
Des ventes massives sur les marchés boursiers ont suivi l’important renversement des principales actions technologiques la semaine dernière. Anthony Okolie et Michael Craig, chef, Répartition des actifs, Gestion de Placements TD, discutent de la situation : s’agit-il du recul tant attendu ou de la fin de la reprise?
Michael, le marché est en baisse pour une troisième journée d’affilée. Où se situe le repli?
Est-ce que c’est général, ou est-ce que c’est seulement du côté de quelques grands chefs de file? Le marché s’est replié fortement, avec les gagnants de cette année en tête. Les sociétés technologiques à grande capitalisation ont certainement été les plus durement touchées. Mais je dirais qu’il n’y a vraiment pas d’endroit où se cacher en ce moment. Les marchés canadien, européens et asiatiques emboîtent aussi le pas. Il s’agit donc d’un repli généralisé, mais là où ça a fait le plus mal, ce sont les technologies de croissance aux États-Unis.
Tout récemment, les marchés se situaient à des sommets records. Est-ce que ce repli provient de la trop grande confiance qu’on pouvait observer sur le marché?
Je crois qu’il y a certaines choses dont nous devons tenir compte. Tout d’abord, la croissance aux États-Unis avait rebondi en mai, et elle va probablement s’essouffler un peu. Je pense que ce rebond de croissance, vraiment vigoureux, est probablement sur ses derniers milles.
Le Congrès a tardé à prolonger les avantages fiscaux pour les personnes touchées par la COVID-19. La consommation aux États-Unis va donc être touchée très bientôt. Bien sûr, les élections américaines se révèlent être l’une des campagnes électorales les plus conflictuelles de toute une génération, car on ne sait pas trop ce qui va se passer le jour des élections. Si les élections sont serrées, j’ai l’impression que le perdant n’admettra pas d’emblée la défaite. Cette situation-là crée beaucoup de volatilité.
Dernière chose : le caractère saisonnier. Le mois de septembre a tendance à être plus difficile pour les marchés. Encore une fois, c’est ce que nous constatons. Le mois de mars a connu un creux énorme. Il s’agit probablement d’une correction attendue depuis longtemps, mais il y a certains facteurs fondamentaux qui, selon moi, devraient faire en sorte que les marchés seront très volatils au cours des prochains mois.
Et vous avez mentionné l’impasse au Congrès. Le marché a-t-il besoin d’un plan de relance?
Ce serait certainement utile, mais je ne crois pas qu’un tel plan sera créé. Encore une fois, un des catalyseurs d’une croissance plus forte, c’est le renversement de tendance. Les taux d’épargne se sont vraiment raffermis. Avec toutes ces mesures de relance, je crois qu’une grande partie de cet argent est en train de retourner sur le marché. Et nous pouvons nous demander ensuite si c’est ce qui va se passer ou non. Mais pour le moment, ça va se traduire par une baisse de la demande d’actifs financiers.
Et je ne crois pas qu’à l’approche des élections, un des deux côtés va bouger. J’ai donc l’impression qu’il n’y aura aucun accord qui va soutenir les marchés à court terme.
Vous parlez aussi du caractère saisonnier. Quelles sont les autres aspects que vous surveillez en ce moment? Je veux dire, l’indice de volatilité est lui aussi en légère hausse. Sur quoi allez-vous porter votre attention à l’avenir?
Eh bien, nous avons amassé des liquidités et réalisé un peu de profit en août, la deuxième moitié du mois d’août. On n’en fait jamais autant qu’on le souhaite une fois qu’il y a eu un véritable épisode de volatilité, mais selon notre plan de match, nous sommes très optimistes à l’égard des actions pour les 12 à 18 prochains mois, et nous recherchons des occasions pour passer à une position assez importante dans les actions.
À un moment donné, nous avons certainement encerclé les niveaux, et c’est ce que nous prévoyons, c’est-à-dire une certaine défensive à court terme, mais aussi une offensive à long terme, à mesure que la volatilité va augmenter au cours de l’automne.
Michael, j’aimerais parler brièvement des produits de base, en particulier du pétrole, qui a beaucoup baissé aujourd’hui. Je crois qu’à un moment donné, il a reculé de 8 %. Est-ce que ça indique d’autres difficultés dans le contexte de croissance mondiale?
Encore une fois, le pétrole a fait beaucoup de chemin. Bien sûr, en mai, on a vu un prix négatif pour le pétrole pendant une journée. On était revenus au milieu des années 40. Encore une fois, je pense qu’il s’agit d’un épuisement à court terme, et certainement de craintes que la croissance ait rebondi, qu’elle stagne un peu.
Je ne regarde jamais trop de facteurs en une journée pour tenter de tracer une tendance, mais les catalyseurs habituels sont là pour nous indiquer que le pétrole va remonter. Cette volatilité n’est certainement pas sans précédent par rapport aux six derniers mois. Ce n’est pas quelque chose qui m’inquiète beaucoup. Mais c’est un autre indice que le marché montre que la croissance va ralentir un peu à l’automne.
Enfin, quel message avez-vous pour les investisseurs qui pourraient être préoccupés par le repli d’aujourd’hui?
Eh bien, je dirais que pour bien des gens, c’est presque bienvenu. Je ne crains pas tant les replis que les bulles. Et le marché semblait un peu excessif. Et pour nous, c’est nécessaire, c’est sain. C’est dû à des situations qui vont finir par se tasser.
J’accepterais donc cette volatilité. Pour ceux qui ne sont peut-être pas dans la position qu’ils souhaiteraient, je profiterais de l’occasion pour acheter des actions de sociétés qui, selon eux, ont de bonnes perspectives. C’est comme ça qu’on voit les choses.
À bien des égards, cela fait partie de la vie. Il faut faire avec. Et je crois qu’il s’agit d’une correction attendue depuis longtemps et qui est saine par rapport à un marché qui s’est montré assez spectaculaire ces derniers temps. N’oubliez pas que le NASDAQ a progressé de 80 %. À un moment donné, c’était inévitable. Je pense donc qu’à bien des égards, le marché va se porter plutôt bien à l’avenir.
Michael, merci beaucoup pour ces explications.
C’est un plaisir d’être ici, Anthony.
[MUSIQUE DE GÉNÉRIQUE]