
Les prix des produits de base ont grimpé en flèche en 2021, avec l’argent en vedette. La question est de savoir si ce départ rapide peut se poursuivre pendant toute l’année. Kim Parlee s’entretient à ce sujet avec Bart Melek, chef mondial, Stratégie relative aux produits de base, Valeurs Mobilières TD.
Je pense que cette année, lorsque les produits de base ont vraiment bondi, je pense que nous pouvons attribuer ça, d’une part, à la vague bleue qu’on a vue lors des élections aux États-Unis, dans un certain sens, avec la course en Géorgie qui a donné la victoire aux démocrates, et au fait que le président Biden contrôle maintenant les deux Chambres et la présidence. On espère qu’il va augmenter considérablement ses dépenses et stimuler davantage l’économie. Et cela signifie une demande plus élevée pour les produits de base. On espère aussi qu’il va investir des billions de dollars dans des infrastructures vertes, ce qui signifie aussi des produits de base.
C’est un bon départ. Encore une fois, il faudra voir ce qui va se passer, selon vous, pour ce qui est de savoir si ces aspects peuvent évoluer au Congrès. On voit des signes d’un léger arrêt dans le cours des choses. Mais en supposant que c’est le cas et qu’il y a une certaine solidarité derrière certaines de ces mesures budgétaires, parlons de quelques produits de base et de ce que vous voyez pour chacun. Le cuivre est un produit que les gens suivent de très près et qui s’est vraiment distingué.
Bien sûr, le cuivre s’est très bien comporté. Par rapport à l’effondrement du mois de mars, où le prix avait atteint environ 4 300 $, il est maintenant bien au-dessus de 8 000 $. Il a fluctué de plus de 1 000 $ depuis novembre. Et le produit a fait une remontée très importante depuis le début de l’année.
On prédit une croissance assez raisonnable du côté de la Chine, de sorte que l’activité industrielle puisse reprendre. On espère qu’avec l’accélération des programmes de vaccination dans le monde, pas vraiment au Canada, mais dans le reste du monde, comme aux États-Unis, on verra une forte demande. Je tiens à souligner qu’une grande partie de cette activité du côté du cuivre est fondée sur des données macroéconomiques très solides. Il pourrait être plus faible, et on pourrait observer une certaine diminution des achats stratégiques en Chine. Alors, même si on aime le cuivre, on pense qu’il est possible que la remontée du cuivre soit interrompue et inversée en partie, du moins à court terme.
Qu’est-ce que vous voyez? Parlez-moi un peu de cette pause. Combien de temps pourrait-elle durer? Pensez-vous que le cuivre pourrait se redresser, ou est-ce que cette pause pourrait se prolonger?
Il est certain que la pause pourrait se prolonger s’il y a des déceptions sur le plan macroéconomique. Mais à 8 000 $, le marché semble tenir compte de nombreuses pénuries. On a perdu une production d’environ 400 000 tonnes l’an dernier. En fait, la plus grande partie a été retournée. Et nous aurons un surplus assez raisonnable en 2021.
Cette pause pourrait donc durer un peu plus longtemps. Mais au cours de 2021, à l’approche de 2022 et au-delà, ces marchés-là vont se resserrer. Il se pourrait fort bien que les investisseurs regardent au-delà des paramètres fondamentaux qui pourraient ralentir un peu, car le rythme de la reprise ralentit en Chine et continue de suivre ce métal. Il y a encore de l’incertitude. On croit qu’il pourrait y avoir un certain assouplissement.
Passons maintenant au pétrole, un autre produit que nous surveillons. Nous avons vu que le prix du pétrole a en fait beaucoup augmenté, se négociant au-dessus de 50 $ le baril. Mais avant d’aborder les perspectives pour le pétrole, j’aimerais toucher un mot sur l’annulation du projet d’oléoduc Keystone. On pourrait consacrer tout un sujet, ou toute une émission, à ce sujet. Mais qu’est-ce que nous devrions retenir de cette décision?
Eh bien, nous allons certainement perdre une capacité d’exportation de quelque 880 000 barils du Canada vers les États-Unis. La première conséquence, c’est que cela va refréner ou ancrer la croissance des sables bitumineux canadiens, du moins jusqu’à ce que nous ayons un débouché sur le Pacifique. Et nous verrons quel sera l’échéancier.
Nous avons certainement besoin d’une forte capacité d’exportation, mais d’une capacité d’exportation moindre vers les États-Unis. Cela signifie probablement que le prix différentiel Western Select-WTI sera élevé. Ça sera difficile de voir comment nous allons augmenter considérablement les exportations.
Bien sûr, il y a toujours les trains, mais on voulait pouvoir approvisionner en pétrole canadien les raffineries dans le golfe du Mexique. Le problème pour les États-Unis, c’est qu’ils auront toujours besoin de ce pétrole brut, car les livraisons en provenance du Venezuela et du Mexique s’en viennent. Il n’est pas du tout clair comment ils vont remplacer ce produit.
De toute évidence, le permis présidentiel a été retiré. Et il a bien sûr été retiré le premier jour. Il sera donc très difficile de voir un changement dans cette situation, peu importe les avantages économiques. Ça semble être un engagement politique qui tient à cœur au président.
D’accord, nous sommes donc désavantagés de ce côté-là. Mais parlons seulement du pétrole, des perspectives générales. Qu’est-ce que vous entrevoyez?
Eh bien, nous avons été très optimistes pour une bonne partie de l’année dernière, alors que nous sommes passés d’un prix négatif à un prix dans les 30 $ à 40 $. Nous avons assisté à une très forte remontée au début de 2021. Et cela s’explique par les réductions inattendues de la production de pétrole par l’Arabie Saoudite.
L’Arabie Saoudite a décidé unilatéralement, soit dit en passant, de réduire l’offre d’environ un million de barils par jour, en février et en mars. Cela va continuer de plonger ce marché dans un déficit, même si la deuxième vague de COVID s’avère un peu moins favorable à la croissance de la demande que nous le pensions. Je crois donc que la demande mondiale ne sera que de 5,5 millions de barils par jour en 2021, comparativement à 6, donc une demande moindre. Mais point positif pour l’OPEP : ils ont accepté de ne pas révéler l’ampleur de l’offre et de l’inscrire en déficit pour le reste de 2021, je crois, afin de réduire les stocks importants accumulés en 2020.
Bart, il ne me reste qu’environ une minute. Mais j’aimerais bien aborder l’or et l’argent, si possible. L’or n’attire pas autant l’attention, selon moi, que les autres produits de base, même s’il ne s’agit pas vraiment d’un produit de base. Mais je suis curieuse. Dans quelle mesure croyez-vous que le bitcoin prend le dessus sur l’or?
Je pense que ça pourrait être le cas. Mais dans une large mesure, ce sont des investisseurs différents. Et le flux est important, et suffisant pour tout le monde en ce moment.
Je crois que l’or a fait bonne figure dès le début de la nouvelle année, atteignant 1 960 et plus. Nous avons rapidement reculé sur un point : les élections aux États-Unis ont été essentiellement dominées par les démocrates, ce qui signifie une augmentation des dépenses et une inflation potentielle. Cela a accentué la courbe des taux, ce qui a inversé un grand nombre des arbitrages qui se sont produits sur ce marché, et cela a aussi fait grimper le dollar.
On pense que cette situation est temporaire. On ne pense pas qu’il y aura autant de mesures de relance que beaucoup de gens prévoyaient, comme vous l’avez mentionné plus tôt, Kim. Ils sont loin de se tenir la main et de chanter Kumbaya au Sénat. Il y aura des querelles difficiles, et il se peut qu’ils ne fournissent pas les 1,9 billion de dollars et que les infrastructures ne soient pas aussi importantes.
Ces courbes se sont donc aplaties depuis. Et on ne prévoit pas que les taux réels ou les courbes s’accentuent beaucoup. On aime donc l’or. On pense toujours que ce sera difficile pendant un certain temps, mais on aimerait qu’il augmente de 2 000 $ d’ici la fin de l’année. Et je crois que l’argent va lui emboîter le pas.
Il ne me reste que 15 secondes pour parler de l’argent, Bart. Je veux que vous m’en parliez, parce que je crois que vous êtes plutôt optimiste à ce sujet, n’est-ce pas?
Oui, en effet. On pense qu’il sera évalué à 30 $ au cours des derniers mois de l’année. Il y a deux facteurs à ça. Premièrement, on pense que le contexte est favorable pour l’or et, par conséquent, pour l’argent aussi. Il a atteint le double de la volatilité de l’or.
L’or se comporte bien, et l’argent deux fois mieux, historiquement. Des mesures de relance sont mises en place, et l’activité industrielle est de retour. Et 60 % de la demande d’argent est industrielle, que ce soit des condensateurs, des tableaux électroniques ou d’autres choses, ou de l’argent utilisé dans les circuits pour les véhicules, pour les panneaux solaires.
Le retour de l’activité industrielle et l’écologisation de l’économie sont tous les deux favorables à l’argent. L’argent est donc en très bonne position. On s’attend à une forte demande du côté des placements, du côté industriel, et à une offre plutôt faible et à des déficits potentiels.
Bart, c’est toujours un plaisir. Merci beaucoup pour ces explications.
Ça m’a fait plaisir. Merci de m’avoir invité.
[MUSIQUE ÉLECTRONIQUE PLEINE D’ESPOIR]