Le marché immobilier de Toronto fait encore les manchettes. Avec une augmentation de 33 % en 12 mois, il est difficile de ne pas craindre une surchauffe. Le marché vancouvérois, qui a quelque peu ralenti, a tout de même connu une croissance de plus de 10 % depuis un an. Don Campbell, analyste principal, Real Estate Investment Network, et auteur de plusieurs livres dont Real Estate Investing in Canada, se penche sur la possibilité d’un ralentissement.
Il est difficile de ne pas froncer les sourcils et de ne pas craindre la formation d’une bulle. Et que penser de l’autre marché en effervescence, celui de Vancouver? Il a peut-être ralenti, mais a néanmoins connu une hausse à deux chiffres cette année.
La hausse des prix dans ces deux villes va-t-elle ralentir? Nous avons, de Vancouver, Don Campbell, Analyste principal chez Real Estate Investment Network et auteur de plusieurs ouvrages, dont Real Estate Investing in Canada. Don, c’est génial de vous avoir parmi nous. Merci pour votre présence.
Je vous en prie, Kim. Et, bigre! si la température pouvait grimper comme le marché, ce serait plus drôlement agréable, n’est-ce pas?
Ce serait tropical. Nous serions vêtus un peu plus légèrement, si c’était le cas.
Exactement. Tout à fait.
Alors, commençons. J’ai mentionné, quand je vous ai présenté, que le marché immobilier était en effervescence à l’échelle du pays, mais si l’on prend Toronto, si l’on prend Vancouver, une hausse de 33 % à Toronto depuis un an. Que se passe-t-il?
Pour qui Toronto se prend-elle, pour l’Alberta? Bon sang! Je vais vous dire. C’est intéressant, si vous commencez à creuser et à décortiquer ce chiffre, vous constatez que c’est le logement avec terrain et l’immeuble bas qui tirent le prix moyen vers le haut. Pas tellement les condos, bien qu’ils aient monté.
Franchement, l’offre ne suit pas la demande. C’est un peu dû à l’hiver, au phénomène des gens qui se hâtent d’effectuer leur achat avant que les prix montent trop et à diverses choses qui se produisent. Le printemps arrive, le nombre d’inscriptions va augmenter et ça va freiner un peu la hausse.
Cependant, vu la quantité limitée de logements avec terrain, comme nous le répétons à cette émission depuis des années, la demande pour de tels logements sera toujours forte. Et si vous consultez les données démographiques concernant les jeunes familles qui ont du mal à entrer sur ces marchés, c’est vrai, mais elles veulent encore une pelouse et/ou une arrière-cour, dans une maison jumelée ou en rangée. C’est là où la demande est vraiment forte.
Oui, et nous les voyons. Je peux vous dire, en tant que personne vivant à Toronto, que ces terrains sont passablement petits quand vous êtes dans la ville.
C’est certain.
Vraiment petits. Qu’en est-il de Vancouver? Vancouver a connu une hausse de 12 % sur un an. Peut-on se réjouir du fait que le gouvernement est intervenu sur le marché dans le but de freiner la hausse des prix un peu?
Je ne pense pas. Je pense que le moment était bien choisi, avant l’hiver, pour cette taxe. Et Vancouver a connu son pire hiver depuis 30 ans. Pour les gens d’ailleurs qui sont à l’écoute, cela veut dire que nous avons eu de la neige.
Et elle est restée. Et a refroidi le marché. Si vous faites la distinction entre immeubles avec et sans terrain, la taxe visant les acheteurs étrangers a freiné le marché des immeubles avec terrain de 2,5 millions $ et plus. Ç’a été un net coup de frein. Le reste du marché a beaucoup moins ralenti.
Et évidemment, si vous retirez les gros chiffres de l’équation, vous voyez la progression du prix de vente moyen ralentir, mais la demande est toujours là, particulièrement, et cela s’observe aussi à Toronto, à proximité des gares du SkyTrain, du Go Train, de la TTC, car la génération du millénaire représente 27 % de la population. Ces gens vont soit louer − une forte proportion d’entre eux − soit acheter un logement situé à distance de marche d’une gare. Ils sont moins attirés par la banlieue que l’étaient les baby-boomers.
On parle d’agrandir le réseau de métro à Toronto, et je sais que cela suscite un vif intérêt. Après 33 % à Toronto l’an dernier, 12 % à Vancouver, diriez-vous que l’on peut raisonnablement s’attendre à de tels chiffres l’an prochain ou plutôt à un ralentissement?
J’espère qu’il y aura un ralentissement, parce que les prix immobiliers sont comme un pendule. Plus le mouvement est rapide et ample dans un sens, plus le retour au centre est rapide. L’immobilier, je l’ai écrit dans des livres comme The Real Estate Cycle, c’est cyclique. Tôt ou tard, il s’effectue une régression vers la moyenne.
Si la demande, les prix faiblissent, n’oubliez pas... parlons prix, un instant. Les prix sont fonction des mensualités.
Le moyen le meilleur et le plus rapide de ralentir le marché n’est pas de faire toutes ces choses dont on parle, mais de hausser les taux d’intérêt et les taux hypothécaires. Cela commence à se produire, pas le taux de la Banque du Canada, mais les taux hypothécaires commencent à monter, ce qui rend les prix un peu moins abordables.
Hum! Et du point de vue de l’investisseur? C’est votre domaine, le réseau d’investissement immobilier. Si l’immobilier vous intéresse dans un but d’investissement, encore une fois, pour prendre l’exemple de Toronto, après une hausse de 33 %, est-il ridicule de voir dans l’immobilier un placement raisonnablement rentable?
On est maintenant dans la situation où les loyers, majoritairement, ne vont plus couvrir les immeubles à Toronto et même dans la grande région de Toronto. Alors, acheter des immeubles dans ces régions, si ceux-ci ne génèrent aucune trésorerie et ne font pas un peu plus que couvrir leurs frais, c’est de la spéculation. Vous placez votre argent sur le rouge en espérant que le rouge sorte, comme à la roulette.
Les gens les plus habiles toujours désireux de posséder des immeubles à Toronto vivent à Toronto, ont des logements locatifs à Toronto et investissent leurs fonds provenant du marché immobilier et leurs fonds disponibles dans de petits centres voisins de Toronto. Même chose à Vancouver − vous avez vu la demande à Abbotsford. La demande s’observe à Surrey, à Abbotsville, où l’on peut encore générer trésorerie et revenu, parce que c’est ce que nous recherchons tous, particulièrement nous qui grisonnons.
Nous voulons un revenu, un revenu de remplacement, mais générer un flux de trésorerie après un bond de 33 % va devenir beaucoup, beaucoup plus difficile.
Ce que j’ai trouvé très intéressant, c’est que vous avez parlé de la dégradation des données fondamentales, de la trésorerie qui ne justifie pas, à Toronto du moins, un investissement immobilier dans bien des cas en ce moment. Qu’est-ce... Reportons un instant l’examen des données fondamentales. Qu’en est-il de l’accessibilité financière? J’ai entendu des gens se plaindre de l’inaccessibilité, il y a 5, 10 ans. Le logement semblait inaccessible à beaucoup de jeunes qui tentent maintenant d’entrer sur le marché.
Oui, et c’est la même chose. J’étais furieux contre mon père, il y a cinq ans, parce qu’en 1973 il n’a pas acheté de terrains à Abbotsford, par exemple. L’inaccessibilité est un problème depuis les années 70. Dans les années 80, c’était à cause d’un taux d’intérêt de 16 %. Maintemant, c’est à cause des prix.
Je reviens à ce dont nous parlions avant les messages publicitaires, à savoir que les gens prennent leurs décisions en fonction des mensualités. Pour un acheteur, par opposition à un investisseur, la propriété coûte moins cher que la location dans beaucoup, beaucoup de villes, y compris Toronto et Vancouver.
C’est ce qui rend la chose stratégiquement sensée pour bien des gens, surtout s’ils travaillent là, mais... nous avons eu les dirigeants des banques, la Banque du Canada, à peu près tout le monde, qui disaient : attention, il y a une bulle en formation à Vancouver, une bulle en formation au Canada. Ça fait la une depuis 2003. Ça faisait la une en 2007. Ça faisait la une en 2011. Ça fait la une maintenant.
Les moyens de dissuasion que les gouvernements et les prestataires de solutions emploient ne marchent pas. Il nous faut une aide visant à combler l’insuffisance de l’offre. C’est là où nous avons le plus de difficulté, je pense, et, parce que c’est optiquement ennuyeux, mais politiquement fort, je vais dire : écoutez, je vais imposer une taxe. Ça va leur apprendre. Alors, tout le monde s’emballe. C’est en gros titres, voyez ça! Ils agissent, ils imposent une taxe.
Cependant, les données fondamentales sont les données fondamentales. Un logement avec terrain est inabordable pour la famille moyenne dans beaucoup de villes à travers le pays. Alors, on va plus loin ou l’on achète un condo.
Oui, permettez-moi... il y a deux choses ici, vous avez parlé de certaines solutions, je sais qu’il y a une solution dont vous voulez parler, pour accroître l’offre, nous allons y venir, mais j’ai pensé que l’autre chose réellement intéressante, et j’en ai beaucoup entendu parler, c’est la formule multigénérationnelle.
Nous voyons des gens, et des gens m’en ont parlé, ils parlent de résidences familiales qui sont transmises. Les familles multigénérationnelles deviennent chose plus courante, on vit ensemble parce que la situation financière nécessite d’agir ainsi.
Il y a plusieurs facteurs qui jouent, ici aussi. Nous organisons ces événements annuels à Calgary, Evanson, Vancouver, Toronto. Toronto, dans deux semaines. Nous venons de le faire à Calgary. Je n’avais jamais vu autant de familles multigénérationnelles, de familles entières se présenter et demander : qu’allons-nous faire de cette maison?
Maman et papa ont cette maison depuis toujours. Et nous commençons, comme famille, à les voir prendre des décisions en matière de placements et de logement. Et ce sera très intéressant, selon la ville et le zonage, de voir si vous pouvez ajouter un appartement ou une maison, ce qui marche bien dans certaines villes, mais en prenant les décisions ensemble, parce que les têtes grisonnantes comme moi, veulent un revenu. Et les jeunes qui montent veulent une maison. Pourquoi ne pas garder l’argent dans la famille? C’est ce que l’on commence à voir.
En fait, hier, j’ai eu une conversation avec quelqu’un : grand-papa et grand-maman seront à l’étage, ce qui n’est pas logique, car c’est en haut de l’escalier, la famille principale sera au rez-de-chaussée et le jeune couple sera au sous-sol. Ils vont tirer le maximum de ces dollars. Les parents vont demeurer propriétaires et vont conclure une entente avec les deux, principalement avec les enfants, qui pourront se tirer d’affaire peu importe l’état du marché et vivre à bien meilleur compte, au lieu de devoir s’exiler au milieu de nulle part.
Oui.
Des conversations intéressantes... et l’on voit cela parce que les baby-boomers sont à la recherche de revenus. Et ce n’est pas une obligation qui va vous procurer cela généralement. Voilà ce qu’il en est.
C’est intéressant aussi parce que cela, j’imagine, va faire augmenter l’évaluation, n’est-ce pas? Parce que, si vous avez tout à coup des maisons multifamiliales, cela va faire monter davantage les prix. Maintenant, l’autre chose dont vous voulez parler, je le sais, c’est ce que le RPC, le Régime de pensions du Canada pourrait... il a de l’argent à placer, il pourrait investir dans le logement.
Eh bien, c’est intéressant, parce que le RPC a déclaré, et il a raison, que vous devez revoir à la baisse vos attentes quant à son rendement, parce dénicher des placements à revenu – c’est le RPC qui le dit, je paraphrase − devient de plus en plus difficile. Et j’ai dit, avec toutes ces mesures de dissuasion, ces taxes, le RPC contraint d’investir à l’étranger pour obtenir des taux de revenu raisonnables, pourquoi ne pas nous tourner vers l’énorme pactole du Régime de pensions disponible pour être placé, plutôt que d’investir cet argent hors du pays, d’acheter des immeubles et des actions à l’étranger?
Pourquoi ne pas bâtir des logements locatifs, multifamiliaux ou multigénérationnels, dans les endroits au Canada qui manquent d’immeubles locatifs? On toucherait des revenus. Le RPC toucherait des revenus. Les Canadiens pourraient... leur pensions seraient bien mieux garanties par ces revenus. L’argent des Canadiens serait placé au Canada et et nous tâcherions de résoudre le problème au moyen d’une mesure positive et non de mesures de dissuasion négatives.
Il y a peut-être des dirigeants politiques à l’écoute, Don. Ils pourraient en prendre bonne note.
Qui sait? C’est toujours un plaisir, Don.
Merci beaucoup.
Je vous en prie, Kim.