
Après d’importantes pertes, le marché de l’emploi aux États-Unis connait une forte reprise. Anthony Okolie et Sri Thanabalasingam, économiste principal, Groupe Banque TD, discutent du rôle joué par les programmes de soutien et de la durabilité de cette reprise.
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Sri, aux États-Unis, la croissance des emplois non agricoles en mai et les demandes initiales de prestations d’assurance-chômage hebdomadaires semblent contradictoires. Qu’en pensez-vous?
C’est une bonne question, Anthony. Selon les demandes de prestations d’assurance-chômage hebdomadaires, le nombre d’emplois aurait continué de diminuer en mai, mais ce n’est pas ce que reflètent les données du Bureau of Labor Statistics.
Le marché de l’emploi a créé 2,5 millions d’emplois en mai possiblement pour les trois raisons suivantes : Beaucoup de gens qui n’étaient pas admissibles à l’assurance-chômage ont fait une demande, en raison des généreuses prestations offertes par la CARES Act, notamment la hausse de 600 $ par semaine de l’assurance-chômage. Une somme importante. Beaucoup de gens qui n’étaient pas admissibles auraient pu en faire la demande.
Et le nombre de demandes couvertes n’a presque pas changé, cela étant peut-être dû au fait que beaucoup de gens qui ont été réembauchés n’avaient pas fait de demande d’assurance au départ. Il n’y a donc pas vraiment eu de changement à ce niveau. Ça aurait pu être une autre raison.
Enfin, du côté du BLS, des intervieweurs en charge des sondages auprès des ménages ont classé de nombreux répondants comme étant employés alors qu’ils ne l’étaient pas en raison de la COVID-19. Donc, si ces personnes étaient considérées comme étant sans emploi, le taux de chômage aurait été de 16,3 % au lieu du taux déclaré de 13,3 % pour mai.
Je veux parler de la CARES Act parce que, dans votre rapport, vous dites que les programmes de revenu et de soutien de cette loi ont contribué à stimuler l’emploi en mai. Pouvez-vous nous expliquer cela?
Absolument. Comme je le disais, la CARES Act offrait de généreuses prestations de chômage. Il y avait les 600 $ de plus par semaine pour tous ceux qui avaient perdu leur emploi à cause du coronavirus, en plus des chèques ponctuels que de nombreux ménages ont reçus. Les particuliers qui gagnaient moins de 75 000 $ ont reçu un chèque de 1 200 $. Et ceux qui avaient des enfants ont obtenu 500 $ de plus par enfant.
Cela a procuré à de nombreux ménages un revenu plus élevé que celui qu’ils auraient touché s’ils avaient conservé leur emploi. Ainsi, puisqu’ils ont préservé leurs revenus, lorsque les États ont commencé à rouvrir leur économie, ils étaient en mesure de dépenser plus. Vu la hausse de la demande des consommateurs, les sociétés ont dû accroître les embauches.
Et je veux parler de l’un de ces programmes de la CARES Act, soit le programme Paycheck Protection aux États-Unis, ou PPP. Expliquez-nous ce qu’est le PPP et pourquoi l’effet de ce programme est mitigé.
Bien sûr. Le PPP visait à maintenir le lien entre les entreprises et leurs employés pendant la pandémie, de sorte que les entreprises garderaient leurs employés sur leur liste de paie. Il a été conçu pour couvrir les charges salariales pendant deux mois. Il s’agit de prêts-subventions. Tant et aussi longtemps que les entreprises consacrent 75 % de leur prêt à la paie et 25 % à d’autres dépenses d’exploitation, et qu’elles utilisent ce prêt dans les huit semaines suivant sa réception, ce dernier n’aurait pas à être remboursé.
Depuis, le Sénat a adopté une loi visant à assouplir les règles quant aux critères de non-remboursement pour les entreprises. Celles-ci n’ont donc plus qu’à consacrer 60 % du prêt à la paie et elles ont jusqu’à 24 semaines pour dépenser le reste de l’argent.
La raison pour laquelle les résultats sont mitigés, c’est que certaines études ont utilisé des données de plus haute fréquence pour montrer qu’il n’y a pas vraiment eu d’impact perceptible sur l’emploi pour les entreprises de toutes tailles. Ces données présentent des problèmes, car elles ne couvrent peut-être pas tout le marché.
Donc, si l’on regarde à un niveau plus sectoriel ou plus global, on constate que les secteurs qui ont bénéficié d’une couverture salariale plus élevée grâce au PPP ont embauché plus de travailleurs. C’est donc dire que le PPP a un certain impact, mais puisque les résultats sont contrastés, il est encore difficile de déterminer si le PPP soutient le marché de l’emploi jusqu’à maintenant.
Pensez-vous que le PPP soutiendra le marché de l’emploi à court terme?
À court terme, il semble clairement que le PPP soutiendra le marché de l’emploi. Comme je l’ai mentionné, pour que les sociétés soient admissibles aux prêts-subventions, elles devront dépenser cet argent et atteindre leur pleine capacité d’emploi; autrement, elles devront rembourser leur prêt. Il y a donc un incitatif pour réembaucher leurs employés.
Donc, à court terme du moins, nous verrons une augmentation de l’emploi en raison du PPP. Mais le rythme de réembauche pourrait être assez lent, parce qu’elles ont maintenant jusqu’à 24 semaines pour dépenser cet argent au lieu des huit semaines initiales.
Quels sont les risques pour le marché de l’emploi si le PPP vient à échéance?
Les risques pourraient être assez importants. À mesure que ces prêts seront graduellement éliminés ou dépensés par les entreprises, celles-ci n’auront pas nécessairement à garder leurs travailleurs. Elles pourront les mettre à pied si leurs revenus ne s’améliorent pas adéquatement. La conjoncture économique est donc un facteur clé. Et ce que nous savons actuellement, c’est que les revenus des PME sont inférieurs d’environ 20 % à leur niveau de janvier.
Il faudra peut-être un certain temps avant que leurs revenus se redressent. Mais d’ici là, ces PME auront peut-être épuisé leur prêt dans le cadre du PPP leur permettant de maintenir leur effectif à son maximum. Et à ce moment-là, il pourrait y avoir de nouvelles mises à pied.
C’est donc préoccupant, et le Congrès en tient compte dans ses délibérations. On s’attend à un soutien additionnel pour les PME dans les prochains mois.
Sri, merci beaucoup pour vos explications.
Merci, Anthony.
[MUSIQUE]
C’est une bonne question, Anthony. Selon les demandes de prestations d’assurance-chômage hebdomadaires, le nombre d’emplois aurait continué de diminuer en mai, mais ce n’est pas ce que reflètent les données du Bureau of Labor Statistics.
Le marché de l’emploi a créé 2,5 millions d’emplois en mai possiblement pour les trois raisons suivantes : Beaucoup de gens qui n’étaient pas admissibles à l’assurance-chômage ont fait une demande, en raison des généreuses prestations offertes par la CARES Act, notamment la hausse de 600 $ par semaine de l’assurance-chômage. Une somme importante. Beaucoup de gens qui n’étaient pas admissibles auraient pu en faire la demande.
Et le nombre de demandes couvertes n’a presque pas changé, cela étant peut-être dû au fait que beaucoup de gens qui ont été réembauchés n’avaient pas fait de demande d’assurance au départ. Il n’y a donc pas vraiment eu de changement à ce niveau. Ça aurait pu être une autre raison.
Enfin, du côté du BLS, des intervieweurs en charge des sondages auprès des ménages ont classé de nombreux répondants comme étant employés alors qu’ils ne l’étaient pas en raison de la COVID-19. Donc, si ces personnes étaient considérées comme étant sans emploi, le taux de chômage aurait été de 16,3 % au lieu du taux déclaré de 13,3 % pour mai.
Je veux parler de la CARES Act parce que, dans votre rapport, vous dites que les programmes de revenu et de soutien de cette loi ont contribué à stimuler l’emploi en mai. Pouvez-vous nous expliquer cela?
Absolument. Comme je le disais, la CARES Act offrait de généreuses prestations de chômage. Il y avait les 600 $ de plus par semaine pour tous ceux qui avaient perdu leur emploi à cause du coronavirus, en plus des chèques ponctuels que de nombreux ménages ont reçus. Les particuliers qui gagnaient moins de 75 000 $ ont reçu un chèque de 1 200 $. Et ceux qui avaient des enfants ont obtenu 500 $ de plus par enfant.
Cela a procuré à de nombreux ménages un revenu plus élevé que celui qu’ils auraient touché s’ils avaient conservé leur emploi. Ainsi, puisqu’ils ont préservé leurs revenus, lorsque les États ont commencé à rouvrir leur économie, ils étaient en mesure de dépenser plus. Vu la hausse de la demande des consommateurs, les sociétés ont dû accroître les embauches.
Et je veux parler de l’un de ces programmes de la CARES Act, soit le programme Paycheck Protection aux États-Unis, ou PPP. Expliquez-nous ce qu’est le PPP et pourquoi l’effet de ce programme est mitigé.
Bien sûr. Le PPP visait à maintenir le lien entre les entreprises et leurs employés pendant la pandémie, de sorte que les entreprises garderaient leurs employés sur leur liste de paie. Il a été conçu pour couvrir les charges salariales pendant deux mois. Il s’agit de prêts-subventions. Tant et aussi longtemps que les entreprises consacrent 75 % de leur prêt à la paie et 25 % à d’autres dépenses d’exploitation, et qu’elles utilisent ce prêt dans les huit semaines suivant sa réception, ce dernier n’aurait pas à être remboursé.
Depuis, le Sénat a adopté une loi visant à assouplir les règles quant aux critères de non-remboursement pour les entreprises. Celles-ci n’ont donc plus qu’à consacrer 60 % du prêt à la paie et elles ont jusqu’à 24 semaines pour dépenser le reste de l’argent.
La raison pour laquelle les résultats sont mitigés, c’est que certaines études ont utilisé des données de plus haute fréquence pour montrer qu’il n’y a pas vraiment eu d’impact perceptible sur l’emploi pour les entreprises de toutes tailles. Ces données présentent des problèmes, car elles ne couvrent peut-être pas tout le marché.
Donc, si l’on regarde à un niveau plus sectoriel ou plus global, on constate que les secteurs qui ont bénéficié d’une couverture salariale plus élevée grâce au PPP ont embauché plus de travailleurs. C’est donc dire que le PPP a un certain impact, mais puisque les résultats sont contrastés, il est encore difficile de déterminer si le PPP soutient le marché de l’emploi jusqu’à maintenant.
Pensez-vous que le PPP soutiendra le marché de l’emploi à court terme?
À court terme, il semble clairement que le PPP soutiendra le marché de l’emploi. Comme je l’ai mentionné, pour que les sociétés soient admissibles aux prêts-subventions, elles devront dépenser cet argent et atteindre leur pleine capacité d’emploi; autrement, elles devront rembourser leur prêt. Il y a donc un incitatif pour réembaucher leurs employés.
Donc, à court terme du moins, nous verrons une augmentation de l’emploi en raison du PPP. Mais le rythme de réembauche pourrait être assez lent, parce qu’elles ont maintenant jusqu’à 24 semaines pour dépenser cet argent au lieu des huit semaines initiales.
Quels sont les risques pour le marché de l’emploi si le PPP vient à échéance?
Les risques pourraient être assez importants. À mesure que ces prêts seront graduellement éliminés ou dépensés par les entreprises, celles-ci n’auront pas nécessairement à garder leurs travailleurs. Elles pourront les mettre à pied si leurs revenus ne s’améliorent pas adéquatement. La conjoncture économique est donc un facteur clé. Et ce que nous savons actuellement, c’est que les revenus des PME sont inférieurs d’environ 20 % à leur niveau de janvier.
Il faudra peut-être un certain temps avant que leurs revenus se redressent. Mais d’ici là, ces PME auront peut-être épuisé leur prêt dans le cadre du PPP leur permettant de maintenir leur effectif à son maximum. Et à ce moment-là, il pourrait y avoir de nouvelles mises à pied.
C’est donc préoccupant, et le Congrès en tient compte dans ses délibérations. On s’attend à un soutien additionnel pour les PME dans les prochains mois.
Sri, merci beaucoup pour vos explications.
Merci, Anthony.
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