à vous, Kim. Prenez soin de vous.
[MUSIQUE]
Nous suivons tous de près les marchés et ces derniers mois ont été très mouvementés. La gestion active des portefeuilles prend donc une place encore plus importante.
J’accueille Michael Craig, chef, Répartition des actifs à Gestion de Placements TD. Michael, dans une note qui vient d’être publiée, vous avez dit très justement : Le monde est passé de l’hiver du désespoir au printemps de l’espoir au deuxième trimestre. On est passé très rapidement d’un extrême à l’autre. Les événements se sont bousculés.
Tout à fait. Il se passe beaucoup de choses sur les marchés financiers et dans les banques centrales. Comme vous le savez, il y a énormément d’agitation sociale. On assiste à l’adoption rapide de toute une série de politiques, alors qu’on pensait qu’elles mettraient des années à voir le jour.
Tout va très vite. Et parfois, dans le secteur des placements, c’est important de se concentrer sur les facteurs déclencheurs. Au deuxième trimestre, tous les regards étaient fixés sur les banques centrales et sur les gouvernements qui ont promis de débloquer des sommes quasi illimitées pour lutter contre cette récession, partout dans le monde.
J’aimerais parler de certains changements que vous avez apportés à la gestion de vos portefeuilles. Et il y en a énormément. Je parle de la gestion active. Il y a beaucoup de changements à l’œuvre. Mais commençons par le premier. Vous avez augmenté l’exposition aux actions.
Oui, et le contexte actuel n’est pas facile. Les taux obligataires étant ce qu’ils sont, les titres à revenu fixe rapportent peu. Nous avons augmenté l’exposition aux titres de croissance en avril et en mars, ce qui nous a plutôt réussi. Cette stratégie a bien fonctionné. Nous orientons activement les portefeuilles vers la croissance, parce qu’on voit bien que ce n’est pas une récession typique.
D’habitude, l’économie subit un gros choc et se remet de façon cyclique. Ici, les effets seront beaucoup plus durables. Je crois que la croissance va rester en berne encore un certain temps. Je ne pense pas que la récession sera aussi forte au troisième trimestre qu’au deuxième, mais il ne faut pas s’attendre à un retour à la normale de sitôt.
Vous avez mentionné les titres à revenu fixe. C’est difficile en ce moment. Est-ce que les titres à revenu fixe présentent toujours un attrait? Ou est-ce que les difficultés s’expliquent simplement par les niveaux de rendement?
Certains segments du marché des titres à revenu fixe sont intéressants. À long terme, il est logique de garder en réserve des titres de créance indexés sur l’inflation. Je ne crois pas que l’inflation va grimper de sitôt. Mais il est certain que si l’on regarde certaines forces en jeu à long terme, on peut certainement s’attendre à des niveaux d’inflation plus élevés dans les années à venir.
De notre côté, nous continuons de privilégier les obligations de sociétés. C’est très favorable. Les obligations se sont fortement redressées – nous n’en sommes pas au tout début.
Et je dirais que le dernier domaine sur lequel nous nous sommes concentrés, c’est celui des autres sources de titres productifs de revenus. Ce qui nous ouvre les portes à d’autres espaces, que ce soit l’immobilier ou les infrastructures. Ce sont de nouveaux domaines d’investissement qui vont nous procurer des flux de revenus pour les années à venir.
Permettez-moi de vous demander – ce qui se superpose à tous ces éléments, ce sont les différents secteurs géographiques. Dans l’ensemble, je crois comprendre que vous surpondérez les titres des États-Unis et que vous sous-pondérez ceux du Canada. Expliquez-moi pourquoi... Est-ce lié à la croissance des actions? Est-ce que la croissance des actions américaines est supérieure à celle des actions canadiennes?
C’est une question de composition des deux marchés boursiers. Au Canada, si vous achetez des titres du TSX, ce sont généralement des titres des services financiers, des matériaux et de l’énergie. Ce sont les domaines prédominants sur notre marché, et ils ne nous paraissent pas extrêmement intéressants en ce moment. Il est certain que la baisse des taux d’intérêt va nuire aux services financiers. Les marges d’intérêt nettes sont sous pression en raison des faibles taux d’intérêt.
Le secteur de l’énergie s’est ravivé. Mais si on tient compte des facteurs ESG, de la baisse de la consommation d’énergie dans les années à venir et de la popularisation des voitures électriques, on voit qu’il existe des obstacles structurels à long terme pour le pétrole, ce qui fait n’en fait pas un investissement idéal dans la durée.
Si on se demande où se trouvent les entreprises les plus productives dans le monde, celles qui créent le plus de valeur ajoutée économique, c’est surtout le marché américain qui ressort. C’est là que se trouvent tous les poids lourds qui, par effet pervers, ont vraiment bénéficié du virus parce que les tendances qui se profilaient à long terme se sont concrétisées en quelques mois. On s’est vraiment habitués à utiliser beaucoup plus la technologie dans la vie professionnelle et personnelle, et ce segment du marché va vraiment en profiter.
Mais comment interpréter les évaluations boursières? On a parlé des occasions à saisir, mais on a l’impression que toute cette valeur à long terme a été comprimée et qu’elle est maintenant intégrée à beaucoup de cours boursiers, surtout aux États-Unis.
Je dois admettre que je suis un vieux routier des obligations. J’ai reçu une formation d’investisseur en titres à revenu fixe. Quand je pense aux actions et aux évaluations, je les mets toujours en relation avec le coût de l’argent. Ce qu’on obtient par le marché des titres à revenu fixe. C’est impossible de comparer les évaluations boursières des années 80, 90 ou 2000 à celles d’aujourd’hui, parce qu’on ne tiendrait pas compte d’où se situaient les rendements sur le marché obligataire.
Donc, on examine les évaluations boursières par rapport aux titres à revenu fixe, et on cherche le ratio bénéfice/cours ou la génération de flux de trésorerie disponibles. En gros, on traduit notre évaluation en taux de revenu, et le compare au taux sans risque équivalent.
Et même si les actions semblent chères, il y a beaucoup d’actifs coûteux. Par conséquent, relativement parlant, les actions ne sont pas un mauvais choix. Il est clair que certaines parties du marché boursier ont progressé, et certaines sont peut-être surévaluées, mais globalement, par rapport aux titres à revenu fixe, les actions offrent beaucoup plus de valeur à l’heure actuelle. Et au bout du compte, il faut choisir un secteur dans lequel investir. On ne peut pas laisser des liquidités dormir indéfiniment. À mon avis, les actions sont un choix plus judicieux en ce moment.
Donc vous optez pour la surpondération des actions, la sous-pondération des titres à revenu fixe et la surpondération des liquidités dans vos portefeuilles. Parlez-nous un peu de la surpondération des liquidités. Qu’est-ce qui semble logique dans le contexte actuel?
Nous avons des regroupements de capitaux tactiques pour acheter à court terme. Nous avons donc conservé des liquidités, et nous avons vendu des options. On a mis des options sur le marché qui seront exercées si le marché chute et qui renforceront nos positions en actions.
Il y a plusieurs raisons à cela. D’abord, nous aimerions acheter un peu moins cher. Ensuite, le prix de l’assurance sur le marché est encore assez élevé. L’indice de volatilité se situe à 27 ou 28 ce moment. Avant la COVID, il se situait autour de 12. On paie donc beaucoup plus pour l’assurance, et on ne voit pas d’inconvénient à vendre ces titres. On fait beaucoup plus d’argent qu’avec des titres à revenu fixe, pour résumer. Ça ne durera pas éternellement, mais nous profitons de l’occasion. C’est une stratégie à court terme, mais c’est comme ça que nous utilisons ces liquidités.
Autre question : passons aux perspectives politiques et, au-delà d’aujourd’hui, à la vue plus générale qui sous-tend votre thèse de placement. Qu’est-ce que vous attendez des élections américaines? Et où va le dollar américain? Les gens se posent beaucoup de questions en ce moment, avec le recours à la planche à billets et l’instabilité entourant les élections américaines.
Oui, pour résumer, c’est vraiment le désordre. De toute évidence, l’élection aux États-Unis sera l’une des plus vivement contestées de l’histoire contemporaine. Vous avez entendu le président républicain dire qu’il n’accepterait peut-être pas les résultats. C’est terrifiant.
Et cela conduit certainement à un manque de confiance dans le dollar américain. Mais je pense que c’est relativement transitoire. Je ne crois pas que ce sera un problème en janvier. Mais en attendant, il est certain que la confiance dans l’économie ou la devise américaine va en pâtir.
Il y a beaucoup d’agitation sociale en ce moment, et c’est ironique de constater que la COVID a mis le feu aux poudres. Ces tensions étaient depuis longtemps latentes dans la société. Et pour plusieurs raisons... divers types d’inégalité, d’inégalité de richesse et de revenus. Les États-Unis traversent donc une période difficile. Ce n’est vraiment pas bon.
Du point de vue des placements, le marché a été relativement épargné pour le moment, mais nous sommes très sensibles à la façon dont les événements vont tourner. Du point de vue macroéconomique, seul le dollar américain est touché. Il a chuté d’environ 8 % par rapport au point le plus haut, il continue de se déprécier.
Et bien sûr, on observe une corrélation inverse avec l’or. On parle de plus en plus de l’or en ce moment, moi y compris. C’est un sujet que l’on a abordé récemment dans ce balado. Qu’est-ce que vous en pensez?
Nous investissons dans l’or depuis un certain temps, mais pas pour les raisons pour lesquelles l’or se redresse aujourd’hui. Nous considérons l’or comme une sorte d’indicateur des taux d’intérêt, en particulier pour les taux d’intérêt réels. C’est un sujet un peu délicat. En résumé, vous prenez le taux des obligations d’État, vous déduisez l’inflation prévue, et vous obtenez un taux réel. À l’heure actuelle, les taux réels n’ont jamais été aussi bas. Ils ont diminué d’environ 92 points de base.
À l’inverse, l’or a tendance à se négocier à la hausse. La baisse des taux réels a fait grimper l’or. Et je pense que les taux réels continueront de baisser, ce qui sera très favorable à l’or.
Mais l’or n’est pas une catégorie d’actif très importante. Quand le marché s’engage vers une reprise, le cours de l’or bouge assez rapidement. On m’avait expliqué que c’est comme essayer de vider un pichet dans une ligne de verres à liqueur. Il y a des débordements, parce qu’il n’y a pas suffisamment d’actifs pour absorber. C’est ce qui s’est produit, et nous avons atteint des sommets records.
À mon sens, même s’il faut bien garder en tête les taux réels négatifs, il se passe autre chose d’assez sinistre sur le marché. Il suffit de regarder les encans d’œuvres d’art ou de grands vins pour s’apercevoir les gens achètent tout ce qui n’est pas encore établi. Et à mon avis, ça révèle une baisse de confiance dans les monnaies fiduciaires. Donc l’or se redresse, mais aussi le marché de l’art, des cartes de baseball de collection, des grands vins.
Encore une fois, c’est ironique de voir que la COVID a créé toutes ces autres petites bulles. Il faut donc surveiller ce qui se passe. L’or va évoluer très rapidement, dans un sens ou dans l’autre. Soit le cours va continuer de grimper, soit la croissance va commencer à gagner du terrain et l’or risque facilement de chuter de quelques centaines de dollars.
C’est donc un actif assez volatil. Nous restons optimistes, mais on a conscience que l’or n’est franchement pas très stable. Et on fait très attention à l’ampleur des placements dans l’or.
D’accord. Revenons à la conversation sur la gestion active, et à son importance. Pourrait-on revenir sur les tensions latentes? Bien sûr, il y a des tensions intérieures aux États-Unis, comme le montrent les événements récents, mais aussi entre la Chine et les États-Unis. Quel dénouement anticipez-vous?
Tout dépend de qui sera à la Maison-Blanche en janvier. Et ironiquement, Joe Biden serait en réalité beaucoup plus défavorable aux dirigeants chinois que Donald Trump.
Pourquoi?
Je crois que Joe Biden sera intransigeant avec la Chine. Dans son discours électoral, il a parlé de chaînes d’approvisionnement exclusivement américaines, etc. Mais je pense que Biden réussira là où Trump a échoué. C’est-à-dire rallier le soutien de pays qui ont des vues similaires et se liguer contre la Chine.
C’est assez facile pour la Chine de s’attaquer à chaque pays l’un après l’autre, parce qu’il y n’a pas de front unifié en ce moment. Mais si les démocraties libérales parviennent à mener une action coordonnée, les dirigeants chinois devront gérer une situation beaucoup plus difficile qu’une guerre des mots sur Twitter avec Donald Trump.
Paradoxalement, j’ai l’impression qu’ils appuient probablement Trump. Trump veut faire cavalier seul et conclure ses propres ententes. Mais avec Biden, il ne va pas y avoir de répit. La seule chose sur laquelle tout le monde s’entend à Washington, républicain ou démocrate, c’est sur une certaine aversion pour la Chine qui devrait se poursuivre jusqu’en 2021.
Michael, c’est toujours un plaisir. Merci pour cette excellente conversation. Merci beaucoup.
Merci à vous, Kim. Prenez soin de vous.
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