
Ottawa publie un budget fédéral visant à sortir le pays de la crise de la COVID-19 et à stimuler l’économie après la pandémie. Kim Parlee discute avec James Marple, économiste principal au Groupe Banque TD, des plans du gouvernement pour relancer l’économie après la récession causée par la pandémie.
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Le budget fédéral vient d’être publié, et c’est un budget conséquent. James Marple nous rejoint pour en disséquer le contenu, car c’est un budget très dense. James est directeur général et économiste principal aux Services économiques TD. James, merci de nous rejoindre. Je sais que tu as passé beaucoup de temps à analyser ce qui se passe en ce moment. Peux-tu commencer par nous donner une vue d’ensemble? Le budget prévoit 100 milliards de dépenses au cours des trois prochaines années. Peux-tu d’abord nous donner une idée de ce que ça représente concrètement et de la situation budgétaire dans laquelle ce budget met le Canada?
Très bien. Eh bien, ce budget fait suite au plus gros déficit budgétaire de tous les temps. 350 milliards au dernier exercice financier, plus de 16 % du PIB. À l’approche du prochain exercice, ce chiffre est en légère baisse. Le déficit du Canada sera d’environ 150 milliards. C’est encore énorme, mais ça reflète évidemment l’état d’une économie qui a traversé le pire après la pandémie et qui n’a pas tout à fait besoin du même niveau de soutien qu’auparavant. Mais si on regarde les déficits, c’est un changement radical par rapport à la situation avant la pandémie. On avait des déficits de 20 milliards ou peut-être 30 milliards de dollars juste avant la pandémie, et on trouvait ces chiffres inquiétants. On a largement dépassé ce cap. Bien sûr, ça se reflète dans le ratio dette/PIB qui, avant la pandémie, tournait autour de 30 %. Maintenant, il est d’environ 50 % et on s’attend à ce qu’il dépasse légèrement les 50 % l’année prochaine, avant de redescendre progressivement. Je pense que ça traduit évidemment l’ampleur de la crise et la réponse politique. À mon avis, les mesures politiques ont vraiment aidé l’économie à mieux traverser cette crise que ce qu’on anticipait. En fait, on a vu une reprise économique qui, même selon les chiffres du gouvernement, a dépassé les prévisions l’année dernière et qui s’est nettement améliorée depuis le début de cette année. Et ce malgré le dernier variant et les mesures de confinement.
Comme tu le dis, la portée et l’ampleur de ce budget sont importantes. Il couvre de nombreux domaines. Le gouvernement alloue beaucoup d’argent dans beaucoup de secteurs. J’aimerais qu’on se concentre sur certains points clés, parce que je ne crois pas qu’on va avoir le temps de faire un tour d’horizon complet. 30 milliards de dollars dépensés sur plus de cinq ans pour un programme national de services de garde d’enfants. C’était l’un des points les plus importants. Qu’est-ce que tu en penses?
Oui, pour ce qui est de l’ampleur du budget, le document fait 750 pages, et je n’ai pas eu le temps de tout analyser. J’ai simplement dû essayer de survoler les points les plus importants.
Mais oui, tout à fait. C’est le chiffre qui fait les manchettes. Et c’est quelque chose que les gens attendaient de la part d’un gouvernement fédéral qui s’était engagé depuis longtemps à investir dans un programme national de services de garde d’enfants. Et cet engagement est honoré, du moins du point de vue des chiffres, avec 30 milliards sur six ans et un engagement à long terme de 9 milliards par an par la suite. C’est donc permanent. C’est un nouveau programme de dépenses fédérales permanent. Reste à voir comment ce programme va fonctionner exactement parce que, bien sûr, l’éducation de la petite enfance est une compétence provinciale. Le gouvernement va maintenant devoir travailler avec les provinces et offrir ce financement en contrepartie d’un financement de la part de chaque province. L’idée, c’est que le gouvernement finance à hauteur de 50 % et que les provinces se chargent du reste. Ça risque d’être difficile dans les provinces où le budget public est limité. Mais c’est un gros investissement. C’est une part importante du PIB. C’est ce qu’on dépense au Québec. Et on s’inspire vraiment du Québec, ici. En 1997, la province a adopté un modèle de garde d’enfants abordable, avec pour objectif d’offrir la garderie à moins de 10 $. C’était beaucoup moins de 10 $ au tout début. Mais c’était 10 $ par jour pour les parents et la province a vraiment récolté les fruits de ce programme, surtout en ce qui concerne la participation des femmes au marché du travail. Au Québec, avant la mise en place du programme national de garde d’enfants, le taux de participation des femmes au marché du travail était inférieur. Maintenant, le Québec est en avance sur le reste du pays et l’écart entre les hommes et les femmes en âge de travailler est deux fois moins important que dans le reste du Canada. Si le reste du pays n’arrive ne serait-ce qu’au niveau du Québec, ça pourrait représenter jusqu’à 250 000 femmes de plus sur le marché du travail. Et donc, potentiellement, une hausse du PIB. C’est un investissement qui a certes un coût initial, mais qui pourrait s’autofinancer à long terme. À la fois par une hausse du PIB – et donc une hausse des revenus du gouvernement – et par une hausse de productivité. Beaucoup d’études suggèrent que l’éducation dans la petite enfance est vraiment importante pour accroître la productivité et pour éviter les situations d’échec. Désolé si j’ai été un peu long.
C’est un sujet important. Tous ceux qui ont travaillé à la maison tout en faisant l’école à la maison seront d’accord pour dire que la productivité en pâtit, quand on essaie de jongler avec tout ça en même temps. Tu expliques dans ta présentation que ce budget est très axé sur les dépenses sociales. Encore une fois, on ne va pas pouvoir aborder tous les sujets. Mais tu parles de nouvelles aides comme la Bourse canadienne pour étudiants, et la bonification de l’Allocation canadienne pour les travailleurs. Le budget n’oublie pas les aînés, avec une bonification de la Sécurité de la vieillesse de 10 % pour les plus de 75 ans. Quelle est l’importance de chacune de ces mesures, selon toi?
Je crois que ça en dit long sur le fait que ce budget est probablement aussi un budget préélectoral. Et le gouvernement a voulu s’assurer de distribuer des avantages sociaux à tout le monde. Pour ce qui est des mesures pour les étudiants, je crois que c’est une bonne idée de rendre les études postsecondaires plus abordables. On s’inquiétait en particulier des bénéficiaires les plus âgés de la Sécurité de la vieillesse. C’est universel. Donc le gouvernement a juste injecté de l’argent pour régler le problème. Je pense que l’on peut critiquer, à juste titre, le fait que certaines mesures auraient pu être mieux ciblées. Mais je crois qu’ils voulaient vraiment toucher le plus d’électeurs possible. Et ils ont réussi à le faire avec des chiffres assez clinquants quand on voit les sommes totales qu’ils comptent dépenser.
J’aimerais changer de sujet et parler un peu de l’industrie, des engagements pour le climat et du secteur de l’écologie. Comment est-ce que tu caractériserais ce budget et ce qu’il représente?
Le gouvernement avait déjà annoncé des investissements très importants dans l’énergie verte, comme on peut le lire dans le budget. 60 milliards au cours des cinq dernières années. Ce budget n’injecte pas beaucoup plus d’argent, mais le gouvernement a annoncé un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre encore plus audacieux que les cibles précédentes. Avec toutes les mesures déjà en place, le plan était de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 30 % par rapport aux niveaux de 2005, et on vise maintenant une baisse de 36 %. Tout cela passe par une série d’investissements. Il y a évidemment de l’argent pour la modernisation, des prêts à taux zéro et des audits pour les particuliers et les entreprises. Ces mesures pourraient avoir un effet significatif, en particulier pour les systèmes CVC qui sont une source importante d’émissions de gaz à effet de serre. Ça pourrait avoir un impact considérable. Mais il y a aussi l’accélérateur net zéro, une sorte de fonds d’investissement souverain destiné à renforcer les capacités de non-carbonisation ou de décarbonisation de l’économie. Reste à voir comment ces fonds seront répartis au fil du temps. Mais quand on voit les chiffres, on ne peut pas mettre en doute l’engagement du gouvernement.
Encore une fois, j’encourage les gens à lire ces 750 pages ou à lire ton rapport quand il sera publié, parce que c’est vraiment dense. Mais une chose qui a aussi retenu mon attention et dont tu parles dans ta présentation, c’est que ce budget s’attaque à beaucoup de fronts mais il n’y a pas grand-chose sur la génération de recettes pour le gouvernement dans un avenir proche. Bien sûr, en matière de contrôle budgétaire, beaucoup de mesures de soutien liées à la pandémie ont été prolongées. Elles seront réduites progressivement. Mais pour ce qui est de remplir les coffres, il y a peu de changements fiscaux.
Eh bien, c’est assez logique. Avec les élections qui approchent, ce n’est pas très judicieux d’augmenter beaucoup les impôts. Mais il y a quelques points qui ont de quoi faire les manchettes. Le budget prévoit une taxe pour les grands fournisseurs étrangers de services numériques. Et depuis longtemps, il semble que ces sociétés évitaient de payer de l’impôt au Canada. La taxe est donc de 3 %. Ce n’est pas énorme, mais ce n’est pas négligeable si on pense aux revenus générés. Sans doute quelques milliards. Il y a aussi une taxe sur le luxe. Donc je te conseille de ne pas attendre pour acheter ton yacht Kim, parce qu’il y aura bientôt une taxe de 10 % sur les yachts, les jets privés et les véhicules de luxe. Cette taxe ne générera pas beaucoup d’argent. 500 millions, je crois, sur plusieurs années. Mais ça permet peut-être surtout de dire qu’on est tous dans le même bateau, et qu’on se préoccupe des inégalités croissantes. Enfin, il y a une nouvelle taxe sur les logements inoccupés appartenant à des non-résidents. Le but est de s’attaquer à un segment du marché qui, selon le gouvernement, fait grimper les prix et réduit l’accessibilité au logement. C’est une part assez faible du marché mais le gouvernement espère tout de même en tirer des revenus. Mais je crois que la clé, comme tu l’as dit, c’est que toutes ces mesures cherchent à faire passer un message plutôt qu’à opérer un vrai changement de trajectoire concernant les déficits. Il faudrait des mesures beaucoup plus importantes pour combler ou réduire les déficits en les équilibrant avec les recettes du bilan.
Malgré les recettes. Et je cite ta présentation, tu dis que le budget 2121 du gouvernement du Canada est un document historique. Peux-tu nous expliquer un peu pourquoi tu qualifies ce document d’historique?
À cause de ce qui s’est passé, de ce qu’on a traversé, des montants alloués, des 100 milliards supplémentaires. C’est absolument fascinant de voir ces chiffres. Au cours de l’exercice qui vient de se terminer, la variation du déficit s’élève à 35 milliards de dollars. On est partis avec 35 milliards de dollars de plus. C’est plus que les déficits des dix dernières années qui ont précédé la pandémie. Les chiffres sont donc stupéfiants, tant sur le plan des déficits que sur le plan des dépenses. Mais je crois que l’engagement envers la garde d’enfants – Ce n’est pas la première tentative et ce budget donne vraiment des moyens financiers. Je pense qu’il y a manifestement un certain élan. Espérons que cela fera progresser l’engagement en faveur d’investissements à plus long terme. Il y a beaucoup d’autres postes d’investissement. Nous n’avons pas parlé de l’économie du numérique et des efforts pour aider les entreprises à investir dans les technologies numériques, surtout au sortir de l’expérience de la pandémie. Mais si on regarde les détails et même les 100 milliards pour les trois prochaines années, ça représente 3 % du PIB. La prolongation des subventions salariales et des autres mesures de soutien aux entreprises. Ce qui s’est produit, c’est du jamais-vu dans l’histoire contemporaine. Enfin, le simple fait de revenir à un déficit proche de celui d’avant la pandémie, mais quand même plus élevé, ça témoigne des défis persistants qu’on devra relever pour revenir à la normale après cette crise sanitaire et économique.
Un budget historique à la mesure d’événements historiques. James, merci de nous avoir présenté le budget. Merci beaucoup.
Tout le plaisir est pour moi.
Très bien. Eh bien, ce budget fait suite au plus gros déficit budgétaire de tous les temps. 350 milliards au dernier exercice financier, plus de 16 % du PIB. À l’approche du prochain exercice, ce chiffre est en légère baisse. Le déficit du Canada sera d’environ 150 milliards. C’est encore énorme, mais ça reflète évidemment l’état d’une économie qui a traversé le pire après la pandémie et qui n’a pas tout à fait besoin du même niveau de soutien qu’auparavant. Mais si on regarde les déficits, c’est un changement radical par rapport à la situation avant la pandémie. On avait des déficits de 20 milliards ou peut-être 30 milliards de dollars juste avant la pandémie, et on trouvait ces chiffres inquiétants. On a largement dépassé ce cap. Bien sûr, ça se reflète dans le ratio dette/PIB qui, avant la pandémie, tournait autour de 30 %. Maintenant, il est d’environ 50 % et on s’attend à ce qu’il dépasse légèrement les 50 % l’année prochaine, avant de redescendre progressivement. Je pense que ça traduit évidemment l’ampleur de la crise et la réponse politique. À mon avis, les mesures politiques ont vraiment aidé l’économie à mieux traverser cette crise que ce qu’on anticipait. En fait, on a vu une reprise économique qui, même selon les chiffres du gouvernement, a dépassé les prévisions l’année dernière et qui s’est nettement améliorée depuis le début de cette année. Et ce malgré le dernier variant et les mesures de confinement.
Comme tu le dis, la portée et l’ampleur de ce budget sont importantes. Il couvre de nombreux domaines. Le gouvernement alloue beaucoup d’argent dans beaucoup de secteurs. J’aimerais qu’on se concentre sur certains points clés, parce que je ne crois pas qu’on va avoir le temps de faire un tour d’horizon complet. 30 milliards de dollars dépensés sur plus de cinq ans pour un programme national de services de garde d’enfants. C’était l’un des points les plus importants. Qu’est-ce que tu en penses?
Oui, pour ce qui est de l’ampleur du budget, le document fait 750 pages, et je n’ai pas eu le temps de tout analyser. J’ai simplement dû essayer de survoler les points les plus importants.
Mais oui, tout à fait. C’est le chiffre qui fait les manchettes. Et c’est quelque chose que les gens attendaient de la part d’un gouvernement fédéral qui s’était engagé depuis longtemps à investir dans un programme national de services de garde d’enfants. Et cet engagement est honoré, du moins du point de vue des chiffres, avec 30 milliards sur six ans et un engagement à long terme de 9 milliards par an par la suite. C’est donc permanent. C’est un nouveau programme de dépenses fédérales permanent. Reste à voir comment ce programme va fonctionner exactement parce que, bien sûr, l’éducation de la petite enfance est une compétence provinciale. Le gouvernement va maintenant devoir travailler avec les provinces et offrir ce financement en contrepartie d’un financement de la part de chaque province. L’idée, c’est que le gouvernement finance à hauteur de 50 % et que les provinces se chargent du reste. Ça risque d’être difficile dans les provinces où le budget public est limité. Mais c’est un gros investissement. C’est une part importante du PIB. C’est ce qu’on dépense au Québec. Et on s’inspire vraiment du Québec, ici. En 1997, la province a adopté un modèle de garde d’enfants abordable, avec pour objectif d’offrir la garderie à moins de 10 $. C’était beaucoup moins de 10 $ au tout début. Mais c’était 10 $ par jour pour les parents et la province a vraiment récolté les fruits de ce programme, surtout en ce qui concerne la participation des femmes au marché du travail. Au Québec, avant la mise en place du programme national de garde d’enfants, le taux de participation des femmes au marché du travail était inférieur. Maintenant, le Québec est en avance sur le reste du pays et l’écart entre les hommes et les femmes en âge de travailler est deux fois moins important que dans le reste du Canada. Si le reste du pays n’arrive ne serait-ce qu’au niveau du Québec, ça pourrait représenter jusqu’à 250 000 femmes de plus sur le marché du travail. Et donc, potentiellement, une hausse du PIB. C’est un investissement qui a certes un coût initial, mais qui pourrait s’autofinancer à long terme. À la fois par une hausse du PIB – et donc une hausse des revenus du gouvernement – et par une hausse de productivité. Beaucoup d’études suggèrent que l’éducation dans la petite enfance est vraiment importante pour accroître la productivité et pour éviter les situations d’échec. Désolé si j’ai été un peu long.
C’est un sujet important. Tous ceux qui ont travaillé à la maison tout en faisant l’école à la maison seront d’accord pour dire que la productivité en pâtit, quand on essaie de jongler avec tout ça en même temps. Tu expliques dans ta présentation que ce budget est très axé sur les dépenses sociales. Encore une fois, on ne va pas pouvoir aborder tous les sujets. Mais tu parles de nouvelles aides comme la Bourse canadienne pour étudiants, et la bonification de l’Allocation canadienne pour les travailleurs. Le budget n’oublie pas les aînés, avec une bonification de la Sécurité de la vieillesse de 10 % pour les plus de 75 ans. Quelle est l’importance de chacune de ces mesures, selon toi?
Je crois que ça en dit long sur le fait que ce budget est probablement aussi un budget préélectoral. Et le gouvernement a voulu s’assurer de distribuer des avantages sociaux à tout le monde. Pour ce qui est des mesures pour les étudiants, je crois que c’est une bonne idée de rendre les études postsecondaires plus abordables. On s’inquiétait en particulier des bénéficiaires les plus âgés de la Sécurité de la vieillesse. C’est universel. Donc le gouvernement a juste injecté de l’argent pour régler le problème. Je pense que l’on peut critiquer, à juste titre, le fait que certaines mesures auraient pu être mieux ciblées. Mais je crois qu’ils voulaient vraiment toucher le plus d’électeurs possible. Et ils ont réussi à le faire avec des chiffres assez clinquants quand on voit les sommes totales qu’ils comptent dépenser.
J’aimerais changer de sujet et parler un peu de l’industrie, des engagements pour le climat et du secteur de l’écologie. Comment est-ce que tu caractériserais ce budget et ce qu’il représente?
Le gouvernement avait déjà annoncé des investissements très importants dans l’énergie verte, comme on peut le lire dans le budget. 60 milliards au cours des cinq dernières années. Ce budget n’injecte pas beaucoup plus d’argent, mais le gouvernement a annoncé un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre encore plus audacieux que les cibles précédentes. Avec toutes les mesures déjà en place, le plan était de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 30 % par rapport aux niveaux de 2005, et on vise maintenant une baisse de 36 %. Tout cela passe par une série d’investissements. Il y a évidemment de l’argent pour la modernisation, des prêts à taux zéro et des audits pour les particuliers et les entreprises. Ces mesures pourraient avoir un effet significatif, en particulier pour les systèmes CVC qui sont une source importante d’émissions de gaz à effet de serre. Ça pourrait avoir un impact considérable. Mais il y a aussi l’accélérateur net zéro, une sorte de fonds d’investissement souverain destiné à renforcer les capacités de non-carbonisation ou de décarbonisation de l’économie. Reste à voir comment ces fonds seront répartis au fil du temps. Mais quand on voit les chiffres, on ne peut pas mettre en doute l’engagement du gouvernement.
Encore une fois, j’encourage les gens à lire ces 750 pages ou à lire ton rapport quand il sera publié, parce que c’est vraiment dense. Mais une chose qui a aussi retenu mon attention et dont tu parles dans ta présentation, c’est que ce budget s’attaque à beaucoup de fronts mais il n’y a pas grand-chose sur la génération de recettes pour le gouvernement dans un avenir proche. Bien sûr, en matière de contrôle budgétaire, beaucoup de mesures de soutien liées à la pandémie ont été prolongées. Elles seront réduites progressivement. Mais pour ce qui est de remplir les coffres, il y a peu de changements fiscaux.
Eh bien, c’est assez logique. Avec les élections qui approchent, ce n’est pas très judicieux d’augmenter beaucoup les impôts. Mais il y a quelques points qui ont de quoi faire les manchettes. Le budget prévoit une taxe pour les grands fournisseurs étrangers de services numériques. Et depuis longtemps, il semble que ces sociétés évitaient de payer de l’impôt au Canada. La taxe est donc de 3 %. Ce n’est pas énorme, mais ce n’est pas négligeable si on pense aux revenus générés. Sans doute quelques milliards. Il y a aussi une taxe sur le luxe. Donc je te conseille de ne pas attendre pour acheter ton yacht Kim, parce qu’il y aura bientôt une taxe de 10 % sur les yachts, les jets privés et les véhicules de luxe. Cette taxe ne générera pas beaucoup d’argent. 500 millions, je crois, sur plusieurs années. Mais ça permet peut-être surtout de dire qu’on est tous dans le même bateau, et qu’on se préoccupe des inégalités croissantes. Enfin, il y a une nouvelle taxe sur les logements inoccupés appartenant à des non-résidents. Le but est de s’attaquer à un segment du marché qui, selon le gouvernement, fait grimper les prix et réduit l’accessibilité au logement. C’est une part assez faible du marché mais le gouvernement espère tout de même en tirer des revenus. Mais je crois que la clé, comme tu l’as dit, c’est que toutes ces mesures cherchent à faire passer un message plutôt qu’à opérer un vrai changement de trajectoire concernant les déficits. Il faudrait des mesures beaucoup plus importantes pour combler ou réduire les déficits en les équilibrant avec les recettes du bilan.
Malgré les recettes. Et je cite ta présentation, tu dis que le budget 2121 du gouvernement du Canada est un document historique. Peux-tu nous expliquer un peu pourquoi tu qualifies ce document d’historique?
À cause de ce qui s’est passé, de ce qu’on a traversé, des montants alloués, des 100 milliards supplémentaires. C’est absolument fascinant de voir ces chiffres. Au cours de l’exercice qui vient de se terminer, la variation du déficit s’élève à 35 milliards de dollars. On est partis avec 35 milliards de dollars de plus. C’est plus que les déficits des dix dernières années qui ont précédé la pandémie. Les chiffres sont donc stupéfiants, tant sur le plan des déficits que sur le plan des dépenses. Mais je crois que l’engagement envers la garde d’enfants – Ce n’est pas la première tentative et ce budget donne vraiment des moyens financiers. Je pense qu’il y a manifestement un certain élan. Espérons que cela fera progresser l’engagement en faveur d’investissements à plus long terme. Il y a beaucoup d’autres postes d’investissement. Nous n’avons pas parlé de l’économie du numérique et des efforts pour aider les entreprises à investir dans les technologies numériques, surtout au sortir de l’expérience de la pandémie. Mais si on regarde les détails et même les 100 milliards pour les trois prochaines années, ça représente 3 % du PIB. La prolongation des subventions salariales et des autres mesures de soutien aux entreprises. Ce qui s’est produit, c’est du jamais-vu dans l’histoire contemporaine. Enfin, le simple fait de revenir à un déficit proche de celui d’avant la pandémie, mais quand même plus élevé, ça témoigne des défis persistants qu’on devra relever pour revenir à la normale après cette crise sanitaire et économique.
Un budget historique à la mesure d’événements historiques. James, merci de nous avoir présenté le budget. Merci beaucoup.
Tout le plaisir est pour moi.