
Les prix des habitations au Canada continuent d’augmenter malgré le vaste impact économique de la pandémie de COVID-19. La rareté de l’offre et les faibles taux d’intérêt contribuent à alimenter cette augmentation. Cependant, au moment où des mesures de confinement plus strictes sont envisagées, le secteur de l’habitation pourrait-il commencer à perdre son élan? Anthony Okolie et Rishi Sondhi, économiste, Groupe Banque TD, discutent de l’état du marché de l’habitation au Canada.
- Je pense que vous avez mis le doigt sur le problème, Anthony. Les données montrent une légère baisse des ventes de logements en octobre, mais dans l’ensemble, le marché reste solide. Le mois d’octobre a tout de même été un mois record. Il ne s’agissait que d’une légère baisse par rapport à un mois de septembre très fort. Cela indique donc qu’il y a encore une forte demande sur le marché du logement dans la plupart des provinces. Ce rapport est donc assez solide du point de vue des ventes et de la demande.
- Vous avez indiqué que la plupart des provinces ont manifestement connu une forte demande. Mais quelles faiblesses ces dernières données laissent-elles transparaître?
- Alors, comme je l’ai déjà dit, les données d’octobre indiquent une légère baisse des ventes, un peu moins de 1 %. Mais le niveau reste fort. Pour les provinces, les clients se sont montrés plus présents dans quatre provinces, principalement en Ontario et en Colombie-Britannique. Les ventes ont donc légèrement diminué dans ces territoires. Mais si vous y regardez de plus près, les baisses ne sont pas généralisées. 5 des 12 principales chambres immobilières de C.-B. ont enregistré une baisse en octobre.
En Ontario, les ventes ont même augmenté à Toronto. C’est vraiment Ottawa et un groupe de petits territoires qui sont à l’origine du déclin dans cette province. Donc, même dans les provinces où il y a eu des baisses, elles n’étaient pas généralisées. Ça compense en quelque sorte les faiblesses affichées dans les chiffres globaux.
- Parlez-nous des prix des logements. Qu’en est-il?
- Alors, ils ont baissé de 1 % sur un mois en octobre. Mais nous ne pouvons rien en conclure, car ils sont en hausse de 15 % sur 12 mois. La croissance des prix des logements reste donc extrêmement robuste. Encore une fois, malgré cette baisse sur un mois, la croissance des prix des logements demeure très forte. 6 des 10 provinces affichent une croissance annuelle des prix à deux chiffres. Les hausses de prix sont donc fortes et assez généralisées dans la plupart des provinces. Et même les provinces qui n’enregistrent pas de hausse à deux chiffres connaissent une croissance positive des prix. Les prix actuels sont vraiment surévalués.
- Avez-vous constaté des répercussions sur l’activité dans le secteur de l’habitation avec la fin des programmes de report des versements hypothécaires?
- Nous n’en avons pas constaté. Certaines données publiées indiquent que seulement 6 % des personnes qui ont demandé un report de versement en bénéficient encore. Cela signifie que 94 % des personnes concernées ont repris leurs remboursements. Ainsi, le risque d’un afflux d’offres sur le marché à la fin des programmes de report a considérablement diminué.
- Et compte tenu de ce que nous savons aujourd’hui, en particulier avec la pandémie, quelles sont vos perspectives pour le marché du logement pour les prochains trimestres?
- Eh bien, comme je l’ai déjà dit, les ventes ont légèrement baissé en octobre, mais le niveau reste très fort. Ça signifie que les niveaux de ventes sont encore très éloignés des niveaux qui seraient davantage soutenus par des fondamentaux économiques comme la population, l’emploi et même les taux d’intérêt, même s’ils sont extrêmement bas. Étant donné que les ventes restent supérieures aux niveaux qui, encore une fois, correspondraient normalement aux fondamentaux que nous observons, nous nous attendons à une certaine modération de l’activité de vente. Les ventes ont donc diminué en octobre et nous prévoyons que cette tendance se poursuivra en novembre et en décembre.
Pour ce qui est des prix, les marchés sont assez tendus, comme je l’ai déjà indiqué. Les prix augmentent à un rythme d’environ 15 % sur 12 mois. Encore une fois, les marchés sont tendus. Et il y a toujours une demande pour des logements plus grands et plus chers, ce qui maintient des prix élevés. Nous pensons donc que cette dynamique se maintiendra au quatrième trimestre, et que nous verrons une croissance positive des prix au 4e trimestre dans l’ensemble. C’est remarquable, car au troisième trimestre, les prix ont augmenté d’environ 18 % par rapport au trimestre précédent, un record.
Nous n’avions pas enregistré de tels chiffres depuis le début des années 80. Il s’agit donc d’une augmentation remarquable des prix au troisième trimestre. Et nous pensons que le quatrième trimestre tirera parti de cette forte hausse. Le contexte des prix est donc très solide.
Cela dit, une telle hausse de 15 % sur 12 mois ne peut pas se poursuivre indéfiniment. Les revenus n’augmentent pas à ce rythme et n’augmenteront pas à ce rythme. Ce taux de croissance des prix n’est donc pas viable. Les pressions sur l’abordabilité vont finir par se faire sentir. Et nous pensons que les ventes, je suis désolé, excusez-moi, les prix vont baisser un peu en 2021, lorsque les pressions sur l’abordabilité vont commencer à se faire sentir.
- Rishi, merci beaucoup du temps que vous nous avez accordé.
- Merci, Anthony.
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