Vous vous sentez sous pression? Que ce soit dans une salle de réunion ou pour la pratique d’un sport, le réputé coach en haute performance Peter Jensen nous donne des outils utilisés chaque jour par les athlètes d’élite et les dirigeants pour atteindre un rendement maximal sans sacrifier santé et bien-être.
Qu’est-ce que les athlètes olympiques et les cadres de haut niveau ont en commun? L’impératif de résultats auquel ils sont soumis leur crée une énorme pression. Peter Jensen est un coach en performance réputé pour les athlètes olympiques et le fondateur de Performance Coaching. Il a enseigné la motivation et le rendement dans les entreprises de Fortune 500. Je me suis entretenue avec lui au Personal Performance Summit, parrainé par Gestion de patrimoine TD, sur la réussite dans un monde qui ne ferme plus à 17 h.
La dernière fois que j’ai vérifié, les journées comptaient 24 heures. Et ça n’a pas changé récemment. Les gens qui oublient la constante dans cette équation, les 24 heures, essaient de faire le maximum de choses dans la journée par une bonne gestion du temps. La charge de travail augmentant, qu’ils soient étudiants, qu’ils soient professionnels ou qu’ils soient parents, ils essaient de faire toujours plus de choses en organisant mieux leur temps. Ils finissent par être à court de solutions. En revanche, la gestion de l’énergie est possible en tout temps : vous pouvez dépenser plus d’énergie au besoin ou en dépenser moins, la conserver.
Par exemple, combien de gens se couchent tard pour achever un travail, quand ils n’ont plus que bien peu de glucose dans le cerveau? Ça leur prend trois heures. Ils gâchent une bonne nuit de sommeil. Ils auraient pu se coucher et faire le travail en 20 minutes le lendemain matin.
Il faut être tellement attentif à soi pour primo constater cela et secundo gérer cela. Ça semble simple, mais je suis sûre que c’est difficile.
Oui, c’est difficile, mais nous devons comprendre qu’il n’existe que deux façons pour une personne de changer. L’une est l’émotion; l’autre, l’imagination. Ce sont les deux véhicules. On pense que la logique va changer les gens, mais la logique ne change rien. Si la logique changeait les gens, qui fumerait? Qui ne ferait pas d’exercice? Qui ne mangerait pas de façon saine? L’émotion et l’imagination fonctionnent.
Et l’émotion vient souvent avec les échecs, la déception, l’adversité, ce genre de choses. Ce que j’essaie d’enseigner, c’est que, si vous imaginez cela... sous forme de couches... vous avez la déception, n’est-ce pas? Maintenant, dès que vous vous parlez à vous même de cela, et, plus important, que vous imaginez des aspects de cela, des changements physiologiques s’opèrent, comme lorsque vous êtes seul la nuit dans une maison où vous êtes mal à l’aise et commencez à imaginer des choses. Rien qui vous soit déjà arrivé, mais dans les films, si vous allez au sous-sol...
N’allez pas au sous-sol, ouais.
... ce genre de truc. Des changements physiologiques s’opèrent. Et alors vous avez l’émotion. Parce que l’émotion ne tombe pas du ciel : elle naît des choses que nous nous racontons. Et il y a une autre couche, bien sûr. Sous-jacente à l’émotion, il y a l’énergie. Peu importe quelle est l’émotion : honte, chagrin, déception, colère, frustration, enthousiasme, joie, soif de compétition. Qu’allez-vous faire de l’énergie sous-jacente à l’émotion?
Je demande souvent aux athlètes : qu’allez-vous faire de votre déception? À quoi allez-vous l’employer? Allez-vous l’employer dans vos échanges avec des personnes aussi déçues que vous, cultiver l’affreuseté comme a déjà dit Joan Borysenko? Vous savez comme c’est horrible. Parce que nous avons cette conversation, vous et moi, nous nous sentons proches vraiment proches, mais ça ne nous mène nulle part.
Ben Zander, chef d’orchestre du Boston Philarmonic, appelle ça la conversation à zéro possibilité. Alors, je demande toujours aux joueurs : qu’allez-vous faire? Qu’allez-vous faire de ça? À quoi allez-vous l’employer? Si vous êtes en colère, nettoyez la maison. Mettez ça là où ce sera utile. Réaffecter l’énergie est souvent important.
Comment appliquez-vous... Pour les gens qui nous écoutent, dans le cas d’un athlète, je peux dire que je vais canaliser ma déception dans l’entraînement, m’entraîner plus, devenir un meilleur athlète ou devenir meilleur dans ce que je fais. Comme est-ce que ça s’applique à un cadre? Y a-t-il une façon de faire ça?
Bien sûr. Vous devez d’abord vous demander : qu’est-ce que l’échec ou la déception m’indiquent?
Oui.
Et c’est... l’échec vous indique quelque chose. Il vous indique que vous n’êtes pas prêt. Il n’indique pas que vous n’allez pas y arriver, mais qu’il y a quelque chose que vous devez commencer à faire ou cesser de faire, changer ou modifier. Si vous aviez eu ce qu’il fallait, vous n’auriez pas subi cet échec. Vous l’avez subi pour une raison et commencez à en tirer les principaux enseignements.
Je travaille avec une perchiste, et elle doit tout changer cette année pour pouvoir sauter plus haut en vue des Jeux olympiques de Tokyo. La longueur et la flexibilité de sa perche, sa vitesse de course, et elle doit s’en tenir à cette stratégie, même si elle n’obtient pas d’aussi bons résultats que l’an dernier. Nous avons trouvé une façon d’en parler. Nous disons que nous allons à l’école cette année.
Et à quel moment commettrez-vous vos erreurs? Les commettrez-vous quatre ans avant les Jeux olympiques ou les commettrez-vous un an avant les Jeux olympiques? Si vous ne pouvez faire le changement, vous adaptez maintenant, comment le ferez-vous plus tard? Il faut trouver un moyen de recadrer ça, un moyen de commencer à voir ça comme une occasion dont il faut profiter.
Quand vous vivez du stress et des tensions, beaucoup de choses se produisent, mais, comme dit Kelly McGonigal, le chercheur peut-être le plus marquant à Stanford, être stressé, ça signifie deux choses : que vous pensez pouvoir changer les choses et que c’est important pour vous. Lorsque vous recadrez le stress ainsi, c’est important pour moi et je sais que je peux changer les choses, vous n’avez pas les effets néfastes que les gens qui le voient comme un mal ont. Pour elle, votre perception du stress est aussi importante que le stress vécu. Vous apprenez à voir les choses autrement.
J’aime beaucoup ce recadrage, se dire : ça montre simplement que c’est important pour moi et que je peux changer les choses, mais quelle est la part de l’imagination? C’est parfois l’élément, si... nous sommes dans un monde de 24/7 et il se passe beaucoup de choses, OK, je vais me souvenir de ce Peter a dit, que ça signifie que c’est important pour moi et que je peux changer les choses, mais je ne sais pas comment. Comment franchissez-vous l’étape suivante, pour ce qui est d’amener l’imagination à voir les choses sous un jour différent?
La prochaine étape est la première étape, que j’ai négligé de mentionner.
Qui est?
La première étape est la conscience de soi, plus précisément ce que nous appelons la conscience active. Elle a de nombreux noms, aujourd’hui. Pleine conscience... toutes ces choses se rejoignent. Il s’agit de la capacité de prendre un recul et de prendre conscience de ce que l’on vit. C’est propre à l’homme, selon ce qu’on sait, quoique le dauphin pourrait s’en approcher.
J’ai entendu, oui.
Oui, mais en tant qu’être humain, ce qui vous distingue des animaux plus primitifs, c’est votre conscience. Le serpent n’examine pas les possibilités qui s’offrent à lui : il obéit à un programme. Nous sommes moins humains quand nous agissons par réaction. Tara Brach, psychologue qui enseigne la méditation aux États-Unis, a dit l’autre jour que la vengeance est la forme de riposte la plus paresseuse. J’aime la puissance de cette parole, à savoir que c’est de la paresse de rendre un coup.
Quand je m’arrête et m’observe, qu’est-ce qui se passe dans mon esprit? À quoi est-ce que je pense? Qu’est-ce qui se passe dans mon imagination? Qu’est-ce que j’imagine? Qu’est-ce qui se passe dans mon corps? Mon rythme cardiaque s’accélère, mes paumes transpirent, etc. Qu’est-ce que je ressens?
J’observe ces trois choses, mais sans leur abandonner le contrôle, parce que si vous devenez ces trois choses, il y a un mot pour ça dans le sport, nous appelons ça craquer. À ce moment-là, votre nervosité est trop grande, votre attention est trop étroite et vous passez à côté d’informations cruciales.
Vous ne répondez pas bien aux questions. Après un interview, vous vous demandez : pourquoi n’ai-je pas posé cette question? J’aurais dû dire ceci. Si vous pouvez y penser 10 minutes plus tard, comment se fait-il que vous ne puissiez y penser pendant l’interview? Vous êtes devenu ce que vous éprouviez. Il faut apprendre à voir là non pas qui nous sommes, mais ce qui nous arrive.
Une dernière question, pour le groupe auquel vous allez vous adresser aujourd’hui, est-ce le genre de message que voulez comprendre, pour être en mesure d’avoir ce signal externe, de vous arrêter, vous observer et comprendre ce qui se passe? Qu’est-ce que vous voulez que le groupe retienne?
C’est la base. Avoir une bonne conscience de soi. Savoir observer, puis faire des changements. Apprendre va d’une faible conscience de soi inconsciente, qu’on ignore, à une faible conscience de soi consciente, que l’on connaît sans rien y faire. Je sais, je dois être plus patient, mais... je dois respirer différemment, mais... Je travaille en Alberta avec un coach qui dit toujours : reste à gauche de ton « mais ». Autrement dit, reste dans l’autre partie de la phrase.
Avoir une bonne conscience de soi, c’est constater et s’entraîner. Après avoir fait ça deux ou trois semaines, vous n’êtes plus conscient de cette bonne conscience de soi, c’est comme la conduite automobile, souvent vous arrivez à la maison et oh! je suis rendu! Vous ne souvenez plus d’avoir viré là. Ce n’est pas nécessaire. La bonne conscience de soi inconsciente est devenue un automatisme.
Peter, merci beaucoup.
Je vous en prie.