En décidant de se retirer de l’élection présidentielle de 2024, le président américain Joe Biden fait entrer la campagne en territoire inconnu. Michael Craig, directeur général et chef, Répartition des actifs et Produits dérivés, Gestion de Placements TD, examine l’évolution du paysage politique et nous parle des répercussions pour les marchés.
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[LOGO SONORE]
Après la décision du président Joe Biden de se retirer de la course à la présidence, la campagne électorale entre cette année en territoire inconnu. Bien que l’avenir du mandat de M. Biden soit désormais clair et que la vice-présidente Kamala Harris se pose en successeure probable, bien des questions restent en suspens, notamment concernant le paysage politique aux États-Unis et les répercussions globales sur les marchés. Voici Michael Craig, directeur général et chef, Répartition des actifs à Gestion de Placements TD. On ne s’ennuie pas.
C’est le moins qu’on puisse dire, effectivement.
On en arrive au point où les événements historiques s’enchaînent si vite qu’on a presque du mal à les assimiler. A fortiori pour vous, qui observez de près les événements et l’évolution de votre portefeuille. Qu’est-ce que vous surveillez de ce côté? Avec le retrait de Joe Biden, Kamala Harris est maintenant la favorite du clan démocrate. Sa position semble relativement solide à ce stade. Qu’est-ce que vous surveillez?
Je ne m’attends pas à un grand changement de politique. Je ne pense pas que Kamala Harris s’écartera radicalement des mesures que Biden tentait déjà de faire avancer. Je pense qu’elle parviendra mieux à expliquer son action. En une semaine, on est passé d’un couronnement à une course électorale. Les différentes catégories d’actif commencent à absorber les événements.
Je dirais qu’à la marge, les actifs qui se sont redressés en perspective d’une victoire de Trump ont un peu reculé. Mais ce qui est important pour l’instant... Comme vous l’avez dit, beaucoup de choses ont changé d’une semaine à l’autre. On ne peut pas vraiment se fixer sur un résultat précis dans l’immédiat. De notre point de vue, il faut plutôt essayer de voir où seront les priorités politiques et se faire une idée de la situation en novembre, selon qui remportera les clés de la Maison-Blanche et les autres sièges.
C’est ce qu’on disait en discutant avant l’émission. Personne n’a de boule de cristal. Personne ne sait. Mais avec ce passage d’un couronnement à une course, le risque de conflit s’accentue. Le coup d’envoi de la course a bel et bien été donné. Oui. Quel que soit le vainqueur en novembre, une grande tranche de la population sera très mécontente. Le clivage politique est au plus fort depuis des décennies. De notre vivant, ces dernières décennies, on n’a jamais vu deux partis aussi diamétralement opposés au niveau de leurs politiques. C’est un énorme problème. En général, les démocraties ne fonctionnent pas sans groupe centriste qui relie les deux blocs.
À mesure que la course se rapproche, on va entendre de plus en plus de questions sur l’équité du scrutin, les fraudes électorales, ou je ne sais quoi. Je pense que cette situation expose à des risques de troubles civils en novembre. Oui. C’est depuis toujours le problème du système bipartite américain, qui est beaucoup plus polarisant que d’autres, mais c’est un autre sujet. Vous dites que certaines catégories d’actif évoluent en marge des nouvelles sur les élections. Je pense que les gens tentent de comprendre les conséquences sur les politiques et ce qui nous attend. Pourriez-vous expliquer ce que vous observez de ce côté?
Clairement, les actions européennes ont été très malmenées depuis le début du mois. Ce lundi, elles ont amorcé un léger virage à la hausse maintenant que la course est lancée, parce que l’Europe serait l’une des régions les plus touchées par les tarifs douaniers. Les actions européennes se sont donc bien redressées en début de semaine.
Je suis avec intérêt les cryptomonnaies. Elles bénéficient fortement de la désignation de JD Vance à titre de colistier. Le secteur s’est replié sous l’effet de la menace d’une réglementation accrue. Prenons quelques exemples. Sur le marché obligataire... Malgré toutes les rumeurs de décrochage si Trump remportait les élections, les obligations se sont redressées ce mois-ci.
De notre point de vue, les catégories d’actifs plus risquées ne sont peut-être pas les plus fiables pour repérer des signaux, mais je pense que le marché des titres à revenu fixe nous indique qu’il ne faut pas s’attendre à une envolée significative de l’inflation ou des taux quel que soit le vainqueur des élections. Le marché obligataire reste assez calme.
Là encore, pour entrer dans le détail de vos observations, quand vous pensez aux politiques énergétiques et à l’OTAN, qu’est-ce que ça inspire aux marchés? Qu’est-ce qui pourrait faire pencher la balance dans l’autre direction?
Il est certain qu’une victoire démocrate réduira le risque lié aux tarifs douaniers. Par contre, dans d’autres secteurs, la réglementation sera plus stricte. L’énergie faisait partie des secteurs en berne sur les marchés cette semaine, à cause du risque d’incapacité à exploiter les ressources.
Encore une fois, il est vraiment trop tôt. Ce qu’il faut surtout retenir, c’est qu’on joue à pile ou face. Personne ne sait. Et les enjeux sont importants. À bien des égards, le vent de folie de la convention républicaine...
Et les paris sur une victoire de Trump.
Et les paris sur une victoire de Trump. C’est incroyable de voir un tel sommet de confiance quatre mois avant l’élection. On peut en conclure que les quatre prochains mois seront épuisants pour les observateurs du monde politique, parce qu’il faut s’attendre à beaucoup de fluctuations.
Oui, c’est épuisant. Certains choisiront peut-être de ne plus écouter. On verra bien. Les gens ont tendance à se focaliser sur la politique, parce qu’elle accapare les manchettes. Mais il se passe des choses vraiment passionnantes sur le marché. De façon générale, politique mise à part, on assiste à des avancées colossales dans l’IA et la biotechnologie. Pourriez-vous nous parler de ce que vous observez de très intéressant?
Tout d’abord, la politique est vraiment au centre des préoccupations. Les investisseurs ne doivent pas perdre de vue ce qu’on vit actuellement. On vit une quatrième révolution industrielle. Il est fort probable qu’on franchisse un cap important en termes de croissance de la productivité dans les dix années à venir. On sort d’une crise financière mondiale avec une croissance extrêmement timide, une politique monétaire très expansionniste, de l’assouplissement quantitatif, etc.
Aujourd’hui, on entre dans une période où il se peut qu’on enregistre de forts gains de productivité à cause de l’IA, de la robotique, de biotechnologie, des sciences de la vie, de l’investissement dans des villes résistantes au climat, etc. Le contexte est beaucoup plus intéressant du point de vue des placements. Je crois qu’on va voir les bénéfices s’envoler.
Pour les investisseurs, à en croire les nouvelles à la télévision, la situation est désastreuse. Mais on passe vraiment à côté de l’essentiel. L’avenir est très prometteur, surtout pour les investisseurs. Selon moi, on vit une période d’accroissement de la productivité et donc des bénéfices. Et quand les bénéfices sont élevés, les actions se portent plutôt bien.
C’est intéressant. J’adore entendre ce genre de choses. C’est fascinant. Si je regarde les marchés, certains avoisinent peut-être des sommets historiques. La plupart en sont proches. Vous dites que la hausse de la productivité entraîne plus de bénéfices, etc. Je m’interroge. On ne voit pas le bout de cette progression. On se dit qu’à un moment donné, tout naturellement, la dégringolade est inévitable, non?
Prenons l’exemple de l’indice S&P cette année. La plus grande partie des gains est attribuable à une poignée d’actions. La plupart des sociétés n’ont pas vu de rajustement notable de leurs bénéfices ou de leur valorisation. À un moment donné, il faut s’attendre à ce que la tendance s’élargisse. D’autres sociétés qui n’ont pas enregistré de gros rendements cette année commenceront à en profiter.
Je pense que c’est important de réaliser que l’indice global n’est pas représentatif. Ce n’est plus une bonne méthode d’observation des marchés, parce que l’indice est fortement biaisé en faveur de quelques sociétés. Ne parlons même pas de ce qui se passe en Europe ou au Canada. C’est là qu’une approche diversifiée prend tout son sens. On ne veut pas acheter au prix fort et vendre à bas prix. Beaucoup d’investisseurs commettent cette erreur. Ils courent après un prix au lieu de chercher à savoir où vont les capitaux et quelles sont les opportunités qui s’offrent à eux.
Parlons de vos perspectives pour les différentes catégories d’actif. Commençons par les titres à revenu fixe. Vous adoptez une position neutre. Vous avez changé de point de vue.
On les a rétrogradés. En début d’année, dans notre scénario de base, l’inflation allait ralentir et la croissance allait se modérer. On prévoyait une hausse de l’inflation et de la croissance inférieure à la tendance. Les titres à revenu fixe ont mal commencé l’année, mais ils ont récemment progressé. On observe une hausse de 4 % depuis le printemps.
Selon notre processus de réflexion, les taux restent très intéressants. Le taux global d’un portefeuille équilibré de titres à revenu fixe avoisine toujours 5 %. Mais on entre dans une période d’incertitude. Comme on me l’a toujours appris, quand on avance dans le brouillard, il faut parfois ramasser quelques billes, lever un peu de liquidités, se réserver une marge de manœuvre.
Le marché évoluera peut-être en dents de scie. À long terme, on est très optimistes, mais on veut traverser cette période en ayant un peu de liquidités pour tirer parti de...
De la souplesse.
la dislocation des prix. Les titres à revenus fixes offrent encore d’assez bons rendements. Le crédit s’est beaucoup resserré. Les écarts de taux des obligations de sociétés ne sont pas aussi intéressants qu’en début d’année.
Je ne crois pas que ça va se produire, mais si on entre en récession, les titres à revenus fixes seront fantastiques. Les investisseurs à long terme n’ont pas de quoi s’inquiéter, mais il ne faudra pas s’étonner de voir de la volatilité du côté des titres à revenu fixe. Et en plus... Je n’adhère pas à ce discours, mais certains disent que l’élection de Trump entraînerait une hausse des taux à long terme.
Le marché y croît peut-être. À mon avis, ça ne durera pas. On adopte donc une approche tactique plus prudente à court terme. Mais à long terme, on est très favorables aux titres à revenu fixe. Leurs rendements sont nettement supérieurs à l’inflation en ce moment. Pendant la majeure partie de ma carrière, c’était le contraire. Si on recherche un revenu, le moment est bien choisi pour se départir des obligations.
Ok. Parlons maintenant des actions. Une pondération neutre dans l’ensemble, mais avec bien sûr quelques nuances.
Oui, sur le marché des actions, on a profité d’une belle progression. On traverse maintenant une période de grande incertitude. L’automne est en général une saison un peu plus difficile pour les actions. On a une politique assez neutre, mais on étoffera nos positions en cas de faiblesse. C’est un peu notre point de vue en ce moment : empocher des profits, faire preuve d’une certaine souplesse. Mais sur une période de 12 à 18 mois, on est très optimistes.
Juste une petite nuance. Pour les États-Unis, vous avez une légère surpondération et pour le Canada, une pondération neutre.
Oui, on a nettement surpondéré les titres américains pendant la majeure partie de l’année pour réaliser quelques profits. Aux États-Unis, les rendements étaient deux fois supérieurs à ceux du Canada cette année, pour donner un peu de contexte. On a aussi souffert de la dépréciation du dollar canadien. Si les rendements de l’année s’arrêtaient aujourd’hui, vous diriez qu’on a eu d’excellents rendements sur un an, et encore plus sur six mois et demi.
À l’approche de l’automne, on conserve les titres des marchés boursiers. Pour l’investisseur type, on est à 60 % d’actions plutôt qu’à 63 %. L’écart n’est pas énorme. Mais on aime ce marché et les titres américains.
Qu’en est-il des placements alternatifs? C’est une question qui intéresse les gens. Certains mettent parfois plus de temps à se lancer. La détermination des prix diffère bien sûr un peu par rapport aux actions cotées. Qu’anticipez-vous sur ce tableau?
Il s’agit des actifs privés, des prêts hypothécaires commerciaux, de l’immobilier commercial, des infrastructures et de la dette privée. Dans le secteur des placements alternatifs, j’adore les infrastructures, leur côté structurel, à long terme. Des capitaux seront constamment investis dans leur développement. Ce thème va probablement persister pour tout le reste de ma carrière.
J’aime beaucoup les prêts hypothécaires commerciaux. Actuellement, le rendement global est d’à peu près 7 % pour un billet à très court terme, disons d’une durée moyenne de trois ans. En ce qui concerne l’immobilier, on espère avoir touché le fond. L’immobilier commercial, surtout les immeubles de bureaux, est assez morose, mais on commence à observer une certaine stabilisation.
Dans le cadre d’un portefeuille multi-actifs, il est très important de voir les placements alternatifs comme une autre source de gains en capital et de revenus qui tend à largement compenser le risque lié aux marchés publics. C’est crucial. On aime les infrastructures et les prêts hypothécaires commerciaux.
Il ne me reste qu’une trentaine de secondes. Pendant la pause, on disait que beaucoup de gens attendent un repli. Ils attendent parce que globalement, les marchés ont été constamment à la hausse. Vous dites qu’il y a encore beaucoup de liquidités en réserve.
Oui, beaucoup. Beaucoup d’investisseurs – L’année 2022 a été très rude pour tout le monde. Il n’y avait nulle part où se réfugier. En 2023, c’était un peu les montagnes russes. Il y a eu la crise des banques régionales, mais vous avez vu la réaction de la Fed. Puis en octobre de l’année dernière, on poussait vraiment les clients à placer leur argent. Et depuis, on a observé une hausse très spectaculaire.
Les investisseurs doivent se dire qu’on est plus dans les années 2010. Le temps de la faible croissance et de la torpeur est révolu. On vit dans un monde où, tout à coup, on assiste à de fortes hausses des dépenses en immobilisations, ce qui va mener à une croissance plus forte de la productivité. J’ai commencé ma carrière à la fin des années 1990. C’était la fin des grands gains de productivité.
Dans les années 1990, les rendements étaient assez spectaculaires. Je pense qu’on commence à voir les prémices d’un contexte similaire. Il ne fait aucun doute que la route sera semée d’embûches. Mais dans une période où on constate ce type de gains de productivité, les actions ont tendance à nettement surpasser les rendements historiques.
Pour les investisseurs, le plus grand risque, c’est de ne pas avoir de fonds quand on en a besoin, pas forcément qui sera à la Maison-Blanche dans quelques mois ou la politique. Il faut s’assurer d’avoir ce dont on a besoin quand on en a besoin. Plus vous restez longtemps à l’écart du marché, plus vous risquez de devoir travailler plus longtemps que si vous aviez conservé vos placements. Nous disons donc aux investisseurs de bien réfléchir à ce qu’ils tentent d’accomplir. Et...
Et agir en conséquence.
Il ne faut pas manquer ce marché. [LOGO SONORE] [MUSIQUE ENTRAÎNANTE]
Après la décision du président Joe Biden de se retirer de la course à la présidence, la campagne électorale entre cette année en territoire inconnu. Bien que l’avenir du mandat de M. Biden soit désormais clair et que la vice-présidente Kamala Harris se pose en successeure probable, bien des questions restent en suspens, notamment concernant le paysage politique aux États-Unis et les répercussions globales sur les marchés. Voici Michael Craig, directeur général et chef, Répartition des actifs à Gestion de Placements TD. On ne s’ennuie pas.
C’est le moins qu’on puisse dire, effectivement.
On en arrive au point où les événements historiques s’enchaînent si vite qu’on a presque du mal à les assimiler. A fortiori pour vous, qui observez de près les événements et l’évolution de votre portefeuille. Qu’est-ce que vous surveillez de ce côté? Avec le retrait de Joe Biden, Kamala Harris est maintenant la favorite du clan démocrate. Sa position semble relativement solide à ce stade. Qu’est-ce que vous surveillez?
Je ne m’attends pas à un grand changement de politique. Je ne pense pas que Kamala Harris s’écartera radicalement des mesures que Biden tentait déjà de faire avancer. Je pense qu’elle parviendra mieux à expliquer son action. En une semaine, on est passé d’un couronnement à une course électorale. Les différentes catégories d’actif commencent à absorber les événements.
Je dirais qu’à la marge, les actifs qui se sont redressés en perspective d’une victoire de Trump ont un peu reculé. Mais ce qui est important pour l’instant... Comme vous l’avez dit, beaucoup de choses ont changé d’une semaine à l’autre. On ne peut pas vraiment se fixer sur un résultat précis dans l’immédiat. De notre point de vue, il faut plutôt essayer de voir où seront les priorités politiques et se faire une idée de la situation en novembre, selon qui remportera les clés de la Maison-Blanche et les autres sièges.
C’est ce qu’on disait en discutant avant l’émission. Personne n’a de boule de cristal. Personne ne sait. Mais avec ce passage d’un couronnement à une course, le risque de conflit s’accentue. Le coup d’envoi de la course a bel et bien été donné. Oui. Quel que soit le vainqueur en novembre, une grande tranche de la population sera très mécontente. Le clivage politique est au plus fort depuis des décennies. De notre vivant, ces dernières décennies, on n’a jamais vu deux partis aussi diamétralement opposés au niveau de leurs politiques. C’est un énorme problème. En général, les démocraties ne fonctionnent pas sans groupe centriste qui relie les deux blocs.
À mesure que la course se rapproche, on va entendre de plus en plus de questions sur l’équité du scrutin, les fraudes électorales, ou je ne sais quoi. Je pense que cette situation expose à des risques de troubles civils en novembre. Oui. C’est depuis toujours le problème du système bipartite américain, qui est beaucoup plus polarisant que d’autres, mais c’est un autre sujet. Vous dites que certaines catégories d’actif évoluent en marge des nouvelles sur les élections. Je pense que les gens tentent de comprendre les conséquences sur les politiques et ce qui nous attend. Pourriez-vous expliquer ce que vous observez de ce côté?
Clairement, les actions européennes ont été très malmenées depuis le début du mois. Ce lundi, elles ont amorcé un léger virage à la hausse maintenant que la course est lancée, parce que l’Europe serait l’une des régions les plus touchées par les tarifs douaniers. Les actions européennes se sont donc bien redressées en début de semaine.
Je suis avec intérêt les cryptomonnaies. Elles bénéficient fortement de la désignation de JD Vance à titre de colistier. Le secteur s’est replié sous l’effet de la menace d’une réglementation accrue. Prenons quelques exemples. Sur le marché obligataire... Malgré toutes les rumeurs de décrochage si Trump remportait les élections, les obligations se sont redressées ce mois-ci.
De notre point de vue, les catégories d’actifs plus risquées ne sont peut-être pas les plus fiables pour repérer des signaux, mais je pense que le marché des titres à revenu fixe nous indique qu’il ne faut pas s’attendre à une envolée significative de l’inflation ou des taux quel que soit le vainqueur des élections. Le marché obligataire reste assez calme.
Là encore, pour entrer dans le détail de vos observations, quand vous pensez aux politiques énergétiques et à l’OTAN, qu’est-ce que ça inspire aux marchés? Qu’est-ce qui pourrait faire pencher la balance dans l’autre direction?
Il est certain qu’une victoire démocrate réduira le risque lié aux tarifs douaniers. Par contre, dans d’autres secteurs, la réglementation sera plus stricte. L’énergie faisait partie des secteurs en berne sur les marchés cette semaine, à cause du risque d’incapacité à exploiter les ressources.
Encore une fois, il est vraiment trop tôt. Ce qu’il faut surtout retenir, c’est qu’on joue à pile ou face. Personne ne sait. Et les enjeux sont importants. À bien des égards, le vent de folie de la convention républicaine...
Et les paris sur une victoire de Trump.
Et les paris sur une victoire de Trump. C’est incroyable de voir un tel sommet de confiance quatre mois avant l’élection. On peut en conclure que les quatre prochains mois seront épuisants pour les observateurs du monde politique, parce qu’il faut s’attendre à beaucoup de fluctuations.
Oui, c’est épuisant. Certains choisiront peut-être de ne plus écouter. On verra bien. Les gens ont tendance à se focaliser sur la politique, parce qu’elle accapare les manchettes. Mais il se passe des choses vraiment passionnantes sur le marché. De façon générale, politique mise à part, on assiste à des avancées colossales dans l’IA et la biotechnologie. Pourriez-vous nous parler de ce que vous observez de très intéressant?
Tout d’abord, la politique est vraiment au centre des préoccupations. Les investisseurs ne doivent pas perdre de vue ce qu’on vit actuellement. On vit une quatrième révolution industrielle. Il est fort probable qu’on franchisse un cap important en termes de croissance de la productivité dans les dix années à venir. On sort d’une crise financière mondiale avec une croissance extrêmement timide, une politique monétaire très expansionniste, de l’assouplissement quantitatif, etc.
Aujourd’hui, on entre dans une période où il se peut qu’on enregistre de forts gains de productivité à cause de l’IA, de la robotique, de biotechnologie, des sciences de la vie, de l’investissement dans des villes résistantes au climat, etc. Le contexte est beaucoup plus intéressant du point de vue des placements. Je crois qu’on va voir les bénéfices s’envoler.
Pour les investisseurs, à en croire les nouvelles à la télévision, la situation est désastreuse. Mais on passe vraiment à côté de l’essentiel. L’avenir est très prometteur, surtout pour les investisseurs. Selon moi, on vit une période d’accroissement de la productivité et donc des bénéfices. Et quand les bénéfices sont élevés, les actions se portent plutôt bien.
C’est intéressant. J’adore entendre ce genre de choses. C’est fascinant. Si je regarde les marchés, certains avoisinent peut-être des sommets historiques. La plupart en sont proches. Vous dites que la hausse de la productivité entraîne plus de bénéfices, etc. Je m’interroge. On ne voit pas le bout de cette progression. On se dit qu’à un moment donné, tout naturellement, la dégringolade est inévitable, non?
Prenons l’exemple de l’indice S&P cette année. La plus grande partie des gains est attribuable à une poignée d’actions. La plupart des sociétés n’ont pas vu de rajustement notable de leurs bénéfices ou de leur valorisation. À un moment donné, il faut s’attendre à ce que la tendance s’élargisse. D’autres sociétés qui n’ont pas enregistré de gros rendements cette année commenceront à en profiter.
Je pense que c’est important de réaliser que l’indice global n’est pas représentatif. Ce n’est plus une bonne méthode d’observation des marchés, parce que l’indice est fortement biaisé en faveur de quelques sociétés. Ne parlons même pas de ce qui se passe en Europe ou au Canada. C’est là qu’une approche diversifiée prend tout son sens. On ne veut pas acheter au prix fort et vendre à bas prix. Beaucoup d’investisseurs commettent cette erreur. Ils courent après un prix au lieu de chercher à savoir où vont les capitaux et quelles sont les opportunités qui s’offrent à eux.
Parlons de vos perspectives pour les différentes catégories d’actif. Commençons par les titres à revenu fixe. Vous adoptez une position neutre. Vous avez changé de point de vue.
On les a rétrogradés. En début d’année, dans notre scénario de base, l’inflation allait ralentir et la croissance allait se modérer. On prévoyait une hausse de l’inflation et de la croissance inférieure à la tendance. Les titres à revenu fixe ont mal commencé l’année, mais ils ont récemment progressé. On observe une hausse de 4 % depuis le printemps.
Selon notre processus de réflexion, les taux restent très intéressants. Le taux global d’un portefeuille équilibré de titres à revenu fixe avoisine toujours 5 %. Mais on entre dans une période d’incertitude. Comme on me l’a toujours appris, quand on avance dans le brouillard, il faut parfois ramasser quelques billes, lever un peu de liquidités, se réserver une marge de manœuvre.
Le marché évoluera peut-être en dents de scie. À long terme, on est très optimistes, mais on veut traverser cette période en ayant un peu de liquidités pour tirer parti de...
De la souplesse.
la dislocation des prix. Les titres à revenus fixes offrent encore d’assez bons rendements. Le crédit s’est beaucoup resserré. Les écarts de taux des obligations de sociétés ne sont pas aussi intéressants qu’en début d’année.
Je ne crois pas que ça va se produire, mais si on entre en récession, les titres à revenus fixes seront fantastiques. Les investisseurs à long terme n’ont pas de quoi s’inquiéter, mais il ne faudra pas s’étonner de voir de la volatilité du côté des titres à revenu fixe. Et en plus... Je n’adhère pas à ce discours, mais certains disent que l’élection de Trump entraînerait une hausse des taux à long terme.
Le marché y croît peut-être. À mon avis, ça ne durera pas. On adopte donc une approche tactique plus prudente à court terme. Mais à long terme, on est très favorables aux titres à revenu fixe. Leurs rendements sont nettement supérieurs à l’inflation en ce moment. Pendant la majeure partie de ma carrière, c’était le contraire. Si on recherche un revenu, le moment est bien choisi pour se départir des obligations.
Ok. Parlons maintenant des actions. Une pondération neutre dans l’ensemble, mais avec bien sûr quelques nuances.
Oui, sur le marché des actions, on a profité d’une belle progression. On traverse maintenant une période de grande incertitude. L’automne est en général une saison un peu plus difficile pour les actions. On a une politique assez neutre, mais on étoffera nos positions en cas de faiblesse. C’est un peu notre point de vue en ce moment : empocher des profits, faire preuve d’une certaine souplesse. Mais sur une période de 12 à 18 mois, on est très optimistes.
Juste une petite nuance. Pour les États-Unis, vous avez une légère surpondération et pour le Canada, une pondération neutre.
Oui, on a nettement surpondéré les titres américains pendant la majeure partie de l’année pour réaliser quelques profits. Aux États-Unis, les rendements étaient deux fois supérieurs à ceux du Canada cette année, pour donner un peu de contexte. On a aussi souffert de la dépréciation du dollar canadien. Si les rendements de l’année s’arrêtaient aujourd’hui, vous diriez qu’on a eu d’excellents rendements sur un an, et encore plus sur six mois et demi.
À l’approche de l’automne, on conserve les titres des marchés boursiers. Pour l’investisseur type, on est à 60 % d’actions plutôt qu’à 63 %. L’écart n’est pas énorme. Mais on aime ce marché et les titres américains.
Qu’en est-il des placements alternatifs? C’est une question qui intéresse les gens. Certains mettent parfois plus de temps à se lancer. La détermination des prix diffère bien sûr un peu par rapport aux actions cotées. Qu’anticipez-vous sur ce tableau?
Il s’agit des actifs privés, des prêts hypothécaires commerciaux, de l’immobilier commercial, des infrastructures et de la dette privée. Dans le secteur des placements alternatifs, j’adore les infrastructures, leur côté structurel, à long terme. Des capitaux seront constamment investis dans leur développement. Ce thème va probablement persister pour tout le reste de ma carrière.
J’aime beaucoup les prêts hypothécaires commerciaux. Actuellement, le rendement global est d’à peu près 7 % pour un billet à très court terme, disons d’une durée moyenne de trois ans. En ce qui concerne l’immobilier, on espère avoir touché le fond. L’immobilier commercial, surtout les immeubles de bureaux, est assez morose, mais on commence à observer une certaine stabilisation.
Dans le cadre d’un portefeuille multi-actifs, il est très important de voir les placements alternatifs comme une autre source de gains en capital et de revenus qui tend à largement compenser le risque lié aux marchés publics. C’est crucial. On aime les infrastructures et les prêts hypothécaires commerciaux.
Il ne me reste qu’une trentaine de secondes. Pendant la pause, on disait que beaucoup de gens attendent un repli. Ils attendent parce que globalement, les marchés ont été constamment à la hausse. Vous dites qu’il y a encore beaucoup de liquidités en réserve.
Oui, beaucoup. Beaucoup d’investisseurs – L’année 2022 a été très rude pour tout le monde. Il n’y avait nulle part où se réfugier. En 2023, c’était un peu les montagnes russes. Il y a eu la crise des banques régionales, mais vous avez vu la réaction de la Fed. Puis en octobre de l’année dernière, on poussait vraiment les clients à placer leur argent. Et depuis, on a observé une hausse très spectaculaire.
Les investisseurs doivent se dire qu’on est plus dans les années 2010. Le temps de la faible croissance et de la torpeur est révolu. On vit dans un monde où, tout à coup, on assiste à de fortes hausses des dépenses en immobilisations, ce qui va mener à une croissance plus forte de la productivité. J’ai commencé ma carrière à la fin des années 1990. C’était la fin des grands gains de productivité.
Dans les années 1990, les rendements étaient assez spectaculaires. Je pense qu’on commence à voir les prémices d’un contexte similaire. Il ne fait aucun doute que la route sera semée d’embûches. Mais dans une période où on constate ce type de gains de productivité, les actions ont tendance à nettement surpasser les rendements historiques.
Pour les investisseurs, le plus grand risque, c’est de ne pas avoir de fonds quand on en a besoin, pas forcément qui sera à la Maison-Blanche dans quelques mois ou la politique. Il faut s’assurer d’avoir ce dont on a besoin quand on en a besoin. Plus vous restez longtemps à l’écart du marché, plus vous risquez de devoir travailler plus longtemps que si vous aviez conservé vos placements. Nous disons donc aux investisseurs de bien réfléchir à ce qu’ils tentent d’accomplir. Et...
Et agir en conséquence.
Il ne faut pas manquer ce marché. [LOGO SONORE] [MUSIQUE ENTRAÎNANTE]